Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20121017

Dossier : T‑1623‑09

Référence : 2012 CF 1207

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2012

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

JEAN BREAU

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

défendeur

 

ET ENTRE :

 

 

 

 

Dossier : T‑1625‑09

 

 

JOHN STEPHAN, SANDRA DELAHAYE, KENNETH MCGOWAN, WILLIAM HAVER, SCOTT COVERT, DAVID PRENTICE, ANDREW LLOYD, ANDREPA HOLDINGS LTD., CANAVISTA FINANCIAL CENTER INC., et WINBIG SPORTS INC.

 

 

 

demandeurs

 

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Faits et procédure

 

[1]               Les demandeurs sollicitent l’annulation de plusieurs demandes péremptoires [DP] délivrées par le ministre du Revenu national en 2009. Les DP exigent des demandeurs qu’ils fournissent des renseignements au sujet de leurs antécédents financiers et fiscaux. Les demandeurs soutiennent que les DP sont irrégulières parce qu’elles ont été délivrées dans le but d’obtenir des renseignements pour les besoins d’une enquête criminelle les concernant. Ils soutiennent que les DP portent par conséquent atteinte à leur droit de garder le silence qu’ils tirent de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés.

 

[2]               Les demandeurs auraient participé à un plan fiscal géré par l’Independent Business Consultants Association [IBCA], grâce auquel des pertes d’entreprise pouvaient être vendues à d’autres contribuables. Les investisseurs versaient un dollar pour chaque tranche de quatre ou cinq dollars de pertes d’entreprise. Ils déduisaient ces pertes dans leur déclaration de revenus et grâce à elles ils compensaient le revenu provenant d’autres sources et réduisaient leur obligation fiscale globale.

 

[3]               Le demandeur principal, M. Jean Breau, et d’autres, disaient aux investisseurs que l’IBCA fournissait des conseils de gestion à des sociétés en difficulté. Ces sociétés devenaient ensuite des associées de l’IBCA et transféraient leurs pertes qui étaient ensuite vendues sous forme de parts aux acheteurs. Les conseils de gestion étaient fournis par une société appelée Synergy Group (2000) Inc [Synergy], dont M. Breau était le dirigeant, l’administrateur et le mandataire. Les autres demandeurs sont M. Scott Covert, un consultant qui fournissait des conseils à Synergy, et un certain nombre de personnes physiques et morales qui vendaient des parts sociales de l’IBCA (M. David Prentice, M. William Haver, M. John Stephan, M. Andrew Lloyd, M. Kenneth McGowan et Mme Sandra Delahaye; Winbig Sports Inc, Andrepa Holdings Ltd et Canavista Financial Centre Inc). Certains de ces mandataires avaient également acheté des parts.

 

[4]               L’Agence du revenu du Canada [ARC] a procédé à l’examen de ce système de trois façons. Premièrement, à partir de 2005, des acheteurs de parts ont fait l’objet de vérifications.

 

[5]               Deuxièmement, certains des promoteurs du plan ont fait l’objet d’une enquête criminelle. Le Programme d’enquêtes criminelles [PEC] de l’ARC a fait enquête sur les années d’imposition 2004 et 2005, et par la suite sur l’année d’imposition 2006. En 2008, un enquêteur, M. Andrew Suga, a déposé une dénonciation en vue d’obtenir des ordonnances de communication de documents visant plusieurs banques. La dénonciation mentionnait M. Breau en qualité de promoteur du plan fiscal, et M.M. Covert et Lloyd à titre de personnes ayant reçu des commissions sur les ventes. Par la suite, en 2010, M. Suga a obtenu un mandat de perquisition l’autorisant à saisir des documents dans le cadre de l’enquête criminelle.

 

[6]               Troisièmement, l’ARC a effectué des vérifications civiles à l’égard des demandeurs pour les années d’imposition 2004 à 2007 et leur a demandé de fournir les renseignements et documents pertinents. Aucun des demandeurs n’a toutefois donné suite à cette demande. C’est la raison pour laquelle ils ont reçu les DP mentionnées ci‑dessus, auxquelles ils n’ont pas non plus donné suite. Ils ont plutôt décidé d’engager la présente procédure pour cette instance pour faire annuler les DP, soutenant que celles-ci avaient été effectuées pour les besoins d’une enquête criminelle et qu’elles n’étaient donc pas valides.

 

[7]               À mon avis, les DP ont été régulièrement délivrées aux demandeurs à des fins civiles principalement – à savoir en ce qui concerne les vérifications portant sur les années d’imposition 2004 à 2007. Ces demandes n’ont pas été faites dans le but principal d’appuyer l’enquête criminelle qui se déroulait parallèlement. Les DP n’ont donc pas porté atteinte au droit de garder le silence que garantit la Charte. Par conséquent, la Cour doit rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

II.        Le cadre juridique

 

[8]               Le ministre a le pouvoir d’obliger un contribuable à fournir des renseignements pour l’application ou l’exécution de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e supp) [la Loi] (par. 231.2(1); toutes les dispositions dont il est fait mention dans les présents motifs sont reproduites en annexe). Le ministre peut également obtenir auprès d’un juge un mandat de perquisition s’il établit qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis une infraction aux termes de la Loi, qu’un document ou une autre chose peut servir à établir la perpétration de cette infraction et que le lieu mentionné dans le mandat est celui où se trouvent probablement les éléments de preuve en question (par. 231.3(3)). En outre, un juge peut ordonner à une personne (autre que la personne faisant l’objet de l’enquête) de communiquer ou de préparer un document se rapportant à une infraction à une loi fédérale (art. 487.012, Code criminel, LRC 1985, ch. C‑46).

 

[9]               À première vue, le paragraphe 231.2(1) fait référence à « l’exécution » de la Loi et semble ainsi autoriser l’utilisation de pouvoirs civils dans le cadre d’une poursuite ou d’une enquête criminelle. Cependant, en droit criminel, les personnes soupçonnées d’avoir commis un crime ont le droit de garder le silence et celui de ne pas s’incriminer. Ces droits sont protégés par la Charte au titre du droit à la liberté et des principes de justice fondamentale (article 7). On ne peut les écarter en exerçant des pouvoirs de nature civile pour réaliser un objectif pénal.

