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Date : 20121107

Dossier : IMM-1823-12

Référence : 2012 CF 1303

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 7 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Zinn

 

ENTRE :

 

 

LEOBARDO AHUMADA ROJAS

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

        MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               M. Ahumada Rojas sollicite l’annulation de la décision rendue le 2 février 2012 par laquelle un agent d’immigration a rejeté la demande qu’il avait présentée en vue d’obtenir la résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada.

 

[2]               La demande a été refusée, l’agent ayant conclu que le demandeur n’a pas satisfait au sous‑alinéa 72(1)e)(i) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), lequel exige qu’un étranger qui désire devenir un résident permanent du Canada établisse que les membres de sa famille — qu’ils l’accompagnent ou non — ne sont pas interdits de territoire.

 

Contexte

[3]               M. Ahumada Rojas est né au Mexique. En septembre 2005, il s’est rendu au Canada à titre de visiteur et en décembre 2006, il a rencontré Janice Leona Cotterell, une citoyenne canadienne. Une relation a débuté, puis il a emménagé avec Mme Cotterell et son fils en mars 2008

 

[4]               Le 6 janvier 2010, M. Ahumada Rojas a présenté une demande de résidence permanente au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada, parrainée par Mme Cotterell. À ce moment-là, M. Ahumada Rojas était déjà marié, mais il a obtenu le divorce d’avec sa première épouse le 14 janvier 2010. Il a épousé Mme Cotterell le 10 octobre 2010.

 

[5]               Dans sa demande, M. Ahumada Rojas a énuméré trois enfants issus de son premier mariage — Esteban, Rebeca, et Mariana (nés en 1992, 1995 et 1998, respectivement) — et déclaré que ceux‑ci vivaient tous au Costa Rica avec son ex-épouse. Il n’a pas précisé qui avait la garde des enfants, mais il a déclaré n’avoir eu aucun contact avec eux depuis 2009 et qu’ils ne s’entendaient pas avec lui. M. Ahumada Rojas a demandé qu’ils soient exclus à titre de membres de la famille aux fins de sa demande, reconnaissant que cela signifiait qu’il ne serait pas en mesure de les parrainer plus tard.

 

[6]               La demande de M. Ahumada Rojas a été refusée parce qu’il n’a ni fourni de preuve documentaire attestant que les enfants étaient sous la garde exclusive d’une autre personne ni veillé à ce qu’ils fassent l’objet d’un contrôle.

 

Questions à trancher

[7]               M. Ahumada Rojas soulève les questions suivantes :

a.                   L’agent a-t-il commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération, en interprétant de façon erronée ou en écartant des éléments de preuve pertinents pour en arriver à sa décision de refuser la demande présentée par le demandeur?

 

b.                  L’agent a-t-il négligé de respecter les règles d’équité procédurale en omettant d’examiner des éléments de preuve documentaire clés dans la demande du demandeur et/ou en ne fournissant pas des motifs suffisants pour rejeter ces éléments de preuve?

 

c.                   L’agent a-t-il commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la politique publique du défendeur, qui précise l’application par ailleurs restrictive du sous‑alinéa 72(1)e)(i) du Règlement?

 

 

[8]               La norme de contrôle applicable dans le cas de la première question est celle de la décision raisonnable : Negash c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1164, aux paragraphes 15 et 16. En ce qui concerne la deuxième question, qui porte sur l’équité procédurale, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte : Foroogh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1171, aux paragraphes 16 et 17. La norme de contrôle applicable pour ce qui est de la troisième question est celle de la décision raisonnable, parce que la disposition du Règlement qu’il faut interpréter ne revêt pas une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble et qu’elle n’est pas étrangère au domaine d’expertise d’un agent d’immigration : Portillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 678, au paragraphe 21.

