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Cour fédérale

 

Federal Court

 


Date: 20121001

Dossier : IMM-1757-12

Référence : 2012 CF 1135

Ottawa (Ontario), le 1er octobre 2012

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

ENTRE :

 

KISSIMA CHEIKHNA

 

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

            MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire introduite à l'encontre d'une décision de la Section d’appel de l’immigration [« la SAI »] de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, rendue le 31 janvier 2012, en vertu de l’article 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [« LIPR »]. La SAI a rejeté l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre du refus de la demande de résidence permanente de Laalah Yacouba Tandia [« Mme Tandia »], dans la catégorie du regroupement familial au motif que le mariage n’a pas été célébré selon les prescriptions de la loi mauritanienne.

I.          Faits

[2]               Le demandeur est résident permanent au Canada depuis le 20 avril 2005 et il est originaire de la République islamique de Mauritanie, comme Mme Tandia. Le demandeur a rencontré Mme Tandia le 6 décembre 2006 en Mauritanie et il l’aurait demandée en mariage le 25 décembre 2006. Le couple s’est marié par procuration le 17 octobre 2007 à Kaédi, en Mauritanie, alors que M. Cheikhna se trouvait au Canada.

 

[3]               Le demandeur a effectué une demande de parrainage à  l’égard de Mme Tandia. Le 12 mars 2009, un agent d’immigration de l’Ambassade du Canada à Abidjan a informé Mme Tandia par lettre, que sa demande de résidence permanente avait été refusée. Le motif invoqué est que la relation entre M. Cheikhna et Mme Tandia n’est pas authentique et vise l’acquisition d’un statut. Le demandeur a interjeté appel à la SAI.

 

[4]               Au moment de l’audience, le Ministre a présenté une requête pour demander la possibilité d’ajouter un deuxième motif de refus, soit que le mariage n’était pas conforme à la loi mauritanienne. La SAI a procédé à la date prévue, mais a accordé un délai supplémentaire pour donner l’opportunité à l’appelant de compléter sa preuve documentaire. L’appel a été rejeté dans une décision rendue le 31 janvier 2012.

 

II.        Décision révisée

[5]               La SAI a rejeté l’appel du demandeur pour le seul motif que le mariage du couple ne respecte pas les prescriptions de la loi mauritanienne, ce qui est contraire à l’article 2 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [« RIPR »]. Étant arrivé à la conclusion que le mariage n’est pas valide en droit mauritanien, la SAI a jugé inutile de traiter du deuxième motif soulevé par le Ministre, soit l’authenticité de la relation entre les époux.

 

[6]               En premier lieu, la SAI n’était pas satisfaite, selon la preuve soumise, que le mariage par procuration est autorisé en droit mauritanien. La SAI, s’appuyant sur Quao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2000 CarswellNat 1682 au para 31, 2000 CanLII 15954 (CF) [Quao] rappelle que c’est à l’appelant qu’incombe le fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’une telle forme de célébration du mariage est valide, car le droit étranger ne relève pas de la connaissance générale du tribunal.

 

[7]               Deuxièmement, la SAI est arrivée à la conclusion que même si le mariage par procuration était légal, l’appelant ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver que le mariage a bel et bien été célébré de cette manière. L’appelant n’a pas soumis de procuration dans sa preuve. Ni l’extrait du registre des actes de mariage ni le document intitulé « Acte de mariage » ne font la mention de la présence d’un mandataire représentant M. Cheikhna au moment du mariage ou d’une déclaration sous serment d’un tel mandataire. La SAI a rappelé que l’apparence d’authenticité d’un document émis par un État étranger entraîne uniquement une présomption de validité qui peut être repoussée.

 

III.       Soumissions du demandeur

[8]               Le demandeur prétend que la SAI est arrivée à une conclusion déraisonnable en déterminant que le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de preuve et n’a pas démontré que le mariage par procuration est légal en Mauritanie et que le mariage a été célébré selon les prescriptions de la loi mauritanienne.

[9]               Le demandeur soutient que la SAI a commis une erreur en concluant dans un premier temps, que l’acte de mariage ne contient pas tous les éléments exigés par le Code du statut personnel et en concluant dans un deuxième temps, que si manquement il y a, une telle situation rendrait le mariage invalide selon l’article 49 du Code du statut personnel, car l'acte de mariage n'est pas un élément constitutif du mariage.

