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Date : 20130211

Dossier : T‑652‑12

Référence : 2013 CF 148

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 février 2013

En présence de monsieur le juge Martineau

 

 

ENTRE :

 

ZAFAR IQBAL MOHAMMAD

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

 ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur, M. Zafar Iqbal Mohammad, se trouvait le 15 octobre 2010 dans l’aire de départ de l’Aéroport international Pearson, à Toronto, où il attendait son vol pour Lima, au Pérou, lorsqu’il a été remarqué et approché par un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada [ASFC] qui effectuait des contrôles concernant l’exportation d’espèces.

 

[2]               Le paragraphe 12(1) de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, LC 2000, c 17 [la Loi], exige que soit déclarée, conformément aux règlements, l’importation ou l’exportation des espèces ou effets d’une valeur égale ou supérieure au montant réglementaire. Ce montant est de 10 000 dollars canadiens [$CAN].

 

[3]               Le demandeur a dit à l’agent qu’il connaissait les règlements et qu’il avait en sa possession moins de 10 000 $CAN. Hormis les 65 $CAN qu’il avait dans la poche arrière de son pantalon (2 × 20 $CAN, 2 × 10 $CAN et 1 × 5 $CAN), il y avait 30 × 100 dollars américains [$US] (3 000 $US) dans son portefeuille, de même que 69 × 100 $US (6 900 $US) dans la poche droite de son pantalon cargo. D’après le taux de change de la Banque du Canada pour la devise américaine (1,0108) à cette date, le demandeur avait en sa possession une somme équivalant à 10 006,92 $CAN (9 900 $US), plus la somme de 65 $CAN, pour un montant total de 10 071,92 $CAN.

 

[4]               Après avoir interrogé le demandeur pour s’assurer que les espèces transportées provenaient d’une source légitime, l’ASFC a saisi les 99 billets de banque américains (9 900 $US) comme produits de la criminalité [la mesure d’exécution], et a remis les 65 $CAN au demandeur pour son voyage ou pour des raisons d’ordre humanitaire. La mesure d’exécution a été prise par l’agent en vertu des pouvoirs qui lui sont conférés par les articles 18 et 20 de la Loi. À la demande du demandeur, l’affaire a été soumise à un examen administratif et, le 28 février 2012, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile [le ministre] a refusé de restituer les espèces saisies. Ce refus fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[5]               Les faits qui ont mené à la décision attaquée ne sont pas contestés. Le 25 octobre 2010, le demandeur a interjeté appel de la mesure d’exécution et a demandé, en vertu de l’article 25 de la Loi, que le ministre décide s’il avait contrevenu au paragraphe 12(1) de la Loi. L’examen de la mesure d’exécution a été fait par la Direction des recours de l’ASFC. Tout au long du processus, le demandeur a été représenté par un avocat. Un arbitre a été chargé de rédiger un [traduction] « résumé de l’affaire et motifs de la décision », qui comprenait les éléments de preuve recueillis au cours du processus ainsi qu’une recommandation non contraignante à l’intention du délégué du ministre. Le demandeur a été avisé par une lettre, datée du 28 février 2012, des motifs et des conclusions suivantes : 1) en application de l’article 27 de la Loi, le ministre décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1) de la Loi; 2) en application de l’article 29 de la Loi, le ministre confirme la confiscation des espèces saisies.

 

[6]               Le demandeur n’a pas contesté qu’il avait contrevenu à l’article 12 de la Loi. S’il en avait été autrement, le demandeur aurait, en application de l’article 30 de la Loi, introduit une action en Cour fédérale contre la décision prise par le ministre en vertu de l’article 27.

 

[7]               La décision attaquée a été prise en vertu de pouvoirs conférés par le paragraphe 29(1) de la Loi, qui dispose :

29. (1) S’il décide qu’il y a eu contravention au paragraphe 12(1), le ministre peut, aux conditions qu’il fixe :

 

 

a) soit restituer les espèces ou effets ou, sous réserve du paragraphe (2), la valeur de ceux‑ci à la date où le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux est informé de la décision, sur réception de la pénalité réglementaire ou sans pénalité;

 

 

 

b) soit restituer tout ou partie de la pénalité versée en application du paragraphe 18(2);

 

c) soit confirmer la confiscation des espèces ou effets au profit de Sa Majesté du chef du Canada, sous réserve de toute ordonnance rendue en application des articles 33 ou 34.

