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Date : 20130312

Dossier : IMM-2599-12

Référence : 2013 CF 224

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

KINGSLEY IDUGBOE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               M. Kingsley Idugboe (M. Idugboe) travaillait comme ingénieur dans la région du delta du Niger, au Nigeria. Un groupe militant, les Egbesu Boys, extorquait des redevances de 30 % auprès des personnes et des sociétés exploitant des entreprises dans la région. Un autre groupe, le Mouvement pour l’émancipation du delta du Niger (le MEND), formulait des demandes similaires. M. Idugboe avait communiqué avec la police, qui lui avait dit qu’elle ne pouvait rien faire.

 

[2]               En 2010, les Egbesu Boys étaient partis à la recherche de M. Idugboe, car ce dernier avait omis de payer. Le demandeur s’était enfui à Benin City, et ensuite à Jos, où il avait communiqué avec la police, qui lui avait une fois de plus dit qu’elle ne pouvait pas l’aider. Quelques hommes étaient venus à la recherche de M. Idugboe à Jos, de sorte qu’il était enfui à Lagos, et, de là, au Canada, où il a présenté une demande d’asile.  

 

[3]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile de M. Idugboe, et ce, même si elle croyait, dans une large mesure, son récit des incidents. La Commission a conclu que M. Idugboe n’avait pas été persécuté en lien avec l’un des motifs reconnus par la Convention sur les réfugiés. Il avait plutôt été victime d’un acte criminel. Quoi qu’il en soit, la Commission a aussi conclu que M. Idugboe pouvait vivre en sécurité et trouver un emploi à Lagos; par conséquent, il disposait d’une possibilité de refuge intérieur (PRI) au Nigéria.

 

[4]               M. Idugboe affirme que la Commission a commis une erreur lorsqu’elle a conclu qu’il avait été victime de la criminalité généralisée. De plus, il prétend qu’il n’a pas été traité de manière équitable, parce que la Commission lui a permis de présenter des observations uniquement quant à la question de la PRI, mais qu’elle s’est toutefois fondée sur des motifs plus larges pour rendre sa décision. De plus, M. Idugboe laisse entendre que la Commission a conclu de manière déraisonnable qu’il disposait d’une PRI à Lagos. Il me demande d’annuler la décision de la Commission et d’ordonner que sa demande d’asile soit réexaminée par un tribunal différemment constitué.

 

[5]               Je suis convaincu que la conclusion de la Commission quant à l’existence d’une PRI n’était pas déraisonnable. Il y avait très peu d’éléments de preuve démontrant que M. Idugboe serait exposé à un risque à Lagos, et le demandeur a admis qu’il pourrait facilement trouver un emploi dans cette ville. Par conséquent, il n’est pas nécessaire que j’examine les autres questions soulevées par M. Idugboe.

 

II.        La décision de la Commission

[6]               La Commission a accepté l’affirmation de M. Idugboe, portant que les Egbesu Boys l’avaient menacé. Cependant, sa crainte des Egbesu Boys, une organisation criminelle, n’était pas liée à un motif prévu dans la Convention, soit la race, la religion, la nationalité, l’appartenance à un groupe social ou les opinions politiques. Par conséquent, la demande d’asile présentée au titre de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) (les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe) n’était pas fondée. Dans le même ordre d’idées, M. Idugboe était exposé à un risque généralisé de mauvais traitements, et non à un risque personnalisé; par conséquent, il ne pouvait se voir accorder l’asile au titre de l’article 97 de la Loi.

 

[7]               La Commission a aussi conclu que M. Idugboe disposait d’une PRI à Lagos, parce qu’elle n’était saisie d’aucun élément de preuve portant que les Egbesu Boys y exerçaient leurs activités et parce que, à titre d’ingénieur, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le demandeur puisse s’établir à cet endroit.

 

III.       La conclusion de la Commission quant à l’existence d’une PRI était-elle déraisonnable?

 

[8]               M. Idugboe prétend que les Egbesu Boys ont la capacité de trouver n’importe qui partout au Nigeria, et ce, même si le groupe exerce ses activités principales dans le delta du Niger.

 

[9]               Il incombait à M. Idugboe d’établir qu’il était exposé à un risque important de subir de mauvais traitements aux mains des Egbesu Boys à Lagos. La preuve dont disposait la Commission n’appuyait pas cette proposition.

 

[10]           La preuve documentaire démontrait que les Egbesu Boys, ainsi que le MEND, limitaient leurs activités à la région du delta du Niger et que le MEND était responsable d’un attentat à la bombe isolé à Abuja. De plus, en raison d’une amnistie décrétée par le gouvernement, le degré de violence des Egbesu Boys a diminué au cours des dernières années. En dernier lieu, M. Idugboe avait passé un mois à Lagos avant de venir au Canada, et il n’y avait pas éprouvé de difficultés. M. Idugboe admet qu’il pourrait trouver un emploi à Lagos.

 

[11]           Je conviens, comme le prétend M. Idugboe, qu’il craint véritablement les Egbesu Boys et que ces derniers pourraient, en théorie, le trouver à Lagos, s’ils le voulaient. Cela n’est toutefois pas suffisant. M. Idugboe devait démontrer qu’il serait réellement exposé à un risque à Lagos. Sa demande d’asile est fondée sur des conjectures, et non sur la preuve.

 

[12]           Par conséquent, je ne peux conclure que la conclusion de la Commission, selon laquelle M. Idugboe disposait d’une PRI à Lagos, était déraisonnable.

 

IV.       Conclusion et dispositif

 

[13]           La Commission disposait de très peu d’éléments de preuve qui donnaient à penser que les Egbesu Boys représenteraient un risque pour le demandeur à Lagos. M. Idugboe a admis qu’il pourrait trouver un emploi dans cette ville. Par conséquent, la conclusion de la Commission selon laquelle M. Idugboe disposait d’une PRI à Lagos appartenait aux issues pouvant se justifier au regard des faits et du droit. Elle n’était pas déraisonnable. Par conséquent, je dois rejeter la présente demande de contrôle judiciaire. Aucune des deux parties n’a proposé que soit certifiée une question de portée générale et aucune ne sera énoncée.

[13]


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.         Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

                                                                                                            « James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


Annexe A

 

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

Définition de « réfugié »

 

  96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

Personne à protéger

 

  97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

 

Personne à protéger

 

  (2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

Convention refugee

 

  96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

 

  97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

 

 

 

Person in need of protection

 

  (2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

 

 


 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2599-12

 

INTITULÉ :                                      KINGSLEY IDUGBOE

                                                            c

                                                            MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 22 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 12 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Tubie

 

POUR LE DEMANDEUR

Laoura Christodoulides

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Tubie

Avocat

Vaughan (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

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