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Date : 20121220

Dossier : IMM-4994-11

Référence : 2012 CF 1534

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

 

SUKHCHAINPREET SINGH SIDHU

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d’appel de l’immigration (SAI) a rejeté l’appel du demandeur pour défaut de compétence. Le demandeur portait en appel une décision par laquelle la Section de l’immigration (SI) avait conclu qu’il était interdit de territoire pour grande criminalité aux termes de l’alinéa 36(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR). La SAI a déterminé que, conformément à l’article 64 de la LIPR, elle n’avait pas compétence pour instruire l’affaire sur le fond ou pour rendre une décision interlocutoire parce que le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité.

Contexte

 

[2]               Le demandeur, qui avait été reconnu coupable aux États-Unis d’avoir fait entrer de la drogue en provenance du Canada, a fait l’objet du rapport prévu au paragraphe 44(1) de la LIPR, étant interdit de territoire au Canada pour criminalité organisée aux termes de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, et plus précisément pour criminalité transnationale. La SAI a déterminé que le demandeur était interdit de territoire pour grande criminalité.

 

[3]               Dans le dossier IMM-3327, qui concerne l’affaire dont il est question ci-dessus, j’ai statué que la SAI avait correctement interprété l’alinéa 37(1)b) de la LIPR pour inclure le « trafic de stupéfiants » parmi les activités emportant une interdiction de territoire, qu’elle avait raisonnablement examiné les règles de droit applicables et qu’elle les avait appliquées de façon raisonnable aux faits de l’espèce. Par conséquent, j’ai rejeté la demande de contrôle judiciaire.

 

Décision faisant l’objet du contrôle

 

[4]               La décision faisant l’objet du contrôle a été rendue dans le cadre de l’appel interjeté par le demandeur devant la SAI à l’encontre de la décision du 3 février 2010 par laquelle la SI avait déterminé que le demandeur était interdit de territoire au Canada aux termes de l’alinéa 36(1)b) de la LIPR. Le demandeur avait interjeté appel mais demandé un ajournement en attendant l’issue de sa demande d’autorisation et de contrôle judiciaire concernant une deuxième décision rendue par la SAI, qui avait également déterminé que le demandeur était interdit de territoire aux termes de l’alinéa 37(1)b) (voir IMM-3327-11) La SAI a estimé qu’elle n’avait pas compétence pour instruire l’appel conformément au paragraphe 64(1) de la LIPR et l’a donc rejeté.

 

[5]               La SAI a souligné que, le 6 mai 2011, elle avait demandé la présentation d’observations écrites sur sa compétence pour instruire l’appel du demandeur à la lumière de la deuxième mesure de renvoi prise contre lui le 2 mai 2011 pour criminalité organisée, aux termes de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR. La SAI a pris acte des observations présentées par le demandeur indiquant qu’il avait fait une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision du 2 mai 2011. Le demandeur soutenait que la SAI ne devait pas statuer sur l’appel qu’il avait interjeté à l’encontre de la décision rendue par la SI le 3 février 2010 jusqu’à ce que la Cour fédérale ait fait connaître sa décision concernant la demande de contrôle judiciaire à l’égard de la conclusion tirée relativement à l’alinéa 37(1)b) de la LIPR.

 

[6]               La SAI a statué qu’il s’agissait d’une question de compétence. Elle a déclaré que sa compétence était définie par l’article 63 de la LIPR, qui expose les paramètres de cette compétence. Bien que le paragraphe 63(3) de la LIPR accorde au résident permanent le droit d’interjeter appel d’une mesure de renvoi devant elle, a fait remarquer la SAI, le paragraphe 64(1) de la LIPR caractérise ce droit.

 

[7]               De l’avis de la SAI, comme il avait été déterminé que le demandeur était visé à l’alinéa 37(1)b) de la LIPR et qu’une mesure de renvoi avait été prise contre lui, le demandeur a été déclaré interdit de territoire pour criminalité organisée, une des exceptions prévues au paragraphe 64(1) de la LIPR. Selon la SAI, le paragraphe 64(1) de la LIPR a pour effet de supprimer le droit d’appel du demandeur interdit de territoire pour criminalité organisée, de sorte qu’elle n’a pas compétence pour instruire l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre de la mesure de renvoi prise contre lui le 3 février 2010.

 

[8]               La SAI a en outre conclu que, n’ayant pas compétence pour instruire l’appel sur le fond, elle n’avait pas compétence pour rendre la décision interlocutoire de repousser le prononcé d’une décision définitive dans cette affaire dans le but de tenir compte de la demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur à l’égard de la conclusion concernant l’alinéa 37(1)b) de la LIPR. La SAI a rejeté l’appel.

Dispositions législatives

 

[9]               Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.

33. Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

 

 

[…]

 

63. (3) Le résident permanent ou la personne protégée peut interjeter appel de la mesure de renvoi prise au contrôle ou à l’enquête.

 

 

 

[…]

 

64. (1) L’appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l’étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l’étranger, son répondant.

33. The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

 

[…]

 

63. (3) A permanent resident or a protected person may appeal to the Immigration Appeal Division against a decision at an examination or admissibility hearing to make a removal order against them.

 

[…]

 

64. (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality.

 

Question en litige

 

[10]           La question soulevée en l’espèce est celle de savoir si la SAI a commis une erreur en concluant qu’elle n’avait pas compétence pour instruire l’appel interjeté par le demandeur.

 

 

Norme de contrôle

 

[11]           La question de savoir si la SAI a correctement interprété sa compétence est aussi susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte : Nabiloo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 125, 323 FTR 258.