 

Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, dès qu’il en est informé, prend les mesures nécessaires à l’application des alinéas a) ou b).

29. (1) If the Minister decides that subsection 12(1) was contravened, the Minister may, subject to the terms and conditions that the Minister may determine,

 

(a) decide that the currency or monetary instruments or, subject to subsection (2), an amount of money equal to their value on the day the Minister of Public Works and Government Services is informed of the decision, be returned, on payment of a penalty in the prescribed amount or without penalty;

 

(b) decide that any penalty or portion of any penalty that was paid under subsection 18(2) be remitted; or

 

(c) subject to any order made under section 33 or 34, confirm that the currency or monetary instruments are forfeited to Her Majesty in right of Canada.

 

 

The Minister of Public Works and Government Services shall give effect to a decision of the Minister under paragraph (a) or (b) on being informed of it.

 

 

 

[8]               Dans sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur ne fait pas valoir qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale, mais il affirme que le délégué du ministre a agi de façon arbitraire et sans tenir compte des éléments dont il disposait, ou a autrement commis une erreur de droit en concluant, sans aucune preuve digne de foi, que les espèces étaient des produits de la criminalité, et en refusant de restituer les espèces saisies après avoir imposé la pénalité réglementaire. En fait, le demandeur cherche à faire annuler la décision contestée [traduction] « au motif [qu’il] a fourni toutes les explications requises pour démontrer la provenance légitime des fonds », et demande à la Cour d’ordonner qu’on lui restitue sans délai les espèces saisies.

 

[9]               Selon la jurisprudence, la décision contestée est susceptible de contrôle selon la norme de la décision raisonnable. La Cour d’appel fédérale a déjà statué que la nature du pouvoir discrétionnaire que le ministre est appelé à exercer en vertu de l’article 29 consiste à déterminer s’il y a lieu de soustraire le demandeur, à l’égard de qui il vient de confirmer la contravention à l’article 12, aux conséquences de cette contravention. Le ministre doit exercer son pouvoir discrétionnaire en respectant le cadre de la Loi et les objectifs que le législateur cherchait à atteindre par cette loi. Ce cadre autorise diverses modalités d’exercice du pouvoir discrétionnaire et, dans la mesure où le ministre a exercé son pouvoir discrétionnaire de façon raisonnable, les tribunaux refuseront d’intervenir. Voir Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, au paragraphe 53, 297 DLR (4th) 651 [Sellathurai].

 

[10]           Après avoir entendu les parties, j’ai conclu que la confirmation par le ministre de la mesure d’exécution prise par l’ASFC, confirmation qui est permise par l’article 29 de la Loi, constitue une issue raisonnable au regard des faits et du droit. Par conséquent, la Cour ne devrait ni intervenir, ni ordonner au ministre de restituer les espèces saisies au demandeur. La décision du ministre de confirmer la saisie est transparente et raisonnable. Les motifs doivent être lus dans leur ensemble, sans en faire une analyse microscopique.

 

[11]           Il n’y a pas eu contestation sérieuse des motifs qui ont éveillé les soupçons et qui ont conduit à la mesure d’exécution. Dans la décision attaquée, le ministre a donné les raisons de la saisie initiale des espèces en tant que produits de la criminalité :

         le demandeur n’a pas déclaré les espèces comme le prescrit l’article 12 de la Loi;

         le demandeur s’apprêtait à passer la frontière avec une importante somme d’argent;

         le demandeur était au courant des exigences en matière de déclaration;

         le demandeur a affirmé qu’il avait à dessein gardé par‑devers lui un montant [traduction] « inférieur à 10 000 $» parce qu’il ne voulait pas qu’on lui prenne tout;

         le demandeur voyageait muni d’une somme qu’il croyait légèrement inférieur au seuil de déclaration, dans une tentative apparente de se soustraire aux exigences en matière de déclaration;

         le demandeur a fait l’objet d’une détection par l’équipe canine;

         le demandeur a voyagé aux États‑Unis, au Pakistan et à Cuba au cours des dernières années;

         le demandeur voyageait seul vers un pays reconnu pour être une source de drogues;

