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Date : 20130312

Dossier : IMM-4073-12

Référence : 2013 CF 230

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 mars 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

QING QIANG YUAN

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               M. Qing Qiang Yuan avait demandé la résidence permanente au Canada en invoquant son expérience en tant que chef en Chine. Cependant, un agent des visas à Beijing a conclu que M. Yuan avait fait une fausse déclaration au sujet de son expérience en restauration et qu’il était, par conséquent, interdit de territoire au Canada selon l’alinéa 40(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) (voir l’annexe).

 

[2]               M. Yuan prétend que l’agent l’a traité de manière inéquitable en rejetant sommairement la preuve qu’il a fournie à l’appui de sa demande. Cela a ensuite amené l’agent à tirer une conclusion déraisonnable qui était incompatible avec la preuve. Il me demande d’annuler la décision de l’agent et d’ordonner qu’un autre agent réexamine sa demande.

 

[3]               Je conviens que la décision de l’agent devrait être annulée. Bien que l’on ait donné à M. Yuan une possibilité raisonnable de répondre aux préoccupations de l’agent, la façon dont l’agent a traité la preuve fournie par M. Yuan était déraisonnable. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               La seule question en litige est de savoir si l’agent a conclu de manière déraisonnable que M. Yuan avait fait une fausse déclaration au sujet de ses antécédents professionnels.

 

II.        La décision de l’agent

[5]               M. Yuan avait déclaré dans sa demande qu’il était chef au restaurant de l’hôtel Globelink à Guangzhou. L’agent a tenté de vérifier cette information. Des agents des visas ont visité le restaurant et ils ont découvert que celui‑ci était fermé. Ils ont visité un autre restaurant situé dans l’hôtel, et on leur a dit que M. Yuan n’y avait pas mangé depuis longtemps et qu’il n’était pas dans la cuisine.

 

[6]               Les agents ont appelé M. Yuan, qui leur a déclaré qu’il avait quitté le restaurant Globelink en juin 2010, lors de la fermeture du restaurant. Il était allé travailler à un restaurant appelé Shi Yin Shi Shi, où il était apprenti dans la section barbecue. Il a initialement déclaré qu’il n’était pas payé, mais il a ensuite admis qu’il touchait un salaire mensuel de 1000 RMB.

 

[7]               Les agents ont visité le restaurant Shi Yin Shi Shi. Trois des employés de ce restaurant ne connaissaient pas M. Yuan, mais un quatrième, le gérant de la section barbecue, a déclaré que M. Yuan y travaillait, mais qu’il était absent parce qu’un membre de sa famille le visitait ou parce qu’il devait régler une affaire personnelle à Beijing. Les agents n’ont pas trouvé de preuve documentaire indiquant que M. Yuan travaillait à ce restaurant; son nom ne figurait pas sur le tableau de service.

 

[8]               Compte tenu de ces circonstances, l’agent des visas chargé de l’examen de la demande de M. Yuan lui a envoyé une lettre dans laquelle il faisait état de la préoccupation selon laquelle il avait fait une fausse déclaration au sujet de son expérience en tant que chef.

 

[9]               M. Yuan a répondu à la lettre de l’agent. Il a expliqué qu’il avait omis de tenir sa demande à jour. Le restaurant Globelink avait fermé en 2010, et le restaurant que les agents avaient visité à l’hôtel était, dans les faits, une cantine des employés. D’autre part, son nom ne figurait pas sur le tableau de service des employés au Shi Yin Shi Shi, car il était considéré comme un employé temporaire. De plus, les employés auxquels les agents avaient parlé travaillaient dans la partie où était effectuée la coupe des aliments pour le barbecue, tandis que M. Yuan travaillait dans la partie réservée à la cuisson, laquelle était située à un autre étage. Il s’agit de la raison pour laquelle ces employés‑là ne le connaissaient pas.

 

[10]           M. Yuan a aussi fourni un certain nombre de documents à l’appui de sa version des faits, y compris un certificat d’emploi et une entente de cessation d’emploi qui provenaient du restaurant Globelink, son certificat de compétence comme cuisinier, un certificat d’emploi du restaurant Shi Yin Shi Shi, des bordereaux de paie, des formulaires de présence, des renseignements d’assurance sociale, des témoignages de son superviseur et de deux de ses collègues ainsi que des photos de lui dans son milieu de travail.