 

Analyse

 

[12]           Le demandeur souligne que la SAI a répondu à sa demande d’ajournement de l’appel concernant l’interdiction de territoire pour grande criminalité en attendant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire concernant la criminalité organisée en concluant que la demande d’ajournement ne relevait pas de sa compétence. Le demandeur soutient que la décision de la SAI est extrêmement courte et ne mentionne pas les éléments devant être pris en considération quand la SAI a à statuer sur une demande d’ajournement aux termes de l’article 48 des Règles de la section d’appel de l’immigration, DORS/2002-230 [les Règles]. Le demandeur affirme que la décision passe sous silence le fait que la conclusion concernant l’alinéa 37(1)b) de la LIPR fait l’objet d’un contrôle judiciaire, malgré les observations présentées à cet effet.

 

[13]           Selon le demandeur, la SAI devait tenir compte de l’article 48 des Règles, qui prévoit que la SAI « prend en considération tout élément pertinent » lorsqu’elle doit décider d’accorder ou non un ajournement. Le demandeur affirme que « la nature et la complexité de l’affaire », aux termes de l’alinéa 48(4)j) des Règles, était un élément particulier que la SAI aurait dû prendre en considération, ce qu’elle n’a pas fait.

 

[14]           Le demandeur soutient que la décision Sandy c Canada (MCI), 2004 CF 1468, [2004] ACF no 1770 [Sandy] donne des indications sur l’utilisation et l’importance de l’article 48 des Règles. Le demandeur se fonde également sur la décision rendue dans Hardware c Canada 2009 CF 338, [2009] ACF no 421 [Hardware], où la Cour a reconnu que la SAI avait le pouvoir discrétionnaire de refuser ou d’accorder l’ajournement. Le demandeur ne soutient pas qu’il a le droit absolu d’obtenir un ajournement, mais affirme plutôt que la SAI a entravé l’exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui permettait d’accepter l’ajournement en appliquant de manière stricte le paragraphe 64(1) de la LIPR sans tenir compte de la complexité du cas du demandeur.

 

[15]           Les articles 63 et 64 de la LIPR établissent la compétence de la SAI lorsqu’il s’agit d’instruire un appel. Conformément à l’article 64, l’individu qui est interdit de territoire pour criminalité organisée ne peut interjeter appel devant la SAI. En l’espèce, la preuve présentée à la SAI révélait que le demandeur avait été déclaré interdit de territoire pour criminalité organisée aux termes de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR.

 

[16]           De plus, dans le dossier IMM-3327-11, j’ai conclu que la SAI n’avait commis aucune erreur susceptible de contrôle dans l’analyse qu’elle avait effectuée au titre de l’alinéa 37(1)b). La SAI avait déterminé de façon correcte et raisonnable que le demandeur était interdit de territoire pour criminalité organisée en raison de sa participation à l’activité de trafic de stupéfiants dans le cadre de la criminalité organisée transnationale.

 

[17]           À mon avis, la SAI a conclu à bon droit qu’elle n’avait pas compétence pour entendre l’appel interjeté par le demandeur à l’encontre de la conclusion tirée par la SI au titre du paragraphe 36(1).

 

[18]           Il faut rejeter l’argument du demandeur selon lequel la SAI était tenue de prendre en considération les éléments énumérés à l’article 48 des Règles. L’article 48 des Règles expose un certain nombre d’éléments qui doivent être pris en considération lorsque la SAI a compétence pour décider s’il y a lieu d’accorder un ajournement ou non. En l’espèce, l’article 64 de la LIPR a pour effet de dépouiller la SAI de sa compétence pour entendre l’appel. La SAI ne cherchait pas à déterminer s’il y avait lieu d’accorder un ajournement ou non, mais plutôt si elle avait compétence pour le faire. La SAI a déterminé à bon droit qu’elle n’avait pas compétence pour entendre la demande d’ajournement et l’appel, ayant conclu que le demandeur était interdit de territoire aux termes de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR.

 

[19]           Enfin, il n’était pas nécessaire de prendre en considération les éléments énumérés à l’article 48 des Règles à propos des demandes d’ajournement. L’argument du demandeur selon lequel la SAI aurait dû accorder l’ajournement même si elle n’avait pas compétence, à ce moment-là, pour instruire l’appel sur le fond doit aussi être rejeté. Comme la juge Snider l’a énoncé dans Nabiloo, au paragraphe 4, « un tribunal administratif qui n’est pas compétent pour trancher une affaire n’a pas compétence pour examiner des questions préliminaires ou interlocutoires qui se rapportent à cette affaire-là ». Puisque la SAI n’avait pas compétence pour entendre l’appel interjeté par le demandeur au titre du paragraphe 36(1), elle n’avait pas compétence pour accorder l’ajournement. La SAI n’a pas commis d’erreur à cet égard.

 

[20]           En conclusion, la décision de la SAI est maintenue. Étant donné que la SAI avait déjà déterminé à bon droit que le demandeur était interdit de territoire pour criminalité organisée aux termes de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR, elle a également déterminé à bon droit que l’article 64 l’empêchait d’entendre l’appel interjeté par le demandeur au titre du paragraphe 36(1).

 

[21]           La demande de contrôle judiciaire présentée par le demandeur doit être rejetée.


JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

 

            1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

            2.         Aucune question grave de portée générale n'est certifiée.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4994-11

 

INTITULÉ :                                      SUKHCHAINPREET SINGH SIDHU c

                                                            LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 20 décembre 2012

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Hilete Stein

M. Felix Hau

 

POUR LE DEMANDEUR

 

M. Martin Anderson

Mme Leila Jawando

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green et Spiegel, s.r.l.

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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