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Date : 20121220

Dossier : IMM‑3327‑11

Référence : 2012 CF 1533

[TRADUCTION FRANÇAISE, RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 20 décembre 2012

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

 

ENTRE :

 

SUKHCHAINPREET SINGH SIDHU

 

 

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

     MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle un commissaire de la Section d’appel de l’immigration (la SAI) a fait droit à l’appel interjeté par le ministre d’une décision de la Section de l’immigration (la SI). Dans sa décision qu’a infirmée la SAI, la SI avait conclu que le demandeur n’était pas interdit de territoire pour criminalité organisée, plus précisément pour criminalité transnationale, aux termes de l’alinéa 37(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

 

Contexte

 

[2]               Le demandeur, Sukhchainpreet Singh Sidhu, est un citoyen de l’Inde qui est devenu résident permanent du Canada en 2000.

 

[3]               Le 29 janvier 2008, le demandeur a quitté le Canada pour entrer aux États-Unis, à Blaine, dans l’État de Washington. Il a loué une fourgonnette et a acheté un téléphone cellulaire dans un dépanneur. Il a appelé un certain Kulwant Singh Brar et a loué une chambre dans un motel. Il a ensuite reçu un appel dans lequel on lui donnait pour instruction de se rendre à la frontière canado‑américaine. Le demandeur a garé la fourgonnette du côté américain de la frontière et a ensuite rencontré M. Brar et d’autres personnes qui se trouvaient à bord d’un véhicule du côté canadien de la frontière. À bord du véhicule de M. Brar se trouvaient 49 kg de marijuana. M. Brar et le demandeur ont transporté la marijuana de l’autre côté de la frontière et l’ont déposée dans la fourgonnette louée. Le demandeur avait l’intention de remettre la marijuana à un autre individu aux États‑Unis en vue de sa distribution.

 

[4]               Le 8 août 2008, le demandeur a été reconnu coupable aux États‑Unis d’importation d’une substance contrôlée. Il a été condamné à une peine d’emprisonnement de 12 mois et un jour et à deux ans de mise en liberté sous surveillance.

 

[5]               Par suite de cette déclaration de culpabilité, le demandeur a été jugé interdit de territoire au Canada pour grande criminalité. Il a par conséquent fait l’objet du rapport prévu au paragraphe 44(1) de la LIPR en raison du fait qu’il était également interdit de territoire au Canada pour criminalité organisée, plus précisément pour criminalité transnationale, aux termes de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR.

 

Décisions à l’examen

 

[6]               La SI a décidé que le demandeur n’était pas interdit de territoire aux termes de l’alinéa 37(1)b). Le ministre a interjeté appel de cette décision à la SAI, qui a fait droit à l’appel et a estimé que la décision de la SI était erronée en droit. La décision de la SAI fait l’objet de la présente demande.

 

[7]               La SAI a reproduit l’alinéa 37(1)b). Elle a déclaré que la question qui se posait en l’espèce était celle de savoir si le demandeur s’était livré, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité, c’est‑à‑dire les trois exemples de crimes cités à l’alinéa 37(1)b). La SAI a fait observer que la SI avait essentiellement conclu que l’importation de stupéfiants n’était pas prévue à l’alinéa 37(1)b). La SAI n’a pas souscrit à la conclusion de la SI et a estimé que, compte tenu des circonstances de l’espèce, l’alinéa 37(1)b) englobait bel et bien l’infraction d’importation transnationale de stupéfiants.

 

[8]               La SAI a ensuite énuméré les cinq éléments qui, à son avis, devaient être établis pour que l’alinéa 37(1)b) s’applique :

a) la personne doit s’être livrée à quelque chose;

b) elle doit s’y être livrée dans le cadre de la criminalité transnationale;

c) elle doit s’être livrée à une activité;

d) l’activité doit avoir été exercée dans le cadre des activités d’une organisation;

e) l’activité doit avoir été liée au passage de clandestins, au trafic de personnes ou au recyclage des produits de la criminalité.

