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Date : 20120925

Dossier : IMM-9273-11

Référence : 2012 CF 1120

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 25 septembre 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

ATTILLA BIRO (ALIAS ATTILA BIRO)
et ANDREA HOFFER

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a établi que les demandeurs n’avaient pas la qualité de réfugiés au sens de la Convention ni celle de personnes à protéger. Pour les motifs qui suivent, la présente demande sera accueillie et la décision sera annulée.

 

Le contexte

[2]               Les demandeurs, citoyens de la Hongrie d’origine rom et conjoints de fait, disent avoir été victimes de harcèlement et de discrimination toute leur vie, de même que d’agressions physiques de la part de Hongrois blancs. Ils ont fui leur pays pour le Canada le 6 avril 2010 et ont demandé l’asile le lendemain. Leur demande d’asile a été rejetée le 10 novembre 2011.

 

[3]               À la suite d’un examen exceptionnellement bref, la Commission a conclu que la discrimination que les demandeurs avaient subie n’était pas assimilable à de la persécution, qu’Attilla Biro, le demandeur principal, n’était pas digne de foi et que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption d’une protection de l’État.

 

Les questions en litige

[4]               Les questions soulevées dans la présente demande sont les suivantes :

a)                  La conclusion que la Commission a tirée quant à la crédibilité est-elle déraisonnable?

b)                  La conclusion de la Commission selon laquelle le traitement que les demandeurs ont subi était assimilable à de la discrimination, mais non à de la persécution, est‑elle déraisonnable?

c)                  L’analyse que la Commission a faite et la conclusion qu’elle a tirée au sujet de la protection de l’État sont-elles déraisonnables?

 

Analyse

1.         La crédibilité

[5]               La conclusion que la Commission a tirée quant à la crédibilité est la suivante : « Compte tenu des problèmes qui touchent les questions principales, le tribunal conclut que les demandeurs d’asile manquaient de crédibilité de manière générale. » La Commission n’a pas fondé sa décision sur une conclusion relative à la crédibilité en général. Néanmoins, et bien que je convienne avec le défendeur que la Commission a droit sur une question de cette nature à un degré élevé de déférence, je conclus que sa décision concernant la crédibilité est déraisonnable et a pu avoir entaché une bonne partie de son examen des autres questions en litige.

 

[6]               La Commission a fondé son appréciation de la crédibilité sur la preuve de M. Biro concernant deux incidents survenus le 5 février 2009 et le 21 mars 2009, respectivement.

 

L’incident survenu le 5 février 2009

[7]               Les détails de cet incident n’ont pas été résumés dans la décision, pas plus que le commissaire n’a beaucoup interrogé M. Biro sur le sujet à l’audience. Les détails en question figurent dans le formulaire de renseignements personnels (FRP) :

[traduction]

 

Le jeudi 5 février 2009, vers 18 ou 19 heures, ma conjointe et moi sommes allés faire quelques courses. Pendant que nous les faisions, quatre hommes nous ont agressés. L’un d’eux m’a frappé au visage et l’autre a jeté ma conjointe au sol et lui a ensuite donné des coups de pied dans la partie centrale. Avant de nous frapper, ils nous ont traités de coquerelles tziganes bonnes à rien et ils s’en sont pris à nous, parce que nous voulions les contourner. Après l’agression, ils ont ri et se sont moqués de nous; finalement, ils nous ont dit de foutre le camp.

 

 

[8]               À l’audience, le commissaire a demandé à M. Biro s’il avait été satisfait de la réaction obtenue, et l’échange qui a suivi a servi de fondement à la conclusion relative à la crédibilité.

[traduction]


Le commissaire : Avez-vous été satisfait de la réaction de la police?

 

Le demandeur d’asile : Non.

 

Le commissaire : Vous êtes-vous adressé à une autre autorité?

 

Le demandeur d’asile : Non.

 

Le commissaire : Pourquoi pas?

 

Le demandeur d’asile : J’ai peur de la police.

 

Le commissaire : Mais vous vous êtes adressé à elle pour porter plainte et, ensuite, vous avez été insatisfait de sa réaction.

 

Le demandeur d’asile : Non, je n’en étais pas satisfait.

 

Le commissaire : Mais vous me dites maintenant que vous avez peur de la police, mais que vous êtes allé la voir pour faire un signalement.

