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Cour fédérale

 

Federal Court

 


 


Date: 20121022

Dossier : IMM-3170-12

Référence : 2012 CF 1228

Ottawa (Ontario), le 22 octobre 2012

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

ENTRE :

 

DIEGO ANTONIO CHAVEZ CARRILLO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés [« la SPR »] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, en date du 12 mars 2012, concluant que Diego Antonio Chavez Carrillo [« le demandeur »] n’est ni un réfugié au sens de la Convention aux termes de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [« la LIPR »], ni une personne à protéger selon l’article 97 de la LIPR.

 

 

I.          Faits

 

[2]               Le demandeur est le fils de Mme Olga Lidia Chavez Carrillo [« Mme Chavez Carrillo »] qui fut reconnue comme réfugiée dans la décision actuellement sous étude.

 

[3]               Mme Chavez Carrillo est citoyenne guatémaltèque. Elle a intégré l’armée du Guatemala comme secrétaire et a ainsi débuté une relation avec Monsieur Jorge Vasquez, un officier-major de l’armée, lequel a commencé à éprouver des problèmes d’alcoolisme et à être violent avec elle. Mme Chavez Carrillo a annoncé à M. Jorge Vasquez qu’elle était enceinte en novembre 2004, lequel s’est mis à être violent à son égard. Elle a nécessité des traitements médicaux et a ensuite déserté l’armée et tenté de dénoncer M. Vasquez. Ses tentatives se sont avérées infructueuses, car les officiers supérieurs de l’armée lui ont répondu que c’était une affaire de couple dans laquelle ils n’interviendraient pas. La police lui a répondu que son problème est du ressort militaire et qu’ils n’interviendraient donc pas. 

 

[4]               Mme Chavez Carrillo est arrivée illégalement aux États-Unis du Guatemala en décembre 2004, en début de grossesse. Elle a donné naissance à son enfant, le demandeur, en juillet 2005. Elle est arrivée avec son fils au Canada le 27 juin 2009 où ils ont demandé l’asile, car elle craint les violences que pourrait lui faire subir son ancien conjoint si elle retournait au Guatemala.

 

II.        Décision révisée

[5]               Le décideur est arrivé à la conclusion que Mme Chavez Carrillo est une réfugiée étant donné qu’advenant son retour au Guatemala, elle risquerait de subir de nouveau les actes de violence de M. Vasquez. En effet, son ancien conjoint tente toujours à l’heure actuelle de savoir où elle se trouve d’autant plus que la recherche de protection de l’État de Mme Chavez Carrillo s’est avérée infructueuse. Cette dernière est donc victime de persécution au Guatemala en tant que membre d’un groupe social, celui des femmes. 

 

[6]               Quant au demandeur, le décideur a conclu que puisque celui-ci a la citoyenneté américaine étant né aux États-Unis, il ne peut pas demander le statut de réfugié au Canada. Le décideur a aussi constaté qu’aucune preuve n’a été soumise pour contester la présomption de protection offerte par les États-Unis. De plus, Mme Chavez Carrillo n’a pas contesté la citoyenneté américaine de son enfant. Le demandeur n’a pas établi qu’advenant un retour aux États-Unis, il serait exposé à un risque de torture ou à des traitements ou peines cruels et inusités. Le décideur a donc conclu que la demande d’asile du demandeur doit être rejetée.

 

III.       Soumissions du demandeur

[7]               Le demandeur reconnaît qu’il est de citoyenneté américaine. Il affirme cependant que si sa mère rentre aux États-Unis avec lui, elle sera déportée au Guatemala étant donné qu’elle n’y possède aucun statut. Il en résultera que dans les faits, le demandeur sera séparé de sa mère. De plus, le demandeur se retrouverait seul aux États-Unis et serait de ce fait, pris en charge par les services sociaux américains.

 

[8]               Il affirme qu’on lui demande ainsi de faire un choix moralement inacceptable, ce que le décideur n’a pas pris en considération dans sa décision. Le demandeur est traité de façon injuste. La décision de la SPR ne peut donc être maintenue, car elle est déraisonnable.

