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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20121012

Dossier : IMM-42-12

Référence : 2012 CF 1191

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

ENTRE :

ONODI, PETER ZOLTAN et
VARGA, EMESE

 

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeurs

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision datée du 12 décembre 2011 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (la Commission) a conclu qu’ils n’avaient ni la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Le contexte

 

[2]               Monsieur Onodi (le demandeur) et sa conjointe de fait, Mme Varga (collectivement, les demandeurs), sont citoyens de la Hongrie. Le demandeur est rom et Mme Varga est juive.

 

[3]               Le demandeur a été victime de discrimination et de violence en Hongrie, et cela a commencé par des gestes de harcèlement à l’école secondaire. En 2006, des skinheads ont crié des menaces et lancé une bouteille de bière contre lui. Cette année-là aussi, des extrémistes ont lancé un cocktail Molotov à l’avant de l’immeuble à appartements où il vivait. Il a signalé l’incident à la police, mais celle-ci ne l’a pas cru. En 2010, des membres de la Garde hongroise - une organisation raciste aujourd’hui démantelée - ont crié des menaces contre sa sœur et lui.

 

[4]               La Commission a jugé que la question déterminante était la protection de l’État et elle a conclu que les demandeurs n’avaient pas prouvé de manière claire et convaincante que la Hongrie était incapable d’assurer une protection adéquate. Elle a exprimé l’avis que leurs affirmations concernant l’incapacité de la Hongrie de protéger ses citoyens étaient injustifiées et ne cadraient pas avec la preuve documentaire. Elle a privilégié la preuve documentaire relative à la protection de l’État parce que cette preuve émanait d’un vaste éventail de sources, dont des organismes gouvernementaux et non gouvernementaux.

 

[5]               La Commission a reconnu que les Roms sont victimes d’actes de discrimination et de  crimes à caractère raciste. Il existe aussi des rapports faisant état de gestes de corruption et d’inconduite de la part de la police. Elle a toutefois signalé que les agents de police qui se comportent de cette façon font l’objet de mesures disciplinaires. Elle a également fait état de plusieurs organismes auprès desquels il est possible de se plaindre d’abus de pouvoir policiers, dont la Commission indépendante chargée d’examiner les plaintes contre la police, le Bureau des commissaires parlementaires, l’Autorité pour l’égalité de traitement et l’Association des agents de police roms. Il est possible aussi d’intenter une poursuite contre la police pour inaction ou violation des droits de la personne. Par ailleurs, la Hongrie est membre de l’Union européenne et comptable envers la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance.

 

[6]               Le demandeur a sollicité l’aide de la police à une occasion. Il a décrit un incident dans lequel un cocktail Molotov a été lancé en direction de l’entrée de l’immeuble où il vivait. Il a témoigné que la police l’a chassé du poste de police. La Commission a fait remarquer que le demandeur n’avait pas cherché à obtenir réparation en recourant à l’une quelconque des voies disponibles. Il n’a pas décrit d’autres problèmes qu’il aurait eus avec la police.

 

[7]               Selon la Commission, l’unique tentative faite par le demandeur pour obtenir une protection de l’État ne constitue pas la preuve claire et convaincante requise selon laquelle, selon la prépondérance des probabilités, la protection de l’État en Hongrie est insuffisante.

 

La question en litige

 

[8]               La question qui se pose dans le présent contrôle judiciaire consiste à savoir si la Commission a décidé de manière raisonnable que les demandeurs n’ont pas réfuté la présomption d’une protection de l’État : Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse

 

[9]               Une personne qui demande l’asile doit réfuter la présomption d’une protection de l’État. Le demandeur d’asile a le fardeau d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la protection de l’État est insuffisante : Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94.

