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Date : 20121210

Dossier : IMM-2841-12

Référence : 2012 CF 1455

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 10 décembre 2012

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

VALENTINA MORYAKINA

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               En 2007, Mme Valentina Moryakina a présenté une demande d’asile au Canada parce qu’elle craignait d’être persécutée pour des raisons politiques en Russie. Mme Moryakina s’est plainte de ne pas avoir été dédommagée pour les biens qu’elle et son mari ont perdus en raison d’une inondation en 2002. Elle prétend que les autorités russes les ont poursuivis elle et son mari pour les punir de leur prise de position politique. Son mari demeure en Russie.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande de Mme Moryakina, concluant que sa version des faits n’était tout simplement pas crédible. Après que la Commission a rendu sa décision, Mme Moryakina a appris qu’en Russie, son beau‑frère avait été battu, qu’on lui avait tiré dessus et qu’on l’avait ensuite noyé. Elle croit que les autorités ont pris son beau‑frère pour son mari. En outre, elle a découvert que son mari avait été poignardé. Elle a obtenu des rapports médicaux confirmant que ces deux évènements ont eu lieu.

 

[3]               En 2011, Mme Moryakina a présenté une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Dans sa demande, elle a mentionné qu’elle produirait les rapports médicaux concernant son mari et son beau‑frère. Elle a retenu les services d’un avocat pour présenter sa demande d’ERAR. Elle affirme lui avoir remis les rapports médicaux.

 

[4]               L’agente qui a procédé à l’ERAR de Mme Moryakina a noté que les rapports médicaux promis n’avaient jamais été produits. Vu qu’elle ne disposait pas de nouveaux éléments de preuve et qu’aucune preuve documentaire n’étayait l’allégation relative au risque couru par Mme Moryakina, l’agente a rejeté la demande.

 

[5]               Mme Moryakina a déposé une plainte auprès du Barreau du Haut‑Canada (le Barreau), alléguant que son avocat avait omis de joindre les rapports médicaux à sa demande d’ERAR. Son avocat s’est défendu en déclarant que Mme Moryakina ne lui avait jamais remis les rapports en question. Constatant que les preuves de Mme Moryakina et de son avocat étaient contradictoires, le Barreau a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment d’éléments de preuve montrant qu’il y avait eu inconduite professionnelle et a rejeté la plainte.

 

[6]               Mme Moryakina demande maintenant le contrôle judiciaire de la décision rendue relativement à sa demande d’ERAR au motif qu’il y a eu déni de justice naturelle en raison de l’incompétence de son avocat. Elle me demande d’annuler la décision de l’agente et d’ordonner le réexamen de sa demande par un autre agent.

 

[7]               Je ne suis pas convaincu qu’il y a eu déni de justice naturelle. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[8]               La seule question en litige est de savoir si une erreur judiciaire s’est produite en raison de l’incompétence de l’avocat.

 

II.        Y a‑t‑il eu erreur judiciaire?

            1.         Le critère applicable

[9]               Pour avoir gain de cause en l’espèce, Mme Moryakina doit montrer que l’incompétence dont son avocat a fait preuve a donné lieu a une erreur judiciaire (R c G.D.B., 2000 CSC 22, aux paragraphes 26 et 27). Ses allégations doivent ressortir de la preuve de façon claire et précise (Memari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1196, au paragraphe 36). Elle doit également montrer que la conduite de son avocat lui a causé un préjudice en prouvant que l’issue de la cause aurait vraisemblablement été différente si l’avocat avait agi avec compétence (Jeffrey c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 605, au paragraphe 9). Il s’agit d’un critère très rigoureux (Betesh c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 173, au paragraphe 15).

 

            2.         La preuve

 

[10]           Le Barreau a conclu que la preuve était équivoque. Par conséquent, il n’a pas pu conclure que Mme Moryakina avait établi que son avocat avait fait preuve d’incompétence. Mme Moryakina soutient que je ne suis pas lié par la conclusion du Barreau et que la décision de l’agente d’ERAR aurait très bien pu être différente si les rapports médicaux avaient été produits.