 

Le demandeur d’asile : Oui. C’est la seule autorité qui peut nous protéger. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes adressés à elle. Il n’y a pas d’autre endroit où aller. C’est elle qui est censée nous protéger.

 

[9]               Sur la foi de cet échange, le commissaire a conclu que la réponse de M. Biro à la question de savoir pourquoi il s’était adressé à la police alors qu’il avait peur d’elle était « déraisonnable ». Le commissaire écrit :

Le tribunal juge cette explication déraisonnable; par exemple, le tribunal remarque que, après avoir été incapable d’indiquer pourquoi il s’était adressé aux policiers s’il avait peur d’eux, le demandeur d’asile a décidé de passer outre à cette question et de revenir à la précédente – celle de savoir s’il s’était adressé à d’autres autorités– et il a tenté de répondre de nouveau à cette question. En d’autres termes, quand il s’est rendu compte que sa réponse n’était pas logique, il a donné une réponse différente de celle qu’il avait donnée initialement. Le tribunal estime donc que son manque de franchise mine sa crédibilité. Par conséquent, le tribunal conclut également que, selon la prépondérance des probabilités, il ne s’est pas fait attaquer le 5 février 2009, et que les policiers n’ont donc pas dit aux demandeurs d’asile de revenir quand ils saigneraient.

 

[10]           Ceci étant dit avec égards, selon mon interprétation du dossier, le commissaire se trompe quand il dit que M. Biro a tenté de répondre de nouveau à la question précédente – à savoir s’il s’était adressé à une autre autorité. M. Biro répondait à la question qu’on lui posait : pourquoi aller voir la police si vous avez peur d’elle? Sa réponse, à savoir qu’il n’y avait personne d’autre que la police à qui l’on pouvait s’adresser est, selon moi, tout à fait acceptable et raisonnable. De plus, le présumé conflit entre les deux énoncés – avoir peur de la police et s’adresser à elle – n’en est un que si la crainte éprouvée est une crainte de préjudice personnel. À titre d’exemple : on peut avoir peur des chauves-souris, mais quand même s’en occuper personnellement quand on essaie de les chasser de sa maison. Par contre, si ce dont on a peur est que les chauves-souris mordent et donnent la rage, il y a conflit si l’on dit que, malgré cette peur, on s’occupe personnellement des chauves-souris plutôt que de faire appel à un exterminateur. Dans la présente affaire, le commissaire n’a jamais demandé pourquoi le demandeur avait peur de la police et, de ce fait, sa conclusion selon laquelle il était déraisonnable de sa part de solliciter sa protection est une simple hypothèse, une hypothèse injustifiée qui l’a amené à tort à tirer sa conclusion quant à la crédibilité.

 

L’incident survenu le 21 mars 2010

[11]           Le second incident est lié au signalement fait à la police le 21 mars 2010. Là encore, la description de l’incident est extraite du FRP de M. Biro :

[traduction]

 

Le dernier incident qui nous a poussés à quitter la Hongrie est survenu le dimanche 21 mars 2010. Vers 21 heures, j’ai été une fois de plus agressé et battu dans la rue. Un parent de ma conjointe, Jozsef Varga, m’accompagnait à pied jusqu’à l’arrêt d’autobus quand trois hommes marchant derrière nous ont dépassés. L’un d’eux nous a traités de tziganes, l’autre a donné un coup de pied à Jozsef. Le troisième m’a ensuite poussé par terre et m’a donné plusieurs coups de pied. Nous craignions pour nos vies, car l’un d’eux a hurlé que nous allions mourir sur place. Nous avons réussi à nous enfuir en courant, tout en criant à l’aide.

 

Nous avons signalé l’incident à la police. On nous a dit qu’il n’y aurait pas d’enquête. Cependant, les agents, qui, au début, ne voulaient même pas prendre notre déposition, nous ont d’abord sermonnés. Ce n’est qu’après que je me suis mis en colère qu’ils ont décidé de prendre notre déposition. Mais, par la suite, nous n’avons eu aucune nouvelle de la police.

