Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20130104

Dossier : T‑556‑12

Référence : 2013 CF 2

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 janvier 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

RAYMOND ALLAN MENARD

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

BANQUE ROYALE DU CANADA

 

 

 

défenderesse

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               M. Raymond Menard a travaillé pour la Banque Royale du Canada (RBC) de mars 2007 jusqu’à son congédiement deux années plus tard. En raison d’un problème de jeu et de symptômes du trouble d’hyperactivité avec déficit de l’attention (THADA), M. Menard a manipulé les comptes bancaires de sa femme ainsi que les siens pour couvrir les sommes qu’il perdait au casino. Il a ainsi détourné des fonds d’environ 40 000 $ de la RBC. En 2009, la RBC a gelé ses comptes.

 

[2]               M. Menard a initialement menti à la RBC au sujet des motifs de son comportement, mais le lendemain, il a réfléchi et a parlé de sa dépendance au jeu. La RBC l’a suspendu avec salaire et par la suite, le 18 mars 2009, l’a congédié pour détournement de fonds.

 

[3]               M. Menard a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) en alléguant qu’il avait été congédié et traité de façon défavorable en raison de sa déficience. La CCDP a confié la plainte à une enquêtrice, qui a jugé que la RBC avait fourni une explication raisonnable – le détournement de fonds – pour le congédiement de M. Menard et qu’il ne s’agissait pas d’un prétexte pour pratiquer la discrimination. L’enquêtrice a également conclu que M. Menard n’avait pas été défavorisé à cause de sa déficience. Elle a recommandé à la CCDP de rejeter la plainte de M. Menard.

 

[4]               La CCDP a quant à elle accepté la recommandation de l’enquêtrice et a jugé que la RBC avait un motif raisonnable de congédier M. Menard, que la RBC ne l’avait pas traité différemment des autres employés et qu’il n’était pas justifié que le Tribunal canadien des droits de la personne procède à une enquête supplémentaire.

 

[5]               M. Menard affirme qu’il a été traité de façon inéquitable, en particulier parce que l’enquêtrice n’a pas procédé à un examen suffisamment approfondi de la preuve et parce que la CCDP aurait omis de tenir compte de ses commentaires au sujet des erreurs que contenait, d’après lui, le rapport de l’enquêtrice. En outre, il soutient que la décision de la CCDP était déraisonnable. Il me demande d’annuler la décision de la CCDP et de lui ordonner de réexaminer sa plainte.

 

[6]               J’estime que M. Menard a été traité de façon équitable et que la CCDP a rendu une décision raisonnable. Je dois, par conséquent, rejeter la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[7]               Deux questions se posent :

            1.         La CCDP a‑t‑elle traité M. Menard de façon inéquitable?

            2.         La décision de la CCDP est‑elle déraisonnable?

 

[8]               La RBC a soulevé une question préliminaire quant à l’admissibilité de certaines parties de l’affidavit de M. Menard. Elle soutenait qu’il contenait des documents dont ne disposait pas la CCDP lorsqu’elle a rendu sa décision. J’estime que ces documents sont admissibles parce qu’ils étayent l’argument de M. Menard selon lequel il a été traité de façon inéquitable. La véritable question est de savoir si ces documents ont réellement pour effet d’appuyer l’argument de M. Menard sur ce point.

 

II.        Question un – La CCDP a‑t‑elle traité M. Menard de façon inéquitable?

 

[9]               M. Menard soutient que la CCDP l’a traité de façon inéquitable à deux égards. Premièrement, l’enquêtrice n’a pas effectué une enquête impartiale et approfondie. Deuxièmement, la CCDP n’a pas tenu compte des préoccupations qu’il avait exprimées au sujet du rapport de l’enquêtrice.

 

[10]           J’estime que M. Menard a été traité de façon équitable.

 

[11]           M. Menard affirme que l’enquêtrice n’a pas pleinement saisi toute l’importance de ses examens du rendement ni du moment auquel ils ont été effectués. Il a toutefois eu la possibilité de répondre aux conclusions de l’enquêtrice et de présenter directement sa position à la CCDP.

 

[12]           M. Menard soutient également que l’enquêtrice a écarté, ou a mal compris, des éléments de preuve importants au sujet de son accès aux prestations d’invalidité. Il soutient qu’il a demandé des prestations d’invalidité et que la RBC les lui a refusées à de nombreuses reprises : premièrement, parce qu’il avait été suspendu avec salaire et n’avait donc aucun motif de demander des prestations et, deuxièmement, parce qu’il demandait des prestations après son congédiement et que, n’étant plus un employé de la RBC, il n’avait donc plus droit à ces prestations.

