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Date : 20130408

Dossier : IMM‑4585‑12

Référence : 2013 CF 349

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 8 avril 2013

En présence de madame la juge Gleason

 

 

ENTRE :

 

JULIUS FRANCIS PINTO

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur est citoyen de l’Inde et des Émirats arabes unis. Il a demandé la résidence permanente au Canada dans le cadre du programme des travailleurs qualifiés (fédéral) affirmant qu’il répondait aux critères de la catégorie des directeurs financiers/directrices financières – Classification nationale des professions [CNP] 0111, surtout en raison de son emploi auprès de la Banque HSBC à Dubaï à titre de directeur, services bancaires aux entreprises. Il a fourni à l’appui de sa demande une description détaillée du poste ainsi que trois lettres de recommandation.

 

[2]               Dans une décision datée du 27 mars 2012, une agente d’immigration du Haut‑commissariat du Canada à Londres a rejeté la demande de résidence permanente présentée par le demandeur. La décision de l’agente est extrêmement brève.  Au regard des motifs, elle ne fait que mentionner que [traduction] « les fonctions principales [énumérées par le demandeur] n’indiquent pas que [le demandeur] a accompli les tâches décrites dans l’énoncé principal concernant l’emploi en question, conformément aux descriptions des professions figurant dans la CNP ou qu’il a exercé toutes les fonctions essentielles ainsi qu’une partie appréciable des fonctions principales énumérées dans les descriptions des professions figurant dans la CNP ». L’agente n’était [traduction] « donc pas convaincue que [le demandeur occupait un poste] relevant de la CNP‑0111 – Directeurs financiers/directrices financières ».

 

[3]               Les notes du STIDI préparées par l’agente au moment de la décision (lesquelles, selon la jurisprudence, font partie de sa décision) révèlent un raisonnement semblable. Les notes indiquent que l’agente a rejeté la demande parce que les [traduction] « fonctions énumérées dans la lettre d’emploi ne correspondent pas aux fonctions énumérées dans la CNP‑0111, et [que] la lettre [d’emploi] qui établit le contexte des fonctions [...] ne correspond pas à l’énoncé principal ni aux fonctions de la CNP ».

 

[4]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur invoque trois arguments principaux à l’appui de sa prétention selon laquelle la décision de l’agente doit être annulée : premièrement, il soutient que les motifs ne sauraient justifier la décision de l’agente, argument qui est fondé à la fois sur l’équité procédurale et sur le caractère raisonnable; deuxièmement, il dit que la conclusion tirée était déraisonnable lorsqu’on compare la CNP à la description d’emploi; et troisièmement, il affirme qu’au titre de l’équité procédurale il avait le droit à une entrevue pour qu’il puisse répondre aux réserves de l’agente.

 

[5]               En plus de ces arguments de fond, le demandeur soutient que l’affidavit de l’agente vise d’une manière inacceptable à renforcer sa décision et qu’il n’est donc pas admissible. Or, le demandeur a contre‑interrogé l’agente sur son affidavit et fait valoir en outre que plusieurs de ses affirmations révèlent par ailleurs le caractère déraisonnable de ses conclusions.

 

[6]               Comme il ressort de ce qui précède, la présente affaire soulève les questions suivantes :

1.                  L’affidavit de l’agente devrait‑il être radié?

2.                  Le contre‑interrogatoire de l’agente est‑il inadmissible?

3.                  L’insuffisance des motifs de la Commission justifie‑t‑elle l’intervention?

4.                  La conclusion de la Commission est‑elle déraisonnable compte tenu de la description d’emploi et de la description pertinente figurant dans le code de la CNP?

5.                  L’agente des visas a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité procédurale?

 

[7]               Pour les motifs exposés ci‑dessous, je conclus que les passages de l’affidavit de l’agente qui fournissent d’autres motifs pour sa décision sont inadmissibles et que les réponses données par celle‑ci en contre‑interrogatoire qui fournissent d’autres motifs pour sa décision sont également inadmissibles. Je conclus néanmoins que la présente demande doit être rejetée puisque, dans les circonstances, les motifs donnés étaient suffisants, que les conclusions étaient raisonnables et que l’agente n’avait pas à procéder à une entrevue avec le demandeur ni à lui donner l’occasion de fournir des renseignements supplémentaires ou des explications avant de rejeter sa demande. Je reviendrai sur chacun de ces points plus loin.