 

[12]           La Commission justifie en ces termes sa conclusion défavorable quant à la crédibilité :

Le demandeur d’asile s’est fait demander s’il avait fourni des descriptions à la police, et il a répondu qu’il avait vu l’un des agresseurs et en avait donné une description. Le tribunal rejette son allégation selon laquelle il a donné une description à la police et estime qu’elle mine sa crédibilité. En effet, comme il a déclaré que sa conjointe et lui s’étaient fait attaquer par trois individus, il s’est fait demander s’il avait donné une description des autres, et il a répondu que l’agression avait eu lieu dans un endroit sombre et s’était déroulée très rapidement. [...] Le tribunal conclut donc que, selon la prépondérance des probabilités, il n’a pu fournir de description pour aucun des agresseurs si l’incident a eu lieu dans un endroit sombre et s’est passé très rapidement. [Non souligné dans l’original.]

 

[13]           On pourrait croire, à la lecture de ce passage, que la description que M. Biro a faite à la police était plutôt détaillée, car celle-ci serait certes douteuse, vu qu’il faisait sombre et que l’incident s’était passé très rapidement. Cependant, le témoignage de M. Biro est plutôt différent :

[traduction]

 

Nous avons vu un individu qui mesurait 180 cm, il était chauve et portait des blue-jeans. [...] J’ignore son nom, mais je sais qu’il mesurait environ 180 cm. Ils nous ont demandé de dire ce que nous nous rappelions. C’est de cela que nous nous souvenions.

 

[14]           Je suis d’accord avec les demandeurs, qui font valoir que le commissaire a examiné la preuve à la loupe en vue d’étayer sa conclusion relative à la crédibilité. Il était déraisonnable de fonder sur cette maigre preuve une conclusion défavorable quant à la crédibilité.

 

[15]           Enfin, elle n’y fait pas expressément référence en tant que conclusion relative à la crédibilité, mais la Commission sous-entend dans la phrase suivante qu’elle n’ajoute pas foi à la prétention du demandeur selon laquelle il craignait la police : « Le demandeur d’asile a déclaré qu’il avait peur de la police [...] même si aucun élément de preuve convaincant ne démontrait qu’il avait des motifs valables de craindre la police [...] »

 

[16]           Il y avait dans le dossier une preuve qui confirme qu’un Rom a de bonnes raisons de craindre la police en Hongrie, comme en font foi les conclusions de fait que le commissaire a tirées dans sa décision, y compris le passage suivant : « la prépondérance de la preuve objective concernant les conditions actuelles dans le pays laisse entendre que l’État offre une protection adéquate, bien qu’elle ne soit pas parfaite, aux Roms qui sont victimes de crimes, de violence policière [et] de discrimination ou de persécution en Hongrie ». [Non souligné dans l’original.] À mon avis, le constat que fait le commissaire quant à l’existence d’actes de violence policière ne concorde pas avec sa conclusion antérieure selon laquelle M. Biro n’avait pas « des motifs valables de craindre la police ».

 

2.         La discrimination par opposition à la persécution

[17]           Le commissaire a conclu que les incidents dont les demandeurs avaient été victimes étaient assimilables à de la discrimination, mais non à de la persécution. Ces derniers soutiennent que la violence criminelle est un acte de persécution. Leur argument, qui figure dans leur exposé des arguments, est le suivant : [traduction] « L’idée selon laquelle les actes de violence criminelle peuvent être n’importe quoi sauf de la persécution, par opposition à de la “discrimination” (qui comporte le fait d’être privé de biens et de services sur un pied d’égalité avec d’autres citoyens) va à l’encontre de la définition même et exclurait de celle-ci le mot “persécution” lui-même. » [Souligné dans l’original.]

 

[18]           La Cour a examiné des décisions de la Commission qui mettaient en cause des agressions criminelles et dans lesquelles il a été conclu que ces agressions n’étaient pas assimilables à de la persécution, et elle a jugé qu’elles étaient raisonnables : par exemple, Ozvald c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1250, Horvath c Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1350, Orban c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 559, Balla c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1436, et Zsuzsanna c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1206.

 

[19]           J’admets que des actes criminels peuvent être assimilables à de la persécution, mais pas que n’importe quel acte criminel y est assimilable, car la persécution exige une preuve que la conduite en question est soutenue ou systémique. Pour constituer de la persécution, les actes criminels, la conduite discriminatoire ou le harcèlement doivent être [traduction] « à ce point constants et incessants que les victimes se sentent privées de tout espoir de recours, sauf la fuite » : Gladys Maribel Hernandez, décision de la Commission d’appel de l’immigration, M81‑1212, 6 janvier 1983.