 

[10]           La Cour suprême du Canada a expressément reconnu que l’article 7 de la Charte protégeait les contribuables contre le recours aux DP dans le cadre d’une enquête criminelle (R c Jarvis, 2002 CSC 73). « [L]orsqu’un examen dans un cas particulier a pour objet prédominant d’établir la responsabilité pénale du contribuable », le ministre ne peut, malgré la large portée des termes utilisés, utiliser le pouvoir de demande péremptoire prévu à l’article 231.2(1) (au paragraphe 88). Lorsque la Cour est amenée dans une affaire à décider si le motif prépondérant de la présentation d’une DP était d’établir la responsabilité pénale du contribuable, elle doit alors examiner « l’ensemble des circonstances et déterminer si l’examen ou la question en cause crée une relation de nature contradictoire entre l’État et le particulier » (au paragraphe 93). Les facteurs pertinents comprennent ceux qui suivent :

 

1.          Les autorités avaient‑elles des motifs raisonnables de porter des accusations? Semble‑t‑il, au vu du dossier, que l’on aurait pu prendre la décision de procéder à une enquête criminelle?

 

2.          L’ensemble de la conduite des autorités donnait‑elle à croire que celles‑ci procédaient à une enquête criminelle?

 

3.          Le vérificateur avait‑il transféré son dossier et ses documents aux enquêteurs?

 

4.          La conduite du vérificateur donnait‑elle à croire qu’il agissait en fait comme un mandataire des enquêteurs?

 

5.          Semble‑t‑il que les enquêteurs aient eu l’intention d’utiliser le vérificateur comme leur mandataire pour recueillir des éléments de preuve?

 

6.          La preuve recherchée est‑elle pertinente quant à la responsabilité générale du contribuable ou, au contraire, uniquement quant à sa responsabilité pénale, comme dans le cas de la preuve de la mens rea?

 

7.          Existe‑t‑il d’autres circonstances ou facteurs susceptibles d’amener le juge de première instance à conclure que la vérification de la conformité à la loi était en réalité devenue une enquête criminelle? [paragraphe 94]

 

[11]           Les DP peuvent être contestées dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire au motif qu’elles ont été faites de façon irrégulière à des fins pénales (Kligman c Canada (Ministre du Revenu national), 2004 C.A.F. 152; Stanfield c Ministre du Revenu national, 2005 DTC 5454).

 

[12]           La question essentielle qui m’est soumise est donc celle de savoir si l’objet déterminant des DP dans la présente affaire consistait à obliger les demandeurs à fournir des renseignements pour les besoins d’une enquête ou d’une poursuite criminelle les concernant. Si c’est le cas, les DP sont invalides. Si ce n’est pas le cas, les demandeurs doivent les respecter.

 

[13]           Pour décider si l’objet déterminant des DP était d’obtenir des renseignements dans le cadre d’une enquête criminelle, je dois examiner l’ensemble des circonstances et prendre en compte les facteurs exposés ci‑dessus. Je vais commencer par examiner les DP.

 

III.       Les demandes péremptoires [DP]

 

[14]           Les DP ont été signées par M. Jack Meggetto, directeur adjoint de la Division de l’exécution du Bureau des services fiscaux de Toronto Nord, le 4 août 2009. Chaque DP mentionnait que les renseignements étaient demandés aux termes du paragraphe 231.2(1) pour l’application et l’exécution de la Loi et exigeait que les renseignements demandés soient remis dans les 60 jours.

 

[15]           Les DP visaient à obtenir des renseignements financiers pour la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2007, notamment ce qui suit :

 

  • Tous les documents justifiant les revenus et les dépenses d’entreprise;

 

  • Les relevés bancaires personnels;

 

  • Tous les documents et renseignements en possession ou sous le contrôle des demandeurs concernant l’IBCA et d’autres entités, notamment Synergy Group (2000) Inc;

 

  • Les opinions et conseils juridiques, la recherche, la correspondance, le matériel promotionnel, les brochures et les documents reliés au plan fiscal et à la vente des parts;

 

  • Une description de la formation et de l’expérience des demandeurs dans le domaine fiscal;

 

  • Le procès‑verbal des réunions au cours desquelles il a été question du plan fiscal.

 

[16]           Les DP demandaient également aux demandeurs de répondre à un certain nombre de questions, notamment à celles qui suivent :

 

  • Comment avez‑vous eu connaissance de la stratégie fiscale de l’IBCA?

 

  • Veuillez expliquer comment vous concevez la façon dont la stratégie fiscale de l’IBCA fonctionne.

 

  • Quel genre de revenus d’entreprise avez‑vous? Comment gagnez‑vous votre revenu?

 

  • Quels sont les ententes et les contrats que vous avez conclus?

 

  • Quels sont les produits dont vous faites la promotion?

 

  • Quelles sont vos compétences et votre formation?

 

  • Quelles mesures de diligence raisonnable avez‑vous prises pour vérifier la validité des produits?

 

  • Quels sont, le cas échéant, vos rapports avec Synergy Group (2000) Inc et l’IBCA?

 

  • Quels types de ventes taxables effectuez‑ vous aux fins de la TPS?

 

  • Avez‑vous des employés, des mandataires ou des sous‑traitants? Quelles sont leurs attributions?

 

  • Comment est fixée la rémunération des employés, des mandataires ou des sous‑traitants?

 

  • Remboursez‑vous tout ou partie des dépenses de vos employés et sous‑traitants? Veuillez expliquer votre réponse.

 

[17]           Les DP précisaient que les demandeurs devaient fournir les documents originaux ou des copies certifiées conformes et que, s’ils ne respectaient pas le délai de 60 jours, ils risqueraient de faire l’objet de poursuites.

 

IV.       L’objet prédominant des DP était‑il relié à une enquête criminelle?

 

[18]           Les demandeurs soutiennent que l’objet prédominant des DP était la tenue d’une enquête criminelle. Ils affirment que le Programme d’enquêtes criminelles [PEC] a renvoyé leurs dossiers aux vérificateurs civils dans le but d’obtenir des éléments de preuve pouvant être utilisés dans des poursuites criminelles éventuelles.

