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Date : 20121219

Dossier : T-1390-12

Référence : 2012 CF 1514

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2012

En présence de madame la juge Bédard

ENTRE :

JASON LEWIS

 

demandeur

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

défenderesse

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur est détenu dans un pénitencier fédéral à Edmonton (Alberta). Le 16 juillet 2012, il a produit une déclaration en vue d’obtenir des dommages‑intérêts pour un délit de faute dans l’exercice d’une charge publique qu’il impute à certains représentants du Service correctionnel du Canada (SCC). La déclaration désignait initialement le procureur général du Canada comme le défendeur, mais l’intitulé a été modifié par la Cour dans une ordonnance délivrée par le juge Mosley le 7 novembre 2012. La défenderesse sollicite, au titre de l’alinéa 221(1)a) des Règles des Cours fédérales [les Règles], une ordonnance en radiation de la déclaration, sans autorisation de la modifier, au motif qu’elle ne révèle aucune cause d’action valable [la requête en radiation].

 

I.          Contexte

[2]               Le demandeur a intenté la présente action après que la Cour eut rendu un jugement faisant droit à la demande de contrôle judiciaire visant la décision relative au grief qu’il avait déposé (Lewis c Canada (Service correctionnel), 2011 CF 1233 (disponible sur CanLII)).

 

[3]               Dans son grief, le demandeur contestait l’Évaluation en vue d’une décision, datée du 3 octobre 2008, qui contenait deux recommandations : 1) refuser sa demande de transfèrement interpénitentiaire; 2) modifier à la hausse son pointage d’adaptation à l’établissement. Les deux recommandations ont finalement été adoptées dans une décision de la directrice intérimaire datée du 5 mars 2008. Le grief a suivi son cours conformément à la procédure interne de règlement des griefs, et a fini par être tranché au troisième et dernier palier, étape à laquelle le demandeur a soulevé plusieurs questions. Quatre d’entre elles ont été rejetées par le commissaire adjoint au motif qu’elles n’avaient pas été soulevées aux paliers inférieurs.

 

[4]               Le demandeur a déposé une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision. Il soutenait qu’elle enfreignait son droit à l’équité procédurale parce qu’on ne lui avait pas communiqué, avant de la rendre, les recommandations contenues dans le résumé administratif préparé par l’analyste Dwight Lalonde, ni permis d’expliquer pourquoi il n’avait pas pu soulever les « nouvelles » questions aux paliers inférieurs de la procédure de règlement des griefs. Le demandeur soutenait également que le commissaire adjoint avait contrevenu au paragraphe 27(1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 [la Loi], en vertu duquel le SCC qui doit rendre une décision au sujet d’un délinquant est tenu, lorsque celui-ci a le droit de présenter des observations, de lui communiquer les renseignements entrant en ligne de compte dans le processus décisionnel.

 

[5]               La Cour a fait droit au contrôle judiciaire et a annulé la décision rendue au troisième palier de la procédure des griefs. Le juge a estimé que les représentants du SCC avaient enfreint le paragraphe 27(1) de la Loi et avaient porté atteinte au droit du demandeur à un traitement équitable. Le juge a également conclu que les représentants du SCC avaient contrevenu à l’article 37 de la Directive du commissaire no 81, qui enjoint au décideur de répondre pleinement à toutes les questions soumises par le plaignant.

 

[6]               Le demandeur a par la suite intenté la présente action.

 

II.        Le plaidoyer du demandeur

[7]               Dans sa déclaration, le demandeur soutient que l’analyste et le commissaire adjoint ont commis un délit de faute dans l’exercice d’une charge publique. La déclaration contient les allégations suivantes : 1) l’analyste et au commissaire adjoint connaissaient les dispositions de la Loi et les directives du commissaire et il leur incombait de s’y conformer dans l’exercice de leurs fonctions; 2) ils n’ont respecté ni la Loi ni la Directive no 81, ce qui a forcé le demandeur à contester devant la Cour la décision par laquelle son grief a été rejeté; 3) les représentants du SCC doivent avoir fait preuve de négligence ou d’aveuglement volontaire pour ne pas réaliser qu’ils causaient préjudice au demandeur; 4) ils ont agi de mauvaise foi.

 

[8]               Le paragraphe 221(1) des Règles prévoit que la Cour peut radier un acte de procédure s’il « ne révèle aucune cause d’action [...] valable ». Le critère rigoureux à remplir en l’occurrence consiste à déterminer si, compte tenu des faits plaidés, il est « évident et manifeste » que l’action ne révèle aucune cause d’action valable. Ce critère a été entériné par la Cour suprême dans l’arrêt R c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, par 17, [2011] 3 RCS 45, où la juge McLachlin insiste sur le fait que « la demande doit n’avoir aucune possibilité raisonnable d’être accueillie. Sinon, il faut lui laisser suivre son cours ».