 

[9]               Les parties ont chacune déposé un affidavit dans le cadre de la demande et elles s’opposent l’une et l’autre à l’affidavit de l’autre partie. Une partie ne peut présenter de nouveaux éléments de preuve dont le décideur n’était pas saisi : Lemiecha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] ACF no 1333. Ainsi, le paragraphe 9 de l’affidavit du demandeur et les pièces jointes I et J, qui correspondent à une lettre de l’avocat de M. Ahumada Rojas au Costa Rica et à un mandat, sont irrecevables en l’espèce. Dans le même ordre d’idées, un décideur ne peut pas présenter de nouveaux éléments de preuve liés à sa décision afin d’étoffer la décision : Kalra c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 941, au paragraphe 15. À mon avis, c’est ce que l’agent a fait dans son affidavit et, puisque celui-ci contient des renseignements qui ne figurent pas dans les notes versées dans le STIDI ou la lettre de décision, il est rejeté à titre d’élément de preuve en l’instance

 

Analyse

1.         Omission d’avoir examiné la preuve dans son ensemble

[10]           M. Ahumada Rojas soutient que l’agent n’a pas tenu compte de la preuve dans son ensemble. Il souligne qu’il n’y a aucune mention dans la décision de refus (i) des déclarations signées qu’il a fournies confirmant qu’il a compris que ses enfants, s’ils ne faisaient pas l’objet d’un contrôle, seraient exclus de la catégorie du regroupement familial dans l’avenir, (ii) des deux confirmations distinctes de son ancien consultant en immigration voulant qu’il n’ait pas été en mesure de communiquer avec les enfants, et (iii) du fait que le bureau des visas canadien n’a pas réussi lui non plus à localiser les enfants

 

[11]           Il affirme que l’agent a abordé la demande avec un esprit fermé, en ne tenant compte que du fait que les enfants n’avaient pas l’objet d’un contrôle, et qu’il n’a nullement pris en considération la preuve documentaire qui révélait que ce n’était pas possible. Il soutient en outre que les modalités de garde n’étaient pas pertinentes, car il est très clairement indiqué dans ses déclarations signées qu’il n’avait aucun contact avec les enfants et aucunement l’intention de les parrainer plus tard

 

[12]           Il n’est pas contesté que M. Ahumada Rojas n’a pas fourni de preuve attestant qu’il n’a pas la garde de ses enfants. L’agent n’a été saisi d’aucun élément de preuve qui contient une déclaration voulant que M. Ahumada Rojas n’ait pas la garde, ou que son ex-épouse ou quelqu’un d’autre ait la garde. L’absence d’une telle preuve ou d’une explication indiquant la raison pour laquelle la preuve n’est pas disponible est choquante étant donné que le défendeur a envoyé deux lettres faisant part de cette exigence au demandeur. Dans sa lettre du 20 juillet 2011, qui a été envoyée après que le demandeur a fourni les déclarations solennelles indiquant qu’il comprenait les conséquences liées au fait que ses enfants ne fassent pas l’objet d’un contrôle, le défendeur a écrit : [traduction] « Puisque vous n’avez pas été en mesure de fournir une preuve documentaire attestant que votre(vos) enfant(s) sont sous la garde exclusive d’une autre personne, le(s) membre(s) de la famille suivant(s) doivent continuer de faire l’objet d’un contrôle [...] » [En caractères gras dans l’original.] Dans sa lettre en date du 21 décembre 2011, le défendeur a écrit ce qui suit [traduction] « [V]ous n’avez pas fourni de preuve documentaire démontrant que vous avez essayé de communiquer avec vos enfants et vous n’avez pas été en mesure de fournir une preuve documentaire attestant que votre(vos) enfant(s) sont sous la garde exclusive d’une autre personne. Par conséquent, le(s) membre(s) de la famille suivant(s) doivent continuer de faire l’objet d’un contrôle. » [En caractères gras dans l’original.]

 

[13]           M. Ahumada Rojas dit simplement, directement et par l’entremise de son représentant, qu’il a perdu le contact avec les enfants. Vu l’importance que revêt pour sa demande l’établissement de la garde et les efforts déployés pour communiquer avec ses enfants aux fins du contrôle, la conclusion de l’agent selon laquelle le demandeur ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve figurait parmi les issues acceptables.

