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Date : 20121015

Dossier : IMM-9100-11

Référence : 2012 CF 1200

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 15 octobre 2012

En présence de Monsieur le juge Scott

 

 

ENTRE :

 

BIZHU LIN

JIAHAO ZHANG (un mineur)

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Introduction

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 30 août 2011 par laquelle la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que Mme Bizhu Lin et son enfant mineur, Jiahao Zhang, (les demandeurs) n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

 

[2]               Pour les motifs exposés ci-dessous, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

II.        Faits

 

[3]               Les demandeurs sont citoyens de la République populaire de Chine. Ils demeuraient dans la province du Fujian.

 

[4]               En juillet 2008, Mme Lin a subi l’ablation de la glande thyroïde, et son petit ami l’a quittée à la même époque. Elle était très bouleversée par sa situation.

 

[5]               Une amie, Jin Hua Chen, a initié Mme Lin à la religion catholique romaine et l’a amenée dans une église clandestine. Mme Lin s’est rendue dans cette église pour la première fois le 26 octobre 2008 et a continué de s’y rendre par la suite, jusqu’à ce que le Bureau de la sécurité publique [BSP] y fasse une descente, le 14 février 2010. Mme Lin a pu s’enfuir chez des parents.

 

[6]               Elle a appris par la suite que le BSP s’était rendu chez elle et qu’elle avait été accusée d’appartenir à une église clandestine illégale. Elle a aussi découvert que deux membres de sa congrégation avaient été arrêtés. Elle et son fils ont quitté la Chine et sont arrivés au Canada le 7 avril 2010.

 

[7]               Mme Lin a appris plus tard que le BSP avait lancé un mandat d’arrestation contre elle. Mme Lin soutient qu’elle est encore recherchée par le BSP. Le BSP n’a laissé aucun mandat d’arrestation aux membres de la famille de Mme Lin.

 

III.       Législation

 

[8]               Les articles 96 et 97 de la LIPR sont rédigés ainsi :

Définition de « réfugié »

 

Convention refugee

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

 A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Personne à protéger

 

Person in need of protection

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

 (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

Personne à protéger

 

Person in need of protection

 

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

IV.       Questions en litige et norme de contrôle

 

A.        Questions en litige

1.      La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’étaient pas crédibles?

2.      La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la demande d’asile présentée sur place par les demandeurs?

 

B.        Norme de contrôle

 

[9]               Une conclusion sur la crédibilité constitue une question de fait susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (voir Lawal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 558, [2010] ACF no 673, au paragraphe 11). L’appréciation de la preuve concernant la demande d’asile présentée sur place par le demandeur est également susceptible de contrôle selon la norme de la raisonnabilité (voir Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 941, au paragraphe 15, et Aleziri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 38, au paragraphe 11). Par conséquent, la Cour doit se prononcer sur « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] ACS no 9, au paragraphe 47 [Dunsmuir]).

 

V.        Observations des parties

 

A.        Observations des demandeurs

 

[10]           Les demandeurs soutiennent que la Commission a commis une erreur en déterminant que le BSP aurait laissé un mandat d’arrestation au frère de Mme Lin lorsqu’il cherchait celle‑ci. Dans leur mémoire des faits et du droit, les demandeurs renvoient aux points 9.1 et 9.3 du Cartable national de documentation de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [CISR], lesquels sont rédigés comme suit :

[E]n pratique, le [traduction] « BSP [Bureau de la sécurité publique] n’a pas encore établi la primauté du droit » [...] Selon le professeur agrégé, l’application de la loi peut varier considérablement en fonction des régions, où les différences constituent parfois des politiques écrites [...] » (Dossier de la demande, affidavit d’Owen Dobson-Smith, pièce B, point 9.1, Réponse à la demande d’information CHN42444.F.)

 

[E]n raison de la [traduction] « grande liberté de décision en matière administrative au pays », il existe un fossé entre la loi et son application [...]

 

[...]

 

[I]l est faux de considérer la police chinoise comme une [traduction] « entité monolithique » ou ses activités comme uniformes, faisant valoir que [traduction] « la politique et les priorités nationales ne sont pas comprises partout de la même façon » [...]