 

[19]           Les demandeurs affirment également que les circonstances ayant entouré la délivrance des DP permettent de conclure qu’elles avaient pour objet déterminant d’établir leur responsabilité pénale et non pas d’effectuer une vérification civile. Ils fondent leur thèse sur les faits suivants :

 

•       En juillet 2006, les vérificateurs ont transféré le dossier relatif à la vérification concernant les années d’imposition 2004‑2005 à la Division de l’exécution pour que soit menée une enquête criminelle. Par conséquent, lorsque les DP ont été délivrées en 2009, une enquête criminelle était déjà en cours. En fait, il n’est pas contesté que M. Jean Breau faisait l’objet d’une enquête criminelle au moment où les DP ont été délivrées. Pour ce qui est des autres demandeurs, les dénonciations déposées par M. Suga en 2008 et 2010 mentionnent que les « promoteurs » du plan fiscal faisaient l’objet d’une enquête criminelle et dans les profils de cas de l’ARC, tous les demandeurs étaient qualifiés de « promoteurs ». En outre, M. Breau et deux autres demandeurs étaient nommément mentionnés dans les dénonciations de 2008 et 2010 déposées par M. Suga.

 

•       Les DP ne faisaient pas mention de l’enquête criminelle en cours, n’informaient pas les demandeurs du fait qu’ils faisaient l’objet d’une enquête criminelle, ni de leur droit de garder le silence.

 

•      M. Meggetto, un agent principal de la Division de l’exécution, a participé à la préparation des DP, ce qui confirme que les renseignements qu’on cherchait à obtenir au moyen des DP seraient utilisés dans le cadre d’une enquête criminelle. En fait, un grand nombre des demandes de renseignements et des questions figurant dans les DP semblaient toucher la mens rea des demandeurs, un aspect qui ne peut intéresser que la responsabilité pénale;

 

•     Mme Kim Campbell, la vérificatrice principale qui participait à la vérification civile, a échangé des renseignements avec les enquêteurs criminels et a communiqué avec eux tout au long de l’année 2007. Les enquêteurs n’ont jamais demandé à Mme Campbell de ne pas communiquer les renseignements obtenus par elle après juillet 2006 (date du renvoi du dossier de vérification relatif aux années 2004‑2005 aux enquêteurs criminels). De plus, les réunions, les communications et les échanges d’information entre M. Suga et les vérificateurs civils indiquent que les aspects civils et pénaux se chevauchent.

 

•      Les déclarations de revenus des demandeurs relatives à au moins trois des quatre années d’imposition 2004 à 2007 ont été communiquées à la Division de l’exécution de l’ARC. Les demandeurs soutiennent que leurs déclarations de revenus étaient en la possession des enquêteurs criminels lorsque les DP ont été délivrées. En outre, la correspondance échangée entre les vérificateurs civils et Mme Sandra Delahaye (une demanderesse) est postérieure à la date à laquelle les renseignements ont été transmis aux enquêteurs criminels. Les vérificateurs civils ont continué à communiquer des dossiers et des documents aux enquêteurs criminels, notamment les « nouveaux indices » obtenus d’autres sources en 2007. Enfin, M. Suga a rencontré les vérificateurs civils après décembre 2007 pour discuter du travail accompli et de leurs constatations.

 

•      Mme Campbell a rencontré les enquêteurs en novembre 2006, et de décembre 2006 à décembre 2007, les échanges de renseignements ont été de plus en plus fréquents. Mme Campbell était la personne‑ressource pour les enquêteurs criminels et, jusqu’en décembre 2008, elle leur a envoyé des documents, des renseignements concernant les contribuables, de la correspondance relative aux années d’imposition 2005‑2006 ainsi que des « nouveaux indices ». Les enquêteurs criminels l’ont incitée à leur communiquer ces renseignements et ils lui ont donné des directives sur la façon de répondre aux appels des investisseurs. Mme Campbell a admis avoir envoyé à M. Suga des renseignements qu’elle avait obtenus après la date à laquelle le dossier avait été renvoyé aux enquêteurs criminels.

 

[20]           Malgré la qualification que font les demandeurs des circonstances ayant entouré la délivrance des DP, j’estime qu’ils n’ont pas démontré que l’objet déterminant des DP était de faire progresser une enquête criminelle et d’intenter une poursuite. Je vais examiner séparément chacun des facteurs énoncés dans l’arrêt Jarvis :

 

a)      Les autorités avaient‑elles des motifs raisonnables de porter des accusations? Semble‑t‑il, au vu du dossier, que l’on aurait pu prendre la décision de procéder à une enquête criminelle?

 

[21]           M. Breau faisait manifestement l’objet d’une enquête criminelle au moment où les DP ont été délivrées. Le fait que la dénonciation déposée en 2008 par M. Suga le concerne principalement indique que les autorités estimaient avoir des motifs raisonnables de croire qu’il avait commis des infractions.

 

[22]           Pour ce qui est des autres demandeurs, il existe peu d’éléments de preuve indiquant qu’une enquête criminelle était en cours. Certains demandeurs croyaient subjectivement qu’ils faisaient l’objet d’une enquête criminelle, pour les raisons suivantes :

 

•     Les lettres envoyées aux acheteurs de parts en 2009, y compris certains des demandeurs, mentionnaient que le « stratagème fiscal et les promoteurs de ce stratagème » faisaient l’objet d’une enquête criminelle. Toutefois il n’y a guère d’éléments de preuve permettant de conclure que les demandeurs, à l’exception de M. Breau, étaient considérés comme des « promoteurs ».

 

•     Avant la délivrance des DP, deux vérificateurs, M. Dino Martino et M. Ken Nitsotolis, ont préparé une série de profils de cas sur chacun des demandeurs dans lesquels ces derniers étaient qualifiés de « promoteurs ». Ces notes de service ne faisaient toutefois pas de différence entre les « promoteurs » et les « mandataires », contrairement à la dénonciation de M. Suga déposée en 2008 qui elle établissait une différence entre les « promoteurs » et les « représentants des promoteurs ». Il n’existe pas d’autres éléments établissant que les demandeurs (à l’exception de M. Breau) étaient considérés comme des « promoteurs » aux fins de l’enquête criminelle.