 

[11]           Je conviens du fait que je ne suis pas lié par la conclusion du Barreau, mais il n’est pas possible de faire fi de cette décision pour autant (Dukuzumuremyi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 278, au paragraphe 10; Teganya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 336, au paragraphe 34). Les éléments de preuve pertinents ont été présentés au Barreau et celui‑ci a conclu que Mme Moryakina n’avait pas établi le bien‑fondé de sa plainte. Il a conclu qu’elle n’avait pas établi qu’il y avait eu incompétence. Mme Moryakina n’a ni répondu aux éléments de preuve produits par son avocat, ni fait appel des conclusions du Barreau. Essentiellement, je suis saisi des mêmes éléments de preuve, et ces éléments de preuve étayent les points de vue des deux parties.

 

[12]           Mme Moryakina soutient que la preuve appuie son allégation selon laquelle son avocat a fait preuve d’incompétence. Premièrement, l’avocat a joint à la demande d’ERAR de Mme Moryakina un formulaire vierge de « Recours aux services d’un représentant », et ce, en dépit du fait que ses services avaient été retenus pour la présentation de cette demande. Deuxièmement, l’avocat a déclaré avoir joint à la demande une lettre rédigée par le père de Mme Moryakina, mais le dossier montre que cette lettre n’a pas été produite. Troisièmement, en 2010, l’avocat a accusé réception d’une somme de 1 000 $ que Mme Moryakina lui a versée pour le dépôt d’une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision rendue à l’égard de sa demande d’asile, mais cette demande a été rejetée au motif qu’aucun dossier de demande n’avait été produit.

 

[13]           Mme Moryakina soutient que ces éléments de preuve montrent que son avocat a probablement omis de produire les rapports médicaux qu’elle lui avait remis. Elle affirme qu’une telle omission serait compatible avec les autres erreurs que l’avocat a commises dans le dossier.

 

[14]           Il serait certainement possible d’inférer de la preuve que l’avocat de Mme Moryakina a omis de produire les rapports médicaux étayant sa demande d’ERAR. Mais il ne s’agit pas du critère applicable. Le critère applicable est de savoir si la conduite de l’avocat a clairement donné lieu à une erreur judiciaire.

 

[15]           Il ne ressort pas clairement en l’espèce que les rapports médicaux n’ont pas été produits du fait de l’incompétence de l’avocat. Mme Moryakina n’a pas répondu à l’allégation de son avocat selon laquelle elle ne lui avait jamais fourni les rapports en question.

 

[16]           En outre, il n’est pas clair que Mme Moryakina a subi un préjudice causé par une action ou une omission de son avocat. Il n’est pas certain que la production des rapports médicaux aurait eu une incidence sur la décision rendue par l’agente. La Commission avait déjà conclu que les allégations de Mme Moryakina concernant les autorités gouvernementales russes n’étaient pas crédibles. Les rapports médicaux montraient que son beau‑frère avait été assassiné et son mari poignardé. Toutefois, il n’y avait aucun élément de preuve montrant que ces évènements avaient quoi que ce soit à voir avec l’allégation de Mme Moryakina selon laquelle elle serait exposée à un risque. La question de savoir si ces éléments de preuve auraient pu influencer l’agente d’ERAR relève de la conjecture.

 

III.       Conclusion et dispositif

 

[17]           En l’espèce, je ne suis pas convaincu que l’avocat de Mme Moryakina a fait preuve d’incompétence ou que sa conduite a donné lieu à une erreur judiciaire. Par conséquent, je dois rejeter la demande de contrôle judiciaire.

 

[18]           Aucune des deux parties n’a proposé que soit certifiée une question de portée générale et aucune ne sera énoncée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.                  Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Alya Kaddour‑Lord, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2841-12

 

INTITULÉ :                                      VALENTINA MORYAKINA

                                                            c

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 27 novembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 ET JUGEMENT :                           Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 10 décembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ali Amini

POUR LA DEMANDERESSE

 

Nicole Paduraru

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ali Amini

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

                                                                                                  

 

 

 

 

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