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Date : 20121212

Dossier: T-1239-11

Référence : 2012 CF 1468

Ottawa (Ontario), le 12 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

 

JONES MOISE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

REVENU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I. Introduction

[1]               Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire des nouvelles cotisations que le défendeur a établies à l’égard de ses années d’imposition 1997, 1998, 2006 et 2007. Il sollicite également le contrôle judiciaire de la décision du défendeur de ne pas lui accorder une prorogation de délai en vue de faire opposition à la nouvelle cotisation relative à son année d’imposition 2006.

 

 

II. Procédure judiciaire

[2]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F 7, en vue de soumettre à un contrôle judiciaire : (i) les nouvelles cotisations relatives aux années d’imposition 1997, 1998, 2006 et 2007 du demandeur, lesquelles sont datées du 30 avril 1998, de mai 1999, du 9 septembre 2008 et du 7 avril 2010, respectivement; (ii) la décision datée du 5 juillet 2010, par laquelle le défendeur a refusé d’accorder au demandeur une prorogation de délai en vue de faire opposition à la nouvelle cotisation relative à son année d’imposition 2006; (iii) la décision du défendeur, datée du 12 mai 2011, obligeant le demandeur à payer sa dette fiscale relative à son année d’imposition 2006.

 

III. Faits

Les nouvelles cotisations – 1997 et 1998

[3]               Le 30 avril 1998, le défendeur a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 1997 du demandeur, pour augmenter le montant de son revenu imposable (la nouvelle cotisation de 1997).

 

[4]               En mai 1999, le défendeur a établi une nouvelle cotisation concernant l’année d’imposition 1998 du demandeur, pour augmenter une fois de plus le montant de son revenu imposable (la nouvelle cotisation de 1998).

 

[5]               Au mois de mai 1999, le demandeur avait une dette fiscale de 3 913,67 $ (y compris les intérêts connexes, moins les crédits de TPS/TVH) pour ses années d’imposition 1997 et 1998.

[6]               Le 31 mai 1999, le demandeur a payé au défendeur la somme de 3 913,67 $, en règlement de l’impôt qu’il avait à payer pour ses années d’imposition 1997 et 1998.

 

Les nouvelles cotisations – 2006 et 2007

[7]               Le 8 mai 2007 et le 9 septembre 2008, le défendeur a établi une nouvelle cotisation à l’égard de l’année d’imposition 2006 du demandeur (la nouvelle cotisation de 2006), pour réduire le montant des déductions réclamées par le demandeur au titre de dons de bienfaisance et augmenter l’impôt qu’il avait à payer.

 

[8]               Le 3 mars 2007, le 20 février 2009, le 23 mars 2009 et le 7 avril 2010, le défendeur a établi une nouvelle cotisation concernant l’année d’imposition 2007 du demandeur (la nouvelle cotisation de 2007), pour rejeter les déductions réclamées par le demandeur au titre de dons de bienfaisance et augmenter l’impôt qu’il avait à payer.

 

[9]               Au mois de mai 2011, le demandeur avait avec une autre dette fiscale de 11 832,53 $ (y compris les intérêts connexes, moins les crédits de TPS/TVH) pour ses années d’imposition 2006 et 2007.

 

[10]           Les oppositions à la nouvelle cotisation de 2006 et à la nouvelle cotisation de 2007.

 

[11]           Le 7 avril 2010, le demandeur a fait opposition aux nouvelles cotisations relatives à ses années d’imposition 2006 (l’avis d’opposition de 2006) et 2007.

[12]           Le 5 juillet 2010, le défendeur a rejeté l’avis d’opposition de 2006, parce que ce dernier avait été produit en dehors du délai de prescription. Une prorogation de ce délai ne pouvait pas être accordée aux termes de l’alinéa 166.1(7)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) [LIR]. Le défendeur a informé le demandeur qu’il ne pouvait pas encore accepter une opposition à la nouvelle cotisation de 2007, parce que les motifs de cette dernière n’avaient pas encore été rendus.

 

[13]           Le 20 janvier 2011, selon le demandeur, un juge de la Cour canadienne de l’impôt [CCI] a ordonné au demandeur de regrouper et de lui envoyer les documents relatifs à la nouvelle cotisation de 2007. Le demandeur n’a produit aucune pièce justificative relative à l’existence de cette ordonnance.

 

[14]           Le 30 avril 2011, le demandeur a déposé un avis d’opposition concernant la nouvelle cotisation de 2007 (l’avis d’opposition de 2007).

