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Date : 20121218

Dossier : IMM-544-12

Référence : 2012 CF 1490

Ottawa (Ontario), le 18 décembre 2012

En présence de madame la juge Gleason

 

ENTRE :

 

 

LUIS CARLOS HERRERA ANDRADE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE La citoyenneté et de l’immigration

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

Motifs du jugement et jugement

  • [1]Le demandeur est un citoyen de la Colombie. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, il cherche à faire annuler la décision du 12 décembre 2011 par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la CISR ou la Commission] a établi que le demandeur n’avait ni qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger au sens des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch 27 [la Loi ou la LIPR].

 

  • [2]La Commission a fondé sa décision sur deux motifs : premièrement, le demandeur n’était pas crédible et, deuxièmement, il n’a pas écarté la présomption selon laquelle il pouvait se réclamer d’une protection adéquate en Colombie. Le demandeur conteste ces deux conclusions, mais je n’aborderai que la conclusion de la Commission sur la protection de l’État étant donné qu’elle permet de disposer de la présente demande.

 

  • [3]Lorsqu’elle a tiré sa conclusion sur la protection de l’État, la Commission a souligné que le demandeur n’avait pas cherché à obtenir l’aide de la police ou d’autres autorités de la Colombie après avoir été menacé par deux membres des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), mais qu’il s’était plutôt simplement enfui, premièrement aux États-Unis d’Amérique puis au Canada, où il a déposé une demande d’asile. La Commission a ensuite examiné la volumineuse preuve documentaire qui lui avait été soumise au sujet de la capacité de l’État colombien d’offrir une protection adéquate à ses citoyens. Voici la conclusion de la Commission à cet égard : « Plusieurs sources contenues dans la preuve documentaire comportent certaines incohérences; toutefois, la prépondérance des éléments de preuve objectifs [...] laisse croire que [...] la protection offerte par la Colombie aux victimes de criminalité est adéquate, que la Colombie déploie des efforts sérieux pour régler le problème de la criminalité et que la police veut protéger les victimes et qu’elle est capable de le faire. » (Paragraphe 35 de la décision.) La CISR a donc jugé que le demandeur n’avait pas écarté la présomption de la protection de l’État au moyen d’une preuve claire et convaincante et, se fondant sur ce motif (qui s’ajoutait au manque de crédibilité du demandeur), elle a rejeté sa demande.

 

  • [4]Le demandeur allègue que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle dans le cadre de son analyse de la protection de l’État parce qu’elle a oublié d’analyser (ou même de mentionner) trois éléments de preuve essentiels selon lesquels l’État colombien ne peut protéger les personnes menacées par les FARC, soit deux rapports relativement récents d’universitaires compétents en la matière, MM. Marc Chernick et James Brittain, de même qu’une lettre d’Amnesty International datée de 2010. Le demandeur invoque quatre jugements, Niño Yepes c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1357, au paragraphe 10 [Yepes], Ortiz de Martheyn c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), dossier de la Cour : IMM-1861-11 (3 octobre 2011) [de Martheyn], CMMV c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 543, aux paragraphes 16 à 19 [CMMV] et Cetinkaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 8, au paragraphe 66 [Cetinkaya], dans lesquels la Cour a statué que le défaut de mentionner une partie ou l’ensemble de ces rapports ou de rapports semblables dans certaines décisions était déraisonnable. (Une conclusion comparable a été tirée dans le jugement Ortiz Rincon c Canada(Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1339 [Rincon], dont il est aussi question ci-après.) Le demandeur invite la Cour à tirer une conclusion semblable en l’espèce.

  • [5]Pour les motifs énoncés ci-après, j’estime qu’une telle conclusion est inopportune parce qu’une distinction peut être établie entre ces décisions et la présente espèce. De plus, ces décisions sont antérieures à l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], de la Cour suprême du Canada. Cet arrêt constitue un changement majeur du droit qui s’applique aux contrôles judiciaires; elle souligne le fait que le défaut d’un tribunal d’aborder des éléments de preuve qui contredisent ses conclusions ne donnera pas nécessairement lieu à une erreur susceptible de contrôle.

 

Analyse

  • [6]La norme de contrôle qui s’applique à l’erreur que la SPR aurait, selon le demandeur, commise dans son analyse sur la protection de l’État est celle de la raisonnabilité. Il est bien établi que la norme de la raisonnabilité s’applique aux conclusions de la SPR sur la protection de l’État parce qu’il s’agit soit de conclusions de fait, soit de conclusions mixtes de fait et de droit (voir Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, au paragraphe 38, [2007] ACF no 584).

