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Date: 20121102

Dossier : T-918-12

Référence : 2012 CF 1286

Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2012

En présence de monsieur le juge Boivin

 

ENTRE :

 

MARIE MACHE RAMEAU

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Par la présente, la demanderesse demande à cette Cour en vertu de l’article 467 des Règles des Cours fédérales (Règles) une ordonnance de justification à l’encontre de la présidente de l’Agence canadienne de développement international (ACDI) sur la base qu’elle aurait commis un outrage au tribunal. Une allégation d’outrage au tribunal a une dimension criminelle ou du moins quasi criminelle (Bhatnager c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1990] 2 RCS 217) pouvant mener à l’emprisonnement.

 

[2]               Selon la demanderesse, l’outrage au tribunal découlerait du fait que l’ACDI n’aurait pas respecté certains engagements énoncés dans l’entente du 29 novembre 2006 entre l’ACDI et la demanderesse.

 

[3]               Cette entente a été assimilée à une ordonnance de cette Cour par le juge Pinard le 29 mai 2012 en vertu du paragraphe 48(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

[4]               Sur la base de cette entente, l’ACDI a versé des sommes d’argent à la demanderesse. La demanderesse a également été nommée à titre intérimaire dans un poste au groupe et niveau PE-4 et elle a été affectée dans un poste au sein de la Commission de la fonction publique (CFP) en vertu d’une entente d’affectation convenue entre la CFP et l’ACDI. Cette affectation de douze (12) mois au sein de la CFP s’est déroulée entre le 15 février 2007 et le 14 février 2008. Pendant cette période l’ACDI a assumé le salaire et les bénéfices de la demanderesse tel que stipulé au paragraphe 5 de l’entente.

 

[5]               L’entente a par la suite été autorisée une seconde fois pour douze (12) mois à la différence que le salaire et les bénéfices de la demanderesse ont été assumés par la CFP.

 

[6]               Le 16 février 2009 au terme de la deuxième période d’affectation, la demanderesse a réintégré son poste au sein de l’ACDI au niveau PE-3.

 

[7]               La demanderesse allègue qu’en vertu du paragraphe 6 de l’entente, elle est en droit d’être réintégrée dans un poste PE-4, ce que conteste l’ACDI. Le paragraphe 6 de l’entente se situe au cœur du présent litige.

 

[8]               La demanderesse allègue ainsi que la présidente de l’ACDI aurait commis un outrage au tribunal en ne respectant pas l’entente du 29 novembre 2006 qui a été assimilé à une ordonnance.

 

Question en litige

[9]               La question à laquelle doit répondre la Cour est la suivante : Une ordonnance de justification doit-elle être émise à l’encontre de la présidente de l’ACDI?

 

[10]           Pour les motifs qui suivent, la Cour est d’avis que la question doit être répondue par la négative.

 

Analyse

[11]           En début d’audience, Me Létourneau a confirmé à la Cour qu’il agissait dans le dossier à titre d’agent au nom de l’avocat inscrit au dossier, Me Yavar Hameed.

 

[12]           Il est important d’emblée de souligner que la requête de la demanderesse en vertu de la Règle 467 vise à obtenir une ordonnance de justification, c’est-à-dire d’ordonner à la présidente de l’ACDI de comparaître devant un juge, d’être prête à entendre la preuve de l’acte qui lui est reproché et d’être prête à présenter une défense. Le fardeau de preuve de la demanderesse à ce stade-ci est une preuve prima facie de l’outrage reproché.

[13]           Le juge Russell a indiqué que la requête sollicitant une ordonnance de justification, comme en l’espèce, « requiert la preuve de l’existence d’une ordonnance de la Cour, la preuve de la connaissance par le défendeur de cette ordonnance et la preuve d’une violation délibérée de cette ordonnance » (Angus c Le Conseil tribal de la Première nation des Chipewyans des Prairies, 2009 CF 562, [2009] ACF no 757 (QL)).

 

[14]           Dans un premier temps, il convient de souligner qu’une ambiguïté a été soulevée lors de l’audience devant cette Cour quant à la signification de la requête à la présidente de l’ACDI pour obtenir une ordonnance de justification en vertu de l’article 467 des Règles et ce, conformément à la directive du 9 octobre 2012 émise par le juge Pinard. Or, après vérification, il appert clairement au dossier de la Cour que la requête de la demanderesse a été signifiée à personne à la présidente de l’ACDI.