         le demandeur ne savait ni ce qu’il entendait faire au Pérou ni où il comptait demeurer – il n’avait pas de réservation d’hôtel;

         le but du voyage du demandeur était suspect;

         le demandeur avait le nom d’une personne au Pérou qu’il ne connaissait pas écrit sur un bout de papier que quelqu’un lui avait donné à Montréal;

         les revenus d’emploi du demandeur ne concordaient pas avec les fonds qu’il avait sur lui en voyage;

         le demandeur a déclaré des revenus de tout au plus 20 000 $cette année‑là (2010), alors qu’il avait 10 000 $sur lui;

         le demandeur réside dans un logement à loyer modéré et a une épouse et quatre enfants dont il assure la subsistance;

         les frais de subsistance du demandeur ne cadrent pas avec ses revenus et l’argent liquide qu’il portait sur lui en voyage;

         le demandeur a déclaré qu’il envisageait d’acheter des photocopieurs pour l’entreprise d’un ami;

         le demandeur ne travaille pas pour cette entreprise;

         le demandeur a prétendu être propriétaire de sa propre entreprise, mais il a été incapable d’en donner le nom;

         le demandeur a prétendu être payé en espèces et en chèques pour l’achat et la vente de fruits et légumes;

         le demandeur ne savait pas avec certitude le montant des revenus qu’il avait déclarés l’année précédente;

         le demandeur a prétendu avoir conservé une partie de l’argent en dollars canadiens à la maison et en avoir converti une portion à la fois en devises américaines;

         le demandeur a prétendu que l’argent qui se trouvait dans son portefeuille (3 000 $US) provenait d’un retrait de son compte bancaire et qu’il en avait retiré 1 500 $CAN de plus, qu’il avait échangés par la suite dans le compte d’un ami contre l’équivalent en devises américaines;

         le retrait bancaire de 4 500 $effectué la veille par le demandeur ne semblait pas correspondre à l’apparente situation financière du passager;

         l’estampille « GME » était apposée au dos des billets de banque qui constituaient la somme de 3 000 $US saisie dans le portefeuille du demandeur;

         le fait que le demandeur voyageait avec une telle quantité d’argent liquide alors qu’il recourt manifestement aux services de banques et qu’il avait en sa possession des cartes bancaires et des cartes de crédit;

         le fait que, pour régler les opérations commerciales éventuelles d’un ami, le demandeur n’utilisait pas le compte d’une entreprise, mais plutôt son propre argent comptant;

         le fait que le demandeur ne semblait pas contrarié et n’a pas réagi outre mesure lorsqu’on l’a informé de la saisie de son argent.

 

[12]           Lors de l’audience tenue devant la Cour, l’avocat du demandeur a laissé entendre que certaines déclarations confuses ou contradictoires dont les agents de l’ASFC font état dans leurs rapports narratifs (rédigés les 15 et 16 octobre 2010) peuvent s’expliquer par le fait que le demandeur avait de la difficulté à s’exprimer en anglais. Toutefois, le demandeur ne mentionne pas une telle difficulté dans son affidavit daté du 18 juin 2012, et il est expressément indiqué dans l’un des rapports narratifs préparés le 15 octobre 2010 par l’agent de l’ASFC qu’il [traduction] « n’y avait pas de barrière linguistique ».

 

[13]           Quoi qu’il en soit, dans le cadre du processus de révision, l’arbitre a demandé au demandeur si les espèces saisies provenaient d’une source légitime et a pris note de toute l’information donnée par le demandeur. Il y a eu de nombreux échanges de lettres qu’il n’est pas nécessaire d’examiner en détail aux fins de la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[14]           Encore une fois, le demandeur a soutenu qu’il n’avait pas déclaré les espèces saisies parce qu’il croyait que le montant était inférieur au seuil de 10 000 $CAN, d’après le taux de change de la Banque TD Canada Trust. Le demandeur a aussi expliqué que les espèces saisies provenaient d’une source légitime et a présenté des éléments de preuve qui visaient à prouver au ministre que l’argent provenait d’un prêt obtenu auprès d’un ami, Farid Mian Masroor.

