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Date : 20130327

Dossier : IMM-3135-12

Référence : 2013 CF 318

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 mars 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

ANOUSHEH ABBAS-NEJAD

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               La Section d’appel de l’immigration (la SAI) a conclu que M. Abdollah Abbas‑Nejad, un citoyen de l’Iran, était interdit de territoire au Canada pour motifs sanitaires en raison de ses problèmes cardiaques. La SAI a confirmé la décision d’un agent des visas de rejeter sa demande de résidence permanente. La décision de l’agent reposait sur l’avis d’un médecin agréé selon lequel M. Abbas-Nejad risquait d’entraîner un fardeau excessif pour les services de santé au Canada. La SAI a conclu que l’agent s’était raisonnablement fondé sur l’avis médical, et a donc rejeté l’appel. M. Abbas-Nejad et son épouse, Mme Fatemeh Jafarian, étaient parrainés par la fille de M. Abbas‑Nejad, Mme Anousheh Abbas‑Nejad.

 

[2]               Mme Abbas‑Nejad a obtenu l’autorisation de demander le contrôle judiciaire de la décision de la SAI, mais, malheureusement, son père est décédé avant l’audience.

 

[3]               Le ministre soutient que la demande de contrôle judiciaire est maintenant théorique. L’avocat de Mme Abbas‑Nejad fait valoir que certaines questions soumises à la Cour ne sont pas théoriques, ou que je devrais exercer mon pouvoir discrétionnaire et trancher certaines questions malgré leur caractère théorique.

 

[4]               Je suis convaincu que la plupart des questions soulevées dans la présente demande de contrôle judiciaire sont théoriques. L’exception a trait à l’analyse des circonstances d’ordre humanitaires (CH) liées à la demande de l’épouse de M. Abbas‑Nejad. Je vais donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire uniquement en ce qui concerne cette question.

 

[5]               Les questions en litige sont les suivantes :

 

            1.         La présente demande de contrôle judiciaire est-elle théorique?

            2.         Dans l’affirmative, devrais‑je exercer mon pouvoir discrétionnaire et trancher une partie ou l’ensemble des questions malgré leur caractère théorique?

 

II.        Décision de la SAI

 

[6]               L’audience devant la SAI a eu lieu au mois d’août 2011. M. Abbas‑Nejad a témoigné par téléphone et sa fille a comparu en personne. Le ministre a produit des observations écrites, mais n’est pas comparu à l’audience.

 

[7]               La SAI, dans sa décision écrite, a fait état de l’entente qu’elle a conclue avec le ministre. Suivant cette entente, le ministre ne participera pas à une audience devant la SAI lorsque les seules questions soulevées ont trait à des circonstances d’ordre humanitaire. Cependant, le ministre sera invité à soumettre des observations écrites additionnelles si une nouvelle question est soulevée à l’audience ou si la validité juridique de la décision relative à l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires est soulevée. Comme Mme Abbas‑Nejad a soulevé des questions relatives à la validité juridique de la décision sous‑jacente suivant laquelle M. Abbas‑Nejad était interdit de territoire pour motifs sanitaires, la SAI a invité le ministre à présenter des observations additionnelles. Le ministre a produit six pages d’arguments et 58 pages de preuve documentaire.

 

[8]               La SAI a invité Mme Abbas‑Nejad à répondre aux observations additionnelles du ministre, et elle l’a fait.

 

[9]               La SAI a conclu que M. Abbas‑Nejad était interdit de territoire au Canada pour motifs sanitaires en raison de sa coronaropathie.

 

III.       Question un – La présente demande de contrôle judiciaire est‑elle théorique?

 

[10]           M. Abbas‑Nejad est décédé à la fin de décembre 2012. Le ministre soutient que la présente demande de contrôle judiciaire est donc théorique.

 

[11]           La question de savoir si M. Abbas‑Nejad est interdit de territoire au Canada pour motifs sanitaires est clairement théorique. Et rien ne donne à penser que je devrais examiner cette question malgré son caractère théorique.

 

[12]           Mme Abbas-Nejad prétend toutefois que je devrais répondre aux questions suivantes, malgré le caractère théorique de la question principale dont je suis saisi :

            •           L’entente conclue entre la SAI et le ministre porte‑t‑elle atteinte aux principes de justice fondamentale ou soulève‑t‑elle une crainte raisonnable de partialité?

 

            •           Lorsque l’opinion d’un spécialiste ayant examiné le demandeur de résidence permanente ne concorde pas avec l’opinion d’un médecin agréé de l’Immigration, ce dernier devrait‑il s’en remettre à l’opinion du premier?