 

[9]               Au paragraphe 22, la Cour souligne également que le demandeur doit clairement plaider les faits sur lesquels il appuie sa demande :

[...] Il incombe au demandeur de plaider clairement les faits sur lesquels il fonde sa demande. Un demandeur ne peut compter sur la possibilité que de nouveaux faits apparaissent au fur et à mesure que l’instruction progresse. Il peut arriver que le demandeur ne soit pas en mesure de prouver les faits plaidés au moment de la requête. Il peut seulement espérer qu’il sera en mesure de les prouver. Il doit cependant les plaider. Les faits allégués sont le fondement solide en fonction duquel doit être évaluée la possibilité que la demande soit accueillie. S’ils ne sont pas allégués, l’exercice ne peut pas être exécuté adéquatement.

 

 

[10]           Il est également bien établi que la Cour doit interpréter l’acte de procédure de manière généreuse, en restant conciliante à l’égard des lacunes de rédaction (Brazeau c Canada (Procureur général), 2012 CF 648, au paragraphe 15 (disponible sur QL) [Brazeau], Jones c Kemball, 2012 CF 27, au paragraphe 4 (disponible sur CanLII)). Cependant, cela ne dispense pas le demandeur de plaider les faits importants sur lesquels la demande est fondée. Il ne suffit pas d’avancer de simples affirmations ou conclusions.

 

[11]           Dans la décision Brazeau, au paragraphe 15, la juge Snider résumait ainsi cette exigence :

[traduction] La jurisprudence établit aussi qu’une déclaration contenant de simples affirmations, mais ne faisant état d’aucun fait susceptible de les étayer, ne révèle aucune cause d’action (Vojic c Canada (MRN), [1987] 2 CTC 203, [1987] A.C.F. n811 (CA)). De plus, la conclusion de droit qui n’est pas appuyée par les faits requis est viciée et peut être radiée au motif qu’elle constitue un abus de procédure (Sauve c Canada, 2011 CF 1074 au paragraphe 21, [2011] A.C.F. n1321).

 

 

[12]           Dans l’arrêt Succession Odhavji c Woodhouse, 2003 CSC 69, au paragraphe 15, [2003] 3 RCS 263 [Odhavji], le litige concernait, comme en l’espèce, la radiation d’une déclaration pour absence de cause d’action valable, et une allégation de délit de faute dans l’exercice d’une charge publique. La Cour a indiqué que, dans le cadre d’une requête en radiation, il s’agissait essentiellement de savoir « si on a allégué dans la déclaration tous les éléments constitutifs du délit » (par 33).

 

[13]           La Cour suprême a analysé les éléments constitutifs du délit de faute dans l’exercice d’une charge publique, et a indiqué qu’il comprenait deux éléments essentiels, qu’elle définit ainsi au paragraphe 23 :

Il existe à mon avis deux éléments communs. Premièrement, le fonctionnaire public doit avoir agi en cette qualité de manière illégitime et délibérée. Deuxièmement, le fonctionnaire public doit avoir été conscient du caractère non seulement illégitime de sa conduite, mais aussi de la probabilité de préjudice à l’égard du demandeur [...]

 

 

[14]           La Cour poursuit et déclare que la question principale est de savoir « si l’inconduite alléguée revêt un caractère illégitime et délibéré » (paragraphe 24). Elle précise ensuite que « la faute dans l’exercice d’une charge publique nécessite un élément de “mauvaise foi” ou de “malhonnêteté” » et que la connaissance du préjudice ne permet pas de conclure que le fonctionnaire public a agi de mauvaise foi ou de façon malhonnête (par 28).

 

[15]           La Cour doit déterminer si chaque élément du délit de faute dans l’exercice d’une charge publique a été plaidé dans la déclaration du demandeur. En plus des principes énoncés dans la jurisprudence concernant le critère relatif à la radiation d’actes de procédure, la Cour doit examiner les articles 174 et 181 des Règles. L’article 174 exige que tout acte de procédure « contien[ne] un exposé concis des faits substantiels sur lesquels la partie se fonde », et le premier paragraphe de l’article 181 que les allégations soient précisées :

181. Précisions – L’acte de procédure contient des précisions sur chaque allégation, notamment :

 

a)   des précisions sur les fausses déclarations, fraudes, abus de confiance, manquements délibérés ou influences indues reprochés;

b)   des précisions sur toute allégation portant sur l’état mental d’une personne, tel un déséquilibre mental, une incapacité mentale ou une intention malicieuse ou frauduleuse.