 

•     Le nom de M. Breau ainsi que ceux de M. Covert et M. Lloyd figuraient dans la dénonciation déposée par M. Suga en 2008. Toutefois, il était fait mention de MM. Covert et Lloyd uniquement en tant que personnes ayant reçu des commissions reliées au stratagème fiscal, et non en tant que personnes visées par l’enquête. En outre, plusieurs demandeurs n’ont eu connaissance de la dénonciation qu’après que la présente demande de contrôle judiciaire ait été déposée en septembre 2009, de sorte qu’ils n’avaient aucune raison de croire qu’ils faisaient l’objet d’une enquête criminelle au moment de la délivrance des DP.

 

•     Les vérificateurs civils ont envoyé des lettres aux demandeurs en 2009 dans lesquelles ils mentionnaient que la vérification portait sur leur participation aux activités de l’IBCA et de Synergy, deux sociétés qui faisaient l’objet d’une enquête criminelle à l’époque. Il n’était toutefois aucunement indiqué que les demandeurs faisaient eux‑mêmes l’objet d’une enquête criminelle.

 

•     Les DP étaient signées par M. Meggetto, un agent principal de la Division de l’exécution. Toutefois rien n’indique que M. Meggetto a joué un rôle important dans le cadre de l’enquête criminelle. Son nom ne figurait pas sur la liste des enquêteurs criminels que contenaient les dénonciations déposées par M. Suga. Il semble que ce soit simplement parce qu’il était le seul directeur adjoint se trouvant au bureau le 4 août 2009 que M. Meggetto a signé les DP.

 

•     La vérification civile des demandeurs et l’enquête criminelle correspondante ont toutes les deux été menées par le Bureau des services fiscaux de Toronto Nord. Toutefois, le fait que les deux divisions occupent le même bureau ne prouve pas, à lui seul, que les membres de ces divisions s’entraidaient, ni même qu’ils se communiquaient des renseignements. En outre, les demandeurs semblent avoir tenu pour acquis que, étant donné que son nom complet est « Division de l’évitement fiscal, de la vérification et de l’exécution », la Division de la vérification est également chargée d’effectuer les enquêtes criminelles. Cela n’est pas le cas.

 

[23]           Certains demandeurs ont admis qu’ils ne pensaient pas qu’ils faisaient l’objet d’une enquête criminelle au moment où les DP ont été délivrées ou qu’ils ne possédaient pas d’éléments de preuve susceptibles d’appuyer leur croyance subjective qu’ils faisaient l’objet d’une enquête criminelle. D’autres demandeurs avaient pensé donner suite aux DP jusqu’à ce qu’ils apprennent que Synergy allait déposer une demande de contrôle judiciaire pour les faire annuler. Par conséquent, compte tenu des éléments de preuve touchant cette question, je ne peux conclure que les demandeurs, à l’exception de M. Breau, ont démontré qu’ils faisaient l’objet d’une enquête criminelle au moment de la délivrance des DP ou que les autorités avaient des motifs raisonnables de porter des accusations contre eux.

 

b)      L’ensemble de la conduite des autorités donnait‑elle à croire que celles‑ci procédaient à une enquête criminelle?

 

[24]           M. Breau était visé par une enquête criminelle au moment de la délivrance des DP, mais il n’existe aucun élément de preuve établissant que les autres demandeurs ont été traités par les autorités comme des personnes faisant l’objet d’une enquête criminelle.

 

c)      Le vérificateur avait‑il transféré son dossier et ses documents aux enquêteurs?

 

[25]           Il existe peu d’éléments de preuve indiquant que les vérificateurs civils ont communiqué des dossiers ou des documents aux enquêteurs. Certains éléments de preuve montrent toutefois des renseignements concernant des demandeurs se sont trouvés en la possession des enquêteurs à un moment donné.

 

[26]           Par exemple, toutes les déclarations de revenus de M. Breau pour les années 2004 à 2007 avaient été communiquées à la Division de l’exécution au moment de la délivrance des DP. Il en va de même pour la déclaration de revenus de M. Covert pour l’année 2006 et pour celle de 2004 de M. Prentice.

 

[27]           Au moment de la délivrance des DP, la déclaration de revenus de M. McGowan pour l’année 2006 avait été retournée à la Division de l’exécution. La déclaration a par la suite été renvoyée à la Division de la vérification. De la même façon, les déclarations de revenus de M. Haver pour 2004 et 2005 avaient été communiquées à la Division de l’exécution, mais les deux déclarations avaient été renvoyées aux Appels (une division distincte de celles de la vérification et des enquêtes) au moment où les DP ont été délivrées.

 

[28]           Aucune des déclarations de revenus de M. Lloyd, de M. Stephan et de Mme Delahaye n’avait été transmise à la Division de l’exécution au moment de la délivrance des DP.

 

d)     La conduite du vérificateur donnait‑elle à croire qu’il agissait en fait comme un mandataire des enquêteurs?

 

[29]           En septembre 2006, la Division de l’exécution a accepté que la Division de la vérification lui renvoie le dossier et elle a entrepris une enquête criminelle au sujet des promoteurs de l’IBCA, notamment sur M. Breau, pour les années d’imposition 2004 et 2005. La vérification relative aux années d’imposition 2004 et 2005 a cessé après que la Division de l’exécution ait accepté le renvoi, mais Mme Campbell a continué de communiquer avec cette dernière et à lui transmettre des renseignements.

 

[30]           En novembre 2006, Mme Campbell coordonnait tous les dossiers, notamment en recevant de nouveaux documents de la part des contribuables, elle s’est acquittée de cette tâche jusqu’à ce que la Division de l’exécution prenne physiquement possession desdits dossiers.

 

[31]           En février 2007, Mme Campbell recevait des renseignements, comme des déclarations de revenus et d’autres « indices », et les transmettait à la Division de l’exécution à la demande de ce service. En mai 2007, Mme Campbell a reçu d’autres instructions de la Division de l’exécution concernant le traitement des dossiers. En avril 2008, elle et un autre vérificateur civil ont été interrogés par M. Suga. Mme Campbell a par la suite envoyé à M. Suga tous les documents concernant le stratagème fiscal qu’elle avait encore en sa possession.

