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Date : 20121227

Dossier: T-195-12

Référence : 2012 CF 1546

Ottawa (Ontario), le 27 décembre 2012

En présence de madame la juge Tremblay-Lamer 

 

ENTRE :

 

GAËTAN TREMBLAY

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur demande le contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c F-7 en vue d'obtenir l'annulation d’une décision rendue le 12 décembre 2011 par la Section d’appel de la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada [la Section d’appel] qui a confirmé une décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles [la Commission] en date du 8 juin 2011 refusant la demande de semi-liberté et de libération conditionnelle du demandeur.

 

 

LES FAITS

[2]               Le casier judiciaire du demandeur remonte à 1969 alors qu’il avait 19 ans. Entre 1969 et 1981, il a été reconnu coupable d’une multitude d’infractions, notamment de vol d’automobile, de vols, de dommages, de voies de fait, de méfaits, de vols par effraction, de contravention à sa libération conditionnelle, d’introduction par effraction, de possession de stupéfiants en vue d’en faire le trafic et de possession d’arme. Il fut déterminé que la violence était omniprésente dans le mode de vie du demandeur.

 

[3]               Le demandeur est maintenant âgé de 62 ans et purge une peine d’emprisonnement à perpétuité depuis le 10 septembre 1981 pour meurtre au second degré avec admissibilité à la libération conditionnelle après quinze ans. Il fut également condamné le 11 février 1982 à une peine de dix ans d’emprisonnement pour homicide involontaire devant être purgée de façon concurrente à la peine d’emprisonnement à perpétuité.

 

[4]               Le premier meurtre a été rapporté une première fois en septembre 1981 par le Service correctionnel du Canada [SCC]. Le 2 décembre 1981, la Commission a demandé une copie du rapport de police dans le dossier du meurtre au deuxième degré. Le 29 décembre 1981, un agent du SCC a communiqué avec un détective de la Sûreté du Québec afin de recueillir les informations pertinentes. L’homicide involontaire fut décrit seulement par le demandeur, soit le seul témoin du crime. Une autre version provient d’un agent du SCC.

 

[5]               Entre 1982 et 1983, le SCC adresse à des établissements spécifiques du SCC ainsi qu’à différents corps policiers plusieurs demandes visant l’obtention des rapports d’enquête reliés à ces crimes. Le 9 juin 1987, le SCC s’adresse à la Sûreté du Québec et demande la transmission des rapports entourant la perpétration de ces crimes. 

 

[6]               Le 17 février 1988, le SCC demande au ministère de la Justice du Québec de lui communiquer le rapport du juge et/ou du procureur de la Couronne en plus d’une panoplie d’autres documents. Le 6 février 1991, le SCC demande au Service correctionnel du Québec de lui remettre les renseignements présentés lors du procès.

 

[7]               Le 15 avril 1995, la Commission fait le point sur les demandes de communication de renseignements adressées aux différentes instances : la seule version du meurtre est contenue dans le rapport des renseignements confidentiels déjà au dossier et il n’y a aucune version disponible pour le délit d’homicide involontaire.

 

[8]               Le 5 octobre 1996, le SCC renouvelle au Palais de justice du Québec sa demande visant l’obtention du repiquage des cassettes comprenant les arguments du Procureur général du Québec reliés à la sentence ainsi que les motifs donnés par le tribunal en ce qui touche la peine, la détention, l’admissibilité à la libération conditionnelle et les recommandations afférentes aux crimes reprochés au demandeur. Le 22 juillet 1997, le département d’enregistrement des débats judiciaires informe toutefois le SCC que l’enregistrement des audiences a débuté à la fin de 1993 et qu’il sera donc impossible d’obtenir le repiquage des audiences précédant cette date.

 

[9]               Durant les trente années d’incarcération du demandeur, de nombreux rapports psychologiques ou psychiatriques ont été dressés. Ces derniers contiennent d’autres versions des crimes que le demandeur a communiquées à des professionnels du SCC. Le demandeur a finalement décrit de nouveau les circonstances des crimes durant l’audience de la Commission le 8 juin 2011.