 

[15]           Fait surprenant, le demandeur n’a pas parlé de ce prêt lorsque les espèces ont été saisies. Il a par la suite expliqué ceci dans une lettre datée du 25 octobre 2010 : [traduction] « Tout provenait de mon compte et les dollars américains proviennent de son compte [sic]. » Plus tard, le demandeur a mentionné un prêt de 13 000 $US. Apparemment, il aurait conservé les fonds américains chez lui et utilisé sa marge de crédit pour rembourser son ami en devises canadiennes. En fait, le 30 septembre 2010, le demandeur a ouvert un compte bancaire en dollars américains et y a déposé 5 020 $US. Le 14 octobre 2010, soit la veille de son départ prévu pour le Pérou, le demandeur a retiré 3 000 $US de son compte bancaire américain.

 

[16]           Le ministre a considéré la totalité de la preuve, y compris les nouveaux éléments de preuve présentés par le demandeur ainsi que ses explications sur la provenance des espèces saisies. Dans la décision contestée, le délégué du ministre indique en particulier que la preuve fournie par le demandeur n’est pas concluante :

[traduction]

Vous avez prétendu que, le 15 septembre 2010, vous aviez emprunté 13 000 $US à votre ami car vous ne vouliez pas payer des frais bancaires pour obtenir de l’argent américain. Vous avez ensuite prétendu avoir remboursé peu après à cet ami un montant total de 15 000 $CAN (13 000 $CAN en remboursement du prêt initial et 2 000 $CAN à titre de prêt de votre part à cet ami) en utilisant vos marges de crédit. Vous avez expliqué ensuite que, le 30 septembre 2010, vous avez ouvert un compte bancaire en devises américaines et que vous y avez déposé 5 020 $US. Puis, vous avez retiré 3 000 $US de ce compte bancaire en devises américaines la veille de la date de l’infraction. Pour appuyer vos dires, vous avez produit des relevés bancaires (de vous et de votre ami), des dossiers d’impôt sur le revenu, des relevés de cartes de crédit, une preuve d’entreprise pour votre ami et un affidavit de cet ami – dont l’Agence avait préalablement accusé réception.

 

Pourtant, la preuve fournie n’établit pas l’origine légitime des espèces. Elle n’établit pas que la totalité du montant des espèces saisies provient du prêt de 13 000 $US que vous a consenti votre ami. Bien qu’un affidavit de cet ami ait été produit en attestation de ce prêt, vous avez été incapable de démontrer que le retrait de 13 000 $US du compte bancaire d’entreprise de votre ami le 15 septembre 2010 vous était destiné. Les documents fournis provenant des dossiers bancaires de l’entreprise de votre ami ne prouvent pas que vous étiez le bénéficiaire des 13 000 $US puisque le montant a été retiré en espèces. De plus, ces relevés bancaires n’indiquent pas où votre ami a obtenu les 13 000 $US avant le retrait de ces fonds le 15 septembre 2010.

 

De plus, la documentation que vous avez fournie laisse supposer que vous avez utilisé le crédit auquel vous aviez accès pour rembourser votre ami pour le prêt en argent américain qu’il vous avait consenti. De telles actions contredisent votre raison d’emprunter à votre ami au départ, puisque vous auriez eu à payer des intérêts ou d’autres frais bancaires connexes lors du remboursement d’un prêt sur marge de crédit. Votre capacité de rembourser votre ami d’une manière si immédiate suscite des interrogations sur les raisons qui vous ont fait demander un prêt à cette personne alors que le crédit utilisé pour le remboursement aurait pu servir à obtenir de l’argent américain.

 

Le fait que vous avez ouvert un compte bancaire en devises américaines le 30 septembre 2010 semble étayer votre argument voulant que vous ayez été le bénéficiaire d’un prêt de 13 000 $US de votre ami le 15 septembre 2010. Toutefois, vu votre dépôt subséquent de seulement 5 020 $US dans ce même compte bancaire, on pourrait se demander si ces dollars américains proviennent du montant que vous avait prêté votre ami. De telles actions laissent aussi supposer que le reste des fonds saisis a été maintenu à l’extérieur de toute forme d’institution bancaire pendant un certain temps, jusqu’à sa saisie par l’ASFC. Par conséquent, il y a un vide documentaire concernant ce qui s’est produit entre la prétendue provenance des espèces et celle des fonds saisis.