 

[15]           Le 12 mai 2011, le défendeur a avisé le demandeur qu’il avait un solde à payer de 6 732,24 $ à l’égard de la nouvelle cotisation de 2006, mais que, à ce moment là, il n’avait pas de solde à payer en rapport avec la nouvelle cotisation de 2007, parce que celle-ci faisait l’objet d’une contestation.

 

[16]           Le 25 mai 2011, le défendeur a accepté l’avis d’opposition de 2007 et a accordé au demandeur une prorogation de délai au titre de l’alinéa 166.1(7)a) de la LIR.

[17]           Le 26 septembre 2011, le défendeur a rejeté les déductions que le demandeur avait réclamées au titre de dons de bienfaisance pour son année d’imposition 2007, parce que ces déductions ne satisfaisaient pas aux exigences du paragraphe 3501(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu, CRC, c 945.

 

[18]           Le 3 novembre 2011, le défendeur a confirmé sa décision et a avisé le demandeur du droit qu’il avait d’interjeter appel de la décision auprès de la CCI en vertu de l’article 169 de la LIR.

 

[19]           En décembre 2011, le défendeur a établi une cotisation à l’égard du demandeur, en rapport avec ses années d’imposition 2008, 2009 et 2010, et il a appliqué les crédits d’impôt du demandeur au solde qu’il avait à payer, ce qui a réduit à zéro le solde à payer à l’égard de la nouvelle cotisation de 2006.

 

IV. La décision faisant l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire

[20]           Dans la nouvelle cotisation de 1997 et la nouvelle cotisation de 1998, le défendeur a augmenté le montant du revenu imposable du demandeur, ce qui a donné lieu à une dette fiscale de 3 913,67 $, que le demandeur a payée au défendeur le 31 mai 1999.

 

[21]           Dans la nouvelle cotisation de 2006 et la nouvelle cotisation de 2007, le défendeur a rejeté les déductions du demandeur au titre de dons de bienfaisance, ce qui a eu pour résultat d’augmenter son revenu imposable. Par suite de ces nouvelles cotisations, le demandeur a été tenu de payer un montant total de 11 832,53 $.

 

[22]           Le défendeur a accepté l’avis d’opposition de 2007 du demandeur, mais il a rejeté celui de 2006. Il a cité l’alinéa 166.1(7)a) de la LIR, lequel dispose qu’une demande de prorogation du délai imparti pour s’opposer à une cotisation doit être présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti par la LIR pour la signification d’un avis d’opposition.

 

[23]           Le défendeur a décidé que le demandeur, bien qu’il ait contesté la nouvelle cotisation de 2007, était tout de même tenu de payer le montant d’impôt exigible à l’égard de son année d’imposition 2006, soit 6 732,24 $.

 

V. Questions en litige

[24]           (1) La Cour a-t-elle compétence pour examiner le bien-fondé de la nouvelle cotisation de 1997, de la nouvelle cotisation de 1998, de la nouvelle cotisation de 2006 et de la nouvelle cotisation de 2007?

(2) Le demandeur a-t-il épuisé tous les recours avant de solliciter un allègement fiscal?

(3) La Cour a-t-elle compétence pour examiner le refus du défendeur concernant l’avis d’opposition de 2006?

 

VI. Dispositions législatives applicables

[25]           Les dispositions législatives de la LIR suivantes sont pertinentes :

152.      (8) Sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la présente partie et sous réserve d’une nouvelle cotisation, une cotisation est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la présente loi.

 

...

 

166.1.      (1) Le contribuable qui n’a pas signifié d’avis d’opposition à une cotisation en application de l’article 165 ni présenté de requête en application du paragraphe 245(6) dans le délai imparti peut demander au ministre de proroger le délai pour signifier l’avis ou présenter la requête.

 

 

[...]

 

(7) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) la demande est présentée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour signifier un avis d’opposition ou présenter une requête;

 

 

b) le contribuable démontre ce qui suit :

 

(i) dans le délai par ailleurs imparti pour signifier l’avis ou présenter la requête, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

 

 

 

 

 

 

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

 

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient.

 

166.2.      (1) Le contribuable qui a présenté une demande en application de l’article 166.1 peut demander à la Cour canadienne de l’impôt d’y faire droit après :

 

a) le rejet de la demande par le ministre;

 

b) l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la présentation de la demande, si le ministre n’a pas avisé le contribuable de sa décision.

