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Date : 20130321

Dossier : T-1030-12

Référence : 2013 CF 294

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 21 mars 2013

En présence de monsieur le juge Manson

 

ENTRE :

 

DINO PELES

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

      MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire déposée afin de contester la décision du directeur général de la Sûreté aérienne (le directeur), prise au nom du ministère des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités (Transports Canada), de révoquer l’habilitation de sécurité en matière de transport (l’HST) du demandeur, ce qui empêche ce dernier de continuer à travailler à l’Aéroport international Lester B. Pearson.

 

I.          Le contexte

[2]               Pour l’emploi qu’il exerce à l’Aéroport international Lester B. Pearson, le demandeur s’est vu accorder une habilitation de sécurité aux aéroports, en 2006. Cette habilitation a été renouvelée en 2011. Chaque habilitation de sécurité est valide pour cinq ans.

 

[3]               Le 22 novembre 2011, après le renouvellement de l’HST du demandeur, Transports Canada a envoyé une lettre au demandeur pour l’informer que l’Organisme consultatif d’examen d’habilitation de sécurité en matière de transport (l’Organisme consultatif) allait examiner son dossier d’habilitation, car des renseignements préoccupants qui lui avaient été communiqués et soulevaient des doutes sur son admissibilité à détenir une HST. Le 6 juin 2009, des agents du service de police de la région de Peel avaient trouvé sur le demandeur, qui était assis sur le siège passager d’un véhicule, 2 500 $ en espèces dans deux sacs de plastique transparent et 471 grammes de marijuana, dont la valeur de revente était d’environ 4 710 $. Par la suite, le demandeur a été accusé de possession d’une substance désignée en vue d’en faire le trafic.

 

[4]               Transports Canada avait aussi été informée d’un incident survenu le 19 février 2010. Des agents du service de police de la région de Peel avaient alors aperçu le demandeur sortir de son véhicule, aller s’asseoir sur le siège passager d’un autre véhicule, discuter avec le conducteur de cet autre véhicule puis produire un sac de plastique transparent qui semblait contenir de la marijuana. Lorsque les policiers ont fouillé le demandeur, ils ont découvert deux téléphones cellulaires et environ 14 grammes de marijuana. Le demandeur a ensuite été accusé de possession d’une substance désignée en vue d’en faire le trafic. Dans la lettre de Transports Canada, on notait que cette accusation avait été retirée le 10 mars 2011.

 

[5]               Dans sa lettre, Transports Canada invitait le demandeur à lui fournir des renseignements supplémentaires pour éclaircir les circonstances sur lesquelles portait l’information décrite dans la lettre et à lui fournir toute information pertinente ou explication, y compris au sujet de facteurs atténuants.

 

[6]               Le 12 janvier 2012, l’avocat du demandeur a envoyé une lettre d’une page à Transports Canada, dans laquelle il expliquait que les accusations déposées contre son client en juin 2009 avaient été retirées par la Couronne le 7 octobre 2011. Pour ce qui est des accusations relatives à l’incident du 19 février 2010, l’avocat du demandeur a affirmé que son client avait conclu une entente de déjudiciarisation et que les accusations avaient été retirées. L’avocat du demandeur a joint à sa lettre des copies de documents judiciaires relatifs aux accusations et il a déclaré que son client n’avait aucun casier judiciaire.

 

[7]               Le 27 avril 2012, le directeur a écrit au demandeur pour l’informer que le ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités (le ministre) avait révoqué son HST, et ce, sur le fondement des renseignements décrits dans la lettre du 22 novembre 2011 susmentionnée, de la lettre et des documents fournis par l’avocat du demandeur, de la recommandation de l’Organisme consultatif de révoquer l’HST et de la politique du programme des HST. Le directeur croyait également que, selon la prépondérance des probabilités, le demandeur « est sujet ou peut être incité à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile ou à aider ou inciter toute autre personne à commettre un tel acte ».

 

II.        Les questions en litige

[8]               La demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

A.    Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale dans le processus qui a conduit à la décision contestée?

B.     L’Organisme consultatif a-t-il commis une erreur en concluant qu’il fallait révoquer l’habilitation de sécurité du demandeur?

 

III.       Les normes de contrôle applicables

[9]               La norme de contrôle applicable à la question de savoir si le droit à l’équité procédurale du demandeur a été violé est celle de la décision correcte (voir Clue c Canada (Procureur général), 2011 CF 323, au paragraphe 14 (Clue), et Rivet c Canada (Procureur général), 2007 CF 1775, au paragraphe 16).

 

[10]           La décision administrative de révoquer une habilitation de sécurité aux aéroports est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (voir Fradette c Canada (Procureur général), 2010 CF 884, au paragraphe 17, et Clue, précitée, au paragraphe 14).

 

IV.       Analyse

[11]           À titre d’objection préliminaire, le défendeur soutient que l’affidavit fait par le demandeur le 23 août 2012 – après la décision du ministre de révoquer l’HST du demandeur – est irrecevable, car il n’avait pas été fourni au ministre avant la décision (voir Ordre des architectes de l’Ontario c Assn of Architectural Technologists of Ontario, 2002 CAF 218, au paragraphe 30, autorisation d’appel refusée, [2002] CSCA 316).

