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Date : 20121108

Dossier : T‑915‑12

Référence : 2012 CF 1306

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

STEVE BLACK

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, en vue d’obtenir le contrôle judiciaire d’une décision en date du 11 avril 2012 (la décision) par laquelle un comité d’arbitrage constitué conformément aux articles 43 et 44 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, ch R‑10 (la Loi) a, en réponse à une requête préliminaire, conclu que le demandeur avait reçu signification « sans délai » (« forthwith » dans la version anglaise) d’un avis d’audience disciplinaire comme l’exige le paragraphe 43(4) de la Loi.

 

CONTEXTE

 

[2]               Le demandeur, le sergent Steve Black, est membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) depuis 1990. Les faits à l’origine de la présente demande sont simples et ne sont pas contestés.

 

[3]               Le 27 novembre 2009, une plainte a été déposée contre le demandeur en vertu de la Loi. La plainte a fait l’objet d’une enquête et il a été décidé que l’on convoquerait une audience disciplinaire. Le paragraphe 43(8) de la Loi prévoit qu’une audience ne peut être convoquée plus d’une année après le dépôt de la plainte.

 

[4]               Le 19 novembre 2010, le commandant a convoqué une audience relativement à des mesures disciplinaires graves pouvant être prises contre le demandeur. Le 22 novembre 2010, un comité d’arbitrage a été constitué pour juger l’affaire. Il est acquis aux débats que ces étapes ont été franchies avant l’expiration du délai de prescription d’un an prévu au paragraphe 43(8) de la Loi.

 

[5]               Le 30 septembre 2011, le demandeur a reçu signification d’un avis d’audience disciplinaire (l’avis), c’est‑à‑dire dix mois et demi après la convocation de l’audience. L’avis est joint au dossier du demandeur à titre d’annexe A. L’avis, qui compte 24 pages, énonce les allégations formulées contre le demandeur, la procédure suivie lors de l’audience, le nom des témoins potentiels, ainsi que les éléments de preuve devant être présentés à l’audience. Parmi les éléments de preuve qui sont énumérés, mentionnons la transcription d’entrevues avec diverses personnes, des opinions d’experts, des photos, des carnets de notes, des rapports de laboratoire, des déclarations, des lettres personnelles et des objets matériels tels que des vêtements.

 

[6]               Dans l’intervalle, plus précisément entre le 22 novembre 2010 et le 4 janvier 2011, la représentante de l’officier compétent chargée de l’affaire, Mme Denise Watson (la ROC), a pris un congé spécial qui était déjà prévu. Elle a ensuite pris un congé médical prolongé en juin ou juillet 2011. Le sergent Jon Hart s’est vu confier la plainte le 16 septembre 2011. L’avis a été signé le 27 septembre 2011 et il a été signifié au demandeur le 30 septembre 2011.

 

[7]               Le comité d’arbitrage a tenu une audience de deux jours les 10 et 11 avril 2012. Le demandeur a présenté une requête préliminaire visant à déterminer si le comité d’arbitrage avait compétence pour juger le différend compte tenu du temps écoulé entre l’introduction de l’instance et la signification de l’avis et l’exigence prévue au paragraphe 43(4) de la Loi suivant laquelle l’avis doit être signifié « sans délai » (« forthwith » dans la version anglaise). Le comité d’arbitrage a conclu que le demandeur avait reçu signification « sans délai» et que le comité d’arbitrage avait compétence pour statuer sur la plainte.

 

DÉCISION À L’EXAMEN

 

[8]               Le comité d’arbitrage a rendu sa décision le 11 avril 2012. Il a commencé par passer en revue les faits essentiels à l’origine de la requête préliminaire que nous avons déjà résumés. Le comité d’arbitrage a répété qu’il ne faisait aucun doute que les exigences légales du paragraphe 43(4) de la Loi avaient été remplies. Il a ensuite précisé que la requête préliminaire portait sur la question de savoir si la ROC avait satisfait ou non aux exigences relatives à l’avis imposées par le paragraphe 43(4) de la Loi. Le comité d’arbitrage a retenu l’argument du demandeur suivant lequel, si la signification de l’avis ne respectait pas les exigences du paragraphe 43(4), il n’aurait plus compétence pour instruire la plainte.

 

[9]               Le comité d’arbitrage a souligné que le demandeur avait bien précisé dans ses observations qu’il ne s’agissait pas d’une requête pour abus de procédure et que la question portait sur l’interprétation de la loi. Le débat tournait autour du sens du paragraphe 43(4), qui dispose :

Dès qu’il est ainsi avisé, l’officier compétent signifie au membre soupçonné d’avoir contrevenu au code de déontologie un avis écrit de l’audience […]

 

Le comité d’arbitrage a précisé que le débat ne portait que sur le sens des mots « dès que » (« forthwith » dans la version anglaise (« sans délai »).

 

[10]           Le comité d’arbitrage a déclaré que l’arrêt Nicholson c Haldimand‑Norfolk (Region) Police Commissioners, [1981] 1 RCS 92, 117 DLR (3d) 750, avait incorporé les principes de justice naturelle aux questions disciplinaires policières. Il s’ensuit que le demandeur doit recevoir un avis suffisant de la conduite qui lui est reprochée et qu’il doit être informé des éléments invoqués contre lui. Le comité d’arbitrage a toutefois affirmé que la question qui lui était soumise n’était pas aussi simple et qu’il était appelé à savoir pourquoi le législateur avait délibérément employé les mots « dès que » « [« forthwith » (« sans délai ») dans la version anglaise)] au début du paragraphe 43(4) au lieu de prévoir un délai précis. Le comité d’arbitrage a répété que la requête du demandeur ne portait pas sur une question de retard ou de préjudice.

 

[11]           Le comité d’arbitrage a cité l’arrêt rendu par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire Wilder c Ontario (Securities Commission), 24 OSCB 1953, 197 DLR (4th) 193, ainsi que l’ouvrage d’Elmer Dreiger, Construction of Statutes, sur la question de la méthode appropriée d’interprétation des lois. Le comité d’arbitrage a rappelé qu’[traduction] « il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur » et qu’il s’agissait de la méthode préconisée par la Cour suprême du Canada. Cette méthode s’accorde également avec l’article 12 de la Loi d’interprétation et les avocats ont convenu que c’était la méthode d’interprétation législative qui était privilégiée.

 

[12]           Le comité d’arbitrage a ensuite examiné la décision du comité externe d’examen de la GRC dans l’affaire Appropriate Officer Depot Division c Constable Cheney, D‑119, 10 février 2011 [Cheney]. Il a cité les paragraphes 63 et 64 de cette décision :

                        [traduction]

Il semble qu’il n’existe aucun précédent faisant autorité en ce qui concerne la définition des termes « dès que » « [« forthwith » (« sans délai ») dans la version anglaise)] au paragraphe 43(4) de la Loi. Quoi qu’il en soit, j’estime que l’interprétation du comité était raisonnable. À mon avis, l’obligation de signifier l’avis « sans délai » (« forthwith » en anglais) « doit être appréciée en fonction du contexte et des circonstances de l’espèce » (Universal Foods Inc. c. Hermes Food Importers Ltd., [2003] ACF no 613, aux paragraphes 19 à 26). La Cour fédérale du Canada a abordé la même question dans l’affaire Smith c. Canada [1991] 3 C.F. 3 (C.F. 1re inst.) dans laquelle elle a déclaré :

 

                    [traduction] Finalement, ... nous sommes convaincus qu’il faut interpréter l’expression « sans délai » à l’art. 3(1) de la Loi comme signifiant « immédiatement » ou [traduction] « dès que possible eu égard aux circonstances et en tenant compte de la nature de l’acte à accomplir » (37 Hals., 3e éd., à la p. 103) ou [traduction] «aussi promptement qu’il est raisonnablement possible ou réalisable en tenant compte de toutes les circonstances » (R. v. Bell, [1969] 2 C.C.C. 9, à la p. 18) ...

 

                    Il semble ressortir de toutes les décisions publiées que « sans délai » ne veut pas dire « instantanément » (R. v. Cuthbertson, précité), mais plutôt « dans un délai raisonnable », en tenant compte [traduction] « du but visé par le principe, et des circonstances de l’affaire »(le maître des rôles Jessel dans le jugement Ex parte Lamb (1881), 19 Ch. D. 169, à la p. 173 ... Voir également Mihm et autres c. Ministre de la Main‑d’oeuvre et de l’immigration, [1970] R.C.S. 348, à la p. 358 ...

 

                     

                                   [...]

 

J’estime qu’interpréter le mot « forthwith » dans la version anglaise comme signifiant « immédiatement » et « sur‑le‑champ » aurait pour effet, dans le présent contexte, d’imposer une norme irréaliste, compte tenu que plusieurs étapes doivent être franchies lorsqu’il s’agit de préparer l’avis d’audience. Ainsi, suivant l’article 43 de la Loi, l’avis d’audience doit notamment contenir un énoncé distinct de chaque contravention alléguée ainsi qu’un énoncé détaillé de l’acte de l’omission constituant chaque contravention alléguée. De plus, l’avis doit être accompagné d’une copie de la preuve écrite au documentaire qui sera produite à l’audience, des déclarations des éventuels témoins et d’une liste des pièces.