 

[17]           Pour arriver à la conclusion que la présente demande doit être rejetée, j’ai dûment examiné les arguments formulés par le demandeur pour contester la décision en cause, et je ne les trouve pas convaincants. Dans les circonstances de l’espèce, je ne crois pas que le ministre ait imposé un fardeau de preuve impossible au demandeur.

 

[18]           Pour ce qui est de la qualité de la preuve dont disposait le ministre, la Cour d’appel fédérale a clairement indiqué dans l’arrêt Sellathurai, au paragraphe 51, qu’il « n’est ni nécessaire ni utile de tenter de définir à l’avance la nature et le type de preuve que le demandeur doit soumettre au ministre ». En outre, il est indiqué ce qui suit au paragraphe 50 :

La question à trancher n’est pas celle de savoir si le ministre peut démontrer qu’il existe des motifs raisonnables de soupçonner que les fonds saisis sont des produits de la criminalité, mais uniquement celle de savoir si le demandeur est en mesure de convaincre le ministre d’exercer son pouvoir discrétionnaire pour annuler la confiscation en lui démontrant que les fonds saisis ne sont pas des produits de la criminalité. Sans exclure la possibilité de convaincre par d’autres moyens le ministre à cet égard, la démarche qui s’impose consiste à démontrer la légitimité de la provenance des fonds.

 

[19]           En l’espèce, le fait est que les opérations bancaires parallèles dans les jours précédant le départ ne correspondent pas à la totalité des sommes supposément reçues par le demandeur et remboursées au prêteur. Qui plus est, j’estime que les erreurs factuelles, si tant est qu’il y en ait, faites par les agents de l’ASFC, l’arbitre ou le ministre, ne sont pas déterminantes et n’influent pas sur le résultat général. La restitution de l’argent saisi, lequel appartient légalement à la Couronne, est discrétionnaire. Les inférences qui ont été faites et les conclusions qui ont été tirées par le ministre découlent d’une interprétation raisonnable de l’objet de la Loi et de ses dispositions.

 

[20]           À l’audience tenue devant la Cour, l’avocat du demandeur a proposé que le ministre retourne au moins une partie des espèces saisies.

 

[21]           À mon sens, le fait que l’arbitre semble accepter que le retrait de 3 000 $US du compte bancaire du demandeur la veille de son départ aurait « une provenance légitime » ne lie pas le ministre. Dans son analyse de la légalité de la décision contestée, la Cour doit examiner les motifs présentés par le délégué du ministre. La question était de savoir si le demandeur s’était déchargé de son fardeau d’établir, par une preuve fiable et crédible, la provenance légitime de la totalité du montant saisi (ce que l’arbitre comprenait parfaitement).

 

[22]           Dans Admasu c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CF 451, aux paragraphes 12 et 13, 215 ACWS (3d) 107, la Cour a indiqué que bien que l’alinéa 29(1)b) de la Loi prévoie la possibilité de restituer en partie une pénalité, l’alinéa 29(1)a) de la Loi ne prévoit pas la restitution d’une partie des espèces saisies. Pour résumer, mon collègue le juge Rennie écrit au paragraphe 13 : « La décision du ministre se veut, par conséquent, une décision sans nuance. Il n’existe pas de restitution partielle des espèces confisquées. Le caractère raisonnable de la décision doit être apprécié à l’égard de cette limite prévue dans la loi. »

 

[23]           En conclusion, le demandeur était dûment informé des préoccupations du ministre. Le ministre a consciencieusement examiné la preuve et les explications fournies par le demandeur, lesquelles n’étaient pas concluantes. Compte tenu des circonstances particulières de l’affaire, il était loisible au ministre de conclure que [traduction] « les soupçons quant à la provenance légitime des fonds saisis demeurent ». Par conséquent, il n’était pas déraisonnable de sa part de décider qu’il [traduction] « ne pouvait exercer son pouvoir discrétionnaire à l’égard de la confiscation des espèces et, [qu’]à ce titre, elles resteront confisquées ».

 

[24]           Pour ces motifs, la présente demande sera rejetée avec dépens en faveur du défendeur.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

« Luc Martineau »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑652‑12

 

INTITULÉ :                                                  ZAFAR IQBAL MOHAMMAD c
MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 5 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 11 février 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Mathieu Corbo

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Maguy Hachem

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Shadley Battista S.E.N.C.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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