 

[9]               La SAI a estimé que le passage crucial de l’article était le suivant : « [...] activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité ». Elle a fait observer que la loi ne mentionnait pas les stupéfiants, ou l’importation de stupéfiants, et que la question était donc de savoir si l’expression « activités telles » permettait à l’autorité chargée de rendre une décision de conclure que cet article englobait l’importation de stupéfiants. La SAI a répondu par l’affirmative à cette question.

 

[10]           La SAI a fait observer que la liste prévue à l’alinéa 37(1)b) n’était pas exhaustive, étant donné que l’expression « activités telles » indiquait que l’inclusion d’autres activités était envisagée. La SAI a également fait observer que l’expression « activités telles » permettait de penser qu’il devait y avoir une certaine similitude entre les activités énumérées et les activités non énumérées, mais on ne s’attendait pas à ce qu’elles soient identiques et on n’exigeait pas qu’elles le soient. La SAI a jugé qu’il s’agissait d’identifier les éléments communs présents dans les activités énumérées que l’on retrouvait aussi dans les activités non énumérées qui pourraient être proposées.

 

[11]           La SAI a estimé que les éléments communs aux trois activités énumérées comprenaient la notion de criminalité organisée et le passage de frontières internationales. La SAI a estimé que la contrebande de drogues, activité que peuvent exercer des organisations criminelles et qui peut impliquer le passage de frontières internationales, constituait une activité qu’on pouvait tout naturellement associer aux activités expressément énumérées à l’alinéa 37(1)b), même si elle n’y était pas mentionnée. La SAI a jugé qu’il s’agissait d’une position qu’autorise une interprétation franche, contextuelle et téléologique de cette disposition.

 

[12]           La SAI a rappelé qu’il fallait lire les mots dans leur contexte en tenant compte de l’objet de la loi et de l’intention du législateur.

 

[13]           La SAI a affirmé que le Canada souhaitait lutter contre le trafic transfrontalier de stupéfiants et a cité des déclarations et des conventions par lesquelles le Canada a manifesté son intention d’enrayer le trafic de stupéfiants.

 

[14]           La SAI a examiné la question de savoir si les éléments qui, selon elle, devaient être établis pour que cet article s’applique, avaient effectivement été prouvés. Elle a estimé que le demandeur s’était livré à des activités qui avaient eu lieu dans le contexte de la criminalité transnationale, en ce sens qu’il avait été impliqué dans le transport de grandes quantités de stupéfiants entre le Canada et les États‑Unis. La SAI a également jugé que les activités auxquelles le demandeur s’était livré avaient été exercées dans le cadre des activités d’une organisation. Elle a expressément fait observer que d’autres individus que le demandeur étaient impliqués dans les activités en question et que chacun d’entre eux s’acquittait d’un rôle ou d’une fonction en particulier. La SAI a ensuite conclu que le trafic transfrontalier de stupéfiants constituait une activité telle le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

 

[15]           La SAI a également analysé les arguments formulés par l’avocat du demandeur. Elle a déclaré que tant l’avocat du demandeur aux États-Unis ainsi que celui qui l’avait représenté lors de l’audience relative à son interdiction de territoire avaient qualifié le rôle qu’il avait joué dans les faits incriminés de secondaire et de guère complexe et l’ont assimilé à celui d’un simple d’esprit, d’un figurant. La SAI a formulé deux commentaires à cet égard. En premier lieu, la SAI a fait observer que, pour l’application de l’alinéa 37(1)b), il était sans importance que le rôle joué ait été mineur ou majeur. En second lieu, la SAI a estimé que le demandeur n’avait pas joué un rôle secondaire, mais qu’il était l’un des principaux acteurs de l’opération.

 

[16]           La SAI s’est ensuite demandé de quelle infraction le demandeur aurait pu être accusé au Canada dans des circonstances similaires. Elle a fait observer que le demandeur aurait pu être accusé d’une infraction qui l’aurait rendue passible d’une peine d’emprisonnement maximale de quatorze ans. La SAI a déclaré qu’on pouvait en conclure que les actes en question étaient considérés comme très graves par le législateur fédéral.

