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Date : 20130305

Dossier : IMM-4015-12

Référence : 2013 CF 219

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 5 mars 2013

En présence de monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

 

RUTH MORENAKANG MMONO

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          INTRODUCTION

[1]               La demanderesse, une citoyenne du Botswana, a demandé l’asile au motif qu’elle craint son conjoint de fait. Sa demande a été rejetée par un commissaire [le commissaire] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [la Commission]. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision de la Commission.


II.        LES FAITS

[2]               La demande de la demanderesse est fondée sur le fait qu’elle a continuellement subi les violences de son conjoint de fait, y compris de la violence verbale, des menaces, des voies de fait et une agression sexuelle. Elle a déposé cinq rapports de police, mais aucune mesure n’a été prise.

 

[3]               Lorsque la demanderesse est arrivée au Canada, elle a prétendu ne connaître personne ici. Toutefois, dans son agenda, il y avait un numéro de téléphone et une adresse qui appartenait à son cousin en Nouvelle‑Écosse où elle était censée rester.

 

[4]               Les résultats de l’examen médical réglementaire requis ont démontré qu’elle était séropositive. Elle croit avoir contracté le VIH de son conjoint de fait.

 

[5]               Le commissaire a rejeté la demande de la demanderesse sur le fondement de sa crédibilité. Aucune preuve documentaire ou photographique ne démontrait son union de fait. Son récit comportait des divergences quant au fait qu’elle s’est présentée au poste de police pour déposer une plainte. Rien ne démontrait qu’elle a déposé une quelconque plainte à la police. Son récit comportait des contradictions quant à savoir si elle avait demandé de l’aide médicale relativement à son agression sexuelle.

 

[6]               Le commissaire a également trouvé des incohérences et des déclarations intéressées dans une lettre concernant les rapports à la police. L’explication que la demanderesse a donnée relativement à l’adresse et au numéro de téléphone de la Nouvelle‑Écosse était absurde. Finalement, le commissaire n’a pas été en mesure de trouver un lien causal entre sa condition séropositive et les faits de l’espèce.

 

[7]               Le commissaire a conclu qu’au vu de l’absence de preuve documentaire et des contradictions dans sa preuve, la demanderesse n’a pas établi une preuve de persécution objective.

 

[8]               La demanderesse prétend qu’il y a huit questions en litige en l’espèce, mais en réalité, il y en a deux :

a)         La décision était‑elle raisonnable?

b)         Le commissaire a‑t‑il omis d’examiner tous les motifs possibles d’une demande d’asile?

 

III.       ANALYSE

[9]               La norme de contrôle à appliquer pour la première question est celle de la raisonnabilité (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190), et celle de la décision correcte dans le cas de la deuxième question (Saha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 304, 176 ACWS (3d) 499).

 

[10]           Rien n’indique que les directives no 4 de la CISR, Revendicatrices du statut de réfugié craignant d’être persécutées en raison de leur sexe : Directives données par la présidente en application du paragraphe 65(3) de la Loi sur l’immigration, date d’entrée en vigueur : 13 novembre 1996 [les directives concernant la persécution fondée sur le sexe] ont été mal appliquées. Le vrai problème avec les directives est l’affirmation de la demanderesse portant que les directives concernant la persécution fondée sur le sexe ne s’appliquent pas à moins que les éléments matériels de l’affaire soient établis. Les directives concernant la persécution fondée sur le sexe s’appliquent tout au long de la procédure (N (F) c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 182 FTR 294, [2000] ACF no 738 (C.F., 1re instance).

 

[11]           Un certain nombre de conclusions sont défavorables quant à la crédibilité. Bien que certaines conclusions soient discutables, lorsqu’on les examine dans leur ensemble, on remarque que la Cour n’est pas justifiée d’intervenir.

 

[12]           La demanderesse a fait valoir que le commissaire n’a pas examiné tous les motifs d’une demande d’asile même si elle ne les a pas soulevés. Il s’agit là de la portée de l’arrêt Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, 103 DLR (4th) 1.

 

[13]           La Commission n’est pas tenue d’établir la preuve d’un demandeur ou d’examiner un motif qu’il n’a pas soulevé.

 

[14]           Toutefois, la Cour d’appel a obligé la Commission à examiner un motif qui ressort clairement de la preuve.

Comme notre Cour l’a exprimé récemment dans l’arrêt Louis c. M.E.I., l’on ne saurait reprocher à la Section du statut de ne pas s’être prononcée sur un motif qui n’avait pas été allégué et qui ne ressortait pas de façon perceptible de l’ensemble de la preuve faite. Accepter le contraire conduirait à un véritable jeu de cache-cache et de devinette et forcerait la Section du statut à se livrer à des enquêtes interminables pour éliminer des motifs qui ne s’appliquent pas de toute façon, que personne ne soulève et que la preuve ne fait ressortir en aucune manière, le tout sans compter les appels vains et inutiles qui ne manqueraient pas de s’ensuivre.

 

 

Guajardo-Espinoza c Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (C.A.F.), 161 NR 132, 1993 CarswellNat 306, par. 5

 

[15]           La demanderesse a soulevé la question de sa séropositivité. La Commission a estimé que sa condition ne fournissait pas un lien causal relativement à son récit d’abus, de voies de fait et d’agression sexuelle. La Commission n’a pas examiné, au vu de la preuve partagée quant à la capacité de l’État à prendre soin des patients séropositifs, comment la demanderesse serait touchée par le fait qu’elle est séropositive au Botswana.

 

IV.       CONCLUSION

[16]           Par conséquent, le présent contrôle judiciaire sera accueilli sur ce point précis et l’affaire sera renvoyée au même commissaire (si possible) pour qu’il examine de nouveau cet aspect du dossier de la demanderesse dans le contexte global de sa preuve.

Dans l’éventualité où ce nouvel examen ne peut être effectué par le commissaire, la demanderesse aura droit à une nouvelle décision.

 

[17]           Il n’y a aucune question à certifier.

 

 


JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie en partie, que la décision soit suspendue et que l’affaire soit examinée de nouveau par le commissaire conformément aux présents motifs ou, comme l’indiquent les motifs, que la décision soit annulée et que l’affaire soit renvoyée à un autre commissaire pour nouvel examen.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Mylène Boudreau, B.A. en trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4015-12

 

INTITULÉ :                                      RUTH MORENAKANG MMONO

 

                                                            et

 

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 15 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 5 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Armita Bahador

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Lucan Gregory

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

SOCIÉTÉ D’AVOCATS DE ROGER ROWE

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

M. WILLIAM F. PENTNEY

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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