 

[32]           À mon avis, Mme Campbell ne faisait que transmettre aux enquêteurs les renseignements qu’elle recevait. Elle ne demandait pas de renseignements et n’utilisait pas ses pouvoirs de vérificatrice pour parfaire la preuve à l'appui de l’enquête criminelle. Je ne qualifierai pas la relation entre les enquêteurs et la vérificatrice de relation mandant-mandataire.

 

e)      Semble‑t‑il que les enquêteurs aient eu l’intention d’utiliser le vérificateur comme leur mandataire pour recueillir des éléments de preuve?

 

[33]           Il est évident que Division de l’exécution n’avait pas l’intention d’utiliser les services de Mme Campbell (ou d’un autre vérificateur) à titre de mandataire pour réunir des preuves. Dans sa dénonciation de 2008, M. Suga reconnaissait qu’une vérification de l’ARC était en cours « pour les années financières postérieures à 2004 et 2005 », mais que :

[traduction] la présente dénonciation visant la délivrance d’un mandat de perquisition ne contient pas de renseignements obtenus par les vérificateurs de l’ARC dans le cadre de la vérification qu’effectue actuellement l’ARC, ni de renseignements obtenus par eux après le renvoi initial du dossier, à la suite duquel l’enquête mentionnée dans la présente dénonciation en vue d’obtenir un mandat de perquisition a été entreprise.

 

[34]           Il semble que M. Suga savait que le fait d’avoir recours à des vérificateurs civils pour recueillir des éléments de preuve dans le cadre d’une enquête criminelle portait atteinte aux droits que la Charte garantit aux contribuables.

 

[35]           Cependant, d’autres enquêteurs ont demandé à Mme Campbell de leur transmettre des T1 et d’autres renseignements qui semblaient concerner l’enquête relative à l’IBCA. Par exemple, en mai 2007, M. Lonnie Nichols de la Division de l’exécution a donné à Mme Campbell des directives concernant le traitement des dossiers pertinents. Il semble donc que Mme Campbell peut, dans une certaine mesure, être considérée comme la mandataire de certains enquêteurs, mais non comme la mandataire de l’enquêteur principal, M. Suga.

 

f)       La preuve recherchée est‑elle pertinente quant à la responsabilité générale du contribuable ou, au contraire, uniquement quant à sa responsabilité pénale, comme dans le cas de la preuve de la mens rea?

 

[36]           Certains documents visés par les DP étaient des documents conventionnels demandés à des fins de vérification (documents visant à justifier les revenus et les dépenses d’entreprise, relevés bancaires personnels, etc.), mais un bon nombre de questions posées aux demandeurs semblaient se rapporter à leur mens rea. Par exemple, on cherchait à savoir si les demandeurs avaient eu des relations d’affaires avec Synergy ou avec l’IBCA, s’ils comprenaient la façon dont la stratégie fiscale de l’IBCA fonctionnait, quels étaient les produits dont ils faisaient la promotion, quelles mesures ils avaient prises pour s’assurer de la validité de ces produits et quelles étaient leurs compétences et leur formation, aspects de nature à avoir une incidence sur leur compréhension du stratagème fiscal.

 

[37]           Ces questions semblent avoir été posées pour savoir dans quelle mesure les demandeurs pouvaient juger de la légalité du stratagème fiscal : Stanfield, précité, au paragraphe 65. Ces questions concernent évidemment la mens rea des demandeurs et leur responsabilité pénale. Elles portaient toutefois également sur des aspects reliés aux pénalités civiles prévues par la Loi de l’impôt sur le revenu, en particulier les pénalités sanctionnant une « conduite coupable » aux termes de l’article 163.2. Par conséquent, les éléments de preuve recherchés touchaient non seulement la responsabilité pénale des demandeurs, mais également leur responsabilité civile.

 

g)      Existe‑t‑il d’autres circonstances ou facteurs susceptibles d’amener le juge de première instance à conclure que la vérification de la conformité à la loi était en réalité devenue une enquête criminelle?

 

[38]           Il y a lieu de se poser cinq autres questions concernant d’« autres circonstances ou facteurs » pouvant donner à penser qu’une enquête criminelle était en cours (Stanfield, précité, aux paragraphes 66 à 70) :

 

(i)                 L’enquête criminelle et les vérifications étaient‑elles menées simultanément ou de façon interreliée et, dans l’affirmative, dans quel but?

 

[39]           La vérification civile des acheteurs de parts et des promoteurs du plan fiscal pour l’année d’imposition 2004 a commencé en septembre 2005. En 2006, la portée de la vérification a été élargie de façon à ce que l’année d’imposition 2005 en fasse aussi l’objet. En juillet 2006, le dossier relatif aux années d’imposition 2004 et 2005 a été renvoyé à la Division de l’exécution. Lorsque cette division a accepté de mener une enquête en septembre 2006, la Division de la vérification a cessé d’examiner les années d’imposition 2004 et 2005. En juillet 2008, M. Suga a déposé une dénonciation concernant l’enquête criminelle portant sur les années d’imposition 2004 et 2005.

 

[40]           Au début de 2007, l’équipe chargée de l’exécution de la Loi a commencé à recevoir des déclarations de revenus pour l’année 2006, et cette année d’imposition est elle aussi devenue sujet d’enquête. Vers la fin de 2007, la Division de l’exécution a renvoyé les dossiers de 2006 à l’équipe de vérification, qui a entrepris la vérification de l’année d’imposition 2006. Au début de 2009, l’équipe de vérification a commencé à délivrer des avis de nouvelle cotisation au sujet de l’année d’imposition 2006.

 

[41]           À la fin de 2008, l’équipe de vérification a entrepris d’effectuer une vérification à l’égard de chacun des demandeurs pour les années d’imposition 2004 à 2007. Des lettres initiales ont été envoyées aux demandeurs en mars 2009 et les DP en août 2009. En avril 2009, l’équipe de vérification a commencé à vérifier toutes les déclarations de revenus relatives aux années 2007 et 2008 en ce qui concerne le stratagème fiscal.