 

[17]           Enfin, la SAI a fait observer que tant l’avocat qui avait représenté le demandeur aux États‑Unis que celui qui l’avait défendu au Canada avaient tenté de le dépeindre comme un personnage sympathique, qui était, au fond, honnête et respectueux des lois, qui était aux prises avec certains problèmes familiaux et qui ne se retrouverait plus jamais dans ce genre de situation. La SAI a estimé que des considérations de ce genre n’étaient pas pertinentes quant à la décision à rendre au titre de l’alinéa 37(1)b).

 

[18]           La SAI a finalement conclu que la SI avait commis une erreur et a estimé que l’alinéa 37(1)b) s’appliquait bel et bien en l’espèce. La SAI a fait droit à l’appel et a pris une mesure d’expulsion contre le demandeur.

 

Dispositions législatives applicables

 

[19]           Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

33. Les faits — actes ou omissions — mentionnés aux articles 34 à 37 sont, sauf disposition contraire, appréciés sur la base de motifs raisonnables de croire qu’ils sont survenus, surviennent ou peuvent survenir.

 

 

[...]

 

37. (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants :

 

 

a) être membre d’une organisation dont il y a des motifs raisonnables de croire qu’elle se livre ou s’est livrée à des activités faisant partie d’un plan d’activités criminelles organisées par plusieurs personnes agissant de concert en vue de la perpétration d’une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation ou de la perpétration, hors du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une telle infraction, ou se livrer à des activités faisant partie d’un tel plan;

 

b) se livrer, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

 

(2) Les dispositions suivantes régissent l’application du paragraphe (1) :

 

a) les faits visés n’emportent pas interdiction de territoire pour le résident permanent ou l’étranger qui convainc le ministre que sa présence au Canada ne serait nullement préjudiciable à l’intérêt national;

 

b) les faits visés à l’alinéa (1)a) n’emportent pas interdiction de territoire pour la seule raison que le résident permanent ou l’étranger est entré au Canada en ayant recours à une personne qui se livre aux activités qui y sont visées.

33. The facts that constitute inadmissibility under sections 34 to 37 include facts arising from omissions and, unless otherwise provided, include facts for which there are reasonable grounds to believe that they have occurred, are occurring or may occur.

 

...

 

37. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of organized criminality for

 

(a) being a member of an organization that is believed on reasonable grounds to be or to have been engaged in activity that is part of a pattern of criminal activity planned and organized by a number of persons acting in concert in furtherance of the commission of an offence punishable under an Act of Parliament by way of indictment, or in furtherance of the commission of an offence outside Canada that, if committed in Canada, would constitute such an offence, or engaging in activity that is part of such a pattern; or

 

(b) engaging, in the context of transnational crime, in activities such as people smuggling, trafficking in persons or money laundering.

 

 

(2) The following provisions govern subsection (1):

 

 

(a) subsection (1) does not apply in the case of a permanent resident or a foreign national who satisfies the Minister that their presence in Canada would not be detrimental to the national interest; and

 

(b) paragraph (1)(a) does not lead to a determination of inadmissibility by reason only of the fact that the permanent resident or foreign national entered Canada with the assistance of a person who is involved in organized criminal activity.

 

 

Question en litige

 

[20]           La question que soulève la présente affaire est celle de savoir si la SAI a commis une erreur dans son interprétation de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR.

 

Norme de contrôle

 

[21]           L’interprétation que la SAI fait de l’alinéa 37(1)b) est susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte (Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CAF 187, 98 Imm LR (3d) 175, au paragraphe 27).

 

[22]           Si l’on répond à la question en litige par la négative, la Cour examinera la question de savoir si la décision de la SAI était raisonnable compte tenu des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, 2008 CSC 9, au paragraphe 51).

 

Analyse

 

[23]           Le demander affirme que la SAI a commis plusieurs erreurs susceptibles de révision, premièrement, en interprétant l’alinéa 37(1)b) de la LIPR comme incluant la « criminalité organisée », deuxièmement, en interprétant cet article comme incluant l’importation de stupéfiants et, troisièmement, en procédant à un examen erroné de l’équivalence des infractions criminelles.