 

[14]           Je souscris à l’observation du défendeur selon laquelle l’agent doit être convaincu que les membres de la famille du demandeur ne sont pas interdits de territoire. L’article 23 du Règlement prévoit une exception concernant les critères d’admissibilité des demandeurs lorsque leurs enfants sont sous la garde exclusive d’un conjoint séparé ou d’un ex-conjoint. Afin de tirer parti de cette exception, les demandeurs doivent fournir une preuve documentaire dans laquelle sont précisées les modalités de garde des enfants à charge qui ne les accompagnent pas. Le demandeur a omis de fournir une telle preuve, et ce, même après des demandes répétées

 

[15]           L’alinéa 23(b)iii) du Règlement interdit de territoire un étranger si, en vertu d’une ordonnance judiciaire, d’un accord écrit, ou par l’effet de la loi, il ou elle a la garde des enfants à charge qui ne l’accompagnent pas et qu’il n’est pas confirmé que ceux-ci sont admissibles. En l’espèce, l’agent n’a pas conclu, en raison de l’omission de la part du demandeur de présenter la preuve nécessaire, qu’il n’avait pas la garde de ces trois enfants. C’est seulement quand et si l’agent tire une telle conclusion et détermine qu’il n’est pas nécessaire que les enfants fassent l’objet d’un contrôle, que le demandeur se voit demander de fournir les déclarations qu’il a présentées, visant à exclure ses enfants de la catégorie du regroupement familial

 

2.         Équité procédurale

[16]           Le demandeur fait valoir qu’il n’a pas eu une possibilité raisonnable de dissiper les doutes de l’agent. Je suis tout simplement incapable d’accepter cet argument. Le demandeur a été informé, à plusieurs reprises, de l’enjeu précis et il a eu plus d’un an pour fournir les renseignements demandés ou une réponse satisfaisante permettant d’expliquer la raison pour laquelle les renseignements ne pouvaient être fournis. Il n’a fourni ni l’une ni l’autre de ces preuves. Il n’y a pas eu violation de l’équité procédurale par l’agent.

 

3.         Omission de tenir compte de la politique du défendeur

[17]           Dans le Guide IP8 du défendeur, il est précisé que si les membres de la famille ne sont « véritablement pas disponibles », un agent peut faire signer au demandeur une déclaration solennelle. Il y est aussi indiqué que l’agent doit « envisager la possibilité qu’un client ne soit pas en mesure de faire en sorte qu’un membre de sa famille fasse l’objet d’un contrôle ». L’agent est invité à prendre ses décisions au cas par cas; le guide précise toutefois que l’agent ne doit aller de l’avant avec une demande sans que tous les membres de la famille aient fait l’objet d’un contrôle qu’« en dernier recours » et que le demandeur ne peut pas choisir de ne pas soumettre un membre de sa famille à un contrôle.

 

[18]           En l’absence d’éléments de preuve attestant que le demandeur n’avait pas la garde des enfants, je suis incapable de conclure que l’agent a commis une erreur ou a rendu une décision déraisonnable en concluant que le demandeur n’était pas arrivé au point de dernier recours. Vu la preuve à sa disposition, il était raisonnablement loisible à l’agent de conclure que le demandeur n’avait pas épuisé toutes les voies de recours et de refuser d’aller de l’avant avec la demande ainsi qu’il est prévu dans le Guide IP8.

 

[19]           Pour tous les motifs exposés ci-dessus, la demande est rejetée. Aucune des parties n’a proposé une question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE EN CES TERMES : La demande est rejetée et aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger,

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-1823-12

 

INTITULÉ :                                      LEOBARDO AHUMADA ROJAS c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 6 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ZINN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 7 novembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Devilka Penekelapati

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Tamrat Gebeyehu

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BORDERS LAW FIRM

Avocats

Toronto (Ontario)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

MYLES J. KIRVAN

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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