 

  • [7]Le demandeur soutient essentiellement en l’espèce que la décision de la Commission relative à la protection de l’État est, selon le libellé de l’alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, ch F-7 [LCF], « fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont [elle] dispos[ait] » parce que, selon le demandeur, la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle en écartant de façon non appropriée des éléments de preuve.

 

  • [8]Des arguments comme ceux que le demandeur a présentés en l’espèce, relativement aux répercussions du défaut d’analyser de portions prétendument essentielles d’éléments de preuve objectifs, sont fréquemment présentés dans le cadre de contrôles judiciaires de décisions en matière d’immigration. Comme le juge Hughes le soulignait dans Persaud c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 274 [Persaud], au paragraphe 7 :

Il s’agit là d’une question qui, formulée d’une manière ou d’une autre, est souvent soulevée dans les contrôles judiciaires comme celui-ci. L’énoncé de cette question est souvent suivi, dans les observations écrites et dans la plaidoirie de l’avocat, d’un long examen pointilleux et détaillé de chaque élément de preuve au dossier qui pourrait le moindrement être considéré comme favorable à la cause du client de l’avocat. Les éléments de preuve écrite sont souvent présentés en caractères gras et, dans sa plaidoirie, l’avocat les présente souvent avec moult effets de toge pour en souligner et en accentuer l’importance. La conclusion que la Cour est priée de tirer est que l’agent n’a pas tenu compte ou a omis de mentionner dans ses motifs de tels éléments de preuve « importants » de sorte que la décision doit être considérée comme « déraisonnable ». L’avocat invoque souvent la décision du juge Evans (maintenant juge à la Cour d’appel fédérale) dans Cepeda-Gutierrez c (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration),[1998] ACF no 1425, 157 FTR 35... [Cepeda-Gutierrez].

 

 

  • [9]Comme le juge Hughes l’a souligné dans le jugement Persaud, et comme je l’ai fait aussi dans le jugement Rahal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 319 [Rahal], la décision du juge Evans dans l’affaire Cepeda-Gutierrez ne confirme pas l’énoncé selon lequel le défaut d’analyser des éléments de preuve contraires à la conclusion d’un tribunal rend nécessairement une décision déraisonnable. Dans Cepeda-Gutierrez, le juge Evans a plutôt établi que le défaut de tenir compte de certains éléments de preuve doit être examiné en contexte et qu’il entraîne l’annulation d’une décision uniquement lorsque les éléments de preuve qui ne sont pas mentionnés sont essentiels, contredisent la conclusion du tribunal et que la cour chargée du contrôle de la décision établit que l’omission montre que le tribunal a tiré sa conclusion sans tenir compte des éléments dont il disposait.

 

  • [10]Plus précisément, vu plusieurs arrêts récents de la Cour suprême du Canada, la cour de révision doit faire preuve de prudence avant de conclure qu’un tribunal administratif n’a pas tenu compte des éléments de preuve dont il disposait parce qu’il a omis de mentionner dans sa décision les éléments de preuve qui la contredisent.

 

  • [11]À mon avis, lorsque la cour de révision est saisie d’un argument qui porte sur les conséquences pour le tribunal de ne pas avoir mentionné des éléments de preuve importants, son examen consiste initialement à présumer que le tribunal a pris en compte l’ensemble du dossier (voir Ayala Alvarez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 703, au paragraphe 10; Guevara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 242, au paragraphe 41; Junusmin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 673, au paragraphe 38). Les parties qui présentent des arguments comme ceux du demandeur en l’espèce doivent se montrer très convaincants. Deuxièmement, il faut se rappeler que la tâche de la cour de révision consiste à évaluer la raisonnabilité des conclusions de fait du tribunal dont la décision est contestée. Pour ce faire, il faut tenir compte à la fois de l’issue de l’affaire et des motifs fournis par le tribunal, comme la Cour suprême du Canada l’a souligné notamment dans Dunsmuir c Nouveau-Brunswick 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, et Newfoundland Nurses, au paragraphe 14. Enfin, et surtout peut-être, la cour de révision doit faire preuve d’une grande déférence à l’égard des conclusions de fait du tribunal particulièrement lorsque, comme en l’espèce, la décision contestée se retrouve au cœur même de l’expertise du tribunal. L’évaluation des risques auxquels sont exposés les demandeurs d’asile de même que de l’existence d’une protection adéquate de l’État étranger se retrouvent au cœur même de la compétence de la SPR et il s’agit de questions que le Parlement a portées à la compétence de la SPR (voir l’alinéa 95(1)b) de la LIPR; Pushpanathan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1998] 1 RCS 982, [1998] ACS no 46, au paragraphe 47; Saldana Fajardo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 830, au paragraphe 18; Kellesova c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 769, au paragraphe 11).