 

3.         La protection de l’État

[20]           Au début de son analyse relative à la protection de l’État, le commissaire indique que « [l’]une des normes d’évaluation acceptées consiste à établir si l’État fait de “sérieux efforts” pour protéger ses citoyens » et il cite en guise d’appui la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Villafranca, [1992] ACF no 1189 (CAF). Comme le dit le commissaire, il ne s’agit pas là du critère à appliquer pour déterminer s’il existe une protection de l’État ou non.

 

[21]           Dans l’arrêt Villafranca, le juge Hugessen déclare :

Par contre, lorsqu’un État a le contrôle efficient de son territoire, qu’il possède des autorités militaires et civiles et une force policière établies, et qu’il fait de sérieux efforts pour protéger ses citoyens contre les activités terroristes, le seul fait qu’il n’y réussit pas toujours ne suffit pas à justifier la prétention que les victimes du terrorisme ne peuvent pas se réclamer de sa protection.

[Non souligné dans l’original.]

 

[22]           Ce qui ressort clairement de cette décision-là, et le commissaire en fait abstraction dans l’énoncé cité plus tôt, c’est que ce ne sont pas seulement les efforts de protection qui comptent, mais aussi le succès avec lequel ces efforts sont faits. Toutefois, malgré cette erreur, je suis persuadé que le commissaire a appliqué le bon critère. Il a conclu que « les policiers et les autorités gouvernementales ont la volonté et la capacité de protéger les victimes ». [Non souligné dans l’original.]

 

[23]           Quoi qu’il en soit, je suis d’accord avec les demandeurs que l’analyse que le commissaire a faite à propos de la protection de l’État est déraisonnable, car il ne traite pas d’éléments de preuve importants qui dénotent le contraire.

 

[24]           Les demandeurs ont signalé et invoqué un rapport d’Amnesty International intitulé Violent Attacks Against Roma in Hungary: Time to Investigate Racial Motivation. On y résume ainsi les conclusions qui ont été tirées :

[traduction]

 

Les agressions violentes contre les Roms qui, estime-t-on généralement, sont à caractère raciste, s’intensifient et les autorités n’ont pas mené sur elles d’enquêtes appropriées.

 

En Hongrie, au cours de la période de dix-huit mois s’étendant entre janvier 2008 et août 2009, six hommes, femmes et enfants roms ont perdu la vie dans une série d’agressions semblables commises dans des endroits différents du pays. Quatre hommes ont été arrêtés peu après le dernier assassinat. Cependant, au cours de cette même période, des ONG locales ont enregistré plus d’une quarantaine d’agressions distinctes visant des membres de la collectivité rom vivant en Hongrie.

 

Parallèlement, depuis 2006, on accepte de plus en plus des attitudes discriminatoires à l’endroit des Roms dans les débats publics. Des termes injurieux, employés au début par des groupes politiques d’extrême droite, sont aujourd’hui admis dans les médias traditionnels.

 

Le rapport présente des comptes rendus de première main de la part de personnes qui ont été victimes de ces agressions violentes, lesquelles, d’après de nombreux membres de la collectivité, sont motivées par des préjugés raciaux. On y souligne les lacunes des autorités hongroises sur le plan des enquêtes menées et des poursuites intentées à la suite d’agressions visant des Roms et on exhorte ces autorités à veiller à ce que les membres de la collectivité rom, de même que ceux d’autres groupes, soient protégés contre la violence. On y recommande aussi que les autorités améliorent les enquêtes menées et les signalements faits au sujet des actes criminels à caractère raciste qui sont commis et qu’elles s’assurent que les victimes bénéficient d’un soutien approprié.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[25]           Il appartient à la Commission de déterminer si ce rapport suffit pour conclure que la protection de l’État est inadéquate; mais il s’agit certes d’un élément de preuve solide que l’on peut qualifier de contraire à la conclusion de la Commission, et il aurait fallu que le commissaire en traite.

