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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20121012

Dossier : IMM-8229-11

Référence : 2012 CF 1193

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

JIA XIN YU

XIAO FENG SUN

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision datée du 1er octobre 2011 par laquelle un agent principal (l’agent) a rejeté leur demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (CH), conformément à l’article 25 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). Pour les motifs qui suivent, la demande est rejetée.

 

Les faits

 

[2]               Les demandeurs, tous deux citoyens de la Chine, se sont rencontrés au Canada. Ils ont commencé à cohabiter en 2007 et ont trois enfants nés au Canada. À l’époque où la décision CH a été rendue, les enfants étaient âgés de quatre ans, de deux ans et de dix mois, respectivement. Monsieur Sun a aussi un enfant d’âge adulte qui vit en Chine.

 

[3]               Mme Yu est entrée au Canada en 2003, et M. Sun en 2004. Chacun a demandé l’asile, sans succès toutefois, pour cause de persécution religieuse, Mme Yu en tant que chrétienne et M. Sun en tant qu’adepte du Falun Gong.

 

[4]               M. Sun a aussi été l’objet d’une évaluation des risques avant renvoi (ERAR) défavorable. Il ne s’est pas présenté en vue de son renvoi en 2009, et a été arrêté et mis en liberté peu après.

 

La décision faisant l’objet du présent contrôle

 

[5]               Les demandeurs ont invoqué plusieurs motifs à l’appui d’une décision CH favorable : l’effet de la politique dite de l’enfant unique, l’impossibilité de pratiquer leur religion, l’établissement de la famille au Canada, de même que l’intérêt supérieur de leurs enfants mineurs.

 

[6]               Pour ce qui est du risque, l’agent a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi qu’ils s’exposeraient à un risque de persécution religieuse, et ce, après avoir pris en compte les facteurs suivants :

         Mme Yu a demandé l’asile en invoquant sa foi chrétienne; elle a allégué que le Bureau de la sécurité publique (BSP) avait fait une descente dans son église clandestine; sa demande a été rejetée pour cause d’identité.

         Dans sa demande d’asile, M. Sun a soutenu que le groupe du Falun Gong auquel il appartenait avait été l’objet d’une descente du BSP; sa demande a été rejetée pour cause de crédibilité.

         Au Canada, Mme Yu et M. Sun sont des chrétiens pratiquants.

         La Chine est officiellement athée, mais le protestantisme est l’une des cinq religions reconnues. Les églises non enregistrées sont considérées comme illégales.

 

[7]               Pour ce qui est du risque de stérilisation ou d’avortement obligatoires, l’agent a fait remarquer qu’en Chine les politiques de planification familiale limitent habituellement les familles à un seul enfant, mais que ces dernières peuvent légitimer les naissances additionnelles en acquittant des frais. Dans la province de Guangdong, la sanction pécuniaire a été majorée. Certains hauts responsables locaux ont eu recours à des stérilisations et à des avortements obligatoires en vue d’atteindre les objectifs fixés sur le plan des naissances. Les couples chinois ayant des enfants à l’étranger ne sont pas forcément assujettis à cette politique et, d’après la preuve documentaire, ils peuvent retourner en Chine en compagnie de plus d’un enfant sans s’exposer à de graves problèmes.

 

[8]               En ce qui concerne l’établissement, l’agent a examiné de façon favorable leur emploi, le fait qu’ils étaient propriétaires d’une maison, leur participation à la vie de la collectivité, leurs activités éducatives ainsi que leurs lettres d’appui. Il a toutefois signalé que leur séjour prolongé au Canada était un choix de leur part, et il a conclu que ce facteur n’occasionnerait pas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

[9]               L’agent a également pris en considération l’intérêt supérieur des enfants mineurs des demandeurs. Ces enfants ont la double citoyenneté, et ils sont très jeunes et adaptables. Ils ont été exposés par leurs parents à la culture chinoise et au cantonais. De plus, ils ont en Chine de la famille, ce qui faciliterait leur adaptation. L’agent a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi que le fait de déménager et de se réinstaller en Chine aurait un effet défavorable marqué sur leurs enfants.

 

[10]           L’agent a conclu que les demandeurs étaient en mesure de se réétablir en Chine. Il se pouvait bien que la famille se heurte à des difficultés, mais il ne ressortait pas de la preuve que ces dernières seraient inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

La question en litige

 

[11]           La question à trancher dans le cadre du présent contrôle judiciaire consiste à savoir si l’agent a décidé de manière raisonnable de rejeter la demande CH : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190.