 

Le comité d’arbitrage a déclaré que l’extrait cité de la décision Cheney touchait le cœur même de la question qui lui était soumise et qu’il avait été jugé dans cette affaire que le mot anglais « forthwith » [« sans délai »] signifiait « dès qu’il est possible dans les circonstances ».

 

[13]           Le comité d’arbitrage a déclaré que la Cour d’appel fédérale avait examiné l’article 43 de la Loi dans l’affaire Thériault c Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2006 CAF 61 [Thériault]. Le comité d’arbitrage a cité le paragraphe 29 de cette décision :

[E]n édictant le délai de prescription du paragraphe 43(8), le législateur visait à en déterminer un point de départ qui concilie la nécessité de protéger le public et la crédibilité de l’institution et celle d’octroyer un traitement équitable aux membres qui la composent et s’y dévouent. Le mécanisme du paragraphe 43(8) offre donc une flexibilité désirable à des fins d’enquête et de poursuite. Mais il a ses limites. Et inévitablement le couperet du temps finit par tomber sur l’inaction et trancher la question en faveur du contrevenant.

 

Le comité d’arbitrage a ajouté ce qui suit : [traduction] « Si la Cour d’appel fédérale a, dans l’arrêt Thériault, reconnu la souplesse inhérente d’un délai de prescription strict d’un an, la souplesse inhérente du paragraphe 43(4) est encore plus évidente, étant donné que le paragraphe 43(4) n’est assujetti à aucun délai de prescription ».

 

[14]           Le comité d’arbitrage a rappelé que, dans l’arrêt Thériault, la Cour d’appel fédérale avait reconnu que les paragraphes 43(8) et 43(4) étaient liés. Le comité d’arbitrage a cité les paragraphes 35 à 38 de cette décision :

Dans le contexte aussi bien de poursuites disciplinaires que de poursuites pénales, la connaissance d’une contravention et de l’identité de son auteur signifie que la personne investie du pouvoir d’engager les poursuites doit avoir suffisamment d’information crédible et convaincante quant à la contravention alléguée et quant à son auteur pour raisonnablement croire que cette contravention a été commise et que la personne à qui on l’impute en est l’auteur.

 

Il s’agit là, à mon humble avis, du degré de connaissance requis pour les fins d’actionner le mécanisme de la prescription du paragraphe 43(8) de la Loi. Il n’est pas nécessaire à ce moment d’avoir en main toute la preuve qui peut s’avérer nécessaire ou être admise au procès : voir Ontario (Securities Commission) v. International Containers Inc. Il n’est également pas nécessaire de posséder à ce stade les détails nécessaires pour répondre à une éventuelle demande de précisions : ibid.

 

De même, pour les fins du point de départ de la prescription, je ne crois pas que l’officier compétent doive connaître les informations qu’il est requis de communiquer au contrevenant avec l’avis d’audience et que l’on retrouve aux paragraphes 43(4) et (6) de la Loi. Cette communication de la preuve au contrevenant n’est pas dictée par les règles de la prescription, mais par les règles de justice naturelle et d’équité procédurale à l’audience.

 

Il importe bien de ne pas confondre les deux situations au plan juridique. Il se peut qu’au moment où il acquiert, pour fins du déclenchement de la prescription, la connaissance de l’existence d’une contravention, l’officier compétent ne dispose pas de toute l’information lui permettant de satisfaire aux paragraphes 43(4) et (6). Mais il n’est pas obligé à ce stade de convoquer une audience disciplinaire si, au terme du paragraphe 43(1), il ne connaît pas la gravité de la contravention et si les circonstances ne lui permettent pas de savoir si des mesures disciplinaires simples sont suffisantes. Il peut poursuivre l’enquête ou demander des compléments d’enquête pour s’en satisfaire et rencontrer les obligations des paragraphes 43(4) et (6).

 

[15]           Le comité d’arbitrage a souligné que c’était l’ensemble des renseignements dont disposait la ROC qui constituait la différence principale entre le paragraphe 43(4) et le paragraphe 43(8). Pour satisfaire aux exigences du paragraphe 43(8), il suffit d’énoncer avec suffisamment de précision la nature de l’inconduite ainsi que l’identité du membre en cause. Dès lors qu’un comité d’arbitrage a été constitué et que les exigences du paragraphe 43(8) ont été remplies, la ROC doit extraire d’une masse d’informations celles qui ont trait à l’infraction reprochée. La différence de libellé entre le paragraphe 43(8) et le paragraphe 43(4) confirme qu’il s’agit là d’une opération fort différente de la formalité procédurale qu’exige le paragraphe 43(8).

 

[16]           Le comité d’arbitrage a adopté le point de vue selon lequel la démarche consistant à élaborer l’avis une fois que le comité d’arbitrage a été constitué exigeait un échéancier assez souple et que le législateur avait reconnu cet état de fait en rendant le paragraphe 43(4) plus souple que le paragraphe 43(8). Par exemple, la cueillette des renseignements nécessaires pour rédiger l’avis peut impliquer des considérations d’ordre opérationnel importantes et une divulgation prématurée risque de compromettre les cas délicats.

 

[17]           Le comité d’arbitrage a déclaré qu’à la lumière des témoignages entendus à l’audience, il était convaincu que les questions d’ordre disciplinaire relatives au demandeur étaient délicates et compliquées. Il s’agissait d’une affaire grave et complexe qui concernait un conflit organisationnel dont le règlement avait nécessité des mois. Le comité d’arbitrage a déclaré [traduction] : « Ces facteurs offrent des raisons opérationnelles valables pour expliquer le retard qu’accusait la délivrance de l’avis et confirment la raison pour laquelle le législateur a prévu au paragraphe 43(4) un échéancier plus souple qu’au paragraphe 43(8). Comme chaque cas est un cas d’espèce, le législateur a reconnu que l’imposition d’un échéancier inflexible risquait de créer des résultats injustes ». Le comité d’arbitrage a ensuite fait observer que, non seulement des facteurs opérationnels étaient en jeu en l’espèce, mais également des facteurs administratifs.

 

[18]           Ainsi que le demandeur l’a fait observer dans son exposé chronologique, la ROC affectée à son dossier avait été absente pendant la plus grande partie des dix mois et demi de retard qu’accusait le traitement de son dossier, tout d’abord en raison d’un congé spécial planifié puis à l’occasion d’un congé médical prolongé. Le comité d’arbitrage a déclaré que l’on ne pouvait raisonnablement s’attendre à ce que l’employeur prévoie à quel moment un employé partira en congé, ajoutant que l’employeur devait s’ajuster à ce genre de situation lorsqu’elle se présente. On ne peut non plus prévoir ce que l’employé a le temps d’accomplir avant de prendre un congé médical prolongé. Le sergent Hart, qui a pris la relève après le départ de Denise Watson comme ROC, a finalement été appelé à prêter main‑forte dans certains dossiers. Le comité d’arbitrage a estimé qu’il s’agissait d’une décision administrative sage, ajoutant : [traduction] « Si quelqu’un se porte malade le lundi, les dossiers dont il s’occupe ne seront pas automatiquement confiés à quelqu’un d’autre le mardi ». On ne peut exiger de l’employeur qu’il fasse que ce qu’il peut pour régler les dossiers en cours à la suite du départ de l’employé. Le comité d’arbitrage a conclu que, d’après tous les indices dont il disposait, c’était effectivement ce qui s’était produit en l’espèce.

 

[19]           Le comité d’arbitrage a répété que le mot « forthwith » dans la version anglaise du paragraphe 43(4) signifiait « dès qu’il est possible dans les circonstances ». Le comité d’arbitrage a conclu que ce critère avait été respecté en l’espèce. Bien qu’il soit vrai que le délai ne pouvait d’aucune manière être imputé au demandeur, il n’en demeure pas moins que la requête dont le comité d’arbitrage était saisi portait expressément sur sa compétence. Le demandeur a expressément déclaré qu’il ne présentait aucun argument au sujet d’un abus de procédure de sorte que l’analyse de cette question est distincte. Le comité d’arbitrage a conclu que les exigences du paragraphe 43(4) de la Loi avaient été respectées et qu’il était compétent pour statuer sur la question disciplinaire.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[20]           Le demandeur a formellement soulevé les questions suivantes dans le cadre de la présente demande :

a.                   Le contrôle judiciaire est‑il un recours approprié?

b.                  Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision?

c.                   Le comité d’arbitrage a‑t‑il compétence pour statuer sur l’instance disciplinaire?

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

[21]           Les dispositions suivantes de la Loi sont en litige en l’espèce :

 (1) Sous réserve des paragraphes (7) et (8), lorsqu’il apparaît à un officier compétent qu’un membre a contrevenu au code de déontologie et qu’eu égard à la gravité de la contravention et aux circonstances, les mesures disciplinaires simples visées à l’article 41 ne seraient pas suffisantes si la contravention était établie, il convoque une audience pour enquêter sur la contravention présumée et fait part de sa décision à l’officier désigné par le commissaire pour l’application du présent article.

 

 

 

 

(2) Dès qu’il est avisé de cette décision, l’officier désigné nomme trois officiers à titre de membres d’un comité d’arbitrage pour tenir l’audience et en avise l’officier compétent.

 

 

(3) Au moins un des trois officiers du comité d’arbitrage est un diplômé d’une école de droit reconnue par le barreau d’une province.