 

[42]           Il semble donc que l’enquête criminelle et les vérifications aient été quelque peu reliées entre elles. La vérification de 2004 et 2005 a été entamée par l’équipe de vérification et le dossier a ensuite été transmis à la Division de l’exécution. C’est la Division de l’exécution qui a entamé la vérification de 2006, mais cette tâche a par la suite été confiée à l’équipe de vérification. Pendant toute cette période, les équipes de vérification et de l’exécution se consultaient et se communiquaient des renseignements.

 

[43]           De toute évidence, des démarches ont été accomplies simultanément sur les plans civil et criminel. Toutefois, les preuves ne révèlent pas qu’un dessein clair était à l’origine de ces démarches simultanées. Elles montrent plutôt que :

•           à l’époque où Mme Campbell a transmis des renseignements concernant l’année d’imposition 2006 à la Division de l’exécution, les promoteurs (y compris M. Breau) faisaient l’objet d’une enquête criminelle concernant cette année‑là;

 

•           la Division de l’exécution était en possession des dossiers de MM. Breau, Covert et Prentice pendant que les vérifications civiles étaient en cours et au moment où les DP ont été délivrées.

 

[44]           À la différence de M. Breau, ni M. Covert ni M. Prentice ne faisaient l’objet d’une enquête criminelle à l’époque.

 

(ii)               Comment l’information circulait‑elle entre les Divisions de la vérification et de l’exécution, tant pendant qu’après l’enquête criminelle?

 

[45]           L’information circulait entre la Division de la vérification et celle de l’exécution après septembre 2006, époque à laquelle la Division de l’exécution a entamé l’enquête criminelle concernant les promoteurs pour les années d’imposition 2004 et 2005. L’information a circulé de façon assez régulière entre les deux services, en particulier en 2007.

 

(iii)             Quel était le degré d’importance des échanges entre la Division de la vérification et la Division de l’exécution pendant que l’enquête criminelle était en cours et après le moment où elle a apparemment pris fin?

 

[46]           Les communications entre la Division de la vérification et celle de l’exécution (en particulier entre Mme Campbell et les enquêteurs) ne revêtaient pas une importance particulière, puisqu’il s’agissait principalement de contacts administratifs et de la transmission de renseignements reçus par les vérificateurs sans que ces derniers les aient demandés.

 

(iv)              Quel est l’impact de la complexité des situations factuelle et fiscale de la présente affaire sur l’évaluation de l’objet prédominant?

 

[47]           L’enquête au sujet du plan fiscal avait une portée très large puisqu’elle visait 1 307 acheteurs de parts et 196 249 505 $ de pertes pour l’IBCA. L’enquête touchait de nombreux contribuables, promoteurs, mandataires et personnes morales, et plusieurs services de l’ARC étaient mis à contribution. Toutefois, aucun élément de preuve n’indique que les demandeurs, à l’exception de M. Breau, faisaient l’objet d’une enquête criminelle au moment de la délivrance des DP. La complexité du plan ne suffit pas, à elle seule, à établir que les enquêteurs ont eu recours aux DP pour obtenir des renseignements pour les besoins d’une enquête criminelle.

 

(v)                La non‑obtention des documents et des renseignements demandés, ferait‑elle en sorte que le ministre ne serait pas en mesure de s’acquitter des fonctions de vérification prévues par la Loi?

 

[48]           Pour ce qui est de M. Breau, la Division de l’exécution avait déjà obtenu des ordonnances de communication associées à la dénonciation déposée par M. Suga en 2008. Par la suite, elle a obtenu un mandat de perquisition. À mon avis, il est en conséquence permis de douter que les DP visaient à recueillir des renseignements utiles pour l’enquête criminelle; la Division de l’exécution semble avoir suivi une voie différente et avoir eu recours à des moyens différents. Cela indique que l’objet déterminant des DP n’était pas d’établir la responsabilité pénale de M. Breau. C’était l’objet déterminant de la dénonciation, mais non des DP.

 

[49]           Parallèlement, les DP pouvaient fort bien être nécessaires pour établir la responsabilité civile de M. Breau.

 

[50]           Quant aux autres demandeurs, ils n’ont pas répondu aux DP et certains n’ont fourni aucun renseignement à l’ARC. Si les DP étaient annulées, il est difficile de savoir si le ministre pourrait exercer les fonctions de vérification que lui attribue la Loi.

 

V.        Conclusion et décision

 

[51]           M. Breau était le seul demandeur qui faisait l’objet d’une enquête criminelle au moment de la délivrance des DP. Il n’existe aucune preuve objective indiquant que les autres demandeurs étaient visés par une enquête criminelle. Ce sont donc uniquement les droits que M. Breau tire de l’article 7 qui sont en litige dans la présente affaire. Le seul fait que M. Breau ait été visé par une enquête criminelle n’a pas pour effet d’invalider les DP. Les vérificateurs peuvent continuer à se pencher sur la responsabilité civile d’un contribuable pendant qu’une enquête criminelle suit son cours. Si les vérificateurs étaient obligés d’arrêter leur travail dès qu’une enquête est entamée, les contribuables pourraient se soustraire à leur responsabilité civile lorsque leur comportement donne à penser qu’il constitue un comportement criminel.

 

[52]           En outre, si les vérificateurs civils ne pouvaient poser des questions dont les réponses sont susceptibles de toucher la responsabilité pénale des contribuables, ils éprouveraient beaucoup de difficultés à obtenir des renseignements.

 

[53]           Il est évident que la question de savoir si un dossier a été renvoyé pour enquête criminelle est un facteur important pour décider s’il existe une relation contradictoire entre l’État et le contribuable. En outre, lorsque les vérificateurs civils continuent à travailler sur le dossier, il y a lieu d’examiner de très près leur comportement pour déterminer si les enquêteurs criminels comptent sur eux pour qu’ils obtiennent, dans l’exercice des pouvoirs que leur confère le paragraphe 231.2(1), des éléments de preuve en vue d’une poursuite : Jarvis, précité, au paragraphe 92.

 

[54]           Néanmoins, compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente affaire, je conclus que l’objet déterminant des DP envoyé aux demandeurs, y compris à M. Jean Breau, était de nature civile. Par conséquent, il n’a pas été porté atteinte aux droits que les demandeurs tirent de l’article 7 de la Charte – à savoir le droit de garder le silence et de ne pas s’incriminer.