 

L’admissibilité de l’affidavit et du contre‑interrogatoire de l’agente

[8]               Tout d’abord, pour ce qui est de l’admissibilité de l’affidavit de l’agente, la jurisprudence établit que les agents des visas peuvent déposer des affidavits dans le cadre des demandes visant le contrôle judiciaire de leurs décisions dans la mesure où lesdits affidavits donnent simplement le contexte ou contiennent des faits pertinents quant aux allégations de violation de l’équité procédurale ou de partialité. Par contre, les affidavits qui visent à renforcer la décision en fournissant de nouveaux motifs ou des motifs détaillés ne sont pas admissibles (Sellathurai c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2008 CAF 255, au par. 45‑47; Kalra, au par. 15, et Qin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 147, au par. 17‑18 [Qin]).

 

[9]               En l’espèce, l’affidavit de l’agente donne, dans son ensemble, des précisions sur les motifs de la décision. Les paragraphes 5 et 8‑13 de l’affidavit comprennent d’autres explications et motifs de la décision. Ces paragraphes ne sont donc pas admissibles puisqu’ils cherchent à renforcer la décision. Ils seront par conséquent radiés. De plus, je n’ai pas tenu compte de ces paragraphes pour rendre la présente décision.

 

[10]           En ce qui concerne la transcription du contre‑interrogatoire de l’agente, le défendeur soutient que le demandeur ne peut pas, d’une part, demander la radiation de passages de l’affidavit puisque ceux‑ci visent d’une manière inacceptable à renforcer la décision, et, d’autre part, entendre s’appuyer sur des questions et réponses qui décrivent davantage les motifs de cette décision. Par contre, l’avocate du demandeur indique qu’elle a mené le contre‑interrogatoire de l’agente sous réserve de son objection quant à l’admissibilité de l’affidavit et fait valoir que ses questions ne visaient pas à déceler d’autres motifs, mais plutôt à attaquer la crédibilité de l’agente et son interprétation de la CNP‑0111 et des éléments de preuve que le demandeur avait soumis à l’appui de sa demande de résidence permanente. Certes, de nombreuses questions formulées par l’avocate portaient sur ces points, mais certaines d’entre elles dépassaient ces paramètres et examinaient les raisons ayant conduit l’agente à rendre sa décision. Une telle preuve contrevient à la même interdiction concernant la portée de l’affidavit d’un agent des visas; je ne l’ai pas prise en considération de façon appropriée dans le cadre de la présente demande. Les passages qui visent d’une manière inacceptable à renforcer la décision de l’agente figurent aux pages 21‑35 de la transcription de son contre‑interrogatoire. Pour les mêmes motifs que ceux formulés quant à l’admissibilité des paragraphes contestés de l’affidavit de l’agente, ces passages de la transcription du contre‑interrogatoire de l’agente sont également inadmissibles; je n’en ai pas tenu compte pour rendre la présente décision. Pourtant, même si je le faisais, ces paragraphes ne changeraient pas les conclusions que j’ai tirées et viendraient étayer le caractère raisonnable de la décision de l’agente, puisqu’ils illustrent le raisonnement suivi par l’agente et font ressortir les différences entre la description d’emploi pour le poste de directeur, services bancaires aux entreprises au sein de la Banque HSBC à Dubaï et la description figurant dans la CNP‑0111.

 

Le caractère suffisant des motifs de l’agente

[11]           Pour ce qui est du caractère suffisant des motifs de l’agente, la Cour suprême du Canada a clairement établi que tant qu’il y a des motifs, les exigences de l’équité procédurale sont respectées (Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 [Newfoundland Nurses], au par. 22). Puisque l’agente a effectivement fourni des motifs pour sa décision, l’allégation relative à la violation de l’équité procédurale doit être rejetée.

 

[12]           L’argument le plus convaincant porte sur l’allégation selon laquelle l’insuffisance des motifs rend la décision déraisonnable parce qu’il est difficile de comprendre comment et pourquoi l’agente est arrivée à sa conclusion. La norme de contrôle de la raisonnabilité exige que la décision soit  justifiée, transparente et intelligible et qu’elle appartienne aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit applicable. La norme de la raisonnabilité exige donc l’évaluation du raisonnement suivi par le tribunal ainsi que du résultat obtenu. Comme l’ont déclaré les juges Bastarache et Lebel, s’exprimant au nom de la majorité de la Cour suprême du Canada, dans Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, au par. 47 :

La cour de révision se demande dès lors si la décision et sa justification possèdent les attributs de la raisonnabilité. Le caractère raisonnable tient principalement à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

 

[13]           L’analyse de la qualité du raisonnement suivi par le tribunal et celle du caractère raisonnable du résultat obtenu ne doivent pas se dérouler séparément. Dans l’arrêt Newfoundland Nurses, la Cour suprême a précisé que les deux aspects de la décision – le raisonnement et le résultat – doivent être examinés ensemble selon la norme de la raisonnabilité. Comme l’a affirmé la juge Abella, s’exprimant au nom de la Cour, aux par. 14 et 15 de l’arrêt précité :

Je ne suis pas d’avis que [...] l’arrêt Dunsmuir signifie que l’« insuffisance » des motifs permet à elle seule de casser une décision, ou que les cours de révision doivent effectuer deux analyses distinctes, l’une portant sur les motifs et l’autre, sur le résultat [...] Il s’agit d’un exercice plus global : les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles.