 

 

(4) Dès qu’il est ainsi avisé, l’officier compétent signifie au membre soupçonné d’avoir contrevenu au code de déontologie un avis écrit de l’audience accompagné des documents suivants :

 

 

a) une copie de la preuve écrite ou documentaire qui sera produite à l’audience;

 

 

b) une copie des déclarations obtenues des personnes qui seront citées comme témoins à l’audience;

 

c) une liste des pièces qui seront produites à l’audience.

 

 

(5) L’avis d’audience signifié à un membre en vertu du paragraphe (4) peut alléguer plus d’une contravention au code de déontologie et doit contenir les éléments suivants :

 

a) un énoncé distinct de chaque contravention alléguée;

 

b) un énoncé détaillé de l’acte ou de l’omission constituant chaque contravention alléguée;

 

 

c) le nom des membres du comité d’arbitrage;

 

d) l’énoncé du droit d’opposition du membre à la nomination de tout membre du comité d’arbitrage comme le prévoit l’article 44.

 

(6) L’énoncé détaillé visé à l’alinéa (5)b) doit être suffisamment précis et mentionner, si possible, le lieu et la date où se serait produite chaque contravention alléguée dans l’avis d’audience, afin que le membre qui en reçoit signification puisse connaître la nature des contraventions alléguées et préparer sa défense en conséquence.

 

 

 

 

 

(7) L’officier compétent ne peut convoquer une audience en vertu du présent article relativement à une contravention au code de déontologie censément commise par un membre à qui la mesure disciplinaire simple visée à l’alinéa 41(1)g) a déjà été imposée à l’égard de cette contravention.

 

(8) L’officier compétent ne peut convoquer une audience en vertu du présent article relativement à une contravention au code de déontologie censément commise par un membre plus d’une année après que la contravention et l’identité de ce membre ont été portées à sa connaissance.

 

(9) En l’absence de preuve contraire, un certificat présenté comme signé par l’officier compétent et faisant état du moment où ont été portées à sa connaissance une contravention au code de déontologie censément commise par un membre et l’identité de ce dernier, constitue une preuve de ce moment sans qu’il soit nécessaire d’établir l’authenticité de la signature ni la qualité du signataire.

 

 
Appel interjeté au commissaire
 

 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, toute partie à une audience tenue devant un comité d’arbitrage peut en appeler de la décision de ce dernier devant le commissaire:

 

a) soit en ce qui concerne la conclusion selon laquelle est établie ou non, selon le cas, une contravention alléguée au code de déontologie;

 

 

b) soit en ce qui concerne toute peine ou mesure imposée par le comité après avoir conclu que l’allégation visée à l’alinéa a) est établie.

 

 

(2) Pour l’application du présent article, le rejet par un comité d’arbitrage d’une allégation en vertu du paragraphe 45.1(6) ou pour tout autre motif, sans conclusion sur le bien‑fondé de l’allégation, est réputé être une conclusion portant que cette dernière n’est pas établie.

 

 

(3) Le commissaire entend tout appel, quel qu’en soit le motif; toutefois, l’officier compétent ne peut en appeler devant le commissaire de la peine ou de la mesure visée à l’alinéa (1)b) qu’au motif que la présente loi ne les prévoit pas.

 

 

 

 

 

(…)

 

 

 (1) Subject to subsections (7) and (8), where it appears to an appropriate officer that a member has contravened the Code of Conduct and the appropriate officer is of the opinion that, having regard to the gravity of the contravention and to the surrounding circumstances, informal disciplinary action under section 41 would not be sufficient if the contravention were established, the appropriate officer shall initiate a hearing into the alleged contravention and notify the officer designated by the Commissioner for the purposes of this section of that decision.

 

(2) On being notified pursuant to subsection (1), the designated officer shall appoint three officers as members of an adjudication board to conduct the hearing and shall notify the appropriate officer of the appointments.

 

(3) At least one of the officers appointed as a member of an adjudication board shall be a graduate of a school of law recognized by the law society of any province.

 

(4) Forthwith after being notified pursuant to subsection (2), the appropriate officer shall serve the member alleged to have contravened the Code of Conduct with a notice in writing of the hearing, together with

 

(a) a copy of any written or documentary evidence that is intended to be produced at the hearing;

 

(b) a copy of any statement obtained from any person who is intended to be called as a witness at the hearing; and

 

(c) a list of exhibits that are intended to be entered at the hearing.

 

(5) A notice of hearing served on a member pursuant to subsection (4) may allege more than one contravention of the Code of Conduct and shall contain

 

(a) a separate statement of each alleged contravention;

 

(b) a statement of the particulars of the act or omission constituting each alleged contravention;

 

(c) the names of the members of the adjudication board; and

 

(d) a statement of the right of the member to object to the appointment of any member of the adjudication board as provided in section 44.

 

(6) Every statement of particulars contained in a notice of hearing in accordance with paragraph (5)(b) shall contain sufficient details, including, where practicable, the place and date of each contravention alleged in the notice, to enable the member who is served with the notice to determine each such contravention so that the member may prepare a defence and direct it to the occasion and events indicated in the notice.

 

(7) No hearing may be initiated by an appropriate officer under this section in respect of an alleged contravention of the Code of Conduct by a member if the informal disciplinary action referred to in paragraph 41(1)(g) has been taken against the member in respect of that contravention.

 

(8) No hearing may be initiated by an appropriate officer under this section in respect of an alleged contravention of the Code of Conduct by a member after the expiration of one year from the time the contravention and the identity of that member became known to the appropriate officer.

 

(9) A certificate purporting to be signed by an appropriate officer as to the time an alleged contravention of the Code of Conduct by a member and the identity of that member became known to the appropriate officer is, in the absence of evidence to the contrary, proof of that time without proof of the signature or official character of the person purporting to have signed the certificate.

 

 

 

Appeal to Commissioner
 
 

 (1) Subject to this section, a party to a hearing before an adjudication board may appeal the decision of the board to the Commissioner in respect of

 

 

(a) any finding by the board that an allegation of contravention of the Code of Conduct by the member is established or not established; or

 

(b) any sanction imposed or action taken by the board in consequence of a finding by the board that an allegation referred to in paragraph (a) is established.

 

(2) For the purposes of this section, any dismissal of an allegation by an adjudication board pursuant to subsection 45.1(6) or on any other ground without a finding by the board that the allegation is established or not established is deemed to be a finding by the board that the allegation is not established.

 

(3) An appeal lies to the Commissioner on any ground of appeal, except that an appeal lies to the Commissioner by an appropriate officer in respect of a sanction or an action referred to in paragraph (1)(b) only on the ground of appeal that the sanction or action is not one provided for by this Act.

 

(…)

 

 

Le contrôle judiciaire est‑il un recours approprié?

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Le demandeur

 

[22]           Le demandeur affirme que le contrôle judiciaire constitue un recours approprié parce que la décision est définitive, qu’il existe des circonstances exceptionnelles qui justifient le contrôle judiciaire et que le processus d’appel prévu par la Loi ne constitue pas un recours approprié.

 

[23]           Le demandeur souligne que le conseil d’arbitrage a précisé, d’entrée de jeu, que sa décision était définitive. Le conseil d’arbitrage a également expliqué que l’instance disciplinaire devait se poursuivre même si l’audience était ajournée sine die. Suivant le demandeur, ces propos permettent de penser que la décision était définitive et il ajoute que, même si la décision n’est pas considérée comme définitive, elle comporte des circonstances exceptionnelles qui justifient l’intervention de la Cour.

 

[24]           Le demandeur affirme que, dans des circonstances exceptionnelles, la Cour peut intervenir avant que le tribunal administratif ne rende sa décision définitive. La Cour peut notamment intervenir lorsque l’existence même du tribunal administratif est remise en question (Air Canada c Lorenz, [2000] 1 CF 494 [Lorenz], au paragraphe 37). Le demandeur cite le jugement Cannon c Canada (Commissaire adjoint, GRC, [1998] 2 CF 104 [Cannon], dans lequel le juge Andrew MacKay déclare, au paragraphe 17 :

Le principe applicable est que, saisie d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour n’intervient pour annuler une décision interlocutoire que s’il existe des circonstances exceptionnelles. Les tribunaux ont analysé la nature des circonstances spéciales qui justifient une intervention dans le cas d’une décision interlocutoire. Ainsi, dans le jugement Pfeiffer c. Canada (Surintendant des faillites), dans lequel le requérant contestait la constitutionnalité d’un tribunal administratif auquel le surintendant des faillites avait délégué ses pouvoirs, le juge Tremblay‑Lamer a déclaré:

 

À mon avis, puisqu’il s’agit d’une question qui est dirigée à l’encontre de l’existence même du tribunal, il existe une raison spéciale qui permet la révision judiciaire à cette étape des procédures. Tel que déclaré dans Mahabir c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), ([1992] 1 C.F. 133 (C.A.), à la p. 140) « il s’agit d’une décision définitive qui tranche une question fondamentale soumise au tribunal ».

 

[25]           Le demandeur affirme que le présent scénario ressemble à celui qui existait dans l’affaire Secord c Saint John (City) Board of Police Commissioners, 2006 NBQB 65 [Secord], dans laquelle la Cour a jugé que, même si la demande de contrôle judiciaire concernait une décision préliminaire, elle faisait intervenir une question de compétence qui remettait en question l’existence d’un tribunal administratif; il s’agissait donc d’une circonstance spéciale permettant le contrôle judiciaire.

