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Date : 20130322

Dossier : IMM-3925-12

Référence : 2013 CF 296

[Traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 22 mars 2013

En présence de madame la juge Gagné

 

 

ENTRE :

 

GEZA MOLNAR

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi],visant à faire contrôler judiciairement une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié [le tribunal], datée du 28 mars 2012, dans laquelle le tribunal a rejeté la demande d’asile du demandeur à titre de réfugié au sens de la Convention ou de personne à protéger au sens des paragraphes 96 et 97 de la Loi, au motif que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État.

 

Faits

[2]               Le demandeur, son épouse et son enfant mineur sont des ressortissants de la Hongrie. Ils craignent la persécution en Hongrie en raison de leur origine rom. Ils sont venus au Canada en novembre 2009 et ont immédiatement demandé l’asile. Pendant l’audience devant le tribunal, la demande d’asile du demandeur a été disjointe de celle de sa famille parce que l’épouse du demandeur était hospitalisée à la suite de complications liées à sa grossesse et qu’elle ne pouvait pas assister à l’audience. La décision visée par le contrôle ne concerne que le demandeur.

 

[3]               À l’appui de sa demande d’asile, le demandeur a allégué qu’il avait été attaqué par des skinheads un jour où il marchait dans la rue avec son épouse. Les skinheads ont battu le demandeur et pris son chien. Le demandeur a affirmé qu’il avait porté plainte auprès de la police, mais que celle‑ci lui avait dit qu’elle ne pouvait rien faire parce que les agresseurs avaient disparu. Aux questions posées par le tribunal au sujet de cet incident, le demandeur a répondu à l’audience que, lors de sa visite au poste de police, aucun formulaire de plainte ou rapport officiel de l’incident n’avait été rempli et, à sa connaissance, la police n’avait donné aucune suite ni mené enquête. Il a déclaré que la police hongroise refuse systématiquement d’intervenir à l’égard des plaintes provenant des membres de la communauté rom, sauf si les victimes la paient.

 

[4]               Le demandeur a aussi affirmé que la police hongroise permettait à la garde hongroise de défiler contre les Roms. Il a précisé que sa famille avait été menacée par la garde hongroise ou par des skinheads plusieurs fois. Il n’a jamais rapporté les incidents à la police.

 

[5]               Le demandeur a allégué qu’il a déjà été agressé par d’autres étudiants à l’école et que les autorités scolaires refusaient toujours d’intervenir. Il a aussi déclaré que, quand il était jeune homme, il a déjà été agressé par deux hommes chauves.

 

Décision visée par le contrôle

[6]               Le tribunal a implicitement conclu que le demandeur était crédible en ce qui concerne les attaques subies, mais a affirmé que la question déterminante en l’espèce était celle de savoir si la crainte subjective du demandeur était objectivement raisonnable. Par conséquent, le tribunal a concentré son analyse sur la question de savoir si l’État hongrois pouvait offrir une protection  adéquate, si le demandeur s’était réclamé de cette protection et si le demandeur avait fourni une preuve claire et convaincante de l’incapacité de l’État de lui offrir une protection adéquate.

 

[7]               Après avoir évalué la preuve documentaire concernant la protection de l’État offerte aux Roms, le tribunal a conclu qu’une protection adéquate était disponible pour le demandeur, affirmant que « le gouvernement de la Hongrie a pris plusieurs mesures légales et institutionnelles pour améliorer la situation de la minorité rom » et que, selon l’Institut pour une société libre (OSI), [traduction] « la Hongrie possède l’un des systèmes de protection des minorités les plus complets de la région ».