 

[15]           La Cour aborde donc à ce stade-ci le paragraphe 6 de l’entente qui, tel que mentionné ci-dessus, se situe au cœur du litige.

 

[16]           La Cour constate que les parties s’appuient sur deux interprétations différentes du paragraphe 6 de l’entente. Le paragraphe 6 se lit comme suit :

6. Dans le cas où la plaignante ne réussi [sic] pas la formation dans les six premiers mois de son affectation à la Commission de la fonction publique, la plaignante retourne au sein de l’intimée au poste de PE-3. L’intimée s’engage à lui offrir une formation de 18 mois. Moyennant le résultat positif de l’évaluation trimestrielle basé sur des objectifs clairs et précis ainsi que des critères d’évaluation, la plaignante sera nommée au niveau PE-4 via un processus non annoncé à la fin de la période de formation de 18 mois.

 

[17]           Alors que la demanderesse est d’avis qu’en vertu du paragraphe 6 l’ACDI s’engageait à lui fournir une formation de dix-huit (18) mois et à la nommer à un poste PE-4 par l’entremise d’un processus non annoncé peu importe le moment de son éventuel retour au sein de l’ACDI, l’interprétation du défendeur est plutôt que le paragraphe 6, lorsque lu en conjonction avec les paragraphes 4 et 5, est limité dans le temps et ne s’appliquait que si la demanderesse retournait à l’ACDI dans les six (6) premiers mois. En s’appuyant sur l’Affidavit de M. Mario Sabourin, (Dossier de réponse, onglet 1), un témoin à l’entente, le procureur du défendeur plaide que le paragraphe 6 doit être interprété comme un « Plan B » au cas où la demanderesse n’aurait pas réussi sa formation à la CFP.

 

[18]           En l’espèce, la preuve ne révèle pas que la demanderesse ait échoué sa formation dans les six (6) premiers mois de son affectation à la CFP. Au contraire, elle y a complété sa formation et son affection a été reconduite. De plus, la Cour note que dans un courriel daté du 7 février 2008, la demanderesse indique son intention de poursuivre sa carrière à la CFP (Dossier de réponse, onglet C).

 

[19]           Après avoir entendue les parties, la Cour ne peut que constater qu’une différence dans l’interprétation a été soulevée et la conduite des parties n’est donc pas clairement énoncée. Dans ce cas de figure, la Cour d’appel fédérale a précisé que « la conduite dictée doit être énoncée clairement dans l’ordonnance » (Syndicat des travailleurs des télécommunications c Telus Mobilité, 2004 CAF 59 au para 4, [2004] ACF no 273 (QL)), ce qui n’est pas le cas en l’espèce. De plus, la juge Hansen de cette Cour a rappelé que « le fait que l’ordonnance soit ambiguë interdit une conclusion d’outrage au tribunal […]» et que la personne accusée d’outrage « a droit à l’interprétation la plus favorable » (Sherman c Canada (Agence des douanes et du revenu), 2006 CF 1121 aux para 29 et 14, [2006] ACF no 1413 (QL)).

 

[20]           Finalement, les faits en l’espèce ne permettent pas à la Cour de déduire, comme l’a soulevé la demanderesse à l’audience, que le déroulement des négociations entreprises entre la demanderesse et l’ACDI en vertu du paragraphe 16 de l’entente puisse être assimilé à un outrage. La demanderesse a également plaidé que la présidente de l’ACDI a personnellement violé l’ordonnance en cause. La preuve ne permet pas non plus à cette Cour de retenir cet argument.

 

[21]           Pour tous ces motifs, la Cour est d’avis que, dans les circonstances, la demanderesse n’a pas fait la preuve prima facie qui lui incombait.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que

1.                  La requête de la demanderesse soit rejetée.

 

2.         La demanderesse doit payer à la défenderesse une somme globale de 500$ à titre de dépens.

 

 

« Richard Boivin »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-918-12

 

INTITULÉ :                                      Marie Mache Rameau c PGC

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 30 octobre 2012

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 2 novembre 2012

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Matthew Létourneau à titre d’agent pour Me Yavar Hameed

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Benoît de Champlain

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hameed & Farrokhzad

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

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