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Date : 20130104

Dossier : IMM‑9550‑11

Référence : 2013 CF 3

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 4 janvier 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

EDGARD PATRICIO PEREZ ALCOCER, CELINA RENDON ELIZALDE,

DIANA PEREZ RENDON ET

PATRICIO PEREZ RENDON

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu général

 

[1]               En 2005, M. Edgard Patricio Perez Alcocer a été enlevé et tenu captif pendant quatre jours au Mexique. Il a été libéré après le versement d’une rançon de 20 000 $. Par crainte de représailles, il n’a pas signalé cet enlèvement à la police. Ses ravisseurs ont néanmoins continué à le menacer parce qu’ils pensaient que M. Perez Alcocer les avait dénoncés. Il a finalement été voir la police, qui lui a dit qu’elle ne pouvait rien faire. Comme les menaces se poursuivaient, M. Perez Alcocer s’est enfui au Canada en 2007. Sa femme, sa fille et son fils l’ont rejoint peu après. Un deuxième fils est né au Canada.

 

[2]               La famille a présenté une demande d’asile, mais celle‑ci a été refusée. Ils ont par la suite demandé un examen des risques avant renvoi (ERAR). Cette demande a été également refusée. Ils ont présenté une demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire (CH), qui a elle aussi été rejetée. Dans la présente demande de contrôle judiciaire, les demandeurs contestent la décision CH. Leur principal argument est que l’agente qui a examiné cette demande n’a pas analysé de façon adéquate l’intérêt supérieur des enfants. Ils me demandent d’annuler la décision de l’agente et d’ordonner à un autre agent d’examiner à nouveau leur demande.

 

[3]               Je suis d’accord que l’agente n’a pas été « réceptive, attentive et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants, ce qui rend sa décision déraisonnable. Je ferai donc droit à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Je n’ai besoin que d’examiner la question de l’intérêt supérieur des enfants.

 

II.        L’analyse de l’intérêt supérieur des enfants à laquelle a procédé l’agente

 

[5]               L’agente a mentionné que les enfants prenaient des leçons de natation et de patinage au Canada et qu’ils fréquentaient également des camps de jour.

 

[6]               Elle a jugé que les enfants seraient perturbés et déçus s’ils étaient obligés de retourner au Mexique. Toutefois, d’après elle, rien n’indique que leurs besoins fondamentaux ne pourront pas être comblés et qu’ils seront personnellement touchés par la situation du Mexique. Le retour de la famille au Mexique n’irait pas à l’encontre de leur intérêt supérieur et ne leur causerait pas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives.

 

III.       L’analyse de l’agente était‑elle adéquate?

 

[7]               Le ministre soutient que l’analyse de l’agente est adéquate parce qu’elle a examiné l’effet qu’aurait sur les enfants le retour de la famille au Mexique. Comme rien n’indiquait que cela leur causerait un préjudice particulier, l’agente a conclu de façon raisonnable que l’intérêt supérieur des enfants ne serait pas gravement compromis par un retour au Mexique.

 

[8]               À mon avis, l’agente n’a pas tenu compte de certains facteurs importants.

 

[9]               L’agente a examiné un rapport psychologique qui faisait état du fait que M. Perez Alcocer souffrait d’un trouble de stress post‑traumatique (TSPT). Elle a mentionné que le document n’indiquait pas que M. Perez Alcocer était traité ou qu’il ne pourrait l’être au Mexique.

 

[10]           L’agente n’a toutefois pas pris en compte certaines conclusions clés du rapport. Celui‑ci mentionne que M. Perez Alcocer dort très mal et s’inquiète de la sécurité de sa famille; il adopte parfois un comportement dissociatif et il se souvient d’événements traumatisants; l’état de M. Perez Alcocer va s’aggraver s’il retourne au Mexique parce qu’il a peur pour sa famille; la famille toute entière va ressentir les effets psychologiques d’un retour au Mexique. L’agente n’a pas mentionné ces facteurs.

 

[11]           En outre, l’agente n’a pas pris en considération les avantages dont bénéficieraient les enfants si la famille était autorisée à demeurer au Canada. Les éléments de preuve présentés à l’agente comprenaient des lettres d’enseignants, des certificats scolaires et des documents concernant leurs activités communautaires. À part la mention que les enfants participaient à certaines activités extrascolaires, l’agente n’a renvoyé à aucun de ces éléments de preuve.

 

[12]           L’agente ne semblait pas savoir qu’il y avait également un enfant né au Canada dans cette affaire. Il avait le droit de demeurer au Canada. Pourtant, l’agente fait remarquer que [traduction] « les deux enfants » (et non les trois) auront le soutien de leurs parents au Mexique. L’agente n’a pas effectué une comparaison des avantages qu’offrait pour l’enfant né au Canada le fait de demeurer au Canada par rapport à celui de déménager au Mexique.

 

[13]           Enfin, l’agente a conclu que les enfants ne subiraient pas, s’ils retournaient au Mexique, un préjudice grave qui équivaudrait à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives. Ce n’est ni le critère applicable (Hawthorne c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 475, au paragraphe 9), ni le cadre d’analyse approprié (Williams c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 166, au paragraphe 63).

 

[14]           Par conséquent, j’estime que l’analyse de l’intérêt supérieur des enfants à laquelle a procédé l’agente était inadéquate, ce qui a entraîné une conclusion déraisonnable.

 

IV. Conclusion et dispositif

 

[15]           L’agente n’a pas été « réceptive, attentive et sensible » à l’intérêt supérieur des enfants touchés par sa décision, en particulier à celui de l’enfant né au Canada. À cause de cette omission, la décision de l’agente ne fait pas partie des issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Sa décision est déraisonnable. Je dois donc faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner à un autre agent d’examiner à nouveau la demande. Ni l’une ni l’autre des parties ne m’a demandé de certifier une question de portée générale, et aucune question ne sera formulée.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour réexamen.

2.                  Aucune question de portée générale n’est formulée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑9550‑11

 

INTITULÉ :                                                  EDGARD PATRICIO PEREZ ALCOCER, ET AL

                                                                        c

                                                                        MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 19 décembre 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 4 janvier 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Birnbaum

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Camille Audain

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

R. Michael Birnbaum

Avocat

Calgary (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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