 

[8]               Le tribunal a mené un examen approfondi des éléments de preuve contenus dans le Cartable national de documentation [le CND] sur la Hongrie, daté du 20 avril 2011. Il a examiné attentivement la preuve documentaire concernant un certain nombre d’institutions qui ont été créées au sein de l’appareil étatique pour assurer l’intégration des Roms et apporter de l’aide aux Roms victimes de discrimination, dont le Service d’intégration des Roms du ministère des Affaires sociales et du Travail, le Conseil pour l’intégration des Roms, le Comité interministériel des affaires roms et le commissaire parlementaire aux droits des minorités nationales et ethniques (ombudsman des minorités), qui reçoit les plaintes sur les violations des droits nationaux ou ethniques et mène enquête à ce sujet. Les éléments de preuve documentaire indiquaient également que des organisations indépendantes, dont l’Autorité pour l’égalité de traitement (ETA) et la Commission indépendante d’examen des plaintes concernant les policiers, ont été mises sur pied par le gouvernement hongrois et chargées de recevoir les plaintes de discrimination contre les organismes publics, comme la police, ou dans les domaines comme l’éducation, l’emploi ou l’accès aux services sociaux, et de mener enquête à ce sujet. Le tribunal a également examiné un large éventail de mécanismes de recours dans les cas d’inconduite policière ou de discrimination en général, comme il est indiqué au point 7.2 : États-Unis (É.‑U.). 4 mai 2009. Conseil consultatif de sécurité outre‑mer (OSAC). « Hungary: 2009 Crime and Safety Report ».

 

[9]               Disons simplement que les autorités et les organisations mentionnées dans les motifs du tribunal n’ont pas toutes quelque chose à voir avec les allégations du demandeur et le fondement de sa demande d’asile. L’organisation la plus pertinente en l’espèce pourrait être la Commission indépendante d’examen des plaintes concernant les policiers, qui est un organisme indépendant chargé d’examiner les plaintes portant sur les interventions policières contrevenant aux droits fondamentaux, sur la corruption policière ou sur l’inaction face aux actes criminels (point 10.2 : Réponse à la demande d’information HUN103566.EF. 22 septembre 2010).

 

[10]           Le tribunal a reconnu que la documentation renferme de l’information selon laquelle les Roms sont victimes de discrimination en Hongrie. Bien que les motifs ne contiennent pas d’analyse ou de renvoi concernant cette information contradictoire trouvée dans le CND, le tribunal a indiqué qu’ « il y a des éléments de preuve convaincants selon lesquels la Hongrie reconnaît ce problème avec franchise et déploie de sérieux efforts pour éradiquer la discrimination et corriger les problèmes qui existent » et qu’« [à] la lumière des éléments de preuve documentaire, […] dans l’ensemble, l’État hongrois s’occupe des problèmes de corruption et voit à pallier les lacunes ».

 

[11]           Plus loin dans ses motifs, le tribunal a reconnu que la documentation contient de l’information concernant des cas rapportés d’actes de violence contre des membres de la communauté rom commis par des extrémistes, y compris la garde hongroise et les skinheads. Le tribunal a aussi reconnu que la preuve fait état de cas de non-intervention policière dans des situations d’urgence, d’interventions inefficaces et de défaut de mener enquête. Le tribunal a aussi signalé, sans plus d’analyse ou de renvoi à la source, qu’il y a des éléments de preuve d’une augmentation des discours haineux prononcés contre la communauté rom par des membres de groupes extrémistes et des politiciens.

 

[12]           De plus, le tribunal a conclu que le demandeur n’avait pas déployé d’efforts diligents ni entrepris toutes les démarches raisonnables pour obtenir la protection des autorités policières en Hongrie. Le tribunal a donc conclu qu’il n’avait pas reçu suffisamment d’éléments de preuve fiables, probants et pertinents pour établir, selon la prépondérance des probabilités, que les autorités hongroises ne pourraient pas raisonnablement offrir au demandeur une protection adéquate s’il était exposé à des menaces de violence ou des actes de violence en Hongrie, en raison de son origine ethnique.