 

[...]

 

[La cour de justice] ne doit donc pas substituer ses propres motifs à ceux de la décision sous examen mais peut toutefois, si elle le juge nécessaire, examiner le dossier pour apprécier le caractère raisonnable du résultat.

 

[Références omises.]

 

 

[14]           Par conséquent, un résultat raisonnable ne saurait justifier une décision dépourvue de motifs suffisants, lorsqu’il y a une obligation de donner des motifs et que ces motifs ne peuvent être étoffés compte tenu du dossier.

 

[15]           La Cour suprême et plusieurs cours d’appel ont indiqué que les motifs énoncés par le tribunal, interprétés dans leur contexte, doivent permettre à la cour de révision (et aux parties concernés) de comprendre le fondement de la décision. Dans Newfoundland Nurses, au par. 16, la juge Abella a formulé ainsi la question :

Il se peut que les motifs ne fassent pas référence à tous les arguments, dispositions législatives, précédents ou autres détails que le juge siégeant en révision aurait voulu y lire, mais cela ne met pas en doute leur validité ni celle du résultat au terme de l’analyse du caractère raisonnable de la décision.  Le décideur n’est pas tenu de tirer une conclusion explicite sur chaque élément constitutif du raisonnement, si subordonné soit‑il, qui a mené à sa conclusion finale [...] En d’autres termes, les motifs répondent aux critères établis dans Dunsmuir s’ils permettent à la cour de révision de comprendre le fondement de la décision du tribunal et de déterminer si la conclusion fait partie des issues possibles acceptables.

 

 

[16]           La Cour d’appel fédérale a récemment confirmé que pour être suffisants, les motifs doivent permettre à la cour de révision de « comprendre pourquoi le [tribunal] a pris [la] décision et ensuite de déterminer si la conclusion du [tribunal] appartient aux issues acceptables » (Lebon c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2012 CAF 132, au par. 18). D’autres cours d’appel ont également défini un critère semblable : voir United States of America v Johnstone, 2013 BCCA 2, aux par. 56‑57; Canadian Property Holdings Inc v The Assessor for the City of Winnipeg, 2012 MBCA 118, au par. 12; 2127423 Manitoba Ltd v Unicity Taxi Ltd, 2012 MBCA 75, au par. 47; Creelman v Nova Scotia (Workers’ Compensation Appeals Tribunal), 2012 NSCA 26, au par. 29; Guild Contracting Specialties (2005) Inc v Nova Scotia (Occupational Health and Safety Appeal Panel), 2012 NSCA 94, au par. 26.

 

[17]           Pour déterminer si les motifs satisfont à ce critère, il faut procéder à un examen des faits propres à l’espèce qui sera influencé par la nature du tribunal, par les questions en litige et par la nature des observations présentées au tribunal. Comme le dit le juge Binnie dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au par. 59, la raisonnabilité « s’adapte au contexte ».

 

[18]           En ce qui a trait au contexte, l’agente en l’espèce faisait partie du personnel de l’ambassade, auprès du Haut‑commissariat du Canada à Londres, et était chargée, au moment des faits, d’évaluer des demandes, comme celle présentée par le demandeur en l’espèce. Il ressort de son témoignage qu’elle examinait de 15 à 20 demandes par jour, regroupant d’habitude les demandes concernant un même code de la CNP.

 

[19]           La Cour et la Cour d’appel fédérale ont reconnu que les agents des visas, tout comme l’agente en l’espèce, ne tiennent pas d’audiences de type juridictionnel – ils suivent plutôt un processus de nature plus administrative – et que la nature des intérêts en jeu dans une affaire comme la présente espèce indique que « le contenu procédural de l’obligation [d’équité] » applicable aux agents des visas se trouve « à l’extrémité inférieure du registre » (Chiau c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 CF 297, [2000] ACF no 2043 (CA), au par. 41. Voir également Patel c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55, au par. 10, et Li c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 791, au par. 45).