 

La SAI a‑t‑elle commis une erreur en interprétant l’alinéa 37(1)b) de la LIPR comme incluant la « criminalité organisée »?

 

[24]           Le demandeur affirme que la SAI a mal interprété le critère permettant de prononcer l’interdiction de territoire en vertu de l’alinéa 37(1)b). En fait, le demandeur affirme à juste titre que la SAI a inventé son propre critère à cinq volets en ce qui concerne l’alinéa 37(1)b), aucun précédent ne proposant un tel critère. Le demandeur soutient qu’il ressort de la simple lecture de l’alinéa 37(1)b) que cet alinéa exige uniquement que l’on vérifie : a) si un individu se livre à une activité, b) dans l’affirmative, si cette activité s’est produite dans le cadre de la criminalité transnationale et c) si l’individu en question s’est livré à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité. Le demandeur affirme que l’on interprète erronément la LIPR lorsqu’on exige qu’il faut conclure que « l’activité doit avoir été exercée dans le cadre des activités d’une organisation » et cette exigence constitue une erreur justifiant l’infirmation de la décision de la SAI.

 

[25]           Le défendeur affirme que l’alinéa 37(1)b) rend un ressortissant étranger interdit de territoire lorsqu’il : i) s’est livré; ii) à la criminalité transnationale (c.‑à‑d. à une criminalité qui déborde les frontières nationales); iii) qui est suffisamment grave pour pouvoir être assimilée au passage de clandestins, au trafic de personnes ou au recyclage des produits de la criminalité. Le défendeur affirme que ces trois éléments essentiels sont présents en l’espèce.

 

[26]           Je suis d’accord avec le défendeur. De plus, je ne suis pas d’accord avec le demandeur pour dire que le fait de conclure que la SAI a commis une erreur en exigeant qu’il est nécessaire de conclure que l’activité a été exercée, ou le crime a été commis, dans le cadre des activités d’une organisation, et ce, parce que le paragraphe 37(1) traite de l’interdiction de territoire pour criminalité organisée. Bien que l’alinéa b) ne mentionne pas expressément le fait d’être membre d’une organisation comme le fait l’alinéa a), il faut donner effet à l’alinéa 37(1)b) dans son intégralité. Refuser de le faire conduirait à des résultats qui n’étaient pas envisagés par le législateur lorsqu’il a édicté le paragraphe 37(1).

 

[27]           Pour arrêter la bonne interprétation de l’alinéa 37(1)b), il est utile de reproduire les dispositions pertinentes :

37. (1) Emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée les faits suivants :

 

 

[...]

 

b) se livrer, dans le cadre de la criminalité transnationale, à des activités telles le passage de clandestins, le trafic de personnes ou le recyclage des produits de la criminalité.

 

[Non souligné dans l’original]

37.(1) A permanent resident or foreign national is inadmissible on grounds of organized criminality for

           

...

 

(b) engaging, in the context of transnational crime, in activities such as people smuggling, trafficking in persons or money laundering.

 

 

 

 

 

[28]           Je trouve redondants les facteurs a) et c) suivants énoncés par la SAI :

a)                  la personne doit s’être livrée à quelque chose;

 

b)                  elle doit s’être livrée à une activité.

 

J’estime toutefois que la SAI a correctement interprété l’alinéa 37(1)b). À mon avis, les activités qui rendent une personne interdite de territoire aux termes de l’alinéa 37(1)b) de la LIPR doivent avoir été exercées dans le cadre d’une criminalité organisée, ce qui suppose qu’un certain nombre d’individus sont impliqués dans des activités criminelles organisées.

 

La SAI a‑t‑elle commis une erreur en interprétant l’alinéa 37(1)b) de la LIPR comme incluant l’importation de drogues?

 

[29]           D’entrée de jeu, je cite la juge Snider dans Dhillon c Canada (MCI), 2012 CF 726, au paragraphe 66 : « le libellé de l’alinéa 37(1)b), interprété dans son contexte global et dans son sens grammatical et ordinaire en harmonie avec l’esprit de la LIPR, l’objet de la LIPR et l’intention du législateur, comprend l’activité de la contrebande transnationale de drogues ».