 

[traduction] Dans la pratique courante toutefois, les procédures d’arrestation diffèrent selon l’endroit, car elles doivent respecter les habitudes locales. (Dossier de la demande, affidavit d’Owen Dobson‑Smith, pièce C, point 9.1, Réponse à la demande d’information CHN103401.F.)

 

 

[11]           Les demandeurs affirment que la décision de la Commission ne concorde pas avec sa propre preuve documentaire sur les procédures pénales en Chine. Ils soutiennent que la conclusion de la Commission en ce qui concerne le mandat d’arrestation était fondée sur des conjectures plutôt que sur la preuve qui lui avait été présentée.

 

[12]           Les demandeurs renvoient à la décision Liang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 65, aux paragraphes 11 à 14 [Liang] :

[11]  Selon la prépondérance de la preuve, la Commission a conclu que le BSP ne recherchait pas la demanderesse parce qu’aucun mandat ou aucune sommation n’avait été laissé chez elle.

 

[12]  Compte tenu de la preuve documentaire, le témoignage de la demanderesse selon lequel aucun mandat ou aucune sommation n’a été laissé chez elle est très plausible. Des conclusions défavorables concernant la crédibilité peuvent manquer de raisonnabilité lorsque la preuve documentaire montre clairement que les faits relatés par le demandeur ont pu véritablement arriver.

 

[13]  La preuve documentaire a établi que de laisser une sommation ou un mandat à une personne autre que celle à qui le document est adressé ne fait pas partie de la procédure habituelle. Dans le présent cas, le BSP semble avoir suivi la procédure habituelle.

 

[14]  La preuve documentaire a également montré que les procédures suivies par le BSP varient d’une région à une autre et que dans la plupart des cas, les procédures habituelles ou les règles sont mises de côté au profit des normes régionales. Par conséquent, si la norme de la région où la demanderesse habite veut que le BSP ne laisse aucun mandat ou aucune sommation à une personne autre que celle à qui le document est adressé, cette norme est vraisemblablement suivie, peu importe le nombre de visites des agents du BSP chez la demanderesse ou le nombre de personnes qui auraient pu être arrêtées et condamnées si elles avaient été trouvées dans la maison-église.

 

[13]           Les demandeurs affirment que cet extrait contredit la conclusion de la Commission. La conclusion de la Commission en ce qui a trait au mandat d’arrestation était donc déraisonnable.

 

[14]           Les demandeurs ajoutent que la Commission a commis une erreur dans son appréciation de la preuve documentaire sur la persécution des catholiques romains dans la province du Fujian. Selon le point 12.8 du Cartable national de documentation de la CISR, « le Fujian, tout comme l’Hebei, le Zhejiang et le Liaoning, est l’une des provinces où résident le plus grand nombre de catholiques membres d’une église non agréée, et ceux-ci sont [traduction] “étroitement surveillés” par les autorités locales » (dossier de la demande, affidavit d’Owen Dobson-Smith, pièce D, point 12.8, Réponse à la demande d’information CHN103401.F).

 

[15]           Les demandeurs renvoient encore à Lian, précitée, où la Cour a conclu que « [l]a destruction de maisons-églises au Fujian est en soi la preuve que les autorités chinoises de la province ne permettent pas aux chrétiens de pratiquer leur religion librement. La liberté de religion comprend le droit des personnes d’exercer publiquement leur culte, individuellement ou collectivement, pourvu que la façon choisie pour le faire n’interfère pas avec les droits fondamentaux d’autrui. En détruisant des maisons-églises, le gouvernement chinois porte atteinte à ce droit et inflige une persécution religieuse » (voir Liang, au paragraphe 2).

 

[16]           La Commission a estimé que peu d’éléments de preuve appuyaient la position des demandeurs. Toutefois, de l’avis des demandeurs, la conclusion de la Commission est erronée parce qu’elle est fondée sur des conjectures. « Bien qu’il n’y ait possiblement pas eu de rapport concernant l’arrestation de chrétiens au Fujian [province], des rapports de persécution de maisons-églises existent bel et bien, car la destruction de maisons-églises situées dans cette province a été rapportée. L’Association d’aide à la Chine, considérée par la Commission comme étant une source fiable et réputée, en a elle-même fait état » (voir Liang, au paragraphe 3).

