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Date: 20130118

Dossier : IMM-4101-12

Référence : 2013 CF 46

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

MONICA UAMAI

ALISHA EKILADO UAMAI (mineure)

DESMOND OKHIKUN UAMAI (mineur)

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               Le présent contrôle judiciaire concerne une demanderesse qui, bien qu’elle soit citoyenne du Nigeria, était une résidente de l’Espagne du fait de son mariage. La demanderesse a perdu son droit de résider en Espagne. La question en litige était de savoir si elle était exclue du bénéfice de l’asile en raison de son statut de résidente en Espagne. Par conséquent, les dispositions législatives suivantes s’appliquent :

98. La personne visée aux sections E ou F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés ne peut avoir la qualité de réfugié ni de personne à protéger.

98. A person referred to in section E or F of Article 1 of the Refugee Convention is not a Convention refugee or a person in need of protection.

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

E.         Cette convention ne sera pas applicable à une personne considérée par les autorités compétentes du pays dans lequel cette personne a établi sa résidence comme ayant les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité de ce pays.

 

Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés, 1951, RT Can 1969 no 6

 

II.        LES FAITS

[2]               La demanderesse a épousé un résident de l’Espagne, qui était aussi un citoyen du Nigeria. La demanderesse est partie en Espagne en avril 2006; elle a allégué que cela était attribuable au fait qu’elle avait été agressée par des musulmans. Quelque temps plus tard, la demanderesse a découvert que son époux avait eu un enfant avec Esther Victor (Mme Victor), une autre citoyenne du Nigeria qui vivait en Espagne.

 

[3]               La demanderesse a prétendu que ses enfants et elle avaient été menacés par Mme Victor et par certains hommes (apparemment, Mme Victor faisait partie d’un cartel d’extorsion et de trafic de stupéfiants); son époux avait aussi été battu. Par la suite, la famille de la demanderesse a reçu des menaces pour que la demanderesse ne retourne pas au Nigeria.

 

[4]               L’époux de la demanderesse a pris les dispositions pour que la demanderesse et ses enfants viennent au Canada. Elle a immédiatement demandé l’asile.

 

[5]               La demanderesse a perdu son statut de résidente en Espagne, car elle était restée plus de six mois à l’extérieur de ce pays dans une période d’un an.

 

[6]               La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que la demanderesse avait les droits et les obligations attachés à la possession de la nationalité espagnole, visés à la section E de l’article premier.

 

[7]               Pour établir si la demanderesse est exclue du bénéfice de l’asile en application de la section E de l’article premier, le commissaire de la Commission s’est penché sur les facteurs exposés dans l’arrêt Zeng c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CAF 118, [2011] 4 RCS 3 (Zeng) :

1.                  Le demandeur d’asile a-t-il, dans le tiers pays (l’Espagne), un statut semblable à celui des ressortissants de ce pays? Le commissaire a répondu par la négative.

2.                  Le demandeur d’asile avait-il précédemment ce statut et l’a-t-il perdu, ou pouvait-il obtenir ce statut et a-t-il omis de le faire? Le commissaire a répondu par l’affirmative.

3.                  Si la réponse à la question précédente est affirmative, il faut soupeser différents facteurs pour établir si le demandeur devrait être exclu de la protection en raison de la perte du statut ou de l’omission de l’acquérir. Les facteurs devant être soupesés sont la raison de la perte du statut, la possibilité, pour le demandeur d’asile, de retourner dans le tiers pays (l’Espagne), le risque auquel le demandeur d’asile serait exposé dans son pays d’origine (en l’espèce, le Nigeria), les obligations internationales du Canada, et tous les autres facteurs pertinents.

 

[8]               À cette dernière question, le commissaire a conclu que la demanderesse avait volontairement perdu son statut, qu’elle n’avait pas fait d’efforts pour le conserver et qu’elle pouvait se prévaloir de la protection de l’État et de possibilités de refuge intérieur.

 

[9]               En ce qui concerne la question du retour au Nigeria, le commissaire n’était pas convaincu que ce que la demanderesse percevait comme des menaces provenant de musulmans était réel. Le commissaire a aussi relevé que la demanderesse n’avait pas allégué, dans son FRP, qu’elle craignait l’ancienne petite amie de son époux (Mme Victor) en lien avec le Nigeria.

 

III.       ANALYSE

[10]           La demanderesse conteste uniquement la conclusion quant au troisième facteur de l’arrêt Zeng et, plus particulièrement, quant à la question de savoir si elle avait affirmé craindre Mme Victor au Nigeria.

 

[11]           Les parties conviennent que la norme de contrôle applicable est la raisonnabilité (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Tajdini, 2007 CF 227, 2007 CarswellNat 470).

 

[12]           Le défendeur pousse trop loin le raisonnement de l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 RCS 708. Cet arrêt ne statue pas que, dans le cas où le décideur commet une erreur dans sa décision, ou qu’il omet de tenir compte d’une question pertinente, la cour de révision a l’obligation d’examiner le dossier et d’y déceler un fondement pour étayer le résultat final. Pour décider si la décision est raisonnable, la cour de révision doit l’examiner dans son ensemble.

 

[13]           Dans la présente affaire, il était raisonnable de la part du commissaire de conclure, à partir du FRP de la demanderesse, que cette dernière décrivait la crainte de son époux à l’égard de Mme Victor, une crainte qui était liée à l’Espagne. La crainte de la demanderesse par rapport au Nigeria était surtout axée sur les musulmans.

 

[14]           La raisonnabilité de cette conclusion est soutenue par la demande d’asile au Canada présentée par la demanderesse, dans laquelle elle décrivait ainsi ses craintes de retourner dans son pays :

[traduction]

Espagne – Esther Victor; Nigeria – chrétiens et musulmans.

 

Au Nigeria, chrétiens et musulmans sont toujours en train de se battre.

 

En Espagne, Esther Victor a proféré, contre moi et mes enfants, des menaces de mort. Elle m’a dit de quitter mon époux. Je ne savais pas qu’il avait déjà eu deux enfants avec elle.

 

[15]           Il était loisible au commissaire de tirer ces conclusions. Par conséquent, je déclare que la décision est raisonnable.

 

IV.       CONCLUSION

[16]           La présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a pas de question à certifier.

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4101-12

 

INTITULÉ :                                      MONICA UAMAI

                                                            ALISHA EKILADO UAMAI (mineure)

                                                            DESMOND OKHIKUN UAMAI (mineur)

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 14 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 18 janvier 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Odeleye

 

POUR LES DEMANDEURS

 

Bridget A. O’Leary

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BABALOLA, ODELEYE

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

M. WILLIAM F. PENTNEY

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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