 

[13]           À mon avis, les deux questions sont théoriques. La première soulève une question de justice naturelle relative au processus suivi par la SAI pour rendre sa décision quant à l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires. La deuxième soulève la question du caractère raisonnable du traitement de la preuve par la SAI. Étant donné que la question de l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires de M. Abbas-Nejad est en soi théorique, les questions ayant trait au processus décisionnel suivi par la SAI et à son analyse de la preuve dont elle était saisie le sont également.

[14]           Une des questions soumises à la SAI n’est toutefois pas théorique. Il s’agit de savoir si des facteurs CH appuient la demande de résidence permanente de Mme Jafarian. La SAI a mis l’accent sur la question de l’interdiction de territoire pour motifs sanitaires et sur les circonstances d’ordre humanitaire relatives à la demande de M. Abbas-Nejad. Elle ne s’est toutefois pas expressément penchée sur la demande de Mme Jafarian. Cette partie de la tâche de la SAI prend une importance particulière dans les circonstances de l’espèce. À mon avis, vu que la SAI n’a pas examiné cette demande, sa conclusion défavorable ne peut être considérée raisonnable.

 

IV.       Question deux – Devrais‑je exercer mon pouvoir discrétionnaire et trancher une partie ou l’ensemble des questions malgré leur caractère théorique?

[15]           Mme Abbas‑Nejad soutient que je devrais statuer sur les questions d’équité et de raisonnabilité décrites précédemment, même si elles sont, à strictement parler, théoriques. Pour déterminer si elle peut se prononcer sur des questions théoriques, la Cour doit se demander s’il y a toujours un débat contradictoire entre les parties, s’il vaut la peine de consacrer des ressources judiciaires limitées à la résolution de ces questions, et si elle excéderait sa compétence juridictionnelle et empiéterait sur le rôle du législateur en se prononçant sur ces questions (Borowski c Canada (Procureur général), [1989] 1 RCS 342).

[16]           Ces facteurs donnent à penser que je devrais refuser de me prononcer sur les questions théoriques. À cette étape‑ci, Mme Abbas‑Nejad n’a plus d’intérêt dans l’issue de la procédure (autre qu’au sens strict comme nous l’avons vu précédemment). La question de savoir si la SAI a agi équitablement ou déraisonnablement en ce qui concerne la demande du père de Mme Abbas‑Nejad n’aura aucun effet sur cette demande. Par ailleurs, les questions soulevées sont importantes et il faudrait un temps et des efforts considérables pour y répondre. En particulier, la question relative à l’équité est, à ce que je sache, une question nouvelle, et y répondre obligerait à la Cour à créer un précédent. Il serait préférable à mon avis d’examiner cette question dans le cadre d’un litige actuel, lorsque la conduite de la SAI pourrait avoir un effet réel sur l’issue de l’affaire. Enfin, décider des questions soulevées en l’espèce équivaudrait pour la Cour à rendre des jugements déclaratoires sur des questions de droit dans l’abstrait. À mon avis, la Cour devrait hésiter à le faire, à moins que les questions soulevées exigent une réponse visant à guider la résolution d’autres litiges. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Les questions soulevées pourraient fort bien être soulevées dans d’autres affaires, et c’est d’ailleurs là qu’elles devraient être tranchées, et non pas par un jugement déclaratoire quant au droit applicable rendu dans le contexte d’une affaire théorique.

[17]           En conséquence, je ne me prononcerai pas sur les questions soulevées par Mme Abbas‑Nejad.

V.        Conclusion et dispositif

 

[18]           Pour l’essentiel, la présente affaire est théorique, et les circonstances ne justifient pas que la Cour statue sur les questions soulevées. Cependant, la SAI ne s’est jamais demandé si la situation de Mme Jafarian justifiait la prise de mesures CH; je vais donc renvoyer la présente affaire à la SAI pour qu’elle examine cette question. Aucune des parties n’a proposé de question de portée générale à certifier et aucune n’est énoncée.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie.

2.                  L’affaire est renvoyée à la SAI pour qu’elle examine les facteurs d’ordre humanitaire liés à la demande de résidence permanente de Mme Fatemeh Jafarian.

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

J. Boulanger

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3135-12

 

INTITULÉ :                                      ANOUSHEH ABBAS-NEJAD

                                                            c

                                                            MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 23 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge O’Reilly

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 27 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yehuda Levinson

 

POUR LE DEMANDEUR

Negar Hashemi

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Levinson & Associates

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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