 

IV.       Soumissions du défendeur

[9]               Le défendeur soutient que la décision de la SPR est raisonnable. Le demandeur étant de citoyenneté américaine, il aurait fallu qu’il apporte une preuve valable et crédible selon laquelle les États-Unis ne peuvent lui apporter la protection réclamée, étant donné qu’il existe une présomption selon laquelle un État est en mesure d’offrir une protection adéquate à ses citoyens. Le demandeur a le fardeau de démontrer que les États-Unis ne peuvent le protéger. L’absence d’une telle preuve est fatale à l’égard de sa demande d’asile et ce, même si le demandeur est mineur.

 

[10]           Le défendeur ajoute qu’il sera loisible à Mme Chavez Carrillo de faire une demande de parrainage à l’égard du demandeur.

 

V.        Question en litige

[11]           La SPR, a-t-elle rendu une décision raisonnable en accordant le statut de réfugié à la mère du demandeur tout en le refusant à ce dernier?

 

VI.       Norme de contrôle

[12]           La norme de contrôle applicable à la question en litige est la norme de la décision raisonnable étant donné que c’est une question mixte de droit et de faits (Dunsmuir c Nouveau- Brunswick, 2008 CSC 9 aux paras 164-166, [2008] 1 RCS 190).

 

 

 

 

VII.     Analyse

[13]           Le demandeur est mineur et il est donc représenté par sa mère, Mme Chavez Carrillo,  conformément à une ordonnance de la Cour fédérale du 17 août 2012.

 

[14]           Le mémoire du demandeur comprend des arguments très succincts qui n’expliquent pas de manière détaillée en quoi la décision de la SPR est déraisonnable et il n’est donc pas possible pour la Cour d’en arriver à une telle conclusion.

 

[15]           Il est reconnu que si un demandeur a la citoyenneté ou la nationalité d’un pays où il y a une crainte non fondée d’être persécuté, la qualité de personne à protéger sera refusée. Dans notre cas, le demandeur est citoyen américain et aucune preuve de persécution possible n’a été présentée à l’égard des États-Unis. La jurisprudence de la Cour note à plusieurs reprises que la définition de réfugié au sens de la Convention n’inclut pas la notion de protection de l’unité familiale (voir Dawlatly c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1998) 149 FTR 310 aux paras 13-15, 1998 CarswellNat 1102 (CF 1re instance); ainsi que Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CAF 126 aux paras 19-20, 253 DLR (4th) 449 (CAF)).

 

[16]           La décision de la SPR se conforme donc à la jurisprudence dans une telle situation. Elle ne peut donc pas être qualifiée de déraisonnable.

 

[17]           Cependant, l’aspect humain de la présente affaire est évident, celui-ci ne peut être ignoré. La décision de la SPR semble de prime abord avoir pour conséquence directe la séparation du demandeur de sa mère. En effet, si départ il y a, la mère serait dans l’obligation de choisir entre laisser son fils partir aux États-Unis seul ou bien partir avec lui dans un pays où celle-ci ne jouit d’aucun statut légal.  

 

[18]           Heureusement, l’article 176(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [« RIPR »] apporte une solution à la présente situation. Celui-ci stipule que « [l]a demande de séjour au Canada à titre de résident permanent peut viser, outre le demandeur, tout membre de sa famille ». Ainsi, lorsque la mère du demandeur soumettra une demande de résidence permanente (si ce n’est déjà fait), celle-ci y inclura certainement le demandeur en tant que membre de sa famille. Il est impensable que la mère et son fils mineur soient séparés dû au fait qu’il ne fut pas reconnu au même titre que sa mère comme réfugié. Si jamais une telle séparation forcée survenait, la mère aurait recours aux procédures appropriées.

 

[19]           Les parties furent invitées à soumettre une question aux fins de certification, mais aucune question ne fut soumise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE QUE la demande de contrôle judiciaire est rejetée et aucune question ne sera certifiée.

 

                                                                                                                 « Simon Noël »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3170-12

 

INTITULÉ :                                      DIEGO ANTONIO CHAVEZ CARRILLO c

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET

                                                            DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 16 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE SIMON NOËL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 22 octobre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Manuel Centurion

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Emilie Tremblay

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Manuel Centurion

Avocat

Montréal (Québec)

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

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