 

[17]           Les demandeurs s’appuient également sur Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 135, et plus particulièrement sur les paragraphes 12 et 13, où la Cour a tiré la conclusion suivante relativement à la persécution des chrétiens dans la province du Fujian :

[12] En ce qui concerne la probabilité que Mme Liu soit persécutée dans la province du Fujian en particulier, la Commission a noté à juste titre que l’attitude des autorités dans cette province semble être plus tolérante envers le christianisme qu’ailleurs en Chine. En outre, les petits groupes de prière ou d’étude de la Bible sont rarement ciblés. Malgré tout, la preuve documentaire citée par la Commission mentionnait également ce qui suit :

 

- les églises non inscrites sont illégales;

 

- les réunions de prière sont habituellement permises, mais, dans certaines régions, même les maisons-églises comptant peu de membres sont interdites;

 

- les fonctionnaires harcèlent parfois les groupes religieux non enregistrés;

 

- bien qu’il n’y ait eu en fait aucune arrestation ou poursuite judiciaire de chrétiens signalée dans la province du Fujian en 2007, les personnes ayant subi de la persécution mentionnent rarement en avoir été victimes.

 

[13] Vu la nature équivoque de la preuve documentaire, il était important que la Commission mentionne et apprécie tant la preuve à l’appui de la demande de Mme Liu que la preuve contradictoire. Compte tenu de l’ensemble des conclusions tirées par la Commission, je dois conclure que sa décision était déraisonnable.

 

[18]           Selon les demandeurs, la Commission n’a pas apprécié tous les éléments de preuve ayant trait au risque de persécution dans la province du Fujian. Ils renvoient au paragraphe 24 de la décision, où la Commission déclare que « [l]’information varie en ce qui a trait au traitement des chrétiens dans la province du Fujian » (voir la décision de la Commission, au paragraphe 24).

 

[19]           Les demandeurs affirment en outre que la Commission a commis une erreur dans son analyse de leur demande présentée sur place. Il n’y a pas d’obligation de bonne foi, et « les revendicateurs opportunistes sont toujours protégés par la Convention s’ils réussissent à établir qu’ils craignent véritablement et avec raison d’être persécutés pour un des motifs prévus par la Convention » (voir Ghasemian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1266, au paragraphe 31).

 

[20]           Pour ces motifs, les demandeurs soutiennent que la décision de la Commission est déraisonnable.

 

B.        Observations du défendeur

 

[21]           Le défendeur souligne que les demandeurs ont fait deux affirmations qui ne sont pas liées à la décision de la Commission. Premièrement, la Commission n’a jamais dit que la bonne foi était essentielle dans la présentation d’une demande d’asile. Deuxièmement, les demandeurs affirment que la Commission a tenu compte seulement de la question de l’arrestation dans son analyse de la persécution dans la province du Fujian. Ces deux affirmations, aux dires du défendeur, ne peuvent constituer le fondement d’une demande de contrôle judiciaire valable.

 

[22]           Le défendeur ajoute que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité sont raisonnables et que les demandeurs ne tiennent pas compte du contexte de la décision de la Commission. La Commission a expressément conclu que la preuve documentaire était partagée relativement à la délivrance des mandats d’arrestation. Elle a apprécié la preuve à la lumière des circonstances des demandeurs. Selon le défendeur, à la suite de cette analyse et d’après la documentation sur le pays, la Commission a raisonnablement conclu que les demandeurs manquaient de crédibilité.

 

[23]           Le défendeur affirme que  « [l]a Commission a basé sa décision sur la preuve documentaire selon laquelle, dans de nombreux cas, des mandats ou des assignations sont décernés. Il incombait à la demanderesse de produire toute preuve permettant d’établir que sa prétention était fondée, et le manque de documents pertinents peut constituer un facteur valable quant à l’appréciation de la crédibilité » (voir He c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 525, au paragraphe 14).