 

[13]           Le tribunal a conclu qu’il n’avait pas de preuve convaincante pour établir un mode de conduite systématique parmi les autorités policières et gouvernementales hongroises attestant d’une absence de protection de l’État pour les victimes roms de violence ethnique. Il a conclu que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État et, par conséquent, ne s’était pas acquitté du fardeau d’établir qu’il avait qualité de réfugié au sens de la Convention ou celle de personne à protéger suivant les articles 96 et 97 de la Loi.

 

Question en litige et norme de contrôle

[14]           La seule question en litige dans la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si le tribunal a commis une erreur en rejetant la demande d’asile du demandeur en fonction de l’existence d’une protection de l’État adéquate.

 

[15]           Dans ses observations écrites, le demandeur conteste l’analyse par le tribunal de ce qui constitue la protection de l’État, ce qui relève de l’interprétation par le tribunal des éléments de preuve. Même si aucune des parties n’a abordé la question de la norme de contrôle qui s’applique dans ses observations écrites, ces éléments soulèvent des questions mixtes de fait et de droit qui sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable (Lozada c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 397, au paragraphe 17, [2008] ACF no 492; Carillo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 94, au paragraphe 36, [2008] ACF no 399 [Carillo]; Hinzman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CAF 171, au paragraphe 38, [2007] ACF no 584 [Hinzman]). Le caractère raisonnable tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel », et la cour chargée du contrôle doit intervenir si la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, [2008] 1 RCS 190).

 

Analyse

[16]           Les principes applicables à la protection de l’État sont bien établis. Il existe une présomption selon laquelle chaque État démocratique peut protéger ses propres citoyens. Pour cette raison, il incombe au demandeur de réfuter cette présomption et de prouver l’incapacité de l’État de le protéger au moyen d’une preuve claire et convaincante (Canada (Procureur général) c Ward, [1993] 2 RCS 689, au paragraphe 50 [Ward]). Dans Cosgun c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 400, aux paragraphes 45 à 52, [2010] ACF no 458, le juge Crampton a affirmé qu’à la suite de l’arrêt rendu par la Cour d’appel fédérale dans Hinzman, précité, certaines décisions ont caractérisé le critère en fonction de la capacité d’un État d’offrir une protection « efficace » tandis que certaines autres l’ont caractérisé en fonction de la capacité de l’État d’offrir une protection « adéquate ». Après avoir examiné la jurisprudence pertinente, la Cour a conclu que « le droit établit maintenant clairement que le critère approprié pour évaluer la protection de l’État est de savoir si le pays est capable et désireux de fournir une protection adéquate ».

 

[17]           En l’espèce, le demandeur soulève quatre moyens de contrôle, qui se rapportent tous à la conclusion du tribunal selon laquelle la protection de l’État pouvait être assurée au demandeur en Hongrie et que le demandeur n’avait pas « produit une preuve pertinente, digne de foi et convaincante qui démontre au juge des faits, selon la prépondérance des probabilités, que la protection accordée par l’État en question est insuffisante » (Carrillo, précité, au paragraphe 30).

 

[18]           Premièrement, le demandeur soutient que le tribunal a commis une erreur en concluant qu’il aurait accès à une protection de l’État adéquate en omettant de tenir compte comme il se devait, conformément aux principes établis dans Sow c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 646, aux paragraphes 9 à 13, [2011] ACF no 824, de la qualité des institutions assurant la protection, du caractère adéquat de la protection de l’État au niveau opérationnel et du traitement par l’État des personnes qui se sont trouvées dans une situation semblable à celle du demandeur (Zaatreh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 211, au paragraphe 55, [2010] ACF no 247).