 

[26]           Je conclus en outre que le commissaire a rejeté déraisonnablement la préoccupation des demandeurs à l’égard du fait que la police n’avait pas agi au moment où les agressions avaient été signalées. Comme il l’écrit : « il n’était pas raisonnable pour les demandeurs d’asile de s’attendre à ce que la police recherche et arrête les agents de persécution si les demandeurs d’asile ne les avaient pas identifiés ou n’avaient fourni aucune piste à la police ». Outre le fait d’avoir bel et bien fourni les informations qu’ils avaient sur l’un des agresseurs, les demandeurs ont également fait part d’informations sur l’endroit et le moment où l’agression avait eu lieu. La preuve montrait que la police n’avait rien fait du tout. Quand M. Biro avait téléphoné deux semaines plus tard pour voir ce qui se passait, la police lui avait dit qu’elle était sur le point de commencer une enquête.

 

[27]           Les demandeurs ont laissé entendre, avec beaucoup d’insistance, que, si la police canadienne réagissait de cette façon, nos citoyens seraient scandalisés. La réponse du commissaire a été la suivante : « il serait déraisonnable, dans n’importe quelle société, de s’attendre à ce que tous les signalements d’actes de violence à la police donnent lieu sur-le-champ à des poursuites ou à une déclaration de culpabilité ». Je suis d’accord, mais nous ne parlons pas d’une poursuite ou d’une déclaration de culpabilité; nous parlons d’une enquête. Je ne suis pas d’accord pour dire qu’il est déraisonnable de s’attendre à ce que la police, à tout le moins, prenne la plainte au sérieux et cherche dans les environs d’éventuels témoins de l’agression avant qu’il s’écoule deux semaines et que les souvenirs s’estompent.

 

[28]           Je trouve injuste dans les circonstances particulières de l’espèce que le commissaire dise : « rien n’indique que la police n’a pas déployé des efforts sérieux et véritables pour enquêter sur les allégations du demandeur d’asile en vue d’appréhender l’auteur du crime commis contre lui », alors qu’il ressort de la preuve que la police n’a rien fait du tout. Je trouve également injuste que le commissaire sermonne M. Biro pour avoir dit qu’il n’avait pas attendu que l’enquête de la police soit terminée avant de quitter le pays, alors qu’il existait une preuve qu’aucune enquête n’avait été entreprise et que l’on pouvait raisonnablement considérer que ce qu’elle avait déclaré deux semaines plus tard - qu’elle était sur le point de commencer une enquête – n’était pas sincère, vu la preuve figurant dans le dossier à propos du nombre d’agressions commises contre les Roms sur lesquelles aucune enquête n’est menée.

 

[29]           Pour ces motifs, la Cour conclut que la décision est déraisonnable et elle l’annulera.

 

[30]           Les demandeurs ont proposé deux questions à certifier :

[traduction]

1.                  Les actes de violence criminels, dirigés contre une ou plusieurs personnes et fondés sur la race ou l’origine ethnique, constituent-ils toujours de la « persécution » et font-ils l’objet d’une analyse relative à la protection de l’État?

2.                  Ou, autrement dit, les actes de violence criminels fondés sur la race ou l’origine ethnique peuvent-ils constituer une simple « discrimination »?

 

[31]           Il a été allégué qu’il y avait lieu de certifier ces questions si la Cour venait à trancher la demande en se fondant sur le fait que la Commission avait considéré que les actes de violence criminels subis par les demandeurs, parce qu’ils sont roms, étaient assimilables à de la discrimination plutôt qu’à de la persécution. La demande n’a pas été tranchée sur ce fondement et, de ce fait, les questions posées ne peuvent pas être certifiées à proprement parler dans le cadre de la présente demande.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est accueillie, que les demandes d’asile des demandeurs sont renvoyées pour qu’un tribunal différemment constitué statue sur celles‑ci et qu’aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Christian Laroche, LL.B.

Juriste-traducteur et traducteur-conseil



COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9273-11

 

STYLE OF CAUSE :                       ATTILLA BIRO (ALIAS ATTILA BIRO) ET AL c 
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 21 JUIN 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 25 SEPTEMBRE 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rocco Galati

 

POUR LES DEMANDEURS

Ildiko Erdei

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ROCCO GALATI LAW FIRM

PROFESSIONAL CORPORATION

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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