 

[30]           Le demandeur soutient que la SAI n’a pas analysé ou expliqué en quoi les activités auxquelles il s’était livré s’apparentaient au passage de clandestins, au trafic de personnes ou au recyclage des produits de la criminalité. Il affirme en particulier que la SAI n’a procédé à aucune comparaison entre la nature et la substance de l’infraction qu’il a commise et les infractions énumérées.

 

[31]           Le demandeur fait valoir que le législateur a expressément choisi de donner la liste d’activités à l’alinéa 37(1)b) pour indiquer que cette liste n’est pas censée englober tous les crimes transnationaux, mais est plutôt censée viser les crimes particulièrement répréhensibles que constituent le passage de clandestins, le trafic de personnes et le recyclage des produits de la criminalité.

 

[32]           Il est vrai que l’importation ou le trafic de stupéfiants ne fait pas partie de la liste des activités énumérées à l’alinéa 37(1)b) qui emportent interdiction de territoire pour criminalité organisée. Toutefois, la SAI a, à bon droit selon moi, signalé que l’expression « des activités telles » indiquait que la liste d’activités que l’on trouve à l’alinéa 37(1)b), à savoir le passage de clandestins, le trafic de personnes et le recyclage des produits de la criminalité, n’était pas exhaustive et que le législateur avait l’intention d’y inclure d’autres crimes.

 

[33]           Bien qu’elle ne se soit pas longuement attardée sur cette question, la SAI a conclu dans son analyse que, parmi les éléments communs que l’on retrouvait dans les activités énumérées à cet alinéa, on retrouvait la notion de criminalité organisée et le passage de frontières internationales. La SAI a également fait observer qu’en vertu de ses obligations internationales, le Canada s’était engagé à lutter contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes en acceptant de créer notamment des infractions criminelles, dont celle d’importation ou d’exportation de tout stupéfiant, y compris la marijuana.

 

[34]           Le défendeur conteste la définition restrictive de la criminalité transnationale que propose le demandeur au motif qu’elle contredit le droit international. Le défendeur affirme que cette définition restreinte ne convient pas parce qu’elle exclurait des crimes transnationaux comme le trafic d’armes, le commerce illicite de matières nucléaires, le commerce d’armes biologiques, la prolifération de matériel de pornographie juvénile, et ainsi de suite. Je suis du même avis.

 

[35]           L’alinéa 37(1)b) emploie l’expression « des activités telles », ce qui indique que la liste d’activités qu’on trouve après cette expression n’est pas limitative. Je conclus que c’est à juste titre que la SAI a conclu que le trafic de stupéfiants tombait sous le coup de l’alinéa 37(1)b). L’importation de stupéfiants dont le demandeur a été reconnu coupable renferme les deux éléments communs, relevés par la SAI, des autres crimes énumérés à l’alinéa 37(1)b). Je ne suis pas d’accord avec le demandeur pour dire que le trafic illicite de stupéfiants ne constitue pas un acte aussi répréhensible que le recyclage des produits de la criminalité. J’abonde dans le sens de la juge Snyder lorsqu’elle affirme dans la décision Dhillon, précitée, que les activités énumérées à l’alinéa 37(1)b) comprennent la contrebande transnationale de drogues.

 

Examen de l’équivalence des infractions criminelles

 

[36]           Le demandeur affirme que lorsqu’un examen de l’équivalence des infractions est effectué et qu’une erreur est commise quant à l’équivalence de l’infraction canadienne proposée, la décision ne peut être confirmée. Le demandeur affirme qu’il ressort clairement de l’analyse de la SAI qu’elle s’est méprise quant à l’infraction canadienne équivalente.

 

[37]           Le demandeur affirme que la SAI a fondé sa décision sur une évaluation incorrecte de la nature de l’infraction dont le demandeur avait été reconnu coupable. Le demandeur affirme que la SAI s’est livrée à un examen incorrect de l’équivalence de l’infraction et que cette erreur devrait donner lieu à une révision de la décision de la SAI. Je ne suis pas de cet avis.