 

[55]           Je suis donc d’avis de rejeter la présente demande avec dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée, avec dépens.

 

2.                  Les présents motifs concernent les dossiers T‑1623‑09 et T‑1625‑09. L’original des motifs sera déposé dans le dossier T‑1623‑09, et une copie dans le dossier T‑1625‑09.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


ANNEXE

 

Code criminel, LRC 1985, ch C‑46

 

Ordonnance de communication

  487.012 (1) Sauf si elle fait l’objet d’une enquête relative à l’infraction visée à l’alinéa (3)a), un juge de paix ou un juge peut ordonner à une personne :

 

a) de communiquer des documents — originaux ou copies certifiées conformes par affidavit — ou des données;

 

b) de préparer un document à partir de documents ou données existants et de le communiquer.

 

Communication à un agent de la paix

  (2) L’ordonnance précise le moment, le lieu et la forme de la communication ainsi que la personne à qui elle est faite — agent de la paix ou fonctionnaire public nommé ou désigné pour l’application ou l’exécution d’une loi fédérale ou provinciale et chargé notamment de faire observer la présente loi ou toute autre loi fédérale.

 

 

 

 

 

 

Conditions à remplir

  (3) Le juge de paix ou le juge ne rend l’ordonnance que s’il est convaincu, à la suite d’une dénonciation par écrit faite sous serment et présentée ex parte, qu’il existe des motifs raisonnables de croire que les conditions suivantes sont réunies :

 

a) une infraction à la présente loi ou à toute autre loi fédérale a été ou est présumée avoir été commise;

 

b) les documents ou données fourniront une preuve touchant la perpétration de l’infraction;

 

c) les documents ou données sont en la possession de la personne en cause ou à sa disposition.

 

Conditions

  (4) L’ordonnance peut être assortie des conditions que le juge de paix ou le juge estime indiquées, notamment pour protéger les communications privilégiées entre l’avocat — et, dans la province de Québec, le notaire — et son client.

 

 

Modification, renouvellement et révocation

  (5) Le juge de paix ou le juge qui a rendu l’ordonnance — ou un juge de la même circonscription territoriale — peut, sur demande présentée ex parte par l’agent de la paix ou le fonctionnaire public nommé dans l’ordonnance, la modifier, la renouveler ou la révoquer.

 

Application

  (6) Les articles 489.1 et 490 s’appliquent, avec les adaptations nécessaires, aux documents ou données communiqués sous le régime du présent article.

 

Valeur probante

  (7) La copie d’un document communiquée sous le régime du présent article est, à la condition d’être certifiée conforme à l’original par affidavit, admissible en preuve dans toute procédure sous le régime de la présente loi ou de toute autre loi fédérale et a la même valeur probante que l’original aurait eue s’il avait été déposé en preuve de la façon normale.

 

Copies

  (8) Il n’est pas nécessaire de retourner les copies de documents qui ont été communiquées sous le régime du présent article.

 

 

 

Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, ch 1 (5e suppl)

 

Enquêtes

 

  231.1 (1) Une personne autorisée peut, à tout moment raisonnable, pour l’application et l’exécution de la présente loi, à la fois :

 

a) inspecter, vérifier ou examiner les livres et registres d’un contribuable ainsi que tous documents du contribuable ou d’une autre personne qui se rapportent ou peuvent se rapporter soit aux renseignements qui figurant dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit à tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi;

 

b) examiner les biens à porter à l’inventaire d’un contribuable, ainsi que tout bien ou tout procédé du contribuable ou d’une autre personne ou toute matière concernant l’un ou l’autre dont l’examen peut aider la personne autorisée à établir l’exactitude de l’inventaire du contribuable ou à contrôler soit les renseignements qui figurent dans les livres ou registres du contribuable ou qui devraient y figurer, soit tout montant payable par le contribuable en vertu de la présente loi; à ces fins, la personne autorisée peut :

 

c) sous réserve du paragraphe (2), pénétrer dans un lieu où est exploitée une entreprise, est gardé un bien, est faite une chose en rapport avec une entreprise ou sont tenus ou devraient l’être des livres ou registres;

 

d) requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, du bien ou de l’entreprise ainsi que toute autre personne présente sur les lieux de lui fournir toute l’aide raisonnable et de répondre à toutes les questions pertinentes à l’application et l’exécution de la présente loi et, à cette fin, requérir le propriétaire, ou la personne ayant la gestion, de l’accompagner sur les lieux.

 

Production de documents ou fourniture de renseignements

 

  231.2 (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, sous réserve du paragraphe (2) et pour l’application ou l’exécution de la présente loi (y compris la perception d’un montant payable par une personne en vertu de la présente loi), d’un accord général d’échange de renseignements fiscaux entre le Canada et un autre pays ou territoire qui est en vigueur et s’applique ou d’un traité fiscal conclu avec un autre pays, par avis signifié à personne ou envoyé par courrier recommandé ou certifié, exiger d’une personne, dans le délai raisonnable que précise l’avis :

 

 

a) qu’elle fournisse tout renseignement ou tout renseignement supplémentaire, y compris une déclaration de revenu ou une déclaration supplémentaire;

 

b) qu’elle produise des documents.

 

Requête pour mandat de perquisition

 

  231.3 (1) Sur requête ex parte du ministre, un juge peut décerner un mandat écrit qui autorise toute personne qui y est nommée à pénétrer dans tout bâtiment, contenant ou endroit et y perquisitionner pour y chercher des documents ou choses qui peuvent constituer des éléments de preuve de la perpétration d’une infraction à la présente loi, à saisir ces documents ou choses et, dès que matériellement possible, soit à les apporter au juge ou, en cas d’incapacité de celui‑ci, à un autre juge du même tribunal, soit à lui en faire rapport, pour que le juge en dispose conformément au présent article.

 

  (2) La requête visée au paragraphe (1) doit être appuyée par une dénonciation sous serment qui expose les faits au soutien de la requête.