 

[10]           Dans le cas d’une démocratie fonctionnant normalement, les demandeurs d’asile ont le lourd fardeau d’établir qu’ils ont épuisé les options qui s’offrent à eux dans leur pays : Hinzman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CAF 171. De façon générale, ils doivent d’abord solliciter la protection du pays dont ils ont la citoyenneté, sauf s’il est raisonnable de s’attendre à ce que cette protection ne soit pas assurée. Comme l’a indiqué la Cour dans la décision Sow c Canada (MCI), 2011 CF 646, la simple existence d’élections libres et justes n’est pas un signe d’existence d’une protection de l’État. La Commission doit de plus tenir compte de la robustesse des institutions qui constituent un État démocratique, dont l’appareil judiciaire, le secteur des avocats de la défense et le professionnalisme du corps de police.

 

[11]           En l’espèce, la Commission a analysé en détail la constitution de la Hongrie, l’appareil judiciaire de ce pays ainsi que les lois qui protègent les droits des minorités. La Hongrie, a-t-elle conclu, est une démocratie qui fonctionne normalement, non seulement parce qu’elle tient des élections, mais aussi parce qu’elle est dotée d’institutions gouvernementales solides.

 

[12]           Les demandeurs soutiennent également que la Commission s’est fondée sur le simple fait que la Hongrie a pris des mesures pour protéger les citoyens roms, mais sans examiner si ces mesures donnaient lieu à une protection adéquate. De plus, selon eux, dans les cas où la Commission se fonde sur des organismes non policiers comme preuve de protection, il faut que ces organismes soient réellement en mesure d’assurer une protection.

 

[13]           Il ne s’agit pas ici d’une affaire telle que Rezmuves c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 334, où la Commission a décrit les mesures de protection institutionnelles qui étaient disponibles pour protéger les Roms, mais a omis d’en examiner l’efficacité. Il ne s’agit pas non plus d’une affaire telle que Bledy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 679, où la Commission a omis de prendre en considération des preuves récentes d’attaques menées contre les minorités ethniques.

 

[14]           La Commission a pris acte de la réputation imparfaite de la Hongrie sur le plan des minorités ethniques, et surtout des citoyens roms. En particulier, elle a fait mention des faibles taux d’instruction, d’emploi et de logement adéquat parmi les Hongrois d’origine rome. Elle a également noté que les Roms sont victimes de discrimination de la part des agents d’exécution de la loi et qu’ils sont la cible de crimes violents en raison de leur origine ethnique.

 

[15]           La Commission a évalué ces éléments par rapport à des preuves montrant que la police avait entrepris de protéger les Roms. Elle a fait remarquer que le Bureau national des enquêtes avait récemment porté des accusations contre quatre individus soupçonnés de meurtres, d’agressions violentes et de menaces à l’endroit de la collectivité rom, et que les tribunaux offraient eux aussi une protection. En 2008, un tribunal de Budapest a ordonné le démantèlement de la Garde hongroise à cause de ses attaques contre la collectivité rome. Cette décision a été confirmée en appel.

 

[16]           Selon les demandeurs, la protection de l’État n’est pas suffisante car le demandeur a récemment été victime d’une agression et les Roms et les Juifs subissent de plus en plus d’agressions violentes. Cependant, aucun pays ne peut offrir à ses citoyens une protection parfaite. Il ne suffit pas qu’un demandeur d’asile montre que les efforts du gouvernement ne sont pas toujours couronnés de succès : Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c Villafranca, [1992] ACF no 1189.

 

[17]           Il est important de rappeler qu’il incombe aux demandeurs de réfuter la présomption d’une protection de l’État. Ce n’est pas à la Commission qu’il appartient d’établir ce fait. Le demandeur a effectivement sollicité la protection de la police à une occasion en 2006, mais la Commission s’attendait raisonnablement à ce qu’il fasse plus que cela dans ce contexte. Sa conclusion selon laquelle la présomption d’une protection de l’État n’a pas été réfutée survit au contrôle judiciaire.


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question à certifier n’a été proposée et il ne s’en pose aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-42-12

 

INTITULÉ :                                      ONODI, PETER ZOLTAN et VARGA, EMESE c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 27 SEPTEMBRE 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 12 OCTOBRE 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maureen Silcoff

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Ildiko Erdei

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Silcoff, Shacter
Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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