 

[11]           L’agent a conclu que ces éléments de preuve ne dissipaient pas les préoccupations concernant la véracité des déclarations de M. Yuan au sujet de ses antécédents professionnels. L’agent jugeait que les explications de M. Yuan étaient intéressées et qu’elles n’étaient pas crédibles. Par exemple, au cours de la visite sur les lieux, ses collègues au restaurant Shi Yin Shi Shi n’avaient pas mentionné que certains employés de la section barbecue travaillaient à un autre étage, ni exprimé d’incertitude concernant leur capacité de confirmer si M. Yuan travaillait au restaurant. L’agent a conclu que l’explication de M. Yuan, selon laquelle il était un travailleur temporaire au moment de la visite (mais qu’il était devenu un employé permanent peu après), était elle aussi intéressée.

 

[12]           L’agent a aussi conclu que la preuve documentaire fournie par M. Yuan n’était pas fiable. L’agent a relevé qu’il est facile d’obtenir de faux documents en Chine. Il était impossible d’effectuer une vérification du contenu des documents en communiquant avec leurs auteurs, puisque M. Yuan les avait probablement alertés du fait que des fonctionnaires canadiens pourraient communiquer avec eux. Dans le même ordre d’idées, les références de M. Yuan ne pouvaient être considérées comme fiables, puisqu’elles étaient postérieures à la date à laquelle les préoccupations de l’agent avaient été portées à l’attention de M. Yuan.

 

[13]           Par conséquent, l’agent a recommandé que la demande de résidence permanente de M. Yuan soit rejetée pour fausse déclaration. Le superviseur de l’agent a adopté la recommandation de l’agent et il a informé M. Yuan de ce résultat par voie de lettre.

 

III.       L’agent a-t-il traité la preuve de manière déraisonnable?

[14]           L’agent a donné à M. Yuan une possibilité raisonnable de répondre aux préoccupations concernant ses antécédents professionnels. Cependant, il a traité la réponse de M. Yuan de manière déraisonnable.

 

[15]           Bien que les visites sur les lieux aient produit certains éléments de preuve contradictoires, elles ont aussi permis de recueillir des éléments de preuve indépendants qui confirmaient que M. Yuan avait déjà travaillé au restaurant Globelink et qu’il travaillait au restaurant Shi Yin Shi Shi à ce moment‑là. Je suis d’avis que l’agent avait l’obligation de tenir compte de la preuve corroborante, y compris des explications de M. Yuan concernant ses antécédents professionnels et de la preuve documentaire qui confirmait son dossier d’emploi. Ces documents comprenaient des dossiers gouvernementaux et ils auraient pu dissiper toutes les préoccupations de l’agent. Le refus de l’agent d’en tenir compte ou de confirmer leur contenu était fondé sur l’hypothèse selon laquelle M. Yuan avait obtenu de faux documents en orchestrant, dans un court délai, une fraude complexe impliquant des collègues de travail, des superviseurs, des employeurs, du personnel de ressources humaines et des fonctionnaires du gouvernement.

 

[16]           Je suis d’avis que l’agent n’a pas traité ces éléments de preuve de manière raisonnable. Il s’ensuit que sa conclusion selon laquelle M. Yuan avait fait de fausses déclarations au sujet de ses antécédents professionnels dans sa demande était elle aussi déraisonnable.

 

IV.       Conclusion et décision

[17]           Les préoccupations concernant les antécédents professionnels de M. Yuan étaient justifiées. On lui a donné une possibilité raisonnable de répondre à ces préoccupations, ce qu’il a fait au moyen de nombreux éléments de preuve à l’appui de sa demande. Le fait de rejeter cette preuve de manière sommaire en se fondant sur l’hypothèse qu’elle était vraisemblablement frauduleuse était déraisonnable, tout comme l’était la conclusion ultime selon laquelle M. Yuan avait fait de fausses déclarations au sujet de ses antécédents professionnels. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner que la demande de M. Yuan soit réexaminée par un autre agent. Ni l’une ni l’autre des parties n’a demandé la certification d’une question de portée générale, et aucune question ne sera énoncée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1.                                          La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour nouvel examen;

2.                                          Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


Annexe

Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27

 

Fausses déclarations

 

  40. (1) Emportent interdiction de territoire pour fausses déclarations les faits suivants :

 

a) directement ou indirectement, faire une présentation erronée sur un fait important quant à un objet pertinent, ou une réticence sur ce fait, ce qui entraîne ou risque d’entraîner une erreur dans l’application de la présente loi;

 

Immigration and Refugee Protection Act, SC 2001, c 27

 

Misrepresentation

 

  40. (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible for misrepresentation

 

(a) for directly or indirectly misrepresenting or withholding material facts relating to a relevant matter that induces or could induce an error in the administration of this Act;

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4073-12

 

INTITULÉ :                                      QING QIANG YUAN

                                                            c

                                                            MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 12 mars 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Korman

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Teresa Ramnarine

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Otis & Korman

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

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