 

LA DÉCISION DE LA COMMISSION

[10]           Toujours le 8 juin 2011, la Commission a rejeté la demande de semi-liberté et de libération conditionnelle totale du demandeur en se fondant sur les éléments suivants : les condamnations du demandeur depuis 1969, ses récidives depuis cette date en plus de l’aggravation des délits, les circonstances violentes entourant ceux-ci, le peu d’informations officielles disponibles, les versions relatées par le demandeur, les statistiques relatives aux délinquants ayant des profils similaires, des facteurs personnels négatifs, les évaluations de professionnels (psychologue et psychiatres, dont la dernière date de 2008), la participation du demandeur à des programmes en établissement, des difficultés survenues en établissement, ses comportements lors des permissions de sortie, un rapport d’offense majeure daté du 30 septembre 2010, l’autoperception du demandeur, un rapport de son équipe de gestion de cas, ses origines, son enfance et ses antécédents personnels, ses problèmes de toxicomanie, le nombre d’années qu’il a passées en établissement correctionnel, ses explications quant à la perpétration de ses crimes, en plus des préoccupations et des injustices qu’il a soulevées.

 

[11]           Somme toute, la Commission a reconnu que le demandeur avait fait certains progrès en cours d’incarcération, mais qu’il lui restait un important travail à accomplir quant aux éléments identifiés figurant à la base même de la criminalité du demandeur.

 

 

LA DÉCISION DE LA SECTION D’APPEL DE LA COMMISSION

[12]           Suite à une étude de cas, la Section d’appel a conclu qu’aucun motif ne justifiait son intervention ni la modification de la décision de la Commission. Elle est d’avis que la Commission a pris en compte toute l’information pertinente disponible reliée aux délits de meurtre et d’homicide involontaire en application de l’alinéa 101b) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992 c 20 [LSCMLC]. Un sommaire des accusations auxquelles le demandeur a plaidé coupable est contenu dans le rapport sur le profil criminel en date du 13 décembre 1991. Le dossier du demandeur contient également de nombreux rapports, notamment les rapports d’évaluation psychologique du 28 septembre 2004, du 30 avril 2008 et du 1er avril 2011, qui font état de sérieuses préoccupations quant au caractère sadique du meurtre ainsi qu’à sa connotation sexuelle.

 

[13]           En outre, la Section d’appel est d’avis que la Commission a analysé et soupesé de façon équitable toute l’information pertinente disponible dans son analyse du risque de récidive du demandeur en fonction des critères prélibératoires énoncés dans la LSCMLC et des politiques de la Commission, d’autant plus qu’il s’agit d’information sûre et convaincante. Les motifs écrits de sa décision indiquent clairement que la Commission a pris en compte les facteurs positifs tels que le comportement conformiste en établissement, des périodes d’incarcération dans des établissements à sécurité minimale et sa participation à plusieurs programmes au fil des années. La Commission a cependant déterminé que les facteurs négatifs l’emportaient et a conclu que le demandeur présentait un risque de récidive trop élevé pour l’octroi d’une semi-liberté ou d’une libération conditionnelle.

 

[14]           En définitive, la Section d’appel a conclu qu’il était raisonnable que la Commission rejette la demande de semi-liberté et de libération conditionnelle du demandeur en raison de criminalité sérieuse et violente, d’introspection, d’une remise en question lacunaire et de l’insuffisance de progrès du demandeur concernant les facteurs contributifs de sa criminalité qui réduiraient son risque significatif de récidive violente. Les décisions de la Commission constituent les mesures les moins restrictives possible, compte tenu de la protection de la société. 

 

QUESTION EN LITIGE

[15]           Il s’agit d’une part, de déterminer s’il y a eu atteinte à l’équité procédurale en ce qui a trait à l’absence de preuve documentaire au dossier de la Commission ou au défaut de communication de celle-ci au demandeur et, d’autre part, d’établir si ces éléments de preuve sont exhaustifs, sûrs et convaincants.

 

NORME DE CONTRÔLE

[16]           Il est bien établi par la jurisprudence de la présente Cour que l’équité procédurale est une question de droit à laquelle la norme de la décision correcte s’applique (Miller c Canada (PG), 2010 CF 317 au para 39 [Miller] citant Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 54, 79 et 87 et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12 au para 43). Ainsi, un manquement à l’équité procédurale invalide une décision concernant l’admissibilité à une semi-liberté ou à une libération conditionnelle (Fernandez c Canada (PG), 2011 CF 275).

