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Date : 20120531

Dossier : IMM-7565-11

Référence : 2012 CF 671

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 31 mai 2012

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

YU KUN LIN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE MOSLEY

 

[1]               Le demandeur, un citoyen de la Chine, a présenté une demande d’asile fondée sur sa crainte d’être persécuté en raison de sa foi catholique romaine. Il sollicite le contrôle judiciaire de la décision dans laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il n’avait ni la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni celle de personne à protéger.

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

[3]               Le demandeur est de la province du Fujian. Il prétend avoir commencé à assister à des services religieux dans une maison‑église et à distribuer des brochures sur le catholicisme en mai 2008. Un an plus tard, il lui a été dit que des agents du Bureau de la sécurité publique (le BSP) s’étaient rendus chez lui pour le rechercher. On l’a renvoyé de son école en raison de sa participation à des activités religieuses illégales. À l’aide d’un passeur de clandestins, il a fui la Chine en septembre 2009 et est venu au Canada pour en revendiquer la protection. Il a été baptisé ici en avril 2011. Sa demande d’asile a été rejetée le 3 octobre 2011.

 

[4]               La seule question en litige dans la présente affaire est de savoir si la décision de la Commission est raisonnable. La décision reposait sur des conclusions mixtes de fait et de droit et est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, aux paragraphes 51 et 53.

 

[5]               Le demandeur fait valoir que la Commission a commis une erreur dans son examen de la preuve documentaire et il fait remarquer que certains documents au dossier contiennent des déclarations ne concordant pas avec les conclusions de la Commission, notamment une lettre de la China Aid Association ayant trait à la persécution des chrétiens dans ce pays. Cependant, il était à mon avis raisonnable de la part de la Commission de ne pas mentionner cette lettre, car elle avait déjà accepté des éléments de preuve faisant état d’une certaine persécution et elle avait fait référence à d’autres éléments de preuve dans le même sens de la China Aid Association.

 

[6]               Le demandeur s’appuie sur des décisions de la Cour selon lesquelles les catholiques sont exposés au risque d’être persécutés dans la province du Fujian et il cite les décisions Liang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 65, aux paragraphes 2 et 3, et Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 135, aux paragraphes 12 et 13.

 

[7]               Il soutient en outre que la Commission a commis une erreur en ne considérant aucune autre forme de persécution que l’arrestation, notamment les restrictions à la liberté de religion. Il note que la Cour a donné une interprétation large à la liberté religieuse, notamment dans la décision Chen c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 1997 CarswellNat 171, dans laquelle la Cour a conclu à l’existence d’une erreur susceptible de contrôle du fait que la Commission s’était concentrée sur le risque pour le revendicateur particulier d’être choisi aux fins d’arrestation plutôt que d’examiner le « système continu de sanctions en Chine contre ceux qui pratiquent des religions non autorisées ».

 

[8]               Enfin, le demandeur fait valoir que la conclusion de Commission selon laquelle le BSP aurait laissé une assignation s’il avait réellement recherché le demandeur était déraisonnable, car, selon certains rapports dans le cartable de documentation nationale, il n’existe pas de procédures constantes et les procédures de police varient selon les régions.

 

[9]               Comme le défendeur le fait remarquer, la décision Liang, précitée, n’est pas favorable à l’affirmation générale selon laquelle les catholiques dans le Fujian seraient tous exposés à un risque. Chaque demandeur d’asile doit plutôt présenter une preuve crédible suffisante pour établir un risque de persécution : He c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1199, aux paragraphes 15 à 18; et Yu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 310, au paragraphe 22.

 

[10]           La Commission a tiré une inférence défavorable de l’absence d’une assignation, notamment en raison de la déclaration du demandeur selon laquelle le BSP s’était rendu chez lui neuf fois. À la lumière de la preuve sur les méthodes inégales d’exécution du BSP, il se peut que cela ait été déraisonnable (voir Weng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 422, aux paragraphes 16 à 18). Cependant, cette inférence, qui n’était pas décisive, ne suffit pas à rendre déraisonnable la décision dans son ensemble.

 

[11]           La Commission savait que la preuve sur le traitement des catholiques en Chine était partagée. Elle a reconnu que les églises catholiques clandestines faisaient l’objet d’actes de persécution « sporadiques », mais a conclu que le risque variait considérablement selon la province.

 

[12]           En ce qui concerne plus particulièrement la province du Fujian, la Commission a relevé le caractère contradictoire de la preuve relative au traitement des chrétiens dans cette province, mais a préféré la preuve du Conseil chrétien de Hong Kong, car le Conseil donnait des détails tirés de témoignages personnels; le Conseil soulignait que le Fujian était l’une des provinces les plus tolérantes en Chine à l’égard des groupes chrétiens non enregistrés.

 

[13]           La conclusion de la Commission selon laquelle la persécution dans la province du Fujian, dans la mesure où il y en a, vise les évêques et les prêtres plutôt que les membres de la congrégation qui un rôle effacé, comme le demandeur, reposait raisonnablement sur la preuve. La conclusion que la preuve ne démontrait pas que le demandeur était exposé au risque d’être persécuté ou torturé ou à une menace à sa vie et qu’il serait par conséquent libre de pratiquer sa foi dans la congrégation catholique de son choix appartenait aux issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[14]           Le demandeur me demande de certifier la question grave de portée générale suivante :

[traduction] Lorsque des éléments de preuve indiquent que le demandeur ne pourrait pas pratiquer librement sa religion, cette restriction équivaut‑elle à de la persécution?

 

 

[15]           Comme il est dit dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Zazai, 2004 CAF 89, au paragraphe 11, pour déterminer s’il convient de certifier une question, il faut se demander s’il existe une question grave de portée générale qui permettrait de régler un appel.

 

[16]           À mon avis, la jurisprudence a déjà répondu à la question proposée (voir Chen, précitée) et la question ne permettrait pas de régler un appel en l’espèce. Le tribunal a conclu de la preuve que le demandeur serait libre de pratiquer sa foi dans la congrégation catholique de son choix malgré les préoccupations exprimées par le demandeur dans sa preuve.

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question n’est certifiée.

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-7565-11

 

INTITULÉ :                                      YU KUN LIN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 31 MAI 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE MOSLEY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     LE 31 MAI 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jennifer Luu

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Ada Mok

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshay & Lewis

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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