 

Toutefois, une telle demande ne peut être présentée après l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la date de la mise à la poste de l’avis de la décision au contribuable.

 

[...]

 

169.      (1) Lorsqu’un contribuable a signifié un avis d’opposition à une cotisation, prévu à l’article 165, il peut interjeter appel auprès de la Cour canadienne de l’impôt pour faire annuler ou modifier la cotisation :

 

a) après que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

b) après l’expiration des 90 jours qui suivent la signification de l’avis d’opposition sans que le ministre ait notifié au contribuable le fait qu’il a annulé ou ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation;

 

toutefois, nul appel prévu au présent article ne peut être interjeté après l’expiration des 90 jours qui suivent la date où avis a été envoyé au contribuable, en vertu de l’article 165, portant que le ministre a ratifié la cotisation ou procédé à une nouvelle cotisation.

 

[...]

 

220.      (3.1) Le ministre peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou de l’exercice d’une société de personnes ou sur demande du contribuable ou de la société de personnes faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable ou la société de personnes en application de la présente loi pour cette année d’imposition ou cet exercice, ou l’annuler en tout ou en partie. Malgré les paragraphes 152(4) à (5), le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et pénalités payables par le contribuable ou la société de personnes pour tenir compte de pareille annulation.

152.      (8) An assessment shall, subject to being varied or vacated on an objection or appeal under this Part and subject to a reassessment, be deemed to be valid and binding notwithstanding any error, defect or omission in the assessment or in any proceeding under this Act relating thereto.

 

 

 

 

 

166.1.      (1) Where no notice of objection to an assessment has been served under section 165, nor any request under subsection 245(6) made, within the time limited by those provisions for doing so, the taxpayer may apply to the Minister to extend the time for serving the notice of objection or making the request.

 

 

(7) No application shall be granted under this section unless

 

(a) the application is made within one year after the expiration of the time otherwise limited by this Act for serving a notice of objection or making a request, as the case may be; and

 

(b) the taxpayer demonstrates that

 

(i) within the time otherwise limited by this Act for serving such a notice or making such a request, as the case may be, the taxpayer

 

(A) was unable to act or to instruct another to act in the taxpayer’s name, or

 

(B) had a bona fide intention to object to the assessment or make the request,

 

(ii) given the reasons set out in the application and the circumstances of the case, it would be just and equitable to grant the application, and

 

 

(iii) the application was made as soon as circumstances permitted.

 

166.2.      (1) A taxpayer who has made an application under subsection 166.1[(1)] may apply to the Tax Court of Canada to have the application granted after either

 

(a) the Minister has refused the application, or

 

(b) 90 days have elapsed after service of the application under subsection 166.1(1) and the Minister has not notified the taxpayer of the Minister’s decision,

 

but no application under this section may be made after the expiration of 90 days after the day on which notification of the decision was mailed to the taxpayer.

 

 

169.      (1) Where a taxpayer has served notice of objection to an assessment under section 165, the taxpayer may appeal to the Tax Court of Canada to have the assessment vacated or varied after either

 

 

(a) the Minister has confirmed the assessment or reassessed, or

 

 

(b) 90 days have elapsed after service of the notice of objection and the Minister has not notified the taxpayer that the Minister has vacated or confirmed the assessment or reassessed,

 

 

 

but no appeal under this section may be instituted after the expiration of 90 days from the day notice has been sent to the taxpayer under section 165 that the Minister has confirmed the assessment or reassessed.

 

 

 

 

 

220.      (3.1) The Minister may, on or before the day that is ten calendar years after the end of a taxation year of a taxpayer (or in the case of a partnership, a fiscal period of the partnership) or on application by the taxpayer or partnership on or before that day, waive or cancel all or any portion of any penalty or interest otherwise payable under this Act by the taxpayer or partnership in respect of that taxation year or fiscal period, and notwithstanding subsections 152(4) to (5), any assessment of the interest and penalties payable by the taxpayer or partnership shall be made that is necessary to take into account the cancellation of the penalty or interest.

