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Date : 20130131

Dossier : ITA-3466-99

Référence : 2013 CF 110

[TRADUCTION FRANÇAISE RÉVISÉE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 31 janvier 2013

En présence de monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

JACK KLUNDERT

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

      MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Conformément à une « ordonnance conservatoire » ex parte rendue par la juge Tremblay‑Lamer en avril 1999, les autorités fiscales ont perçu la somme de 871 291,90 $ pendant la période de juin 1999 à mai 2003 et ont affecté cette somme à la dette fiscale qui incombait à M. Klundert en application de cotisations établies pour les années d’imposition 1993 à 1996. En 2010, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a déclaré M. Klundert coupable et lui a ordonné de payer une amende de 522 346,73 $ pour les années d’imposition 1993 à 1997. En 2011, elle lui a ordonné de payer une somme supplémentaire de 101 393,80 $ relativement à une déclaration de culpabilité pour évasion fiscale quant aux années 2000 à 2005. L’appel de M. Klundert devant la Cour canadienne de l’impôt a été réactivé.

 

[2]               M. Klundert propose que les sommes perçues conformément à l’ordonnance conservatoire servent d’abord à payer les amendes découlant de ses condamnations au criminel.

 

[3]               Bien que M. Klundert ne conteste pas directement l’ordonnance conservatoire, dont la validité a d’ailleurs été confirmée, il soutient que les sommes perçues conformément à cette ordonnance sont en quelque sorte détenues en fiducie et qu’il a désormais le droit de les affecter au paiement des amendes découlant de ses condamnations au criminel. Selon les explications qui m’ont été données, cela constituerait un avantage pour lui, car, s’il déclarait faillite, sa responsabilité civile de payer l’impôt sur le revenu serait incluse dans le calcul de son patrimoine, mais son obligation de payer les amendes ne le serait pas.

 

[4]               La présente affaire comporte deux aspects. Le premier est les règles juridiques relatives à l’affectation des sommes perçues. Le deuxième est l’argument de M. Klundert selon lequel l’ordonnance conservatoire a été obtenue pour appuyer une enquête criminelle et que les renseignements ainsi obtenus ne peuvent pas servir à déterminer la responsabilité civile. Il fonde cet argument sur un arrêt de la Cour suprême du Canada : R c Jarvis, 2002 CSC 73, [2002] 3 RCS 757.

 

[5]               Pour ce qui est de l’affectation des sommes perçues, au moment où l’ordonnance conservatoire a été rendue et à ceux où les sommes ont été perçues conformément à cette ordonnance, seule la dette fiscale de 999 261,78 $, établie pour les années d’imposition 1993 à 1996, existait. En outre, ces paiements ont été faits sous la contrainte imposée par la loi. Il ne s’agissait pas de paiements volontaires. Ainsi, le principe voulant que le débiteur puisse affecter un paiement à une dette plutôt qu’à une autre ne s’applique pas en l’espèce. Quant à l’argument selon lequel il n’existe aucune dette fiscale définitive parce que les cotisations ont été portées en appel devant la Cour canadienne de l’impôt, je rappelle qu’une cotisation est réputée exécutoire jusqu’à ce que la Cour l’annule (voir le paragraphe 152(8) de la Loi de l’impôt sur le revenu; MRN c MacIver, 99 DTC 5524, 172 FTR 273; MRN c Services ML Marengère, 2000 DTC 6032, 176 FTR 1 et Canada (Ministre du Revenu national) c Arab, 2005 CF 264, [2005] ACF no 333 (QL)).

 

[6]               Selon mon interprétation, l’arrêt Jarvis confirme que la Loi de l’impôt sur le revenu est une loi de nature réglementaire et qu’il est possible d’établir une distinction entre les pouvoirs de vérification et les pouvoirs d’enquête qui sont conférés au ministre du Revenu national. Lorsque les autorités fiscales n’enquêtent pas sur la simple responsabilité fiscale, mais qu’ils se penchent plutôt sur la responsabilité pénale, les protections garanties par la Charte entrent en jeux. M. Klundert affirme que le contraire est vrai. Je ne suis pas d’accord. Comme l’a récemment conclu la juge Mactavish dans la décision Patry c Canada (AG), 2011 FC 1032, 396 FTR 203, une affaire qui portait à la fois sur une enquête criminelle et sur une vérification au civil, à la lumière de l’arrêt Jarvis, les pouvoirs coercitifs qui sont donnés aux représentants de l’Agence du revenu du Canada pour déterminer la responsabilité fiscale civile ne peuvent pas servir à contourner les protections procédurales ou garanties par la Charte dont jouissent les personnes soupçonnées d’avoir commis des infractions criminelles. En l’espèce, des cotisations ont été établies et les autorités fiscales ont de bonnes raisons de croire que M. Klundert ne paierait pas l’impôt volontairement. D’ailleurs, il avait inscrit la mention suivante sur ses déclarations de revenu pour 1993 et 1994 : [traduction] « le gouvernement du Canada viole la Constitution en percevant l’impôt sur le revenu ». Il est vrai que, lors de l’audition de la demande ex parte, la Cour a été informée qu’un mandat de perquisition avait été obtenu, mais ce fait était loin d’être déterminant. Comme dans toute demande ex parte, la partie demanderesse doit faire une divulgation fidèle et complète des faits.

 

[7]               Si, en fin de compte, la Cour canadienne de l’impôt accueillait les appels de M. Klundert, les sommes perçues conformément à l’ordonnance conservatoire seraient soit affectées au paiement des dettes fiscales pour les autres années d’imposition, soit remboursées, selon le cas.


ORDONNANCE

 

POUR LES MOTIFS ÉNONCÉS CI-DESSUS,

LA COUR ORDONNE que la requête est rejetée, avec dépens.

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        ITA-3466-99

 

INTITULÉ :                                      SMR c JACK KLUNDERT

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 21 JANVIER 2013

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                      LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 31 JANVIER 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Elizabeth (Lisa) McDonald

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Douglas H. Christie

Jeremy Maddock

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Douglas H. Christie

Avocat

Victoria (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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