 

[26]           Le demandeur affirme que la décision est définitive et qu’elle tranche une question de fond qui avait été soumise au comité d’arbitrage, en l’occurrence celle de savoir si le comité d’arbitrage avait compétence pour statuer sur une question disciplinaire. La requête préliminaire portait sur la compétence du comité d’arbitrage et elle constituait donc une circonstance exceptionnelle qui justifiait l’intervention de la Cour.

 

[27]           Le demandeur affirme également que le processus d’appel prévu par la Loi ne constitue pas un recours approprié en l’espèce. Dans l’arrêt Canadian Pacific Ltée c Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 RCS 3, la Cour suprême du Canada a énuméré un certain nombre de facteurs dont il y a lieu de tenir compte lorsque la Cour est appelée à déterminer s’il y a lieu de procéder au contrôle judiciaire ou si elle doit obliger le demandeur à suivre la procédure d’appel prévue par la Loi. Ces facteurs sont énumérés au paragraphe 41. Parmi ceux‑ci, mentionnons « la commodité de l’autre recours, la nature de l’erreur et la nature de la juridiction d’appel (c.‑à‑d. sa capacité de mener une enquête, de rendre une décision et d’offrir un redressement ».

 

[28]           Le demandeur affirme que le processus d’appel prévu à l’article 45.14 de la Loi s’applique seulement aux contraventions au Code de déontologie. Les requêtes préliminaires et les conclusions tirées par le comité d’arbitrage en vertu d’autres dispositions que celles du Code de déontologie ne sont donc pas assujetties à l’article 45.14. Le demandeur affirme également que la conclusion du comité d’arbitrage suivant laquelle l’avis a été signifié « sans délai » déborde le cadre du processus d’appel, de sorte que le recours offert à l’article 45.14 de la Loi ne prévoit l’appel de cette décision. Dans ces conditions, le demandeur ne dispose d’aucune autre voie de recours sur cette question, de sorte qu’on ne devrait pas l’empêcher d’introduire une demande de contrôle judiciaire pour cette raison.

 

[29]           Le demandeur affirme en outre que, si la Loi prévoit expressément un droit d’appel, le processus d’appel ne constitue pas un recours utile. Le demandeur cite l’arrêt Violette c Société dentaire du Nouveau‑Brunswick, 2004 NBCA 1, qui établit selon lui les principes juridiques applicables pour déterminer s’il existe une autre voie de recours appropriée. La Cour a jugé, au paragraphe 22 :

Le principe général selon lequel une personne doit épuiser ses recours administratifs avant de solliciter la révision judiciaire est facile à comprendre. La question qui reste problématique est celle de savoir si, d’après les faits d’une instance précise, l’autre recours sera jugé « approprié ». On peut, sans crainte de se tromper, affirmer ceci : pour déterminer le caractère approprié d’un autre recours, il faut se demander si le tribunal d’appel peut trancher d’une façon efficace les questions soulevées dans le cadre de la requête en révision. Ainsi, les cours de justice qui effectuent la révision judiciaire tiennent compte de l’expertise et de la composition des tribunaux d’appel. En résumé, elles doivent prendre en considération la nature de l’erreur invoquée et la capacité du tribunal d’appel d’y remédier d’une manière efficace. Si le tribunal d’appel est incapable de trancher efficacement une question ou d’accorder un redressement utile, l’obligation d’épuiser les recours administratifs s’éteint.

 

[30]           Le demandeur affirme qu’il ressort de l’examen des faits de l’espèce que le processus d’appel n’était pas une voie de recours utile et qu’il ne devrait pas être obligé d’épuiser ce recours avant de solliciter un contrôle judiciaire. Pour avoir accès au processus d’appel, le demandeur devra se soumettre à une audience disciplinaire longue et potentiellement embarrassante, et ce, à grands frais et au prix de sérieux inconvénients qui seront tout à fait inutiles s’il obtient gain de cause sur sa requête préliminaire. Le processus d’appel ne constitue pas une solution pratique en l’espèce et le demandeur ne devrait pas être tenu de suivre tout le processus d’appel administratif avant de pouvoir demander un contrôle judiciaire.

 

[31]           Le demandeur affirme en outre qu’il peut recourir au contrôle judiciaire parce que, aux termes des articles 17 et 18 de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour fédérale a compétence concurrente dans les cas de demande de réparation contre la Couronne et qu’elle a compétence exclusive pour décerner un bref de certiorari. Le demandeur souhaite que la Cour permette au contrôle judiciaire de suivre son cours.

 

Le défendeur

 

[32]           Le défendeur affirme que la décision n’est pas définitive et qu’il n’existe aucune circonstance extraordinaire qui justifierait un contrôle judiciaire vu qu’un droit d’appel est prévu à l’article 45.14 de la Loi. Le défendeur affirme que les décisions Lorenz, Cannon et Secord, précitées, ne confirment pas la thèse du demandeur.

 

[33]           Le défendeur affirme que le jugement Cannon appuie le principe suivant lequel « la contestation formulée en vertu de l’alinéa 11d) de la Charte en ce qui concerne la constitution du comité et son fondement législatif est une [...] circonstance spéciale justifiant l’intervention de la Cour dans le cadre d’un contrôle judiciaire, même si la décision contestée est de toute évidence de nature interlocutoire » (paragraphe 30). Ces circonstances spéciales sont très différentes de la question de compétence soulevée dans la présente demande, de sorte que le jugement Cannon ne s’applique pas.

 

[34]           Quant à la décision Lorenz, la Cour a, dans cette affaire, conclu qu’une allégation de parti pris ne constituait pas une circonstance exceptionnelle justifiant un contrôle judiciaire. Le défendeur souligne que, au paragraphe 39 de ce jugement, la Cour a fait observer qu’« avec égards, je ne peux souscrire à la proposition [...] selon laquelle le fait qu’une demande de contrôle judiciaire soulève “une question de compétence” la situe dans la catégorie des “circonstances spéciales” ». Le défendeur affirme que ce jugement appuie plutôt sa thèse.

 

[35]           Au paragraphe 29 du jugement Secord, la Cour a statué que [traduction] « lorsque la question de la compétence se présente elle‑même nettement comme une question de droit, il n’est pas prématuré de demander à la Cour de trancher cette question ». Le défendeur affirme que la question en litige en l’espèce n’est pas une question de droit, mais une question d’application des faits au droit. La Cour a ensuite examiné, toujours dans Secord, la question de l’existence d’un autre recours, et a déclaré, au paragraphe 43 :

[traduction] À mon avis, lorsqu’à une étape préliminaire, une question porte sur la compétence, la Cour conserve le pouvoir discrétionnaire de se demander si elle examinera ou non la demande de contrôle judiciaire. Pour ce faire, la Cour devra examiner tous les facteurs pertinents, et elle devra notamment tenir compte de la question de l’existence d’un autre recours approprié et de la nature de la question à trancher pour déterminer si les inconvénients que représente le fait de suivre la procédure prescrite par la Loi l’emportent sur les avantages que comporte cette façon de procéder (Montgomery c. Edmonton (City) Police Service, 1999 CarswellAlta 1114 (C.B.R. Alb.), le juge Sullivan, au paragraphe 55).

 

[36]           Le défendeur affirme que, dans le jugement Holdenried c Canada (Procureur général), 2012 CF707 [Holdenried], le juge Yvon Pinard a expressément établi une distinction entre la procédure d’appel prévue par la Loi sur la police du Nouveau‑Brunswick, qui était en litige dans l’affaire Secord, et la loi qui était en cause dans cette affaire. Le juge Pinard a déclaré ce qui suit, aux paragraphes 18 et 19 :

… Le demandeur invoque également la décision Secord c. Saint John (City) Police Commissioners, 2006 NBQB 65 (C.B.R. N.‑B.)[Secord] à l’appui de sa thèse selon laquelle, lorsqu’on soulève une question de compétence, la Cour se doit d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de statuer sur la demande de contrôle judiciaire, même s’il existe d’autres voies de règlement des griefs. Certes, mais dans la décision Secord, la Cour a précisé qu’elle doit ensuite tenir compte d’autres facteurs pertinents, [traduction] « dont un examen de l’autre voie de recours appropriée et la nature de la question à trancher en vue de décider si les inconvénients que représente le fait de recourir au mécanisme prescrit par la loi l’emportent sur ses avantages » (au paragraphe 43). C’est donc dire que le fait que l’on soulève dans la présente demande de contrôle judiciaire une question de compétence, qui, d’après le demandeur, n’est pas une vraie question, n’est pas déterminant pour ce qui est de savoir s’il y a lieu ou non que la Cour exerce son pouvoir discrétionnaire.