 

[13]           L’enquêtrice a admis qu’il y avait des éléments de preuve contradictoires sur ce point. Elle a toutefois conclu que M. Menard avait été informé du fait qu’il pouvait communiquer avec la ligne d’aide pour les employés de la RBC pour se renseigner au sujet des prestations. En fait, il a déclaré à son employeur qu’il avait l’intention de le faire. M. Menard soutient toutefois qu’il pensait à la ligne d’aide pour les employés et non pas à la ligne d’aide qui lui aurait permis d’avoir accès à des prestations d’invalidité. Il a mentionné cette différence à la CCDP, mais celle‑ci n’a pas répondu directement à ses observations.

 

[14]           Lorsque la CCDP omet d’intervenir dans un cas où le rapport de l’enquêteur comporte des omissions graves, elle ne traite pas le plaignant de façon équitable : Dupuis c Procureur général du Canada, 2010 CF 511, au paragraphe 16. Je ne suis toutefois pas convaincu que les observations qu’a présentées M. Menard à la CCDP ont véritablement fait état d’une omission grave.

 

[15]           Bien évidemment, il y a un différend au sujet de la question de savoir si M. Menard avait demandé des prestations d’invalidité et s’il avait les moyens de le faire. Ce n’était toutefois pas un aspect essentiel de la plainte. Il a affirmé qu’il avait été congédié à cause de sa déficience. Cette affirmation a été rejetée par l’enquêtrice et cette conclusion n’est pas sérieusement contestée en l’espèce. M. Menard a également affirmé qu’il avait reçu un traitement défavorable de la part de la RBC et que la preuve relative à ses contacts avec la RBC au sujet de ses prestations d’invalidité démontre qu’il a fait l’objet de discrimination. Comme je l’ai indiqué précédemment, l’enquêtrice a pris acte du différend d’ordre factuel, mais a néanmoins conclu que M. Menard n’avait pas été défavorisé à cause de sa déficience.

 

[16]           Par conséquent, je ne vois rien d’inéquitable eu égard aux circonstances. On aurait sans doute pu mieux traiter M. Menard lorsqu’il a posé des questions au sujet des prestations d’invalidité. Je ne dispose toutefois d’aucun élément de preuve indiquant que la façon dont il a été traité était différente de celle dont sont traités les autres employés ou que cette façon avait quelque chose à voir avec sa déficience. Par conséquent, même si M. Menard a raison d’affirmer que l’enquêtrice a mal compris certaines choses et que la CCDP n’a pas tenu compte des efforts qu’il a déployés pour corriger les erreurs de l’enquêtrice, il n’y a pas eu de traitement inéquitable parce que les éléments de preuve en question n’appuyaient pas son allégation selon laquelle il avait fait l’objet de discrimination en raison de sa déficience.

 

III.       Question deux – La décision de la CCDP est‑elle déraisonnable?

 

[17]           M. Menard soutient que la décision de la CCDP est déraisonnable, et ce, principalement parce qu’elle n’a pas tenu compte du fait qu’il n’a pu avoir accès à l’information concernant les prestations d’invalidité, que ce soit avant son congédiement ou par la suite. Comme je l’ai déjà mentionné, il affirme que l’enquêtrice a confondu la ligne d’aide pour les employés et le Programme d’aide aux employés. La ligne d’aide lui aurait donné de l’information concernant les prestations offertes, alors que le programme d’aide lui aurait permis d’avoir accès à des services de counselling pour traiter sa dépendance au jeu. Après sa suspension, M. Menard n’a eu accès qu’au deuxième service.

 

[18]           Encore une fois, je ne suis pas convaincu que la preuve démontre que la RBC a accordé à M. Menard un traitement défavorable en raison de sa déficience. La RBC semble avoir déclaré à M. Menard qu’il n’avait pas besoin de prestations d’invalidité pendant sa suspension avec salaire, et qu’il n’avait plus droit à ces prestations une fois congédié pour motif valable. Rien n’indique, d’après moi, que la position de la RBC était fondée sur la déficience de M. Menard ou était reliée à celle‑ci. La déficience de M. Menard ne semble pas avoir été un facteur dans la façon dont la RBC l’a traité.

 

IV. Conclusion et dispositif

 

[19]           Je ne suis pas convaincu que M. Menard ait été traité de façon inéquitable au cours de l’examen de sa plainte. En outre, je ne suis pas convaincu qu’on peut considérer comme déraisonnable la décision de la CCDP de ne pas renvoyer sa plainte en vue d’une audience. L’enquêtrice et, par la suite, la CCDP ont examiné la preuve et conclu que la plainte de M. Menard n’était pas fondée. Cette conclusion était une issue possible fondée sur les faits et le droit et était, par conséquent, raisonnable. Je dois donc rejeter la présente demande de contrôle judiciaire avec dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑556‑12

 

INTITULÉ :                                                  RAYMOND ALLAN MENARD c
BANQUE ROYALE DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 18 décembre 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                   Le 4 janvier 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Raymond Allan Menard

 

POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

 

Lorene Novakowski

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raymond Allan Menard

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

(pour son propre compte)

 

Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Avocats

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.