 

  • [12]Comme je l’ai mentionné précédemment, l’arrêt Newfoundland Nursesrevêt une importance capitale aux fins de la présente demande. Dans cet arrêt, la Cour a adopté une nouvelle façon d’évaluer le caractère suffisant des motifs d’un tribunal administratif, statuant que l’insuffisance de motifs n’équivaut pas à l’absence d’équité procédurale pourvu que le tribunal fournisse certains motifs. En statuant ainsi, la Cour a annulé une jurisprudence antérieure selon laquelle l’insuffisance de motifs équivaut à l’absence d’équité procédurale. La Cour suprême a aussi tenu compte du caractère suffisant des motifs du tribunal visé pour savoir si sa décision est raisonnable et a souligné que l’insuffisance des motifs ne justifie pas à elle seule de conclure au caractère déraisonnable de la décision. La Cour a plutôt soutenu que le caractère raisonnable d’une décision doit être évalué relativement à l’issue de l’instance et aux motifs fournis. La Cour a aussi rappelé que les cours de révision doivent accorder une grande déférence aux décisions d’un tribunal en vertu de la norme de la raisonnabilité. Voici les motifs de la juge Abella à ce sujet; elle s’exprimait au nom de la Cour :

[15] La cour de justice qui se demande si la décision qu’elle est en train d’examiner est raisonnable du point de vue du résultat et des motifs doit faire preuve de « respect [à l’égard] du processus décisionnel [de l’organisme juridictionnel] au regard des faits et du droit » (Dunsmuir, par. 48). Elle ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen, mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat.

 

[16] Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision. Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale (Union internationale des employés des services, local no 333 c. Nipawin District Staff Nurses Assn., [1975] 1 R.C.S. 382, p. 391). En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

[...]

 

[18] Dans Société canadienne des postes c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2010 CAF 56, [2011] 2 R.C.F. 221, le juge Evans précise, dans des motifs confirmés par notre Cour, (2011 CSC 57, [2011] 3 R.C.S. 572), que l’arrêt Dunsmuir cherche à « [éviter] qu’on [aborde] le contrôle judiciaire sous un angle trop formaliste » (par. 164). Il signale qu’« [o]n ne s’atten[d] pas à de la perfection » et indique que la cour de révision doit se demander si, « lorsqu’on les examine à la lumière des éléments de preuve dont il disposait et de la nature de la tâche que la loi lui confie, on constate que les motifs du Tribunal expliquent de façon adéquate le fondement de sa décision » (par. 163). J’estime que la description de l’exercice que donnent les intimées dans leur mémoire est particulièrement utile pour en décrire la nature :

 

[Traduction] La déférence est le principe directeur qui régit le contrôle de la décision d’un tribunal administratif selon la norme de la décision raisonnable. Il ne faut pas examiner les motifs dans l’abstrait; il faut examiner le résultat dans le contexte de la preuve, des arguments des parties et du processus. Il n’est pas nécessaire que les motifs soient parfaits ou exhaustifs. [par. 44]

 

 

  • [13]À mon avis, les décisions de la Cour qui sont antérieures à la décision Newfoundland Nurses, doivent être interprétées en fonction de la directive fournie par la juge Abella, qui a rédigé les motifs unanimes de la Cour suprême dans cette affaire. Vu l’arrêt Newfoundland Nurses(et l’arrêt Dunsmuir antérieurement prononcé par la Cour suprême), je dois prendre en compte non seulement le raisonnement de la Commission, mais aussi, en évaluant le caractère raisonnable de son analyse de la protection de l’État, le résultat qu’elle a obtenu. Je dois aussi, pour citer la juge Abella, me « garder de substituer [mes] propres opinions à celles [des décideurs] quant au résultat approprié en qualifiant de fatales certaines omissions qu’ils ont relevées dans les motifs »(Newfoundland Nurses, au paragraphe 17).