 

 

  (3) Le juge saisi de la requête peut décerner le mandat mentionné au paragraphe (1) s’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire ce qui suit :

 

a) une infraction prévue par la présente loi a été commise;

 

b) des documents ou choses qui peuvent constituer des éléments de preuve de la perpétration de l’infraction seront vraisemblablement trouvés;

 

c) le bâtiment, contenant ou endroit précis dans la requête contient vraisemblablement de tels documents ou choses.

 

  (4) Un mandat décerné en vertu du paragraphe (1) doit indiquer l’infraction pour laquelle il est décerné, dans quel bâtiment, contenant ou endroit perquisitionner ainsi que la personne à qui l’infraction est imputée. Il doit donner suffisamment de précisions sur les documents ou choses à chercher et à saisir.

 

 

Charte Canadienne des Droits et Libertés, Édictée comme l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch 11

 

 

  7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale.

Criminal Code, RSC 1985, c C‑46

 

Production order

  487.012 (1) A justice or judge may order a person, other than a person under investigation for an offence referred to in paragraph (3)(a),

 

 

(a) to produce documents, or copies of them certified by affidavit to be true copies, or to produce data; or

 

(b) to prepare a document based on documents or data already in existence and produce it.

 

Production to peace officer

  (2) The order shall require the documents or data to be produced within the time, at the place and in the form specified and given

 

(a) to a peace officer named in the order; or

 

(b) to a public officer named in the order, who has been appointed or designated to administer or enforce a federal or provincial law and whose duties include the enforcement of this or any other Act of Parliament.

 

Conditions for issuance of order

  (3) Before making an order, the justice or judge must be satisfied, on the basis of an ex parte application containing information on oath in writing, that there are reasonable grounds to believe that

 

 

(a) an offence against this Act or any other Act of Parliament has been or is suspected to have been committed;

 

(b) the documents or data will afford evidence respecting the commission of the offence; and

 

(c) the person who is subject to the order has possession or control of the documents or data.

 

Terms and conditions

  (4) The order may contain any terms and conditions that the justice or judge considers advisable in the circumstances, including terms and conditions to protect a privileged communication between a lawyer and their client or, in the province of Quebec, between a lawyer or a notary and their client.

 

Power to revoke, renew or vary order

  (5) The justice or judge who made the order, or a judge of the same territorial division, may revoke, renew or vary the order on an ex parte application made by the peace officer or public officer named in the order.

 

 

Application

  (6) Sections 489.1 and 490 apply, with any modifications that the circumstances require, in respect of documents or data produced under this section.

 

Probative force of copies

  (7) Every copy of a document produced under this section, on proof by affidavit that it is a true copy, is admissible in evidence in proceedings under this or any other Act of Parliament and has the same probative force as the original document would have if it had been proved in the ordinary way.

 

 

Return of copies

  (8) Copies of documents produced under this section need not be returned.

 

 

 

 

Income Tax Act, RSC 1985, c 1 (5th Supp)

 

 

Inspections

 

  231.1 (1) An authorized person may, at all reasonable times, for any purpose related to the administration or enforcement of this Act,

 

(a) inspect, audit or examine the books and records of a taxpayer and any document of the taxpayer or of any other person that relates or may relate to the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or to any amount payable by the taxpayer under this Act, and

 

 

 

(b) examine property in an inventory of a taxpayer and any property or process of, or matter relating to, the taxpayer or any other person, an examination of which may assist the authorized person in determining the accuracy of the inventory of the taxpayer or in ascertaining the information that is or should be in the books or records of the taxpayer or any amount payable by the taxpayer under this Act, and for those purposes the authorized person may

 

 

(c) subject to subsection 231.1(2), enter into any premises or place where any business is carried on, any property is kept, anything is done in connection with any business or any books or records are or should be kept, and

 

(d) require the owner or manager of the property or business and any other person on the premises or place to give the authorized person all reasonable assistance and to answer all proper questions relating to the administration or enforcement of this Act and, for that purpose, require the owner or manager to attend at the premises or place with the authorized person.

 

Requirement to provide documents or information

 

  231.2 (1) Notwithstanding any other provision of this Act, the Minister may, subject to subsection (2), for any purpose related to the administration or enforcement of this Act (including the collection of any amount payable under this Act by any person), of a comprehensive tax information exchange agreement between Canada and another country or jurisdiction that is in force and has effect or, for greater certainty, of a tax treaty with another country, by notice served personally or by registered or certified mail, require that any person provide, within such reasonable time as stipulated in the notice,

 

(a) any information or additional information, including a return of income or a supplementary return; or

 

 

(b) any document.

 

Search warrant

 

  231.3 (1) A judge may, on ex parte application by the Minister, issue a warrant in writing authorizing any person named therein to enter and search any building, receptacle or place for any document or thing that may afford evidence as to the commission of an offence under this Act and to seize the document or thing and, as soon as practicable, bring it before, or make a report in respect of it to, the judge or, where the judge is unable to act, another judge of the same court to be dealt with by the judge in accordance with this section.

 

 

  (2) An application under subsection 231.3(1) shall be supported by information on oath establishing the facts on which the application is based.

 

  (3) A judge may issue the warrant referred to in subsection 231.3(1) where the judge is satisfied that there are reasonable grounds to believe that

 

(a) an offence under this Act was committed;

 

(b) a document or thing that may afford evidence of the commission of the offence is likely to be found; and

 

 

(c) the building, receptacle or place specified in the application is likely to contain such a document or thing.

 

  (4) A warrant issued under subsection 231.3(1) shall refer to the offence for which it is issued, identify the building, receptacle or place to be searched and the person alleged to have committed the offence and it shall be reasonably specific as to any document or thing to be searched for and seized.

 

 

Canadian Charter of Rights and Freedoms, Part I of the Constitution Act, 1982, being Schedule B to the Canada Act 1982 (UK), 1982, c 11

 

  7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIERS :                                                  T‑1623‑09 et T‑1625‑09

 

INTITULÉ :                                                  JEAN BREAU c
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

                                                                        et

 

                                                                        JOHN TURNER et autres c
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Les 14 et 15 mai 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 17 octobre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Howard Alpert

Milton Verskin

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Margaret Nott

Samantha Hurst

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alpert Law Firm

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.