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Date : 20130327

Dossier : IMM-6134-12

Référence : 2013 CF 314

[Traduction française certifiée, non révisée]

Toronto (Ontario), le 27 mars 2013

En présence de monsieur le juge Mosley

 

 

ENTRE :

 

ZUZANA MINYUOVA, MILAN MINYU, KLAUDIA FOGELOVA ET KAROL MINYU

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les demandeurs sollicitent, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], le contrôle judiciaire d’une décision rejetant leur demande visant à se faire reconnaître le statut de réfugié ou la qualité de personne à protéger.

 

[2]               La demanderesse principale, Zuzana Minyuova, et les membres de sa famille sont des Roms de Slovaquie. La mère de la demanderesse principale était une juive tchèque et, par conséquent, la demanderesse principale prétend avoir subi une double discrimination en grandissant et en vivant dans un village slovaque. Il existe des divergences entre les exposés circonstanciés relatant la discrimination en raison, en partie, de problèmes d’interprétation. L’exposé circonstancié de la demanderesse principale était écrit à la main en slovaque, puis a été traduit et dactylographié en tchèque pour être ensuite retraduit en anglais. Pour corriger le dossier, l’époux de la demanderesse principale a fourni ultérieurement un exposé circonstancié. Le document original en slovaque a été égaré. Les demandes d’asile des autres membres de la famille reposaient sur la demande d’asile de la demanderesse principale.

 

[3]               La conclusion déterminante du commissaire tenait au fait que les demandeurs n’avaient pas établi selon une prépondérance des probabilités qu’ils ne pourraient pas obtenir la protection de l’État en Slovaquie. Les questions relatives à la protection de l’État sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision raisonnable : Horvath c Canada (MCI), 2013 CF 95, aux paragraphes 29 à 32.

 

[4]               Le critère pour évaluer la protection de l’État est celui du caractère adéquat, et non pas celui de l’efficacité. Lorsque l’État visé, comme en l’espèce, est une démocratie qui fonctionne avec un appareil de protection étatique officiel et des forces de sécurité opérationnelles, il existe une forte présomption selon laquelle l’État est en mesure de protéger ses citoyens : Carillo c Canada (MCI), 2008 CAF 94, aux paragraphes 32 et 36.

 

[5]               Les demandeurs soutiennent que le commissaire a commis une erreur en omettant d’évaluer la qualité des efforts de l’État et en ne tenant pas compte d’éléments de preuve documentaire objectifs. Il ne suffit pas, soutiennent‑ils, que le pays déploie des efforts sérieux pour faire échec à la criminalité et à la corruption et pour combler les lacunes dans ses lois et ses procédures. Les demandeurs affirment que la protection ne serait pas offerte quand ils en auraient besoin et qu’il serait déraisonnable pour eux de demander la protection de l’État slovaque compte tenu de ce qu’ils ont vécu.

 

[6]               Chaque cas doit être tranché selon les faits qui lui sont propres, tels qu’ils sont établis par la preuve. Il ne s’agit pas d’une affaire comme Cervenakova c Canada (MCI), 2012 CF 525, où la Commission avait omis d’apprécier comme il se devait les éléments de preuve documentaire, où son analyse était vague et où la conclusion relative au caractère adéquat ne se justifiait pas.

 

[7]               En l’espèce, la Commission a mené une analyse prospective, a pris en considération les éléments de preuve contraires relatifs aux conditions au pays dont elle disposait et était manifestement consciente des lacunes dans la protection offerte aux Roms en Slovaquie. Il lui était loisible de conclure que la protection était adéquate en fonction des éléments de preuve. Il est bien établi en droit que la Commission n’est pas tenue de se référer à chacun des éléments de preuve dans sa décision. Rien n’indique qu’elle ait négligé des éléments de preuve contraires à ses conclusions. Son analyse était approfondie et bien étayée.

 

[8]               La Commission a clairement énoncé et appliqué le critère de la « preuve claire et convaincante » relatif à la protection de l’État. Il incombait aux demandeurs de satisfaire au critère selon la prépondérance des probabilités. Ils ne l’ont pas fait. Le fait qu’ils aient quitté le pays en quête d’une protection auxiliaire quelques jours seulement après le dernier incident rapporté à la police et avant que celle‑ci puisse mener une enquête adéquate à ce sujet n’a pas aidé leur cause. Il n’est pas possible de prétendre que la protection de l’État est inadéquate si le gouvernement n’a pas eu la possibilité d’intervenir : Castro c Canada (MCI), 2006 CF 332, aux paragraphes 19 et 20. De plus, un demandeur d’asile ne peut pas réfuter la présomption de protection de l’État en affirmant simplement une réticence subjective à solliciter l’aide de l’État : Molnar c Canada (MCI), 2012 CF 530, au paragraphe 92.

 

[9]               Le commissaire a tiré un certain nombre de conclusions défavorables relatives à la crédibilité découlant des divergences entre l’exposé circonstancié et le témoignage des demandeurs à l’audience. L’existence de contradictions dans la preuve constitue un fondement bien établi pour conclure à un manque de crédibilité, et l’appréciation, l’interprétation et l’évaluation de la preuve relèvent de la Commission.

 

[10]           En l’espèce, le commissaire a énoncé clairement ses motifs concernant la conclusion défavorable sur la crédibilité, et il existait des raisons valides pour douter de la véracité du témoignage. La présomption de véracité n’entre pas en ligne de compte ici, étant donné qu’il existait des motifs pour mettre en doute la preuve produite par les demandeurs : Goshi c Canada (MCI), [2000] ACF no 735 (QL) (1re inst.), au paragraphe 14. Quoi qu’il en soit, la Commission a examiné les allégations de persécution malgré ses réserves et a conclu que la réaction de l’État avait été adéquate.

 

[11]           La police est intervenue à la suite d’un incident survenu à l’extérieur d’une école en 1992 et d’un autre lorsqu’un objet avait été lancé dans une fenêtre. Les médias ont décrit un incident avec une arme à feu comme un affrontement entre des mères d’adolescents, où la police était aussi intervenue. La police a affirmé qu’elle mènerait enquête à l’égard de l’incident survenu en novembre 2009 à l’arrêt d’autobus, mais la demanderesse et sa famille ont quitté le pays avant que l’enquête commence.

 

[12]           Le commissaire a également conclu que plusieurs des incidents relatés par les demandeurs ne correspondaient pas à de la persécution. La discrimination cumulative peut équivaloir à de la persécution dans certains cas, mais la Cour ne devrait pas modifier la conclusion de la Commission relative à la preuve sauf si la conclusion semble déraisonnable : Sagharichi c Canada (MEI) (1993), 182 NR 398 (CAF), au paragraphe 3. Rien ne justifie en l’espèce une telle conclusion.

 

[13]           Par conséquent, j’estime que la Commission a tiré une conclusion qui est transparente, justifiable et intelligible et qui appartient aux issues acceptables eu égard à la preuve dont elle disposait et au droit applicable : Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339, au paragraphe 46.

 

[14]           Aucune question n’a été proposée pour certification.

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande est rejetée. Aucune question n’est certifiée.

 

« Richard G. Mosley »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme
Line Niquet

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6134-12

 

INTITULÉ :                                      ZUZANA MINYUOVA, MILAN MINYU, KLAUDIA FOGELOVA ET KAROL MINYU c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 26 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Mosley

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 27 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Marc Charrier

POUR LES DEMANDEURS

 

Eleanor Elstub

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Marc Charrier

Avocat

Hamilton (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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