 

IV.       Soumissions du défendeur

[10]           Le défendeur soutient que la SAI est arrivée à une conclusion raisonnable en déterminant que le demandeur n’a pas démontré que son mariage est valide en vertu du droit mauritanien. La preuve documentaire soumise par le demandeur ne traite pas spécifiquement de la question de la validité du mariage par procuration en droit mauritanien. Le demandeur n’a présenté aucune preuve documentaire ou expertise claire traitant de la légalité du mariage par procuration en droit mauritanien et il n’a pas soumis de procuration.

 

[11]           En plus, la SAI a valablement conclu que le mariage est nul étant donné que l’article 49 du Code du statut personnel stipule que rend nul le mariage l’absence d’un des éléments constitutifs de celui-ci, soit la présence d’un des époux en l’espèce.

 

V.        Question en litige

[12]           La SAI a-t-elle erré en concluant que le mariage par procuration du demandeur ne respecte pas les prescriptions de la loi mauritanienne, ce qui est contraire à l’article 2 du RIPR?

 

 

VI.       Norme de contrôle

[13]           La question doit être analysée selon la norme de la décision raisonnable étant donné que c’est une question mixte de droit et de fait (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux paras 164-166, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).

 

VII.     Analyse

[14]           La décision du tribunal est raisonnable et aucune intervention de cette Cour n’est requise.

 

[15]           Le demandeur avait le fardeau de démontrer à la SAI, selon la prépondérance des probabilités que (1) le mariage par procuration est valide en droit mauritanien (Quao, précité, au para 31); et (2) qu’un mariage par procuration a validement été célébré.

 

[16]           La SAI a validement conclu, à la lumière des articles pertinents du Code du statut personnel et de la preuve documentaire soumise par le demandeur au sujet des lois et coutumes de la Mauritanie, que rien dans la preuve ne donne une indication claire quant à la légalité du mariage par procuration en Mauritanie.

 

[17]           La SAI a de surcroît conclu que la célébration d’un mariage par procuration n’a pas été prouvée dans les faits et que le mariage est donc nul. Elle s’est appuyée sur l’absence de mention de mandataire devant représenter le demandeur dans l’ « Acte de mariage » et l’extrait du registre des actes de mariage. De plus, le demandeur n’a pas soumis de procuration écrite. 

 

[18]           La confusion constatée par la SAI  dans l' « Acte de mariage » quant au rôle de M. Tidiane Mohamed Diagana, lequel figure comme témoin et non comme mandataire au moment du mariage, justifie le fait que la SAI n’ait pas accordé de valeur probante à ce document et qu'elle en ait tiré une conclusion défavorable au demandeur car l’acte n’est pas conforme aux exigences de l’article 76 du Code du statut personnel.

 

[19]           Cette Cour a déjà considéré l'absence de procuration ainsi que la non-conformité de l'acte de mariage comme étant des fondements valides à la conclusion du tribunal de ne pas accorder de valeur probante au certificat de mariage (Ipala c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 472 au para 29, 2005 CarswellNat 898).

 

[20]           Quant à l’argument du demandeur selon lequel l’irrégularité de l’acte de mariage ne devrait pas entraîner la nullité du mariage, les conclusions de la SAI sont plutôt à l’effet que c’est l’absence de preuve de célébration de mariage par procuration qui entraîne la nullité du mariage et non pas la conformité de l’acte de mariage, lequel est un élément de preuve qui a été considéré par la SAI.   

 

[21]           Enfin, contrairement à ce que prétend le demandeur, aucune inscription en faux n'est requise pour attaquer la validité d'un document officiel émanant d'une autorité étrangère, tel un acte de mariage, car comme la SAI le souligne, un tel document ne bénéficie que d'une présomption de validité (Ramalingam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1998 CanLII 7241 (CF) au para 5, 1998 CarswellNat 35).

 

[22]           La conclusion de la SAI selon laquelle le mariage du demandeur est nul en droit mauritanien et donc nul en vertu du droit canadien, fait partie des solutions possibles « au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au para 47). Elle est donc raisonnable.

 

[23]           Les parties, bien qu’invitées à le faire, n’ont pas soumis de questions aux fins de certification.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

 

                                                                                                                « Simon Noël »

                                                                                                ____________________________

                                                                                                                        Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1757-12

 

INTITULÉ :                                      KISSIMA CHEIKHNA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 25 septembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 1er octobre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Salif Sangaré

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Evan Liosis

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Salif Sangaré

Avocat et médiateur

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvin

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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