 

 

[26]           Les dispositions législatives de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, LRC 1985, c T-2 (la LCCI) suivantes sont pertinentes :

12.      (1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, du Régime de pensions du Canada, de la Loi sur l’exportation et l’importation de biens culturels, de la partie V.1 de la Loi sur les douanes, de la Loi sur l’assurance-emploi, de la Loi de 2001 sur l’accise, de la partie IX de la Loi sur la taxe d’accise, de la Loi de l’impôt sur le revenu, de la Loi sur la sécurité de la vieillesse, de la Loi de l’impôt sur les revenus pétroliers et de la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’œuvre, dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

12.      (1) The Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine references and appeals to the Court on matters arising under the Air Travellers Security Charge Act, the Canada Pension Plan, the Cultural Property Export and Import Act, Part V.1 of the Customs Act, the Employment Insurance Act, the Excise Act, 2001, Part IX of the Excise Tax Act, the Income Tax Act, the Old Age Security Act, the Petroleum and Gas Revenue Tax Act and the Softwood Lumber Products Export Charge Act, 2006 when references or appeals to the Court are provided for in those Acts.

 

[27]           Les dispositions législatives de la Loi sur la gestion des finances publiques, LRC, 1985, c F 11 (la LGFP) suivantes sont elles aussi pertinentes :

23.      (2) Sur recommandation du ministre compétent, le gouverneur en conseil peut faire remise de toutes taxes ou pénalités, ainsi que des intérêts afférents, s’il estime que leur perception ou leur exécution forcée est déraisonnable ou injuste ou que, d’une façon générale, l’intérêt public justifie la remise.

23.      (2) The Governor in Council may, on the recommendation of the appropriate Minister, remit any tax or penalty, including any interest paid or payable thereon, where the Governor in Council considers that the collection of the tax or the enforcement of the penalty is unreasonable or unjust or that it is otherwise in the public interest to remit the tax or penalty.

 

VII. Position des parties

[28]           Le demandeur demande à la Cour de contrôler et d’annuler la nouvelle cotisation de 1997 et la nouvelle cotisation de 1998. Il souhaite en particulier qu’on lui restitue la partie des 3 913,67 $ qu’il a payée au défendeur en règlement des dettes liées à ces nouvelles cotisations. Il soutient que : (i) selon les calculs que son comptable a faits, il ne devait que 446,91 $ en rapport avec année d’imposition 1997 et 2 123,72 $ en rapport avec son année d’imposition 1998 et (ii) que, de ce fait, il a payé en trop au défendeur la somme de 1 343,04 $.

 

[29]           Le demandeur demande également que la Cour contrôle et annule la cotisation relative à son année d’imposition 2006, de même que sa créance fiscale de 6 746,08 $ en rapport avec cette année-là.

[30]           Le demandeur soutient que le défendeur n’aurait pas dû rejeter ses déductions au titre de dons de bienfaisance en rapport avec son année d’imposition 2006. Il déclare qu’il a acheté des instruments de musique dont il a fait don à son église, et qu’il a produit, pour cet achat, des pièces justificatives. Il ajoute toutefois qu’il n’est pas en mesure de produire des pièces justificatives pour la totalité des dépenses qu’il a faites en rapport avec sa déduction pour dons de bienfaisance.

 

[31]           Le demandeur soutient de plus que : (i) il n’a pas commis de fraude fiscale; (ii) il a des difficultés financières dont il faudrait tenir compte au moment de fixer ses obligations fiscales; (iii) il s’est endetté pour payer sa dette fiscale au défendeur et il faudrait donc lui rembourser ce qui lui est dû; (iv) il n’a reçu aucun conseil du défendeur pour la gestion de ses affaires fiscales; (v) le défendeur a profité irrégulièrement de son ignorance, car il est un nouvel immigrant au Canada.

 

[32]           Le demandeur est d’avis que le défendeur n’aurait pas dû rejeter son avis d’opposition de 2006 juste parce que celui-ci n’a pas été envoyé dans le délai de prescription imparti.

 

[33]           Le défendeur soutient que la demande de contrôle judiciaire du demandeur ne relève pas de la compétence de la Cour. À son avis, le demandeur a contesté la validité et le bien-fondé de la nouvelle cotisation de 2006 et de la nouvelle cotisation de 2007 – des questions qui débordent le cadre de la compétence de la Cour fédérale.

 

[34]           Le défendeur est d’avis que, selon le paragraphe 152(8) de la LIR, une cotisation établie au titre de la LIR (sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la partie I de la LIR) est réputée être valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans la cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la LIR. Il cite l’arrêt Roitman c R, 2006 CAF 266, à l’appui de la thèse selon laquelle la corollaire du paragraphe 152(8) est que la Cour « n’a pas compétence pour attribuer des dommages-intérêts ou pour accorder toute autre réparation sollicitée sur la base d’une nouvelle cotisation d’impôt non valide, à moins que la nouvelle cotisation n’ait été annulée par la Cour de l’impôt (au para 20).