 

[17]           Toutefois, « cette Cour ne doit pas intervenir dans une décision administrative en l'absence d'éléments de preuve clairs et non équivoques que celle-ci est tout a fait injuste et entraîne une injustice à l'égard du détenu » (Desjardins c Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1989] ACF 910 au para 9). D’autant plus que « la libération conditionnelle n’est pas un droit et, par conséquent, sa révocation n’exige pas de suivre le processus de type judiciaire qu’on associe communément avec le concept de justice naturelle. Néanmoins, elle exige effectivement que l’on applique les règles de l’équité et [...] qu'il soit nécessaire d'examiner les conséquences que cela entraîne pour la personne qui a, semble-t-il, fait l'objet d'un déni d'équité » (Lathan c Solliciteur général du Canada et al, [1984] 2 CF 734, à la p 744, repris dans Aney c Canada (PG), 2005 CF 182 au para 31).

 

ARGUMENTS DU DEMANDEUR

[18]           Ce sont les récits du demandeur qui constituent la source principale d’information quant aux circonstances entourant les crimes, puisqu’il semble que ni les rapports de police, ni les notes sténographiques, ni les évaluations psychologiques et psychiatriques produites au procès, ni les rapports des pathologistes et autres documents pertinents liés aux condamnations ne sont disponibles. Il cherche quant à lui depuis 1991 à obtenir les renseignements liés à ses condamnations, notamment les enregistrements et notes sténographiques des propos tenus devant la Cour supérieure lors du dépôt de son plaidoyer de culpabilité en 1981.

 

[19]           Les dispositions pertinentes de la LSCMLC ainsi que les principes jurisprudentiels font état des obligations du SCC et de la Commission de respecter les principes d’équité procédurale tant en matière de communication des renseignements qu’en ce qui concerne l’obligation de la Commission de s’assurer de la fiabilité des renseignements sur lesquels elle appuie sa décision. L’affaire Gallant c Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel Canada), [1989] 3 CF 329 au para 28 établit que l’obligation d’équité procédurale commande que le détenu reçoive l’information utile pour être en mesure de présenter ses observations concernant des décisions susceptibles d’affecter ses droits et intérêts. La jurisprudence précise que la Commission doit tenir compte de toute l’information pertinente disponible et de s’assurer du caractère exhaustif des informations qu’elle utilise (Mooring c Canada (CNLC), [1996] 1 RCS 75 au para 29 [Mooring]). 

 

[20]           Le demandeur soumet qu’en l’espèce, le SCC et la Commission ont omis de lui communiquer des renseignements importants concernant la preuve entourant les délits : l’omission de communiquer ces renseignements importants représenterait un manquement à l’obligation de communiquer l’information qui découle de la jurisprudence et de la Loi, portant ainsi atteinte au principe d’équité procédurale.

 

[21]           En second lieu, le demandeur soumet que la conclusion de la Commission à l’effet qu’il doit participer à un traitement en délinquance sexuelle s’appuie sur des renseignements qui ne sont ni fiables, ni exhaustifs, puisque, d’une part, très peu d’informations sont disponibles concernant les circonstances du délit et que d’autre part, plusieurs experts ont conclu dans le passé que le demandeur n’avait pas à être orienté vers un programme de traitement en délinquance sexuelle. Le demandeur nie également les constats factuels de la Commission selon lesquels il serait atteint d’une problématique sexuelle et conteste la prise en compte de cet élément dans l’évaluation de son admissibilité à une semi-liberté ou à une liberté conditionnelle.

 

[22]           Pour ces motifs, le demandeur demande à la Cour d’infirmer la décision du 8 juin 2011 et de renvoyer le dossier à la Commission pour la tenue d’une nouvelle audience.

ARGUMENTS DU DÉFENDEUR

[23]           Le défendeur soumet que la Commission a agi de façon équitable en cherchant à obtenir tous les documents liés à l’enquête policière ainsi qu’aux condamnations du demandeur. Il appert de la preuve au dossier que la Commission ainsi que la Section d’appel ont fait plusieurs démarches pour obtenir ces documents. Cependant, les audiences criminelles n’ont été enregistrées qu’à compter de 1983, et les quelques documents liés à l’enquête policière et à la condamnation se trouvent déjà dans le dossier de la Commission.

 

[24]           Le défendeur invoque l’alinéa 101b) de la LSCMLC selon lequel l’information doit être disponible, en ce sens qu’elle doit être inscrite sur un support quelconque afin de pouvoir être transmise à la Commission. En l’espèce, plusieurs documents n’ont pu être retrouvés dans les dossiers de la Commission et donc, n’étaient pas à sa disposition. L’inexistence de documents présentés à la Cour et/ou de rapports d’enquêtes policières ne peut entraîner un bris d’équité procédurale. Une nouvelle audience devant la Commission ne permettrait pas d’inclure ces documents à son dossier puisqu’ils ne semblent être disponibles sous aucune forme.