 

Ce n’est que dans les cas exceptionnels que les tribunaux devraient exercer leur pouvoir discrétionnaire, malgré l’existence d’un mécanisme exhaustif de règlement des griefs prévu par la loi. Par exemple, s’il y a eu atteinte à l’intégrité de la procédure applicable aux griefs, les tribunaux devraient exercer leur pouvoir discrétionnaire et instruire la demande de contrôle judiciaire (Lebrasseur c. Sa Majesté la Reine, 2007 CAF 330, au paragraphe 18). Cependant, dans le cas présent, il n’y a pas eu d’atteinte de ce genre. La procédure de règlement des griefs qui est énoncée à la partie III de la Loi sur la GRC est reconnue comme un mécanisme exhaustif, qui offre des recours efficaces dans des affaires autres que celles qui ont trait à des cas de harcèlement (Marshall c. Attorney General of Canada, 2008 SKQB 113, au paragraphe 11; The Attorney General of Canada c. Smith, 2007 NBCA 58, au paragraphe 3; Merrifield c. Canada (Attorney General), 2009 ONCA 127, au paragraphe 10). Cela étant, « [l]orsqu’une procédure de règlement des griefs, prescrite dans une loi, constitue un recours subsidiaire adéquat, ce recours doit être complètement épuisé avant que les parties puissent s’adresser aux tribunaux » (Sauvé c. Sa Majesté la Reine, (1998), 157 F.T.R. 91, au paragraphe 20).

 

Le défendeur souligne que, dans le jugement Holdenried, le juge Pinard a conclu que la demande de contrôle judiciaire était prématurée et que la Loi prévoyait une autre voie de recours appropriée. Il a rejeté la demande avec dépens.

 

[37]           Le défendeur affirme que la question a été examinée à fond par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire C.B. Powell Limited c. Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61 [CB Powell]. La question en litige dans cette affaire concernait l’interprétation que le tribunal administratif avait faite du mot « décision » dans la loi applicable. La Cour a jugé, aux paragraphes 30 à 33 :

En principe, une personne ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif. L’importance de ce principe en droit administratif canadien est bien illustrée par le grand nombre d’arrêts rendus par la Cour suprême du Canada sur ce point : Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561; Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706, paragraphes 38 à 43; Regina Police Association Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360, 2000 CSC 14, paragraphes 31 et 34; Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, 2001 CSC 44, paragraphes 14, 15, 58 et 74; Goudie c. Ottawa (Ville), [2003] 1 R.C.S. 141, 2003 CSC 14; Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, 2005 CSC 11, paragraphes 1 et 2; Okwuobi c. Commission scolaire Lester‑B.‑Pearson, [2005] 1 R.C.S. 257, 2005 CSC 16, paragraphes 38 et 55; Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 R.C.S. 667, 2005 CSC 30, paragraphe 96.

 

La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

 

On évite ainsi le fractionnement du processus administratif et le morcellement du processus judiciaire, on élimine les coûts élevés et les délais importants entraînés par une intervention prématurée des tribunaux et on évite le gaspillage que cause un contrôle judiciaire interlocutoire alors que l’auteur de la demande de contrôle judiciaire est de toute façon susceptible d’obtenir gain de cause au terme du processus administratif (voir, par ex. Consolidated Maybrun, précité, paragraphe 38, Aéroport international du Grand Moncton c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2008 CAF 68, paragraphe 1; Ontario College of Art c. Ontario (Human Rights Commission), (1992), 99 D.L.R. (4th) 738 (Cour div. Ont.). De plus, ce n’est qu’à la fin du processus administratif que la cour de révision aura en mains toutes les conclusions du décideur administratif. Or, ces conclusions se caractérisent souvent par le recours à des connaissances spécialisées, par des décisions de principe légitimes et par une précieuse expérience en matière réglementaire (voir, par ex. Consolidated Maybrun, précité, paragraphe 43, Delmas c. Vancouver Stock Exchange, (1994), 119 D.L.R. (4th) 136 (C.S. C.‑B.) conf. par (1995), 130 D.L.R. (4th) 461 (C.A.C.‑B.), et Jafine c. College of Veterinarians (Ontario) (1991), 5 O.R. (3d) 439 (Div. gén.)). Enfin, cette façon de voir s’accorde avec le concept du respect des tribunaux judiciaires envers les décideurs administratifs qui, au même titre que les juges, doivent s’acquitter de certaines responsabilités décisionnelles (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 48).

 

Partout au Canada, les cours de justice ont reconnu et appliqué rigoureusement le principe général de non‑ingérence dans les procédures administratives, comme l’illustre la portée étroite de l’exception relative aux « circonstances exceptionnelles ». Il n’est pas nécessaire d’épiloguer longuement sur cette exception, puisque les parties au présent appel ne prétendent pas qu’il existe des circonstances exceptionnelles qui permettraient un recours anticipé aux tribunaux judiciaires. Qu’il suffise de dire qu’il ressort des précédents que très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’« exceptionnelles » et que le critère minimal permettant de qualifier des circonstances d’exceptionnelles est élevé (voir à titre général l’ouvrage de D.J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (édition à feuilles mobiles) (Toronto, Canvasback Publishing, 2007), pages 3:2200, 3:2300 et 3:4000, ainsi que l’ouvrage de David J. Mullan, Administrative Law (Toronto, Irwin Law, 2001), pages 485 à 494). Les meilleurs exemples de circonstances exceptionnelles se trouvent dans les très rares décisions récentes dans lesquelles les tribunaux ont accordé un bref de prohibition ou une injonction contre des décideurs administratifs avant le début de la procédure ou au cours de celle‑ci. Les préoccupations soulevées au sujet de l’équité procédurale ou de l’existence d’un parti pris, de l’existence d’une question juridique ou constitutionnelle importante ou du fait que les toutes les parties ont accepté un recours anticipé aux tribunaux ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant aux parties de contourner le processus administratif dès lors que ce processus permet de soulever des questions et prévoit des réparations efficaces (voir Harelkin, Okwuobi, paragraphes 38 à 55, et University of Toronto c. C.U.E.W, Local 2 (1988), 55 D.L.R. (4th) 128 (Cour div. Ont.)). Ainsi que je le démontrerai sous peu, l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler des questions de compétence ne constitue pas une circonstance exceptionnelle justifiant un recours anticipé aux tribunaux.

 

Le défendeur affirme qu’il n’appartient pas à notre Cour d’interpréter le mot « forthwith » [« sans délai »] pour le moment; cette démarche ne devrait être entreprise qu’à l’issue du processus disciplinaire prévu par la Loi.

 

[38]           Le défendeur affirme également que, suivant le jugement Holdenreid, le processus d’appel prévu par la Loi ouvre au demandeur une autre voie de recours utile et que, conformément à l’arrêt CB Powell, il n’existe en l’espèce aucune circonstance exceptionnelle qui justifierait un contrôle judiciaire avant que le demandeur n’ait mené à terme le processus d’appel prévu par la Loi. Le défendeur demande que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée, avec dépens, au motif qu’elle est prématurée.

 

Quelle est la norme de contrôle applicable?

Le demandeur

 

[39]           Le demandeur affirme que la question à examiner porte sur l’interprétation de la Loi et que, par conséquent, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (voir Shephard c Canada (GRC), 2003 CF 1296, aux paragraphes 19 et 20). Le demandeur invoque l’arrêt Thériault, précité, qui traite expressément de l’article 43 de la Loi. Dans cet arrêt, la Cour d’appel fédérale a estimé que la norme de contrôle applicable était celle de la décision correcte (Thériault, au paragraphe 20). Comme la Cour a déjà jugé que la norme de contrôle applicable à l’interprétation de la Loi est celle de la décision correcte, cette conclusion tranche le débat, comme la Cour suprême du Canada l’a expliqué dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9.

 

Le défendeur

 

[40]           Le défendeur affirme que la présente affaire ne porte pas sur l’interprétation des lois comme le prétend le demandeur. Il n’y a pas de désaccord en ce qui concerne l’interprétation du mot anglais « forthwith » pour ce qui est de la Loi. Le demandeur conteste la décision en affirmant que le comité d’arbitrage n’a pas considéré que les faits de l’espèce permettaient de conclure que l’avis avait été signifié « sans délai » (« forthwith » dans la version anglaise). Cet argument porte sur l’application du mot « forthwith » (« sans délai ») aux faits de sorte que, suivant l’arrêt Dunsmuir, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

 

[41]           Comme le demandeur le rappelle, dans l’arrêt Dunsmuir, précité, la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à l’analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à la question précise dont la Cour est saisie est bien établie par la jurisprudence, la juridiction de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la juridiction de révision doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui permettent d’arrêter la bonne norme de contrôle.

 

[42]           Dans l’arrêt Thériault, la Cour d’appel fédérale a déclaré, au paragraphe 20 que « la norme de la décision correcte s’applique à la définition de ces termes par l’autorité administrative, et celle de la raisonnabilité à son application aux faits de la cause ». Le demandeur et le défendeur sont d’accord pour dire que le comité d’arbitrage a correctement interprété le mot anglais « forthwith » [« sans délai »] en estimant qu’il signifiait « dès qu’il est possible dans les circonstances ». Ainsi que le défendeur le soutient, les arguments formulés par le demandeur portent sur la façon dont le comité d’arbitrage a appliqué les faits de l’espèce à l’exigence du paragraphe 43(4) de la Loi obligeant l’officier à signifier l’avis « dès qu’il » a été avisé. Les parties ne sont pas en désaccord au sujet de la définition légale de l’expression « dès que » [« forthwith » dans la version anglaise]. Ainsi, suivant l’arrêt Thériault, la décision devrait être assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable. Compte tenu de la nature factuelle du différend et du précédent créé par l’arrêt Thériault, je suis d’accord avec le défendeur pour dire que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable.