 

[35]           Le défendeur soutient que la Cour ne peut pas examiner le fait qu’il a rejeté l’avis d’opposition de 2006 du demandeur. Selon le défendeur, le demandeur a présenté son avis d’opposition de 2006 en avril 2010, soit 19 mois après qu’il a établi une nouvelle cotisation à l’égard de son année d’imposition 2006. Il signale que l’alinéa 166.1(7)a) de la LIR dispose qu’une demande de prorogation du délai imparti pour signifier un avis d’opposition ne peut être accordé que si cette demande est déposée dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti par la LIR pour signifier l’avis d’opposition. Citant l’arrêt Carlson c R, 2002 CAF 145, le défendeur soutient qu’il n’avait pas le pouvoir discrétionnaire de faire droit à la demande de prorogation du demandeur.

 

VIII. Analyse

(1) La Cour a-t-elle compétence pour examiner la demande de contrôle judiciaire du demandeur à l’encontre des nouvelles cotisations pour ses années d’imposition 1997, 1998, 2006 et 2007?

 

[36]           Par sa demande, à savoir que la Cour contrôle et annule les nouvelles cotisations concernant ses années d’imposition 1997, 1998, 2006 et 2007, le demandeur conteste essentiellement le bien-fondé de ces nouvelles cotisations. Pour ce qui est de la nouvelle cotisation de 1997 et de celle de 1998, le demandeur soutient que le défendeur a mal calculé l’impôt qu’il avait à payer et qu’il lui a, de ce fait, payé en trop la somme de 1 343,04 $. Il s’agit là d’une contestation de l’assujettissement à l’impôt exact du demandeur. Les doléances de ce dernier au sujet de la nouvelle cotisation de 2006 et de celle de 2007 sont principalement axées sur la question de savoir si les dépenses qu’il a faites étaient admissibles à titre de déduction pour dons de bienfaisance; cela étant, ces doléances sont en fin de compte liées, elles aussi, au fait de savoir si les nouvelles cotisations sont exactes.

 

[37]           En demandant à la Cour de contrôler le bien-fondé des nouvelles cotisations, le demandeur sollicite un recours que celle-ci ne peut lui accorder, pour défaut de compétence.

 

[38]           Aux termes du paragraphe 152(8) de la LIR, une cotisation doit, sous réserve des modifications qui peuvent y être apportées ou de son annulation lors d’une opposition ou d’un appel fait en vertu de la partie I et sous réserve d’une nouvelle cotisation, être réputée valide et exécutoire malgré toute erreur, tout vice de forme ou toute omission dans cette cotisation ou dans toute procédure s’y rattachant en vertu de la LIR. Aux termes du paragraphe 169(1) de la LIR, un contribuable peut interjeter appel pour faire annuler ou modifier une cotisation si les conditions relatives au processus d’appel que prévoit la LIR sont remplies. Le paragraphe 12(1) de la LCCI confère à la CCI le pouvoir exclusif d’entendre et de trancher les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de la LIR.

 

[39]           Cette Cour suit le raisonnement qu’a formulé la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Roitman, ci-dessus, à savoir que le corollaire des paragraphes 152(8) et 169(1) de la LIR et du paragraphe 12(1) de la LCCI est que la CCI a « compétence exclusive pour déterminer le bien-fondé des cotisations d’impôt » (au para 19). La Cour « n’a pas compétence pour attribuer des dommages-intérêts ou pour accorder toute autre réparation sollicitée sur la base d’une nouvelle cotisation d’impôt non valide, à moins que la nouvelle cotisation n’ait été annulée par la Cour de l’impôt », car, en agissant autrement, on « se trouverait à permettre de contester accessoirement le bien-fondé de la cotisation » (au para 20).

 

[40]           Le demandeur n’a produit aucune preuve d’abus de procédure ou d’abus de pouvoir de la part du défendeur, ce qui déborderait effectivement le cadre de la compétence de la CCI (Main Rehabilitation Co c R, 2004 CAF 403).

 

(2) Le demandeur a-t-il épuisé tous les recours avant de solliciter un allègement fiscal?

[41]           La demande que fait le demandeur pour que l’on tienne compte de ses difficultés financières au moment d’examiner l’obligation qu’il a d’acquitter sa dette fiscale peut être interprétée comme une demande d’allègement fiscal.