 

Analyse

 

            Le risque lié à la religion

 

[12]           Selon les demandeurs, l’agent a omis de tenir convenablement compte du risque auquel ils pourraient s’exposer en Chine parce qu’ils exercent la foi chrétienne.

 

[13]           L’agent a résumé les observations et les problèmes relatifs à l’exercice de la foi chrétienne et du Falun Gong en Chine. Selon ce sommaire, le protestantisme est une religion reconnue et il existe des églises chrétiennes enregistrées. Les groupes privés d’étude de la Bible et de prière sont autorisés.

 

[14]           L’agent a reconnu qu’il est possible que les églises non enregistrées fassent l’objet d’une descente pour cause de rassemblement illégal. Mais les demandeurs n’appartiennent pas à une église chinoise non enregistrée. Rien ne prouve que la congrégation canadienne à laquelle ils appartiennent soit liée de quelque manière à une église chinoise, et il serait conjectural de présumer que les demandeurs pourraient décider de se joindre à une église non enregistrée, plutôt qu’à une église qui l’est.

 

[15]           Contrairement à l’argument des demandeurs, l’agent a bel et bien tiré une conclusion au sujet de la question de savoir si les demandeurs s’exposaient à un risque du fait de leur religion. Il a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi qu’ils courraient un risque pour un motif quelconque en Chine.

 

            Le risque lié à la taille de la famille

 

[16]           Selon la preuve documentaire, les familles chinoises ayant eu plus d’un enfant à l’extérieur du pays peuvent retourner dans ce dernier sans grands problèmes. L’agent était en droit d’accorder à cette preuve un poids considérable pour conclure que les demandeurs n’avaient pas établi qu’ils s’exposeraient à un risque en Chine.

 

[17]           Les demandeurs soutiennent que l’agent n’a pas traité expressément du risque de stérilisation obligatoire. Cependant, l’agent a effectivement examiné les éléments de preuve concernant cette question et il a signalé qu’il est rare que l’on recoure à des stérilisations obligatoires. Hormis le fait général que cette pratique a parfois encore lieu, la preuve penche en faveur de la tolérance dans le cas des enfants nés à l’étranger.

 

[18]           Enfin, les demandeurs soutiennent qu’un grand nombre des sanctions imposées en cas de manquement à la politique de l’enfant unique sont de nature extrajudiciaire et ne peuvent pas faire l’objet de [traduction] « prévisions sûres ». Certes, mais il ne peut s’agir là d’une raison pour se lancer dans des conjectures. L’agent ne pouvait tenir compte que des éléments de preuve disponibles, et ces derniers l’ont raisonnablement amené à conclure que les demandeurs ne courraient pas de risques.

 

            L’intérêt supérieur des enfants

 

[19]           Les demandeurs sont d’avis que les enfants ne pourront peut-être pas [traduction] « exercer leur nationalité canadienne s’ils se rendent en Chine avec leurs parents ». Ils émettent l’hypothèse que les mesures de contrôle des sorties qu’applique la Chine pourraient les empêcher de revenir un jour au Canada, et que les conséquences sociales et éducatives d’un déménagement en Chine constitueraient des difficultés excessives. Ils soutiennent aussi que l’agent n’a pas tenu compte du fait que les enfants auraient de la difficulté à se réinstaller au Canada.

 

[20]           Ces arguments obligeraient l’agent à se livrer à des conjectures. Rien ne prouve que les enfants seraient un jour personnellement visés par des mesure de contrôle des sorties. Il n’y a de plus aucune preuve quant au moment où ils pourraient vouloir revenir au Canada, si tant est qu’ils veuillent le faire, ou dans quelles circonstances, en présumant qu’ils quittent maintenant le pays en compagnie de leurs parents.

 

[21]           Les demandeurs soutiennent également que la Chine ne reconnaît pas la double citoyenneté. Il se peut que la Chine ne reconnaisse pas que les enfants sont également canadiens, mais les demandeurs n’ont pas établi que les enfants seraient obligés de renoncer à ce statut ou qu’ils seraient par ailleurs négativement touchés par la politique qu’applique la Chine à cet égard.

 

[22]           Contrairement aux arguments des demandeurs, l’agent a examiné en détail et avec soin l’intérêt supérieur de leurs enfants, et les conclusions tirées à cet égard sont raisonnables.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question à certifier n’a été proposée, et il ne s’en pose aucune.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8504-11

 

INTITULÉ :                                      JIA XIN YU et XIAO FENG SUN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 25 SEPTEMBRE 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT :
                            LE JUGE RENNIE

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 12 OCTOBRE 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gregory James

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Lorne McClenaghan

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gregory James
Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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