 

[38]           Le défendeur soutient qu’il n’est pas nécessaire de procéder à un examen de l’équivalence de l’infraction criminelle pour prononcer l’interdiction de territoire en application de l’alinéa 37(1)b) de la Loi. Il affirme que, par conséquent, la conclusion tirée par la SAI en ce qui concerne les infractions canadiennes équivalentes est également superflue et que, si la décision de la SAI renferme des erreurs à cet égard, ces erreurs ne tirent pas à conséquence et ne suffisent pas à remettre en question la décision de la SAI.

 

[39]           Le défendeur a raison de soutenir qu’il n’est pas nécessaire de procéder à une analyse de l’équivalence de l’infraction en l’espèce. Par ailleurs, contrairement à ce que prétend le demandeur, j’estime que la SAI n’a pas procédé à une analyse de l’équivalence de l’infraction criminelle dans le cas qui nous occupe. Au paragraphe 23, la SAI explique de quelle infraction le demandeur aurait pu être déclaré coupable dans des circonstances semblables au Canada. À mon avis, la SAI n’a pas formulé ces observations dans le cadre d’une analyse de l’équivalence de l’infraction criminelle. Elle cherchait plutôt à démontrer la gravité du crime commis par le demandeur pour expliquer que l’importation de stupéfiants était un acte aussi grave que les infractions énumérées à l’alinéa 37(1)b), décrivant ainsi l’infraction dont le demandeur aurait pu être accusé au Canada dans des circonstances similaires. La SAI n’a pas commis d’erreur.

 

La décision de la SAI était‑elle raisonnable?

 

[40]           Ayant conclu que la SAI a correctement interprété l’alinéa 37(1)b) de la LIPR en estimant qu’il englobait le trafic de stupéfiants, il me faut maintenant chercher à savoir si la SAI a raisonnablement appliqué la loi aux faits de l’espèce. « [L]orsque le droit et les faits ne peuvent être aisément dissociés, la norme de la raisonnabilité s’applique généralement » (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 51).

 

[41]           La SAI estimait que le demandeur s’était livré à une activité ― le trafic de stupéfiants ― dans le cadre de la criminalité transnationale. Au paragraphe 21 de sa décision, la SAI a appliqué aux faits de l’espèce le critère qu’elle avait énoncé. Bien que j’aie déjà précisé, au paragraphe 28 de la présente décision, que j’aurais formulé différemment ce critère, l’interprétation et l’application que la SAI a faites de l’alinéa 37(1)b) dans sa décision ne sauraient être qualifiées d’erronées.

 

[42]           La SAI a tenu compte du fait que le demandeur avait loué un véhicule, acheté et utilisé un téléphone cellulaire, conduit jusqu’à la frontière, transporté de la marijuana de l’autre côté de la frontière et transporté les stupéfiants dans un autre véhicule, le tout avec l’intention de participer au trafic de stupéfiants. La SAI a estimé que ces activités avaient été effectuées dans le cadre d’une organisation. D’ailleurs, d’autres individus avaient chacun eu un rôle précis à jouer dans cette activité criminelle de trafic transnational de stupéfiants.

 

[43]           Le contrôle judiciaire « tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel » (arrêt Dunsmuir, précité, au paragraphe 47). Je suis convaincu que la décision de la SAI satisfait à ces exigences.

 

Conclusion

 

[44]           Étant donné qu’à mon avis, la SAI a correctement interprété l’alinéa 37(1)b) de la LIPR en estimant qu’il englobait le « trafic de stupéfiants » parmi les activités emportant une interdiction de territoire, et étant donné que j’estime que la SAI a tenu compte de façon raisonnable des règles de droit applicables et qu’elle les a appliquées de façon raisonnable aux faits de l’espèce, je conclus que la SAI n’a pas commis d’erreur susceptible de révision. La demande est rejetée.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑3327‑11

 

INTITULÉ :                                                  SUKHCHAINPREET SINGH SINDHU c
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 7 février 2012

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE MANDAMIN

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 20 décembre 2012

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mme Hilete Stein

M. Felix Hau

 

POUR LE DEMANDEUR

 

M. Martin Anderson

Mme Leila Jawando

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green et Spiegel LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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