 

[43]           Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la raisonnabilité, son analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour devrait intervenir seulement si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

 

Le comité d’arbitrage a‑t‑il compétence pour instruire l’instance disciplinaire?

Le demandeur

 

[44]           Le demandeur affirme que le paragraphe 43(4) de la Loi crée l’obligation impérative que l’avis soit signifié « sans délai » (« forthwith » dans la version anglaise). Le sens du mot « forthwith » doit être interprété conformément aux principes d’interprétation législative reconnus. Ainsi que la Cour suprême du Canada l’explique dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes Ltd, [1998] 1 RCS 27, au paragraphe 21 : « Aujourd’hui, il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur ».

 

[45]           Le demandeur souligne que le terme anglais « forthwith » [« sans délai »] a été examiné par les tribunaux dans le contexte d’autres lois. Par exemple, dans l’affaire MacEachern (Committee of) c Rennie, 2009 BCSC 955, la loi en question traitait des obligations de divulgation dans les instances judiciaires. La Cour a conclu, au paragraphe 50 : [traduction] « le mot “forthwith” [sans délai] n’est pas synonyme d’“instantanément”; il faut tenir compte de ce qui, d’un point de vue objectif, est raisonnablement possible eu égard aux circonstances ». De même, dans le jugement Ghuman c Canada (Ministre des Transports), 1983 CarswellNat 105 (CF 1re inst.), la Cour dit ce qui suit, au paragraphe 31 : « On a jugé que le mot “immédiatement”, dans un contrat ou dans les opérations courantes de la vie, signifiait [traduction] “avec toute la célérité raisonnable”, ou, en d’autres termes, [traduction] “aussitôt qu’on peut le faire raisonnablement” ».

 

[46]           Dans l’arrêt Adams c Canada (Gendarmerie royale du Canada), 174 NR 314 (CAF) [Adams], la Cour d’appel fédérale a jugé que la signification d’un avis d’appel qui accusait un retard de sept mois ne pouvait être assimilée à une signification effectuée « sans délai ». La Cour a toutefois également estimé que, comme ce retard avait été toléré, il était sans conséquence dans cette affaire. La Cour a toutefois tenu à préciser ce qui suit au paragraphe 7 :

Le paragraphe 27(3) exige que l’avis d’appel soit signifié « sans délai » (« forthwith » en anglais). De fait, la signification a eu lieu le 7 juin 1994, 7 mois moins un jour plus tard. Si l’affaire ne tenait qu’à cela, il me semblerait clair au‑delà de tout doute possible que l’appel devrait être annulé pour dérogation à une formalité procédurale essentielle.

 

Le demandeur affirme que, compte tenu de ce que la Cour d’appel fédérale a déclaré au sujet d’un retard de sept mois dans l’arrêt Adams, il s’ensuit qu’un retard de dix mois et demi est encore moins susceptible de satisfaire à l’obligation de la signification « sans délai » (« forthwith » dans la version anglaise).

 

[47]           Le demandeur affirme que les faits démontrent que l’avis n’a pas été signifié « sans délai ». La ROC à qui le dossier avait d’abord été confié, Mme Watson, était absente pour une période prolongée en raison d’un congé planifié. Elle a ensuite pris un congé médical prolongé. Il semble qu’en son absence le dossier du demandeur n’ait été confié à personne et qu’il ait été essentiellement ignoré, ce qui, affirme le demandeur, ressort du fait que l’avis a été signifié environ deux mois après que le sergent Hart se soit vu confier le dossier. Compte tenu de cela et du fait que le demandeur n’a d’aucune façon contribué au retard, il est évident que l’avis n’a pas été signifié « sans délai ».

 

[48]           Le demandeur affirme que, comme il n’a pas reçu signification de l’avis « sans délai », le comité d’arbitrage n’a pas compétence pour tenir une audience. Ainsi qu’il a été jugé dans la décision Gurney (HMIT) c Raymond John Petch, 66 TC 743, [1994] STC 689, [1994] 3 All ER 731, [1994] 27 LS Gaz R 37, [1994] EWCA Civ 9 [Petch], à la page 738, [traduction] « Le fait d’agir tardivement ne peut être assimilé au fait d’agir dans les délais [...] À moins que le tribunal ne se voie conférer le pouvoir de proroger le délai ou que la loi ne prévoie expressément un autre délai impératif final, on ne peut assouplir un délai sans risquer d’y renoncer complètement [...] ». La Loi ne prévoit pas le pouvoir de proroger le délai imparti pour signifier l’avis; ainsi, dès lors que l’avis n’a pas été signifié « sans délai », le comité d’arbitrage n’a plus compétence (Vialoux c Registered Psychiatric Nurses Assn (Manitoba), [1983] 23 Man R (2d) 310 (Man CA) [Vialoux], au paragraphe 13; Kellogg Brown and Root Canada c Alberta (Information and Privacy Commissioner), 2007 ABQB 499 [Kellogg Brown Root Canada] au paragraphe 83).

 

[49]           Le demandeur affirme que le retard de dix mois et demi qu’accusait la signification de l’avis contrevenait à l’obligation qu’imposait la loi que l’avis lui soit signifié « sans délai », conformément au paragraphe 43(4) de la Loi. Par conséquent, le comité d’arbitrage a perdu compétence pour procéder à la tenue de l’audience disciplinaire. Le demandeur affirme que le comité d’arbitrage a commis une erreur en jugeant que la signification avait eu lieu « sans délai » et il ajoute que sa décision devrait être annulée et que la Cour devrait délivrer un bref lui interdisant de procéder à la tenue de l’audience disciplinaire.

 

Le défendeur

 

[50]           Le défendeur affirme que la décision du comité d’arbitrage était raisonnable. Le comité d’arbitrage a examiné la décision Thériault et a fait observer que la Loi établissait de façon intentionnelle une distinction entre le délai de prescription strict d’un an prévu au paragraphe 43(8) et le délai plus flexible prévu au paragraphe 43(4).

 

[51]           Le demandeur invoque la décision Adams, précitée, pour affirmer que la décision du comité d’arbitrage est entachée d’une erreur. Le défendeur souligne toutefois que l’avis d’appel en litige dans l’affaire Adams avait été considéré comme « une formalité procédurale » (Adams, au paragraphe 15), tandis que ce n’est manifestement pas le cas de l’avis en litige en l’espèce. Le défendeur affirme également que le demandeur a tort d’invoquer les décisions Petch, Vialoux et Kellogg Brown & Root Canada. Ces affaires portaient toutes sur des délais de prescription législatifs clairs semblables à celui prévu au paragraphe 43(8) et non sur un délai flexible comme celui énoncé au paragraphe 43(4).

 

[52]           Le défendeur affirme que la raison d’être de la souplesse inhérente du paragraphe 43(4) saute aux yeux lorsqu’on examine l’avis joint à titre d’annexe A de l’affidavit du demandeur. Pour rédiger l’avis en question, il faut examiner et analyser une quantité importante d’informations. Or, le comité d’arbitrage a considéré le délai de dix mois et demi qui s’est écoulé avant la signification de l’avis au demandeur à la lumière des contraintes opérationnelles, de facteurs administratifs tels que les congés, et de la gravité du dossier. L’appréciation de tous ces facteurs relève de l’expérience et de la compétence spécialisée du comité d’arbitrage, qui en a tenu compte de façon raisonnable.

 

[53]           Le défendeur affirme qu’il ne convient pas de contester la compétence du comité en se fondant sur le délai. Le demandeur a volontairement évité d’invoquer un argument fondé sur l’abus de procédure. Le défendeur affirme toutefois que l’analyse à laquelle on devrait procéder devrait porter sur l’examen du délai et de ses éventuelles incidences sur le déroulement de l’audience. La Cour suprême du Canada a abordé cette question dans l’arrêt Blencoe c Colombie‑Britannique (Commission des droits de la personne), 2000 CSC 44, dans lequel elle déclare, au paragraphe 101 :

Selon moi, le droit administratif offre des réparations appropriées en ce qui concerne le délai imputable à l’État dans des procédures en matière de droits de la personne. Cependant, le délai ne justifie pas, à lui seul, un arrêt des procédures comme l’abus de procédure en common law. Mettre fin aux procédures simplement en raison du délai écoulé reviendrait à imposer une prescription d’origine judiciaire (voir: R. c. L. (W.K.), [1991] 1 R.C.S. 1091, à la p. 1100; Akthar c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 3 C.F. 32 (C.A.). En droit administratif, il faut prouver qu’un délai inacceptable a causé un préjudice important.

 

[54]           Le défendeur affirme qu’il est évident, à la page 46 de la décision, que le comité d’arbitrage était conscient de la possibilité qu’une requête en abus de procédure soit présentée et qu’il a estimé qu’il était préférable d’évaluer les incidences du délai dans le cadre de l’audience disciplinaire elle‑même, ce qui souligne encore une fois le fait que la présente demande de contrôle judiciaire est prématurée.

 

[55]           Le défendeur affirme que, si la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision était raisonnable. Le comité d’arbitrage a tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivait le délai de signification ainsi que de l’intention du législateur de prévoir une certaine souplesse au paragraphe 43(4). De plus, le défendeur affirme que cette question appelle nécessairement une analyse des incidences du délai sur le déroulement de l’audience, ajoutant qu’il faut tenir compte de ce facteur lorsqu’on examine le caractère raisonnable de la décision. En conclusion, le défendeur demande à la Cour de rejeter avec dépens la demande de contrôle judiciaire.