 

  • [14]J’aborderai donc en premier les motifs fournis par la SPR en l’espèce. Les motifs de la Commission démontrent bien qu’elle était au fait d’éléments de preuve objectifs qui contredisaient sa conclusion, notamment, selon toute vraisemblance, les trois rapports qui, de l’avis du demandeur, ont une importance fondamentale. Comme je l’ai souligné, la SPR a écrit que « [p]lusieurs sources contenues dans la preuve documentaire comportaient certaines incohérences » (paragraphe 35 de la décision), mais elle a conclu que « la prépondérance des éléments de preuve objectifs » laissait croire qu’il existait en Colombie une protection adéquate de l’État. D’après ses motifs, la Commission n’a donc pas omis de tenir compte des trois rapports qui, selon le demandeur, auraient été mis de côté. Ces éléments établissent une distinction entre la présente affaire et les jugements Yepes, de Martheyn, CMMV et Cetinkaya.

 

  • [15]Il semble qu’aucun énoncé semblable n’ait été formulé par la Commission dans les jugements Yepes, de Martheyn, CMMV ou Cetinkaya et que, par conséquent, il existait dans ces affaires un fondement plus solide qui permettait de conclure que la Commission avait laissé de côté les éléments de preuve en question. De plus, la décision dans Yepes était fondée en grande partie sur le défaut de la SPR de tirer des conclusions quant à la crédibilité ou d’évaluer la véracité des prétentions ce qui, selon les termes utilisés par le juge Barnes, a fait en sorte que la Commission avait omis « d’examiner la preuve liée à la situation dans le pays dans le contexte d’une famille qui [avait] été ciblée à de maintes reprises... » (au paragraphe 5).

 

  • [16]La décision du juge Mactavish dans Rincon ne s’applique pas non plus en l’espèce parce qu’elle porte en grande partie sur les erreurs commises par la Commission relativement à l’aide qui, à son avis, avait été fournie par la police aux demandeurs alors que, dans les faits, cette aide n’avait pas été accordée. Les conclusions qui ne s’appuient pas sur la preuve soumise à la Commission tombent sous le coup de l’alinéa 18.1(4)d) de la LCF (voir la décision Rahal, aux paragraphes 34 à 40).

 

  • [17]Contrairement à ce qui s’était produit dans Rincon, la SPR disposait en l’espèce d’une preuve abondante pour étayer sa conclusion de protection adéquate de l’État, comme le souligne de façon exhaustive la Commission dans sa décision. Sa décision n’est donc pas incompatible avec la preuve et on ne saurait dire qu’elle a été tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.

 

  • [18]Le caractère raisonnable de la décision de la Commission est confirmé par le fait que les décisions récentes de la Cour soutiennent dans leur vaste majorité le caractère raisonnable de décisions de la SPR quant au caractère adéquat de la protection offerte par l’État colombien à l’égard de personnes se trouvant dans des situations semblables à celles du demandeur et des personnes menacées par les FARC(pour l’année 2012, voir Mendoza-Rodriguez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1367; Herrera Arbelaez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1129; Garavito Olaya c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 913; Hernandez Bolanos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 513; Castro Nino c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 506; Ayala Nunez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 255, 213 ACWS (3d) 451; Sernas de Toro c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 245, 211 ACWS (3d) 945; Alexander Osorio c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 37, 211 ACWS (3d) 187 [Osorio]).

 

  • [19]En fait, dans plusieurs de ces affaires, la Commission a abordé au moins certains des rapports qui, selon le demandeur, étaient essentiels, et les décisions de la Commission, selon lesquelles la protection de l’État en Colombie était adéquate, ont été confirmées par la Cour (voir p. ex. Osorio; Murillo Guevara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 242; Velez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 923; Idarraga Cardenas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 537). Dans les cas où la Commission a mentionné expressément les rapports en cause, la Cour a confirmé le caractère raisonnable des décisions de la Commission.