 

[25]           Ensuite, l’information disponible doit être pertinente. Ce ne sont pas tous les documents qui se trouvent dans le dossier du demandeur qui se rattachent à son risque de récidive en lien avec les libérations qu’il demande. D’ailleurs, l’utilisation du terme « notamment » à l’article 102 de la LSCMLC confère à l’énumération subséquente un effet non limitatif. Les termes suivant le mot « notamment » servent d’exemples du genre de sujet visé par la définition de l’expression « information pertinente disponible » (Canada (Commissaire à l’information) c Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), [2003] 1 RCS 66 au para 29).

[26]           D’autant plus que  « [...] les mots, « toute l’information pertinente disponible » et « les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles » ne signifient pas que la Commission est astreinte à une obligation illimitée de rechercher activement auprès du SCC toute l’information qui pourrait être utile » (Miller au para 54).

 

[27]           Enfin, le défendeur soumet que la décision du 8 juin 2011 est raisonnable et basée sur l’ensemble des faits qui étaient à la disposition de la Commission et à l’égard desquels le demandeur a eu l’occasion de faire des représentations.  

 

ANALYSE

[28]           En de pareilles circonstances, je note en guise de remarque préliminaire que « le juge de révision est théoriquement saisi d'une demande de contrôle judiciaire relative à la décision de la Section d'appel, mais lorsque celle-ci confirme la décision de la Commission, il est en réalité appelé à s'assurer, ultimement, de la légalité de cette dernière » (Cartier c Canada (PG), 2002 CAF384 au para 10 [Cartier]).

 

[29]           J’ajouterais qu’« il faut toujours examiner les exigences de l’équité procédurale en contexte » May c Établissement Ferndale, 2005 CSC 82). La Commission se devait de communiquer les renseignements pertinents au demandeur en plus de s’assurer de l’exactitude ainsi que de la valeur persuasive de ces derniers, à défaut de quoi elle aura manqué à son obligation d’agir équitablement (Bouchard c Canada (PG), 2007 CF 608 aux para 21-23).

 

[30]           Deux articles de la LSCMLC sont pertinents en l’espèce à savoir l’article 101 et l’article 141 :

 La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l’exécution de leur mandat par les principes suivants :

a) elles doivent tenir compte de toute l’information pertinente dont elles disposent, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, la nature et la gravité de l’infraction, le degré de responsabilité du délinquant, les renseignements obtenus au cours du procès ou de la détermination de la peine et ceux qui ont été obtenus des victimes, des délinquants ou d’autres éléments du système de justice pénale, y compris les évaluations fournies par les autorités correctionnelles;

b) elles accroissent leur efficacité et leur transparence par l’échange, au moment opportun, de renseignements utiles avec les victimes, les délinquants et les autres éléments du système de justice pénale et par la communication de leurs directives d’orientation générale et programmes tant aux victimes et aux délinquants qu’au grand public; [...]

e) de manière à assurer l’équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser.

141. (1) Au moins quinze jours avant la date fixée pour l’examen de son cas, la Commission fait parvenir au délinquant, dans la langue officielle de son choix, les documents contenant l’information pertinente, ou un résumé de celle-ci.

(2) La Commission fait parvenir le plus rapidement possible au délinquant l’information visée au paragraphe (1) qu’elle obtient dans les quinze jours qui précèdent l’examen, ou un résumé de celle-ci.[...]

 

 

141. (1) At least fifteen days before the day set for the review of the case of an offender, the Board shall provide or cause to be provided to the offender, in writing, in whichever of the two official languages of Canada is requested by the offender, the information that is to be considered in the review of the case or a summary of that information.

(2) Where information referred to in subsection (1) comes into the possession of the Board after the time prescribed in that subsection, that information or a summary of it shall be provided to the offender as soon as is practicable thereafter. [...]

 

 

[31]           Suivant le paragraphe 141(1) de la LSCMLC, la Commission devait communiquer les informations pertinentes au demandeur au moins quinze jours avant l’audience tenue le 8 juin 2011. La LSCMLC précise bien qu’il est question de communiquer « l’information pertinente » et non « toute l’information existante » (Strachan c Canada (PG), 2006 CF 155 au para 20 [Strachan]). La preuve révèle en l’espèce que la Commission a effectivement communiqué au demandeur tous les renseignements pertinents dont elle disposait. Je retiens en premier lieu les propos du juge Crampton (maintenant Juge en chef) concernant l’alinéa 101a) de la LSCMLC (antérieurement l’alinéa 101b) de la LSCMLC) dans l’affaire Miller, à savoir que :

[...] les mots "toute l'information pertinente disponible" et "les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles" ne signifient pas que la Commission est astreinte à une obligation illimitée de rechercher activement auprès du SCC toute information qui pourrait être utile. Pour ce qui concerne le SCC, ces mots obligent plutôt tout simplement la Commission à prendre en compte toute information pertinente reçue du SCC.