 

[20]           Compte tenu de ce contexte, j’examinerai maintenant les motifs mêmes, lesquels, comme il a été indiqué, sont énoncés dans la lettre informant le demandeur de la décision et dans les notes de l’agente consignées dans le STIDI. Il en ressort que l’agente a rejeté la demande parce les fonctions énumérées dans la « lettre d’emploi » ne correspondaient ni à l’énoncé principal ni aux fonctions principales figurant dans la CNP‑0111. Selon le demandeur, on ne sait pas trop quel poste évaluait l’agente, vu qu’elle ne mentionne pas expressément dans ses notes le poste de directeur, services bancaires aux entreprises position et que le demandeur avait produit, à l’appui de sa demande, une description d’emploi plutôt qu’une « lettre d’emploi ». J’estime que cet argument est sans fondement parce que les seuls détails soumis par le demandeur au sujet de ses emplois précédents concernaient le poste de directeur, services bancaires aux entreprises. Par conséquent, il est évident que les notes et la lettre de l’agente, prises dans leur ensemble, portent sur son analyse de la description d’emploi pour le poste de directeur, services bancaires aux entreprises auprès de la HSBC et la comparaison avec le code pertinent de la CNP.

 

[21]           Les notes de l’agente révèlent par ailleurs que celle‑ci a rejeté la demande pour deux raisons : premièrement, elle a établi que les fonctions énumérées dans la description d’emploi pour le poste de directeur, services bancaires aux entreprises, ne correspondaient pas à l’énoncé principal de la description figurant dans la CNP‑0111 et, deuxièmement, elle a conclu que les fonctions mentionnées dans la description d’emploi ne correspondaient pas non plus aux fonctions principales énumérées dans la description figurant dans la CNP. Contrairement à ce que le demandeur affirme, ces raisons ne constituent pas des « conclusions », mais plutôt le fondement de la conclusion selon laquelle la demande du demandeur devait être rejetée.

 

[22]           Dans les circonstances de la présente affaire, l’agente n’était pas tenue d’expliquer pourquoi et comment la description principale de la CNP‑0111 échappait à la portée de la description du poste de directeur, services bancaires aux entreprises, ni de préciser les fonctions principales énoncées dans la CNP‑0111 que le demandeur n’exerçait pas. Même une comparaison superficielle des deux postes montre que le directeur, services bancaires aux entreprises, au sein de la HSBC n’est pas un directeur financier au sens de la CNP‑0111.

 

[23]           Le demandeur occupait essentiellement le poste de directeur d’un service des prêts aux entreprises au sein d’une filiale de la HSBC. Outre la fonction d’accorder et d’approuver des prêts, le demandeur supervisait le personnel, établissait le budget du service et exerçait d’autres fonctions connexes. Par contre, le CNP‑0111 porte principalement sur le poste de directeur d’un service de comptabilité intégrée au sein d’une entreprise, chargé à préparer des états financiers, à élaborer et mettre en œuvre des politiques de comptabilité et des questions connexes.

 

[24]           L’énoncé principal de la CNP‑0111 définit comme suit la portée des fonctions des directeurs financiers :

Les directeurs financiers planifient, organisent, dirigent, contrôlent et évaluent les opérations de services financiers et de comptabilité. Ils élaborent et mettent en œuvre les procédures et les systèmes financiers d’un établissement. Ils fixent les normes de rendement et préparent divers rapports financiers pour la haute direction. Ils travaillent dans les services financiers et départements de comptabilité des entreprises et organismes des secteurs privé et public.

 

 

[25]           La description du poste de directeur, services bancaires aux entreprises, au sein de la HSBC ne contient pas d’énoncé sommaire semblable qui énumère les fonctions essentielles du poste. La description dans son ensemble comprend plutôt les responsabilités générales liées au poste. Il ressort clairement que le poste en question comporte la gestion du service, auprès d’une filiale de la HSBC à Dubaï, chargé à accorder des prêts aux entreprises clientes de la banque. Par conséquent, le poste occupé par le demandeur et les exigences de la CNP‑0111 diffèrent sensiblement.

 

[26]           Le fait que certaines responsabilités précises liées au poste dans la description de la HSBC reprennent des termes qui correspondraient à quelques fonctions principales des directeurs financiers, énumérées dans la CNP (par ex., former, recruter et superviser le personnel, établir des budgets, vérifier le respect des budgets et faire rapport des écarts par rapport au budget) ne saurait modifier cette conclusion. Comme l’indique l’avocat du défendeur, le directeur de tout service d’une banque, ou d’une entreprise, exerce probablement des fonctions semblables. Or, ces fonctions ne sauraient conférer à leur titulaire la qualité de directeur financier au sens de la CNP‑0111.