 

[19]           Deuxièmement, le demandeur soutient que le tribunal a commis une erreur en assimilant la protection de l’État aux enquêtes par la police et à la poursuite des contrevenants, et en omettant de tenir compte de l’obligation de l’État de prévenir les crimes contre les Roms. Dans Tobar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 798, au paragraphe 27, 174 FTR 80, le juge Rouleau a affirmé que « [l]es états sont effectivement tenus de prévenir les délits liés à la violence à l’égard des femmes, d’enquêter sur ces actes et de les punir ». Par conséquent, le demandeur soutient que l’augmentation dramatique des discours haineux et des manifestations racistes contre les Roms et les actes de violence constants motivés par la haine attestent de l’incapacité de l’État à prévenir la persécution et devraient être vus comme un signe d’une protection inadéquate.

 

[20]           Troisièmement, le demandeur soutient que le tribunal a conclu qu’une protection de l’État adéquate existait selon la prépondérance des éléments de preuve objectifs, mais n’a pas expliqué pourquoi il avait préféré les éléments de preuve sur lesquels il s’était fondé par rapport à ceux indiquant le contraire. Le demandeur soutient que cette conclusion repose simplement sur une évaluation quantitative, qui consiste à comparer la quantité d’éléments de preuve attestant d’une protection adéquate ou inadéquate de l’État, plutôt que sur une évaluation qualitative qui met en lumière les éléments de preuve les plus probants et les plus récents. Pourtant, selon la jurisprudence, le tribunal commet une erreur de droit s’il se fonde sélectivement sur un élément de preuve documentaire sans renvoyer aux éléments militant en faveur de la position du demandeur, même s’il n’est pas tenu de faire référence à toute la preuve documentaire dont il dispose (Orgona c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 346, au paragraphe 31, [2001] ACF no 574 [Orgona]).

[21]           Quatrièmement, le demandeur estime que le tribunal a commis une erreur en n’examinant pas les éléments de preuve selon lesquels les discours et les défilés haineux suscitant des actes de violence contre les Roms avaient augmenté récemment en Hongrie et en omettant de tenir compte de l’incidence de ces éléments de preuve sur la situation particulière du demandeur en ce qui concerne la protection de l’État.

 

[22]           Après avoir examiné attentivement les motifs étoffés fournis à l’appui de la décision visée par le contrôle, je conviens avec le demandeur que le tribunal a commis une erreur dans son évaluation de la preuve documentaire à plus d’un égard. Compte tenu de ces erreurs, je conclus que le caractère raisonnable de sa conclusion voulant que le demandeur n’avait pas réfuté la présomption de protection de l’État selon la prépondérance des probabilités est sérieusement entaché, même si l’on peut trouver raisonnable l’évaluation par le tribunal selon laquelle les efforts déployés par le gouvernement hongrois pour améliorer la situation des Roms sont objectivement assimilables à une protection adéquate (Lakatos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1070, [2012] ACF no 1152).

 

 

[23]           Dans Perez Mendoza c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 119, au paragraphe 33, [2010] ACF no 132, le juge Lemieux a affirmé que, d’après Ward, « [l]a preuve pouvant être présentée pour démontrer que la protection de l’État n’aurait pu raisonnablement être assurée comprend : le témoignage des personnes qui sont dans une situation semblable à celle du demandeur, son propre témoignage au sujet de la protection de l’État et une preuve documentaire ». Le demandeur a produit tous ces éléments pour réfuter la présomption pesant contre lui (rapport d’Amnesty International, Violent Attacks against Roma in Hungary, Time to Investigate Racial Motivation, 2010; rapport de l’ECRI sur la Hongrie, 2009). Cependant, le tribunal a commis une erreur de droit en refusant de procéder à une analyse approfondie des éléments de preuve militant en faveur de la position du demandeur. Même si je devrais présumer que le tribunal a pris en considération tous les éléments de preuve dont il disposait (Hassan c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), [1992] ACF no 946; Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (CAF), [1993] ACF no 598), à la lumière de la décision du juge MacKay dans Orgona, précitée, je trouve insuffisant et déraisonnable que le tribunal ait paraphrasé des éléments de preuve aussi importants sans y faire directement référence et sans inclure une analyse plus personnalisée de ces éléments en fonction de la situation du demandeur. Dans les circonstances, je ne suis pas en mesure d’établir si le tribunal a omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents.