 

[42]           Le demandeur peut présenter une demande au défendeur en vue d’obtenir une renonciation aux intérêts et aux pénalités qu’il doit à l’égard de la nouvelle cotisation de 2006 et de la nouvelle cotisation de 2007 (allègement fiscal). Le paragraphe 220(3.1) de la LIR confère au ministre du Revenu national le pouvoir discrétionnaire suivant : il peut, au plus tard le jour qui suit de dix années civiles la fin de l’année d’imposition d’un contribuable ou sur demande de ce dernier faite au plus tard ce jour-là, renoncer à tout ou partie d’un montant de pénalité ou d’intérêts payable par ailleurs par le contribuable à l’égard de cette année d’imposition, ou de l’annuler en tout ou en partie, et, malgré les paragraphes 152(4) et (5) de la LIR, le ministre établit les cotisations voulues concernant les intérêts et les pénalités payables par le contribuable qui sont nécessaires pour tenir compte de l’annulation de la pénalité ou des intérêts. Cette responsabilité est déléguée au défendeur par le paragraphe 220(1) de la LIR. Cependant, le défendeur n’a pas le pouvoir discrétionnaire de renoncer aux intérêts et aux pénalités concernant la nouvelle cotisation de 1997 et la nouvelle cotisation de 1998, car le délai de prescription que prévoit la loi a expiré.

 

[43]           Le demandeur peut également solliciter une ordonnance en vertu du paragraphe 23(2) de la LGFP en vue de la remise de toutes taxes ou pénalités (ainsi que des intérêts afférents) (ordonnance de remise). Ce paragraphe autorise le gouverneur en conseil, à la recommandation du ministre du Revenu national, à faire remise de toutes taxes ou pénalités, ainsi que des intérêts afférents, s’il estime que leur perception ou leur exécution forcée est déraisonnable ou injuste ou que, d’une façon générale, l’intérêt public justifie une telle mesure.

 

[44]           Cependant, le demandeur n’a pas poursuivi ces recours avant de s’adresser à la Cour. Sous réserve de certaines exceptions, il faut qu’un demandeur ait épuisé la totalité des recours administratifs internes avant de soumettre à la Cour une demande de contrôle judiciaire (Première nation Brokenhead c Canada (Procureur général), 2011 CAF 148). Dans la décision Bakayoko c Bell Nexxia, 2004 CF 1408, la Cour a conclu que le point de départ d’une partie, dans toute instance de nature administrative, est de « savoir à quelle porte frapper pour être entendu » et que la Cour « ne peut être saisie tant qu’il existe un autre recours approprié » (au para 1).

 

[45]           En l’espèce, le demandeur n’a pas poursuivi les recours administratifs internes que sont un allègement fiscal ou une ordonnance de remise. Il ne peut pas solliciter le contrôle judiciaire du refus signifié par le défendeur d’accorder un allègement fiscal, parce qu’il n’a pas pris la première mesure, qui consiste à demander un tel allègement au défendeur.

 

(3) La Cour a-t-elle compétence pour examiner le refus du défendeur concernant l’avis d’opposition de 2006?

 

[46]           La Cour n’a pas compétence pour apprécier le rejet, par le défendeur, de l’avis d’opposition de 2006 ou pour accorder une prorogation au titre du paragraphe 166.1(7) de la LIR. Aux termes du paragraphe 166.2(1) de la LIR, le contribuable qui a présenté une demande en vertu du paragraphe 166.1(1) de la LIR, en vue d’obtenir une prorogation de délai, doit s’adresser à la CCI pour que la demande soit accueillie, après : (i) le rejet de la demande ou (ii) l’expiration d’un délai de 90 jours suivant la présentation de la demande et si le contribuable n’a pas été avisé de la décision. Une demande présentée à la CCI au titre du paragraphe 166.2(1) ne peut être faite après l’expiration des 90 jours suivant la date à laquelle la décision de ne pas accorder une prorogation de délai a été envoyée. Le paragraphe 166.2(1) confère à la CCI une compétence exclusive à l’égard des demandes de prorogation de délai présentées en vue de déposer un avis d’opposition sous le régime de la LIR, et la Cour ne peut intervenir.

 

IX. Conclusion

[47]           Pour toutes les raisons, ci-dessus, la demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE le rejet de la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1239-11

 

INTITULÉ :                                      JONES MOISE c REVENU CANADA

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             le 30 octobre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                             LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                     le 12 décembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Jones Moise

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Nathalie Hamam

Nancy Arnold

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jones Moise

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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