 

 

[32]           En l’espèce, non seulement certains documents n’étaient pas disponibles ou n’ont pas été fournis par les autorités correctionnelles au motif, par exemple, que les affaires précédant 1983 n’étaient pas enregistrées, mais la Commission a en outre fait plusieurs démarches pour tenter d’obtenir le plus de documents pertinents possible. Le même constat se dégage des actions entreprises par les autorités correctionnelles. Le tout se complique par le fait que le demandeur est le seul témoin de crimes en questions. J’ajouterais également que ce ne sont pas tous les documents en possession de la Commission qui étaient pertinents à l’étude du risque de récidive du demandeur. Il était loisible à la Commission d’en faire le tri (Miller au para 54). Bien que le demandeur allègue ne pas avoir reçu une panoplie de documents qui se rattachent aux procès qu’il a subis devant la Cour supérieure, il s’agit de documents non pertinents à la décision de la Commission, à savoir l’existence d’un risque actuel de récidive du demandeur.

 

[33]           Quant à la fiabilité et à la qualité des informations communiquées au demandeur, rien ne permet de conclure que l’information retenue par la Commission n’est pas « exhaustive, claire et convaincante ». Au contraire, la Commission s’appuie sur des documents à caractère officiel que le demandeur a également en sa possession. Je retiens également à cet égard les conclusions suivantes du juge Létourneau dans l’affaire Zarzour c Canada, [2000] ACF 2070 au para 38 :

Je ne crois pas, comme semble le réclamer l'intimé, qu'il soit toujours nécessaire de procéder par enquête pour vérifier une information que la Commission reçoit. Celle-ci, compte tenu de ses besoins, de ses ressources et de son expertise, doit pouvoir disposer du libre choix, évidemment à l'intérieur des paramètres légaux, quant aux méthodes propres à assurer la fiabilité d'un renseignement qui lui est fourni. Il peut être approprié de le faire par enquête ou par simple complément d'enquête. Mais confronter le principal intéressé avec les allégations faites à son endroit et lui permettre de les commenter et de les réfuter constituent aussi un mode significatif de vérification, ce qui est généralement fait à moins que ne se pose un problème de sécurité: voir l'article 141 de la Loi et le Manuel des politiques de la Commission nationale des libérations conditionnelles. En outre, au plan de l'équité, la confrontation permet d'en respecter les principes et, sur le plan de l'objectif de libération, de mesurer la réaction du détenu et sa sincérité face aux allégations. (Je souligne).

[34]           En l’espèce, comme dans l’affaire Miller, le demandeur a eu de nombreuses occasions de s’exprimer sur lesdites allégations ou circonstances entourant les crimes et « [l]a Commission n'était pas tenue d'aller plus loin ni de chercher activement à obtenir le registre des interventions concernant M. Miller » (Miller au para 51). D’autant plus que la plupart des documents utilisés par la Commission ont un caractère officiel - il est question de fiches criminelles, de rapports de professionnels, de rapports en établissement ou autre institution qu’a fréquentée le demandeur, de représentations écrites ainsi que de témoignages livrés par le demandeur lui-même.

 

[35]           Ainsi, selon les circonstances du présent dossier, je suis d’avis que le demandeur a reçu suffisamment de renseignements sûrs et convaincants pour lui permettre de bien exposer ses arguments ainsi que de répondre aux allégations de la Commission lors l’audience du 8 juin 2011. Il a également eu l’occasion de réfuter chacune de ces allégations. La Commission n’a toutefois pas été satisfaite des explications de ce denier. C’est suite à la compilation de tous les facteurs pertinents que la Commission a conclu que le demandeur devait encore faire beaucoup de travail avant de pouvoir réintégrer la société.

 

[36]           Les exigences de l’équité procédurale ont donc été respectées. Par conséquent, le présent contrôle judiciaire est rejeté sans frais.

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée sans frais.

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-195-12

 

INTITULÉ :                                      Gaëtan Tremblay c Procureur général du Canada

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :             19 décembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                     27 décembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Nadia Golmier

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Véronique Forest

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Nadia Golmier

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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