 

  • [20]Au cours de l’année qui vient de s’écouler, la Cour a annulé des décisions de la SPR relativement à la protection de l’État en Colombie uniquement lorsqu’il a été établi que la SPR avait omis d’évaluer correctement les antécédents ou le « profil » du demandeur d’asile et où le demandeur d’asile se retrouvait dans l’un des groupes au sujet desquels la preuve documentaire révélait que ces groupes pouvaient être exposés à un risque en Colombie, soit les membres et les partisans de l’un des groupes ou de l’une des parties au conflit, les membres de gouvernements locaux ou régionaux, les juges et d’autres personnes associées au système de justice, les militants de la société civile et les défenseurs des droits de la personne, les journalistes et d’autres membres des médias, les leaders syndicaux, les enseignants, les professeurs et étudiants d’université, les Autochtones et les Afro-Colombiens, les femmes et les enfants ayant un certain profil de même que les groupes sociaux marginalisés. Selon la preuve documentaire objective, et en particulier le rapport du Haut commissariat des Nations Unies pour les réfugiés du 27 mai 2010, intitulé UNHCR Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Asylum-Seekers from Colombia, les membres de ces groupes peuvent encore être exposés à des risques à cause des FARC en Colombie. (Voir le jugement Zuluaga Robles c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1134, dans lequel la Commission n’a pas tenu compte d’éléments de preuve fournis par la demanderesse qui, dans le contexte d’une demande d’ERAR, alléguait faire partie d’un groupe ciblé en tant que membre de la famille de victimes de violations des droits de la personne et d’autres avaient travaillé à leur défense; le jugement Olivares c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1010, dans lequel la Commission n’a pas cherché à savoir si le demandeur était un défenseur des droits de la personne et s’il était exposé à un risque pour ce motif; le jugement Osorio Garcia c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 366, dans lequel la Commission n’avait pas tenu compte du profil de risque particulier de la demandeure qui jouait un rôle dans une organisation bien connue de défense de la justice sociale; le jugement Arias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 322, dans lequel la Commission avait considéré à tort le demandeur comme un « simple greffier » alors qu’en fait il était le neveu d’une juge; et le jugement Acevedo Munoz c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 86, 211 ACWS (3d) 420, dans lequel la Commission n’a pas tenu compte du profil du demandeur qui alléguait avoir été persécuté du fait des opinions politiques qui lui auraient été imputées en raison de sa participation aux activités d’un groupe d’action communautaire.Ces affaires concernent le défaut de la Commission de prendre en compte l’essentiel des prétentions des demandeurs d’asile et d’évaluer leurs profils en fonction de la preuve documentaire, qui indiquait qu’ils pouvaient être exposés à des risques. En termes simples, dans ces affaires, la Commission n’a pas effectué l’analyse qu’elle était tenue d’entreprendre.

 

  • [21]Cependant, en l’espèce, la Commission a bien évalué le profil du demandeur de même que les risques auxquels il était lui-même exposé en tenant compte des faits qui lui avaient été soumis et des documents objectifs sur le pays. Elle a donc effectué l’examen qu’il lui incombait de réaliser et, pour les motifs indiqués, sa conclusion était raisonnable. Vu la nature des motifs de la Commission et l’abondante jurisprudence justifiant les conclusions semblables tirées dans des circonstances semblables, l’argument du demandeur est essentiellement un argument de pure forme qui revient simplement à critiquer le défaut d’exclure de manière précise, plutôt que de façon générale, la pertinence des rapports de MM. Brittain et Chernick et d’Amnesty International. L’absence de fondement de ce type d’argument est établie de façon définitive dans l’arrêt Newfoundland Nurses, où la juge Abella a souligné que le décideur « n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit-il, qui a mené à sa conclusion finale » (au paragraphe 16).

 

  • [22]Pour les motifs susmentionnés, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier au sens de l’article 74 de la LIPR n’a été présentée et aucune n’est certifiée.

 

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR :

  1. REJETTE la demande de contrôle judiciaire de la décision de la SPR.

  2. NE CERTFIE AUCUNE question de portée générale.

  3. N’ADJUGE AUCUNS dépens.

 

 

Mary J.L. Gleason

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier : IMM-544-12

 

Intitulé : Luis Carlos Herrera Andrade c le Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration

 

 

 

Lieu de l’audience : Toronto (Ontario)

 

DATE de l’audience : Le 17 octobre 2012

 

Motifs du jugement

Et jugement : La juge GLEASON

 

Date des motifs : Le 18 décembre 2012

 

 

 

COMparutions :

 

Alla Kikinova

Pour le demandeur

 

Meva Motwani

Pour le défendeur

 

 

Avocats inscrits au dossier :

 

Michael Loebach

Avocat

Toronto (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Myles J. Kirvan,

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

Pour le défendeur

 

 

 

 

 

 

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