 

[24]           En ce qui concerne la conclusion de la Commission quant à l’arrestation des coreligionnaires de Mme Lin, le défendeur soutient que si ces arrestations avaient donné lieu à des peines d’emprisonnement de plusieurs années, il était raisonnable de s’attendre à ce qu’elles aient été déclarées dans des rapports. Le défendeur s’appuie sur Yu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 310, aux paragraphes 34 et 38 [Yu], où la Cour a statué que lorsque la preuve documentaire au sujet de la persécution religieuse dans une province donnée manquait, la persécution religieuse n’était pas établie.

 

[25]           Étant donné que la preuve ne démontrait pas que Mme Lin serait persécutée si elle fréquentait une église clandestine en Chine, le défendeur affirme que la décision de la Commission était raisonnable et, en définitive, déterminante au regard de la demande de contrôle judiciaire présentée par les demandeurs.

 

[26]           Le défendeur affirme enfin que la Commission a sans aucun doute tenu compte de l’arrestation de membres de l’église au Fujian, particulièrement à la lumière de la demande d’asile des demandeurs. En l’espèce, les demandeurs n’ont pas produit d’éléments de preuve démontrant que les catholiques pratiquant leur religion dans des églises non enregistrées sont persécutés dans la province du Fujian. Selon le défendeur, la Commission a analysé en profondeur la documentation sur le pays et conclu raisonnablement que les demandeurs n’étaient pas crédibles.

 

VI.       Analyse

 

1.      La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que les demandeurs n’étaient pas crédibles?

 

[27]           La Commission n’a commis aucune erreur en concluant que Mme Lin n’était pas crédible.

 

[28]           L’appréciation de la crédibilité repose sur les faits. « Il ressort clairement de la jurisprudence que l’analyse que fait la Commission quant à la crédibilité d’un demandeur d’asile et à la vraisemblance de son récit est intimement liée à son rôle d’arbitre des faits et que, en conséquence, ses conclusions en la matière devraient bénéficier d’une retenue appréciable » (voir Lin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1052, [2008] ACF no 1329, au paragraphe 13).

 

[29]           Les demandeurs affirment que la Commission a commis une erreur en concluant que le BSP aurait laissé un mandat d’arrestation au frère de Mme Lin. Les demandeurs renvoient au point 9.3 du Cartable national de documentation, selon lequel les procédures d’arrestation ne sont pas les mêmes partout en Chine et varient d’une région à l’autre. Ils ont noté que « la preuve documentaire a établi que de laisser une sommation ou un mandat à une personne autre que celle à qui le document est adressé ne fait pas partie de la procédure habituelle » (voir Liang, au paragraphe 13).

 

[30]           Les demandeurs n’ont produit aucun élément de preuve pour démontrer que, dans le contexte de leur demande d’asile, le BSP avait suivi les procédures courantes. C’est ce qui distingue la présente espèce de l’affaire Liang, dans laquelle la Cour a statué comme suit : « si la norme de la région où la demanderesse habite veut que le BSP ne laisse aucun mandat ou aucune sommation à une personne autre que celle à qui le document est adressé, cette norme est vraisemblablement suivie, peu importe le nombre de visites des agents du BSP chez la demanderesse ou le nombre de personnes qui auraient pu être arrêtées et condamnées si elles avaient été trouvées dans la maison-église » (voir Liang, au paragraphe 14). Aucun élément de preuve ne démontre que le BSP ne laisse pas de mandat d’arrestation aux membres de la famille de la personne recherchée dans la province du Fujian. La Commission a raisonnablement conclu que le BSP n’était pas à la recherche des demandeurs en Chine.