 

[24]           Fournir une analyse propre à l’affaire tout en examinant des éléments de preuve contradictoires s’avère encore plus important lorsque la preuve, si elle est interprétée de manière raisonnable, contredit directement les conclusions du tribunal (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425). Par conséquent, je conviens avec le demandeur que le tribunal a commis une erreur en omettant d’aborder et d’analyser les éléments de preuve relatifs à une récente intensification des discours haineux et des manifestations racistes se soldant par une recrudescence des actes de violence contres les Roms. Ces éléments de preuve récents (rapports d’Amnesty et de l’ECRI) représentaient une partie importante du dossier du demandeur étant donné qu’ils réfutent le caractère adéquat de la protection de l’État dans la situation du demandeur.

 

[25]           Dans Lee c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 782, au paragraphe 12, [2009] ACF no 950, la Cour a affirmé qu’un agent d’ERAR ne pouvait pas laisser de côté des éléments de preuve selon lesquels les cas de violence conjugale en Corée du Sud avaient augmenté considérablement au cours des dernières années étant donné qu’on peut affirmer qu’une telle preuve pourrait indiquer que les mesures prises pour faire échec à la violence conjugale dans ce pays ne donnent pas les résultats voulus.

 

[26]           Il va sans dire que le caractère adéquat au niveau opérationnel de la protection de l’État s’établit dans le meilleur des cas à la lumière des éléments de preuve les plus récents dont dispose le tribunal, plutôt qu’à la lumière de généralités fondées sur des éléments de preuve émanant des autorités étatiques concernant les dispositions législatives et les mesures que le gouvernement a instaurées ou a tenté d’instaurer. Sur ce dernier point, je souscris entièrement aux remarques du juge Russell dans Kemenczei c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1349, aux paragraphes 58 et 59, [2012] ACF no 1457, affaire qui a été tranchée sur la base du même dossier de preuve que celui dont je dispose :

La preuve présentée à la SPR comprenait un rapport établi par l’ECRI en 2008 au sujet de la Hongrie, faisant état d’incidents précis de violence contre les Roms, notamment « des actes de brutalité policière à l’encontre de Roms » et indiquant que les autorités hongroises devaient faire mieux « pour mettre en place un suivi systématique et complet de tous les incidents qui peuvent constituer des violences racistes ... ».

 

Ce rapport indique ainsi de façon évidente que les autorités hongroises ne sont pas au courant de l’étendue de la violence que la population rome subit ou qu’elles ont délibérément choisi de n’effectuer aucun suivi. Ce genre de preuve remet en question la suffisance opérationnelle de tout cadre législatif et procédural mis en place par la Hongrie à l’égard de la violence infligée aux Roms. La SPR a néanmoins omis d’examiner cette question et ne s’est pas attaquée à la question qu’elle devait se poser, à savoir « si l’État, par l’intermédiaire de la police ou d’autres autorités, a la capacité et la volonté d’assurer la mise en application efficace de ces mécanismes », opération que la SPR reconnaît devoir exécuter lorsqu’elle examine la protection offerte par l’État en Hongrie.

 

 

 

[27]           La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à la Section de la protection des réfugiés pour nouvel examen par un autre commissaire. Les parties conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier, et la Cour en convient.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.      La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés pour qu’il procède à un nouvel examen;

2.      Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Jocelyne Gagné »

Juge


 

Traduction certifiée conforme
Line Niquet

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3925-12

 

INTITULÉ :                                      Geza Molnar c MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 24 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge Gagné

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 22 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Maureen Silcoff

 

POUR LE DEMANDEUR

Veronica Cham

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Maureen Silcoff

Toronto (Ontario)

POUR LE DEMANDEUR

Veronica Cham

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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