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Cour fédérale

 

Federal Court

 

 


Date : 20121109

Dossier : IMM-2212-12

Référence : 2012 CF 1310

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Near

 

 

ENTRE :

 

JACKSON KAZONDUNGE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur demande le contrôle judiciaire de la décision que la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rendue le 3 février 2012 et dans laquelle elle a conclu que le demandeur n’était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger au sens des articles 96 et 97, respectivement, de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR).

 

[2]               Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

I.          Les faits

 

[3]               Le demandeur est un citoyen de la Namibie et il est arrivé au Canada le 4 décembre 2009. Il a déposé une demande d’asile le 6 décembre 2009 pour deux motifs : sa crainte de son ancien conjoint de même sexe en Namibie dont il a été la victime de violence conjugale et sa crainte générale de persécution de la part de la société namibienne en raison de son homosexualité.

 

[4]               Le demandeur a reçu des soins médicaux en Namibie à la suite d’une agression dont il a été victime le 5 juillet 2008, mais il n’a pas révélé l’origine de ses blessures aux professionnels de la santé qui l’ont soigné.

 

[5]               Le demandeur prétend qu’il vit actuellement avec un nouveau conjoint de même sexe au Canada. Ce dernier a témoigné à l’audition du demandeur devant la Commission, le 16 décembre 2011.

 

II.        La décision faisant l’objet du présent contrôle

 

[6]               La Commission a rejeté la demande du demandeur en raison de la présence d’« éléments de preuve non fiables concernant des domaines centraux et importants de la demande d’asile ». La Commission a conclu que les contradictions figurant dans la preuve soumise relativement à l’identité homosexuelle du demandeur n’avaient pas été réfutées.

 

[7]               Plus particulièrement, la Commission a souligné la déclaration contradictoire du demandeur quant au nombre d’années pendant lesquelles il a entretenu une relation avec son conjoint de même sexe en Namibie. Dans sa demande d’asile initiale, le demandeur a déclaré qu’il avait vécu pendant trois ans avec l’homme dont il a peur. À l’audience, toutefois, le demandeur a déclaré qu’ils avaient vécu ensemble pendant un an et demi. La Commission a conclu que « si le demandeur d’asile avait l’orientation sexuelle qu’il dit avoir et avait eu une relation avec un partenaire de même sexe en Namibie, il est alors plus probable que le contraire qu’il ait fourni à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada des renseignements clairs, cohérents et raisonnablement exacts au sujet de la durée de leur cohabitation » (dossier de demande, à la page 13).

 

[8]               La Commission a relevé d’autres contradictions figurant dans la déclaration que le demandeur a faite dans sa langue maternelle. Dans son formulaire de renseignements personnels (le FRP), le demandeur a affirmé, avec l’aide de son avocat, que sa langue maternelle était l’anglais, et qu’il n’aurait pas besoin des services d’un interprète. À l’audience, le demandeur a déclaré que sa langue maternelle n’était pas l’anglais, mais l’otjiherero. La Commission a privilégié la déclaration que le demandeur avait faite dans son FRP.

 

[9]               Enfin, la Commission a conclu que la déposition du témoin contredisait « substantiellement » le témoignage du demandeur. Plus particulièrement, le témoin a témoigné que lui et le demandeur avaient emménagé ensemble au cours de l’année où l’audience a eu lieu (à savoir 2011), mais il ne se souvenait pas du mois. Le demandeur a prétendu qu’ils avaient vécu ensemble pendant un an et demi. Lorsqu’il fut questionné sur ce point, le témoin a déclaré qu’ils avaient vécu dans le même immeuble avant d’emménager ensemble et n’a fourni aucun autre détail.

 

III.       Les questions en litige

 

[10]           Les questions déterminantes en l’espèce peuvent être formulées comme suit :

 

a)         la Commission a-t-elle commis une erreur en ne tenant pas compte de tous les éléments de preuve dont elle était saisie?

b)         la conclusion tirée par la Commission était-elle raisonnable?

 

IV.       La norme de contrôle

 

[11]           Le traitement de la preuve relève de l’expertise particulière de la Commission et il doit donc faire l’objet d’une grande retenue. Les décisions de la Commission portant sur de telles questions sont contrôlables selon la norme de la décision raisonnable (voir A.M. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 964, [2011] ACF no 1187, au paragraphe 20).

 

[12]           Le caractère raisonnable tient « principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l'intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu'à l'appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

V.        Analyse

 

[13]           Le demandeur prétend que la Commission a omis de tenir compte de l’affidavit soumis par le demandeur à l’appui de la demande d’asile de son conjoint actuel et du passeport de santé du demandeur qui corrobore son récit.

 

[14]           Toutefois, il ressort clairement de la transcription que la Commission a bel et bien tenu compte des deux documents mentionnés par le demandeur. En effet, la Commission les a admis en preuve après avoir hésité à les inclure en raison de leur production tardive et de l’absence d’une explication justifiant ce retard. La Commission a en outre posé des questions directement liées au contenu de ces deux documents. L’argument principal du demandeur est donc que la Commission n’a pas accordé assez de poids à ces documents. L’appréciation de la preuve relève nettement de l’expertise de la Commission et il n’appartient pas à la Cour de substituer sa propre appréciation de la preuve à celle de la Commission.

 

[15]           Le demandeur prétend que la Commission a fondé ses conclusions sur des contradictions mineures découlant de sa mauvaise interprétation de son témoignage. Compte tenu du dossier dont la Commission était saisie, je suis convaincu que sa décision était raisonnable.

 

[16]           Contrairement à ce qu’affirme le demandeur, la Commission n’a pas mal interprété son témoignage relativement à la durée de la période pendant laquelle il a vécu avec son conjoint en Namibie. Il ressort clairement de la transcription que les réponses du demandeur étaient contradictoires. Le point portant sur la langue du demandeur n’est peut-être pas fondamental quant à sa demande, mais elle touche au coeur même de la crédibilité, un domaine qui relève de l’expertise particulière de la Commission. Comme je l’ai déjà mentionné, la Commission a le droit d’apprécier la preuve dont elle est saisie. Je suis convaincu que, en l’espèce, la Commission l’a fait d’une manière raisonnable.

 

[17]           Enfin, comme le défendeur le souligne à juste titre, la Cour a conclu que, lorsque le demandeur n’a pas réussi à établir son identité, en l’espèce en tant qu’homosexuel, la Commission n’est pas tenu d’examiner davantage la demande (Pak c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 381, [2011] ACF no 490, au paragraphe 42; Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 296, [2006] ACF no 368, au paragraphe 8; Husein c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 726, au paragraphe 13). La prétendue omission de Commission de tenir compte de la preuve documentaire portant sur le traitement des homosexuels en Namibie n’est donc pas susceptible de contrôle.

 

VI.       Conclusion

 

[18]           La décision de la Commission peut se justifier au regard du droit et des faits de l’espèce et appartient aux issues possibles et acceptables.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« D. G. Near »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2212-12

 

INTITULÉ :                                      JACKSON KAZONDUNGE c MCI

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 29 OCTOBRE 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE NEAR

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 9 NOVEMBRE 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Kingsley I. Jesuorobo

 

POUR LE DEMANDEUR

Kareena R. Wilding

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Kingsley I. Jesuorobo

Avocat

North York (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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