 

ANALYSE

 

[56]           Dans l’arrêt CB Powell, précité, la Cour d’appel fédérale a donné des indications générales détaillées au sujet des demandes de contrôle judiciaire prématurées dans lesquelles sont soulevées des questions de compétence:

4.  La Loi prévoit un processus administratif qui consiste en une série de décisions et d’appels et qui, à moins de circonstances exceptionnelles, doit être suivi jusqu’au bout. Dans le cadre de ce processus administratif, le législateur fédéral a confié le pouvoir de prendre des décisions non pas aux tribunaux judiciaires, mais à divers décideurs et à un tribunal administratif, le TCCE. À défaut de circonstances extraordinaires, lesquelles n’existent pas en l’espèce, les parties doivent épuiser les droits et les recours prévus par ce processus administratif avant de pouvoir exercer quelque recours que ce soit devant les tribunaux judiciaires, même en ce qui concerne ce qu’il est convenu d’appeler des questions « de compétence ».

 

[…]

 

30. En principe, une personne ne peut s’adresser aux tribunaux qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles qui lui sont ouvertes en vertu du processus administratif. L’importance de ce principe en droit administratif canadien est bien illustrée par le grand nombre d’arrêts rendus par la Cour suprême du Canada sur ce point : Harelkin c. Université de Regina, [1979] 2 R.C.S. 561; Canadien Pacifique Ltée c. Bande indienne de Matsqui, [1995] 1 R.C.S. 3; Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; R. c. Consolidated Maybrun Mines Ltd., [1998] 1 R.C.S. 706, paragraphes 38 à 43; Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360, 2000 CSC 14, paragraphes 31 et 34; Danyluk c. Ainsworth Technologies Inc., [2001] 2 R.C.S. 460, 2001 CSC 44, paragraphes 14, 15, 58 et 74; Goudie c. Ottawa (Ville), [2003] 1 R.C.S. 141, 2003 CSC 14; Vaughan c. Canada, [2005] 1 R.C.S. 146, 2005 CSC 11, paragraphes 1 et 2; Okwuobi c. Commission scolaire Lester‑B.‑Pearson, [2005] 1 R.C.S. 257, 2005 CSC 16, paragraphes 38 et 55; Canada (Chambre des communes) c. Vaid, [2005] 1 R.C.S. 667, 2005 CSC 30, paragraphe 96.

 

31. La doctrine et la jurisprudence en droit administratif utilisent diverses appellations pour désigner ce principe : la doctrine de l’épuisement des recours, la doctrine des autres voies de recours adéquates, la doctrine interdisant le fractionnement ou la division des procédures administratives, le principe interdisant le contrôle judiciaire interlocutoire et l’objection contre le contrôle judiciaire prématuré. Toutes ces formules expriment la même idée : à défaut de circonstances exceptionnelles, les parties ne peuvent s’adresser aux tribunaux tant que le processus administratif suit son cours. Il s’ensuit qu’à défaut de circonstances exceptionnelles, ceux qui sont insatisfaits de quelque aspect du déroulement de la procédure administrative doivent exercer tous les recours efficaces qui leur sont ouverts dans le cadre de cette procédure. Ce n’est que lorsque le processus administratif a atteint son terme ou que le processus administratif n’ouvre aucun recours efficace qu’il est possible de soumettre l’affaire aux tribunaux. En d’autres termes, à défaut de circonstances exceptionnelles, les tribunaux ne peuvent intervenir dans un processus administratif tant que celui‑ci n’a pas été mené à terme ou tant que les recours efficaces qui sont ouverts ne sont pas épuisés.

 

32. On évite ainsi le fractionnement du processus administratif et le morcellement du processus judiciaire, on élimine les coûts élevés et les délais importants entraînés par une intervention prématurée des tribunaux et on évite le gaspillage que cause un contrôle judiciaire interlocutoire alors que l’auteur de la demande de contrôle judiciaire est de toute façon susceptible d’obtenir gain de cause au terme du processus administratif (voir, par ex. Consolidated Maybrun, précité, paragraphe 38, Aéroport international du Grand Moncton c. Alliance de la fonction publique du Canada, 2008 CAF 68, paragraphe 1; Ontario College of Art c. Ontario (Human Rights Commission), (1992), 99 D.L.R. (4th) 738 (Cour div. Ont.). De plus, ce n’est qu’à la fin du processus administratif que la cour de révision aura en mains toutes les conclusions du décideur administratif. Or, ces conclusions se caractérisent souvent par le recours à des connaissances spécialisées, par des décisions de principe légitimes et par une précieuse expérience en matière réglementaire (voir, par ex. Consolidated Maybrun, précité, paragraphe 43, Delmas c. Vancouver Stock Exchange, (1994), 119 D.L.R. (4th) 136 (C.S. C.‑B.) conf. par (1995), 130 D.L.R. (4th) 461 (C.A.C.‑B.), et Jafine c. College of Veterinarians (Ontario), (1991), 5 O.R. (3d) 439 (Div. gén.)). Enfin, cette façon de voir s’accorde avec le concept du respect des tribunaux judiciaires envers les décideurs administratifs qui, au même titre que les juges, doivent s’acquitter de certaines responsabilités décisionnelles (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, paragraphe 48).

 

[33] Partout au Canada, les cours de justice ont reconnu et appliqué rigoureusement le principe général de non‑ingérence dans les procédures administratives, comme l’illustre la portée étroite de l’exception relative aux « circonstances exceptionnelles ». Il n’est pas nécessaire d’épiloguer longuement sur cette exception, puisque les parties au présent appel ne prétendent pas qu’il existe des circonstances exceptionnelles qui permettraient un recours anticipé aux tribunaux judiciaires. Qu’il suffise de dire qu’il ressort des précédents que très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’« exceptionnelles » et que le critère minimal permettant de qualifier des circonstances d’exceptionnelles est élevé (voir à titre général l’ouvrage de D.J.M. Brown et J.M. Evans, Judicial Review of Administrative Action in Canada (édition à feuilles mobiles) (Toronto, Canvasback Publishing, 2007), pages 3:2200, 3:2300 et 3:4000, ainsi que l’ouvrage de David J. Mullan, Administrative Law (Toronto, Irwin Law, 2001), pages 485 à 494). Les meilleurs exemples de circonstances exceptionnelles se trouvent dans les très rares décisions récentes dans lesquelles les tribunaux ont accordé un bref de prohibition ou une injonction contre des décideurs administratifs avant le début de la procédure ou au cours de celle‑ci. Les préoccupations soulevées au sujet de l’équité procédurale ou de l’existence d’un parti pris, de l’existence d’une question juridique ou constitutionnelle importante ou du fait que les toutes les parties ont accepté un recours anticipé aux tribunaux ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant aux parties de contourner le processus administratif dès lors que ce processus permet de soulever des questions et prévoit des réparations efficaces (voir Harelkin, Okwuobi, paragraphes 38 à 55, et University of Toronto c. C.U.E.W, Local 2 (1988), 55 D.L.R. (4th) 128 (Cour div. Ont.)). Ainsi que je le démontrerai sous peu, l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler des questions de compétence ne constitue pas une circonstance exceptionnelle justifiant un recours anticipé aux tribunaux.

 

 

39. Lorsque des motifs « de compétence » sont invoqués ou qu’une décision « en matière de compétence » a été rendue, un plaideur peut‑il s’adresser aux tribunaux pour cette seule raison? En d’autres termes, l’existence d’une question « de compétence » constitue‑t‑elle en soi une circonstance exceptionnelle qui permet à une partie d’introduire une demande de contrôle judiciaire avant que le processus administratif ne soit complété?

 

[40] À mon avis, la réponse à ces questions est négative. Une réponse affirmative aurait pour effet de faire revivre une méthode qui a été écartée il y a longtemps.

 

[41] Jadis, les cours de justice intervenaient dans les décisions préliminaires ou interlocutoires rendues par des organismes administratifs, des fonctionnaires ou des tribunaux administratifs en qualifiant ces décisions de « questions préliminaires » portant sur la « compétence » (voir, par ex., l’arrêt Bell c. Ontario Human Rights Commission, [1971] R.C.S. 756). En qualifiant de « décisions portant sur la compétence » les décisions rendues par des tribunaux administratifs, les cours de justice n’hésitaient pas à substituer leur opinion de l’affaire à celle du tribunal administratif, et ce, même lorsque la loi leur interdisait dans les termes les plus nets de le faire.

 

[42] Il y a une trentaine d’années, cette façon de faire a été écartée dans l’arrêt S.C.F.P. c. Société des alcools du N.‑B., [1979] 2 R.C.S. 227. Dans cet arrêt, le juge Dickson (par la suite devenu juge en chef), qui écrivait au nom d’une Cour suprême unanime, déclare, à la page 233 : « À mon avis, les tribunaux devraient éviter de qualifier trop rapidement un point de question de compétence, et ainsi de l’assujettir à un examen judiciaire plus étendu, lorsqu’il existe un doute à cet égard ». Récemment, la Cour suprême a de nouveau formulé quelques commentaires au sujet de l’ancienne approche qui avait été rejetée en la taxant de « test d’emploi aisé axé sur la “compétence”, à la fois artificiel et très formaliste » (Dunsmuir, précité, au paragraphe 43). Le recours à l’étiquette « compétence » pour justifier l’intervention des tribunaux judiciaires dans le déroulement d’un processus de prise de décision administratif ne convient tout simplement plus.