 

 

[16]           Dans l’arrêt Merchant Law Group c Canada (Agence du revenu), 2010 CAF 184, 405 RN 160, la Cour d’appel fédérale était saisie d’un cas assez comparable à celui qui nous occupe. L’allégation de faute dans l’exercice d’une charge publique était présentée en ces termes au paragraphe 32 :

Depuis 1992, le gouvernement a effectué la perception en violation de la loi, des règlements et de ses propres politiques en étant pleinement conscient qu’il agissait illégalement et qu’il risquait de porter préjudice à cette catégorie de personnes. Plus particulièrement, le gouvernement a agi de mauvaise foi et a ignoré les publications P‑182R, P-209 et autres documents d’interprétation et de politique dans le but de harceler le groupe des contribuables et de leur porter préjudice.

 

 

[17]           Le juge Stratas, s’exprimant au nom de la Cour, a évoqué le caractère suffisant de l’acte de procédure et fourni quelques indications concernant les allégations de mauvaise foi. Voici ses remarques :

[34]      Je suis d’accord avec l’observation de la Cour fédérale (au paragraphe 26) voulant que le paragraphe 12 de la déclaration modifiée [traduction] « contienne une série de conclusions ne fournissant aucun fait substantiel pour les appuyer ». Lorsqu’on plaide la mauvaise foi ou l’abus de pouvoir, il ne suffit pas d’utiliser des formulations laconiques et catégoriques telles que [traduction] « délibérément ou négligemment », « indifférence complète » ou « s’est procuré illégalement par le vol ou la fraude » : Zundel c. Canada, 2005 CF 1612, 144 A.C.W.S. (3d) 635; Vojic c. Canada (M.N.R.), [1987] 2 C.T.C. 203, 87 D.T.C. 5384 (C.A.F.). « La simple affirmation d’une conclusion sur laquelle la Cour est appelée à se prononcer ne constitue pas une allégation d’un fait essentiel » : Canadian Olympic Association c. USA Hockey, Inc. (1997), 74 C.P.R. (3d) 348, 72 A.C.W.S. (3d) 346 (C.F. 1re inst.). Faire des déclarations laconiques ou catégoriques qui ne reposent sur aucun élément de preuve constitue un abus de procédure : AstraZeneca Canada Inc. c . Novopharm Limited, 2010 CAF 112, au paragraphe 5. Si l’exigence prévoyant qu’un acte de procédure doit contenir des faits substantiels ne figurait pas à l’article 174 des Règles ou si les tribunaux ne la faisaient pas respecter, les parties pourraient faire valoir les arguments les plus vagues sans aucun élément de preuve pour les étayer et lancer leur filet à l’aveuglette. Comme l’a affirmé notre Cour, « une action en justice n’est pas une enquête à l’aveuglette et une partie demanderesse qui intente des poursuites en se fondant sur le simple espoir qu’elles lui fourniront des preuves justifiant ses prétentions utilise les procédures de la Cour de façon abusive » : Kastner c. Painblanc (1994), 58 C.P.R. (3d) 502, 176 N.R. 68, au paragraphe 4 (C.A.F.).

 

[35]      J’ajouterais que le délit de faute dans l’exercice d’une charge publique implique que le fonctionnaire public responsable de l’action contestée ait été dans un état mental particulier, c’est-à-dire qu’il doit avoir agi délibérément d’une manière qu’il savait incompatible avec les obligations propres à ses fonctions : Odhavji Estate c. Woodhouse, [2003] 3 R.C.S. 263, 2003 CSC 69, au paragraphe 28. Pour ce délit, des précisions doivent être fournies pour chaque allégation. L’article 181 exige explicitement que des précisions soient fournies pour les allégations d’« abus de confiance », de « manquements délibérés », d’« état mental d’une personne », d’« intention malicieuse » ou d’« intention frauduleuse ».

 

 

[18]           Ces principes s’appliquent au cas qui nous occupe. La déclaration contient des allégations laconiques et purement hypothétiques, non spécifiées et non appuyées par des faits. Elle ne révèle aucun fait qui, s’il était prouvé, permettrait de conclure qu’il y a eu faute dans l’exercice d’une charge publique. Pour être plus précis, la déclaration ne révèle aucun fait de nature à établir que les représentants du SCC ont délibérément négligé d’examiner le grief du demandeur conformément à la Loi et aux directives du commissaire, ou qu’ils étaient conscients que leur conduite était illégale et susceptible de porter préjudice au demandeur.