 

[31]           La Cour conclut que la Commission a apprécié de manière raisonnable tous les éléments de preuve produits par les demandeurs relativement à la persécution des catholiques dans la province du Fujian. Dans sa décision, la Commission a souligné que « [l]’information varie en ce qui a trait au traitement des chrétiens dans la province du Fujian. [Toutefois,] [d]ans le cas de l’Église catholique, certaines sources d’information relatent en détail des situations très précises survenues dans des régions beaucoup plus éloignées et difficiles d’accès que la province du Fujian. Il y a même de l’information provenant de la province du Fujian qui laisse croire au tribunal que les renseignements sur les persécutions dont ont été victimes des membres de la religion catholique sont consignés, le cas échéant » (voir la décision de la Commission, aux paragraphes 24 et 28). En l’espèce, il était loisible à la Commission de se fonder sur une preuve documentaire particulière (voir Yu, précitée, aux paragraphes 32 et 33). Bien que certains documents soient contradictoires, la Commission a raisonnablement estimé que rien ne démontrait que des persécutions religieuses s’étaient produites dans la province du Fujian. L’évaluation de la Commission sur ce point ne peut être qualifiée de déraisonnable ou de capricieuse, car elle appartient aux issues possibles et acceptables. Aucune preuve documentaire n’étayait les descentes alléguées dans les églises clandestines de la province du Fujian. Par conséquent, la Commission a raisonnablement conclu qu’il n’existait pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés ni qu’ils soient personnellement exposés à un risque de torture, à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités s’ils retournaient dans leur pays d’origine.

 

2.                  La Commission a-t-elle commis une erreur dans son évaluation de la demande d’asile présentée sur place par les demandeurs?

 

[32]           Dans Ejtehadian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 158, au paragraphe 11, le juge Blanchard a déclaré ceci :

[11] [...] Dans le cadre d’une demande d’asile sur place, la preuve crédible des activités d’un demandeur au Canada susceptibles d’attester le risque d’un préjudice dès son retour doit être expressément prise en considération par la CISR, même si la motivation derrière ces activités n’est pas sincère : Mbokoso c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1806 (QL). La décision défavorable de la CISR est fondée sur la conclusion que la conversion du demandeur n’est pas authentique et est « seulement une solution pour demeurer au Canada et demander l’asile ». La CISR a reconnu que le demandeur s’est converti et qu’il a même été ordonné prêtre de la confession mormone. La CISR a aussi accepté la preuve documentaire voulant que les apostats sont persécutés en Iran. En évaluant les risques auxquels le demandeur pourrait faire face à son retour, dans le cadre d’une demande d’asile sur place, il est nécessaire de tenir compte de la preuve crédible de ses activités au Canada, indépendamment des motifs derrière sa conversion. Même si les motifs de conversion du demandeur ne sont pas authentiques, tel que l’a conclu la CISR en l’espèce, l’imputation possible d’apostasie à l’égard du demandeur par les autorités iraniennes peut néanmoins être suffisante pour qu’il réponde aux exigences de la définition de la Convention.

 

[33]           D’après le juge Blanchard, la Commission ne devrait pas prendre en considération l’authenticité de la foi du demandeur, mais plutôt se pencher sur les conséquences des croyances du demandeur acquises au Canada, sur la base de la preuve crédible et de la possibilité de persécution dans son pays d’origine.

 

[34]           Les demandeurs ont présenté des photographies de cérémonies religieuses et une lettre du révérend Peter Chin datée du 1er novembre 2011. Ils ont également produit une preuve documentaire afin de démontrer que les chrétiens sont persécutés en Chine. Toutefois, après avoir examiné soigneusement la preuve produite, la Cour ne voit aucune erreur susceptible de contrôle dans la conclusion de la Commission selon laquelle les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait d’établir qu’il existe une possibilité sérieuse qu’ils soient persécutés ou qu’ils soient personnellement exposés à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités en Chine.

 

VII.     Conclusion

 

[35]           La demande de contrôle judiciaire est rejetée. La conclusion de la Commission est raisonnable, puisqu’elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, au paragraphe 47).


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

 

 

« André F.J. Scott »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                        IMM-9100-11

 

INTITULÉ :                                      BIZHU LIN

JIAHAO ZHANG (un mineur)

                                                            c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 23 juillet 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SCOTT

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 15 octobre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lindsay Weppler

 

Pour les demandeURS

 

Leila Jawando

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Blanshay & Lewis

Toronto (Ontario)

 

Pour les demandEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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