 

[27]           Par conséquent, il ressort clairement de l’examen des éléments de preuve soumis par le demandeur et de la CNP‑0111, que le demandeur n’occupait pas le poste de directeur financier au sens de la CNP. Compte tenu de la nature de cette conclusion, l’agente n’était pas tenue de fournir des motifs plus détaillés pour justifier sa décision. Eu égard au dossier, il ressort clairement de ses motifs pourquoi l’agente a rejeté la demande du demandeur.

 

[28]           À certains égards, la présente affaire est semblable à l’affaire Newfoundland Nurses. Dans cette affaire, l’arbitre était appelé à trancher la revendication selon laquelle il fallait tenir compte, dans le calcul du nombre de congés annuels aux termes de la convention collective applicable, des heures durant lesquelles l’employé occasionnel avait travaillé. L’arbitre a rejeté la revendication, en se rapportant simplement aux dispositions concernées de la convention, sans procéder à une analyse des raisons de sa décision. Le juge du procès a qualifié la décision de l’arbitre de conclusion [traduction] « tout à fait dénuée de raisonnement » (voir Newfoundland and Labrador Nurses’ Union v Newfoundland and Labrador (Treasury Board), 2008 NLTD 200, au par. 31). Or, la Cour suprême du Canada a infirmé cette décision et a confirmée et estimée raisonnable la décision de l’arbitre parce qu’« il ressort des motifs que l’arbitre avait bien saisi la question en litige et qu’il est parvenu à un résultat faisant sans aucun doute partie des issues possibles raisonnables » (Newfoundland Nurses, au par. 26).

 

[29]           Il en va de même en ce qui concerne la décision contestée en l’espèce.

 

Le caractère raisonnable des conclusions de l’agente

[30]           Comme il ressort de ce qui précède, la conclusion de l’agente est raisonnable. Sa décision est étayée par la preuve et appartient certainement aux issues raisonnables, compte tenu de la dissemblance entre les fonctions exercées par le demandeur et les exigences de la CNP‑0111.

 

L’équité procédurale

[31]           Enfin, en ce qui concerne la question de savoir si l’agente était tenue d’effectuer d’autres recherches, je ne crois pas que ce soit le cas dans la présente affaire. La Cour a statué que, lorsque les réserves de l’agent des visas se rapportent directement à des exigences législatives ou réglementaires plutôt qu’à la crédibilité ou à l’authenticité d’une demande, il n’est pas nécessaire de procéder à une entrevue ni de donner l’occasion au demandeur de fournir des renseignements supplémentaires (voir Talpur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 25, au par. 21, citant Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, au par. 24; et Qin, au par. 38).

 

[32]            En l’espèce, l’agente a examiné les antécédents professionnels du demandeur et a simplement conclu que celui‑ci ne satisfaisait pas aux exigences de la CNP‑0111. Une telle conclusion ne requiert pas d’autres recherches. Il est bien établi à cet égard qu’il incombe au demandeur de présenter d’autres éléments de preuve pour démontrer qu’il satisfait aux exigences en matière de visa et que le défaut de fournir une preuve suffisante donne lieu au rejet de la demande (Nagulathas c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1159, au par. 54; Mihura Torres c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 818, au par. 1).

 

[33]           Selon le demandeur, les déclarations de l’agente en contre‑interrogatoire montrent que celle‑ci n’a pas compris certaines des fonctions qu’il exerçait, et, de ce fait, l’agente était tenue d’effectuer d’autres recherches. Je ne partage pas cette opinion, parce que ces fonctions n’étaient pas pertinentes aux questions dont était saisie l’agente vu qu’elles n’avaient rien à voir avec l’énoncé de la CNP‑0111. Même si j’admettais que l’agente n’avait pas bien compris les fonctions exercées par le demandeur, le manque de compréhension d’une question secondaire ne justifierait pas l’intervention de la Cour (Rohm & Haas Canada Ltd c Canada (Tribunal antidumping) (1978), 22 NR 175, [1978] ACF no 522 (CA), au par. 5; Buttar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1281, au par. 12).

 

[34]           Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’a pas été proposé de question à certifier en application de l’article 74 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27, et aucune question n’est appropriée eu égard aux circonstances de l’affaire.

 


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

1.      Les paragraphes 5 et 8 à 13 de l’affidavit de Stella Sweetman‑Griffin sont radiés.

2.      La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

3.      Aucune question de portée générale n’est certifiée.

4.      Aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑4585‑12

 

INTITULÉ :                                                  JULIUS FRANCIS PINTO c
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 27 février 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                                 Le 8 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hilete Stein

Kelly Goldthorpe

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Stephen Jarvis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Green and Spiegel, LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney, Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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