 

[19]           Dans son dossier de requête déposé en réponse, le demandeur soutient que sa déclaration est assez détaillée pour établir une cause d’action valable. Cependant, il fait valoir en même temps qu’il peut toujours la modifier, sans autorisation, tant qu’une défense n’a pas été soumise. Il ajoute que les défendeurs auraient dû réclamer des détails au titre du paragraphe 181(2) des Règles plutôt que le rejet de l’action.

 

[20]           Premièrement, pour les motifs exposés plus haut, la Cour est d’avis que la déclaration du demandeur n’est pas suffisamment détaillée pour établir une cause d’action valable et qu’elle n’est pas conforme aux articles 174 et 181 des Règles, en ce qu’elle ne contient pas de précisions et n’expose pas les faits substantiels sur lesquels reposent les simples allégations de conduite illégitime et délibérée, et de connaissance du préjudice causé au demandeur.

 

[21]           Deuxièmement, la Cour doit évaluer le caractère suffisant de la déclaration qui se trouve au dossier, sans conjecturer sur ce que le demandeur pourrait y ajouter en la modifiant. Le dépôt de la requête en radiation de la défenderesse a donné au demandeur une idée des préoccupations que sa déclaration a pu soulever. De plus, dans l’ordonnance qu’elle a rendue le 7 novembre 2012, la Cour a clairement informé le demandeur que sa déclaration, telle que produite, ne révélait pas une cause d’action valable. Le juge Mosley a déclaré ce qui suit :

[traduction] [...] Le demandeur doit comprendre toutefois que d’après l’état actuel du dossier, sa déclaration ne révèle aucune cause d’action valable, et que s’il ne réussit pas à en établir une et qu’il cherche à faire modifier sa déclaration, celle-ci sera radiée et l’action rejetée.

 

 

[22]           Malgré la mise en garde de la Cour, le demandeur n’a pas modifié sa déclaration. Le dossier de requête qu’il a produit en réponse ne saurait compléter ou remplacer une déclaration viciée. De plus, même si elle devait considérer les allégations factuelles qu’il contient comme faisant partie de la déclaration, ou autoriser le demandeur à modifier sa déclaration en conséquence, la Cour parviendrait à la même conclusion.

 

[23]           Le demandeur soutient essentiellement dans ses observations écrites qu’il incombait aux représentants du SCC de connaître la Loi, le Règlement et les directives du commissaire, et qu’ils ont agi intentionnellement en ne s’y conformant pas. Il prétend que ces derniers ne peuvent plaider l’ignorance de la loi. J’estime respectueusement qu’il ne suffit pas d’alléguer que les représentants du SCC devaient traiter son grief conformément à la Loi, au Règlement et aux directives, et qu’ils ont manqué de le faire, pour inférer qu’ils ont agi délibérément et de mauvaise foi, et qu’ils savaient que leur conduite était illégale et susceptible de porter préjudice au demandeur. Pour que l’affaire puisse être instruite, ce genre d’allégation doit reposer sur des faits qui, s’ils étaient prouvés, permettraient à la Cour de conclure que les représentants du SCC ont agi délibérément et savaient que leur conduite était illégale et susceptible de porter préjudice au demandeur. La déclaration, telle que produite, est insuffisante pour justifier pareilles conclusions.

 

[24]           Enfin, même si, en vertu du paragraphe 181(2) des Règles et sur requête, une partie peut demander qu’il soit ordonné à l’autre partie de fournir « des précisions supplémentaires sur toute allégation figurant dans l’un de ses actes de procédures », cela ne dispense pas le demandeur de son obligation initiale de déposer une déclaration contenant « un exposé concis des faits substantiels sur lesquels [il] se fonde » (article 174 des Règles) et d’avancer « des précisions sur chaque allégation » (paragraphe 181(1) des Règles), surtout lorsque la mauvaise foi est invoquée.

 

[25]           Par conséquent, je conclus que la déclaration ne révèle pas de cause d’action valable parce qu’elle n’a pas de chance raisonnable de succès. Par ailleurs, j’estime que le demandeur ne devrait pas être autorisé à modifier sa déclaration. Comme je l’ai indiqué plus haut, il a déjà été invité à le faire par la Cour et a choisi de ne pas agir. De plus, les allégations factuelles contenues dans ses observations écrites faisant réponse à la requête en radiation de la défenderesse ne pouvaient sauver sa déclaration. Elles restent insuffisantes pour conclure qu’un délit de faute dans l’exercice d’une charge publique a été commis.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête soit accueillie, sans autorisation de la modifier, et que l’action soit rejetée avec dépens en faveur de la défenderesse.

 

 

« Marie-Josée Bédard »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

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