 

[43] Le fait que cette méthode de qualification ne convienne pas est bien illustré par la décision que le président de l’ASFC a rendue en l’espèce. Dans sa décision, le président a examiné sa « compétence ». Pour ce faire, il a interprété le texte du paragraphe 60(1), a qualifié la nature de la demande de décision de C.B. Powell et a décidé si la demande de C.B. Powell entrait dans le cadre de ce paragraphe, tel qu’il l’interprétait. Ce sont là, respectivement, des questions de droit, des questions de fait et des questions mixtes de droit et de fait.

 

[…]

 

[45] Il n’est donc pas étonnant que, partout au Canada, les tribunaux ont soigneusement évité de s’immiscer dans les décisions administratives intermédiaires ou interlocutoires et qu’ils ont interdit le recours aux tribunaux judiciaires lorsque le processus administratif est encore en cours, et ce, même lorsque la décision semble porter sur ce qu’il est convenu d’appeler une question « de compétence » (voir, par ex. Bande indienne de Matsqui, précité; Aéroport international du Grand Moncton, précité, paragraphe 1; Lorenz c. Air Canada, [2000] 1 C.F. 452 (C.F. 1re inst.), paragraphes 12 et 13; Delmas, précité; Myers c. Law Society of Newfoundland, (1998), 163 D.L.R. (4th) 62 (C.A. Terre‑Neuve); Canadian National Railway Co. c. Winnipeg City Assessor, (1998), 131 Man. R. (2d) 310 (C.A.); Dowd c. Société dentaire du Nouveau‑Brunswick, (1999), 210 N.B.R. (2d) 386, 536 A.P.R. 386 (C.A.)).

 

[46] Je conclus donc que le fait de qualifier de décision « en matière de compétence » la décision que le président de l’ASFC a rendue en l’espèce en vertu du paragraphe 60(1) de la Loi ne change rien. En particulier, le fait de qualifier de décision « en matière de compétence » la décision du président ne permettait pas à C.B. Powell de s’adresser à la Cour fédérale et de contourner l’étape suivante prévue par le processus administratif, à savoir l’appel au TCCE prévu au paragraphe 67(1) de la Loi.

 

 

[57]           Il ressort selon moi à l’évidence des indications générales formulées dans l’arrêt CB Powell que les parties ne peuvent s’adresser à la Cour par voie de contrôle judiciaire qu’après avoir épuisé toutes les voies de recours utiles prévues dans le cadre du processus administratif et que la présence d’une question de compétence ne constitue pas en soi une circonstance exceptionnelle permettant à une partie d’introduire une demande de contrôle judiciaire avant que le processus administratif ne soit achevé.

 

[58]           Dans le cas qui nous occupe, la question de savoir si la compétence aurait dû être considérée comme une circonstance exceptionnelle n’est pas la seule question qui a été soulevée. Le demandeur affirme également que le fait que la Loi ne prévoit pas de processus d’appel efficace constitue également une circonstance exceptionnelle qui le prive d’une autre voie de recours utile et qu’on ne devrait pas le soumettre aux difficultés et aux contraintes de devoir subir une audience en bonne et due forme devant le comité d’arbitrage alors que notre Cour peut examiner la décision rendue par le comité d’arbitrage au sujet de la requête préliminaire relative à la compétence et trancher la question à cette étape‑ci.

 

[59]           S’agissant de l’existence d’une autre voie de recours, le demandeur affirme que, compte tenu de la Loi et notamment du processus d’appel prévu à l’article 45.14, le commissaire n’a pas compétence pour examiner et trancher la question de savoir si la décision rendue par le comité d’arbitrage au sujet de la compétence était correcte ou raisonnable. Le demandeur ne cite aucun précédent à l’appui de cet argument et la Cour en est réduite à appliquer les principes généraux d’interprétation des lois (voir Rizzo, précitée, au paragraphe 21). Il faut lire les termes de la Loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la Loi, l’objet de la Loi et l’intention du législateur.

 

[60]           En appliquant ces principes au cas qui nous occupe, je ne crois pas qu’il soit possible d’affirmer avec certitude que, suivant le mécanisme d’appel prévu par la Loi, le commissaire ne pouvait pas examiner et trancher la question de la compétence soulevée par le demandeur. Notre Cour s’ingèrerait gravement dans le régime prévu par la Loi si elle décidait à cette étape‑ci que le demandeur ne dispose pas d’une autre voie de recours utile parce que le commissaire n’a pas compétence en vertu de la Loi pour examiner des questions de compétence soulevées dans le cadre d’un appel interjeté d’une décision du comité.

 

[61]           Le paragraphe 45.14(1) de la Loi dispose :

 (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, toute partie à une audience tenue devant un comité d’arbitrage peut en appeler de la décision de ce dernier devant le commissaire:

 

a) soit en ce qui concerne la conclusion selon laquelle est établie ou non, selon le cas, une contravention alléguée au code de déontologie;

 

 

b) soit en ce qui concerne toute peine ou mesure imposée par le comité après avoir conclu que l’allégation visée à l’alinéa a) est établie.

 

 (1) Subject to this section, a party to a hearing before an adjudication board may appeal the decision of the board to the Commissioner in respect of

 

 

(a) any finding by the board that an allegation of contravention of the Code of Conduct by the member is established or not established; or

 

(b) any sanction imposed or action taken by the board in consequence of a finding by the board that an allegation referred to in paragraph (a) is established.

 

 

[62]           En l’espèce, il me semble que le comité d’arbitrage n’a pas rendu de décision en vertu de l’alinéa 45.14(1)a) ou de l’alinéa 45.14(1)b). Le comité d’arbitrage n’a pas tiré de conclusion au sujet d’une éventuelle contravention au code de déontologie en vertu de l’alinéa (1)a) et une décision relative à la compétence ne constitue pas, à mon avis, une « peine ou mesure imposée par le comité après avoir conclu que l’allégation visée à l’alinéa a) est établie », qui relèverait de l’alinéa 1b).

 

[63]           Toutefois, le paragraphe 45.14(1) doit être interprété en conjonction avec le paragraphe 45.14(3), qui dispose :

(3) Le commissaire entend tout appel, quel qu’en soit le motif; toutefois, l’officier compétent ne peut en appeler devant le commissaire de la peine ou de la mesure visée à l’alinéa (1)b) qu’au motif que la présente loi ne les prévoit pas.

 

(3)An appeal lies to the Commissioner on any ground of appeal, except that an appeal lies to the Commissioner by an appropriate officer in respect of a sanction or an action referred to in paragraph (1)(b) only on the ground of appeal that the sanction or action is not one provided for by this Act.

 

 

[64]           Le demandeur affirme que ce paragraphe n’élargit pas les moyens d’appel prévus au paragraphe 45.14(1). Il semble clair que le paragraphe 45.14(3) vise à nuancer le paragraphe 45.14(1) d’une manière à limiter les appels aux sanctions et aux mesures non prévues par la Loi. Toutefois, le paragraphe 45.14(3) ne mentionne pas l’alinéa 45.14(1)b), de sorte que je ne vois pas comment on pourrait restreindre comme le souhaiterait le demandeur la portée générale de la disposition qui permet au commissaire d’entendre « tout appel, quel qu’en soit le motif ».

 

[65]           Le demandeur n’a pas convaincu la Cour que l’appel devant le commissaire ne constituait pas une autre voie de recours utile en vertu de la Loi ou qu’il existait en l’espèce des circonstances spéciales qui justifieraient de déroger au principe général suivant lequel le processus administratif prévu par la loi doit suivre son cours avant que le demandeur puisse solliciter le contrôle judiciaire. Décider à cette étape‑ci que le commissaire n’a pas compétence pour instruire l’appel interjeté de la décision du comité reviendrait à trancher une question de droit qui revêt une importance capitale en ce qui concerne l’économie de la Loi sans avoir entendu le point de vue du commissaire et sans lui avoir donné la possibilité d’examiner la question. La Cour serait privée de l’expertise du commissaire, de ses décisions de principes légitimes et de son expérience précieuse en matière réglementaire et empêcherait peut‑être ainsi le commissaire d’utiliser ses ressources dans d’autres affaires où sa compétence pourrait devenir un enjeu. L’interprétation que le demandeur fait du paragraphe 45.14(3) lui donnerait immédiatement accès à la Cour sur des questions préliminaires de compétence, ce qui, à mon avis, irait à l’encontre du régime disciplinaire formel de la Loi.

 

[66]           Après avoir tranché cette question, il ne conviendrait pas que la Cour coupe l’herbe sous le pied au commissaire en se demandant si l’interprétation et l’application, par e comité d’arbitrage, du paragraphe 43(4) de la Loi étaient correctes ou raisonnables.


JUGEMENT

LA COUR :

 

1.         REJETTE la demande et ADJUGE les dépens au défendeur.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑915‑12

 

INTITULÉ :                                                  STEVE BLACK

 

                                                                        ‑ et ‑

 

                                                                        PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 16 octobre 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 8 novembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jennifer Koschinsky

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Barry Benkendorf

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie SRL

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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