 

[12]           Bien que des éléments de preuve supplémentaires puissent être recevables dans certaines circonstances, je suis d’accord avec le défendeur que tel n’est pas le cas en l’espèce. La preuve du demandeur, déposée tardivement, ne portait pas sur des questions d’équité procédurale ou de compétence, le ministre y avait accès avant de prendre sa décision, mais il ne s’est pas fondé sur cette preuve, et ce, sans explication.

 

[13]           Je conclus que l’affidavit du demandeur est irrecevable.

 

A.        Y a-t-il eu manquement à l’équité procédurale dans le processus qui a conduit à la décision contestée?

[14]           Le demandeur soutient qu’il avait été incapable de fournir des preuves de moralité [traduction] « plus tôt » pour que le ministre puisse s’en servir dans son examen.

 

[15]           Dans le processus qui a conduit à la décision contestée, le droit du demandeur à l’équité procédurale exigeait (1) qu’il sache ce qui lui était reproché et (2) qu’on lui accorde une véritable occasion de présenter des observations (voir DiMartino c Canada (Ministre des Transports), 2005 CF 635, au paragraphe 36, et Pouliot c Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités), 2012 CF 347, au paragraphe 11).

 

[16]           En l’espèce, Transports Canada avait informé le demandeur des renseignements que l’Organisme consultatif prendrait en compte et le demandeur a eu l’occasion de présenter des observations, ce que son avocat a fait en son nom le 12 janvier 2012 (voir Russo c Canada (Ministre des Transports, de l’Infrastructure et des Collectivités), 2011 CF 764, aux paragraphes 56 à 63).

 

[17]           Il n’y a eu aucun manquement à l’équité procédurale en l’espèce.

 

B.        L’Organisme consultatif a-t-il commis une erreur en concluant qu’il fallait révoquer l’habilitation de sécurité du demandeur?

[18]           Le demandeur soutient que la décision du ministre est déraisonnable parce que les accusations qui avaient été déposées relativement aux incidents du 5 juin 2009 et du 19 février 2010 ont toutes été retirées.

 

[19]           Le demandeur affirme en outre que son travail est irréprochable, que sa formation correspond en tous points aux emplois liés aux aéroports et que le maintien de la révocation de son HST aurait des conséquences négatives sur sa qualité de vie et sur celle de sa mère, qui est dépend du soutien financier du demandeur.

 

[20]           Toutefois, bien que la révocation de l’HST du demandeur l’empêche de travailler dans certaines zones de l’aéroport, il peut travailler dans les zones non réglementées ou à l’extérieur de l’aéroport.

 

[21]           Pour que les allégations en cause soient pertinentes dans le processus décisionnel qui a mené l’Organisme consultatif à révoquer l’HST du demandeur, il n’est pas nécessaire que le demandeur ait été déclaré coupable à l’égard des accusations sous-jacentes. L’analyse présentée par le juge Robert Barnes au paragraphe 20 de Clue, précitée, est pertinente :

La prétention de M. Clue selon laquelle le directeur ne pouvait pas invoquer les allégations portées contre lui parce qu’elles n’avaient pas été prouvées dans une instance criminelle est sans fondement. La décision de ne pas poursuivre M. Clue pour l’incident concernant l’arme de poing est justifiée au dossier par une preuve insuffisante qui ne répondait pas à la norme de preuve applicable en matière criminelle. Aux fins de la révocation d’une HST [habilitation de sécurité en matière de transport], la norme de preuve est beaucoup moins exigeante et ne requiert qu’un motif raisonnable de croire, selon la balance des probabilités, qu’une personne est sujette ou peut être incitée à commettre un acte d’intervention illicite pour l’aviation civile (ou aider toute autre personne à commettre un tel acte). Cette disposition comporte une appréciation de la réputation d’une personne ou de ses penchants (« sujette ou peut être incitée à ») et n’exige aucune preuve de la perpétration d’un acte d’intervention illicite : voir Fontaine, précitée, aux par. 78, 81 et 83. Ce que le directeur est tenu de faire est d’examiner le comportement d’une personne pour déterminer, selon la prépondérance des probabilités, s’il est raisonnable de croire que celle‑ci peut commettre à l’avenir un acte d’intervention illicite touchant à la sécurité aéronautique. […]

 

[Non souligné dans l’original.]

 

[22]           En l’espèce, le demandeur n’a pris aucune mesure pour contester les faits qui sous-tendaient les accusations qui avaient été déposées contre lui – accusations liées à la possession de quantités importantes de drogue et d’argent comptant –, et ce, même si l’Organisme consultatif lui avait donné l’occasion de le faire. L’avocat du demandeur soutient que le ministre aurait dû communiquer avec le procureur de la Couronne en question pour savoir pourquoi les accusations déposées contre le demandeur avaient été retirées. Cela me porte à me demander pourquoi le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve à Transports Canada pour expliquer le retrait des accusations si ces éléments étaient convaincants. Par conséquent, la décision de l’Organisme consultatif est raisonnable.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.         La demande du contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

 

 

« Michael D. Manson »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Leclerc-Sirois, LL.B, M.A.Trad.Jur.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-1030-12

 

INTITULÉ :                                      Dino Peles c Le procureur général du Canada

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 19 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            Le juge Manson

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 21 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

A.J. Bikerton

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Jacqueline Wilson

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Dino Peles

Toronto (Ontario)

 

SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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