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Date: 20130307

Dossier : IMM-5441-12

Référence : 2013 CF 244

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

 

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2013

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MANSON

 

ENTRE :

 

KHATEREH MAHOURI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27, [la Loi], d’une décision rendue par une agente d’immigration [l’agente] rejetant la demande de résidence permanente présentée par la demanderesse dans la catégorie des travailleurs qualifiés. La décision, datée du 16 mars 2012, était fondée sur la conclusion tirée par l’agente selon laquelle Mme Khatereh Mahouri [la demanderesse] n’atteignait pas le nombre minimal de points pour être admissible à l’immigration au Canada.

 

I.          Contexte

[2]               La demanderesse est citoyenne de l’Iran. Elle a présenté une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés en vue de travailler comme professeure d’université le 13 mars 2010.

 

[3]               La demanderesse a indiqué à l’annexe 1 de sa demande qu’elle avait obtenu un « doctorat en médecine » de l’Université Chiraz des sciences médicales, après huit années d’études, et qu’elle avait obtenu un « diplôme dans une spécialisation » après trois autres années d’études à la même université. Elle a inclus ses diplômes et ses relevés de notes pour les deux programmes dans sa demande [pages 143 et 146 du dossier du tribunal pour le doctorat en médecine, et pages 136 et 138 du dossier du tribunal pour sa spécialisation].

 

[4]               L’époux de la demanderesse a indiqué à l’annexe 1 de sa demande qu’il avait obtenu un « doctorat en médecine » de l’Université Chiraz des sciences médicales, après sept années d’études, et qu’il avait obtenu un « diplôme dans une spécialisation » après quatre autres années d’études à la même université. Les diplômes et les relevés de notes de l’époux de la demanderesse ont aussi été inclus dans la demande [pages 176 et 186 du dossier du tribunal pour le doctorat en médecine et le relevé de notes, et page 183 du dossier du tribunal pour la spécialisation].

 

[5]               L’agente du tribunal a informé la demanderesse dans une lettre datée du 16 mars 2012 que sa demande était refusée.

 

[6]               L’agente a attribué des points à la demande selon la répartition suivante :

                                                                                    Points accordés           Maximum

                        Âge                                                     10                                10

                        Études                                                 22                                25

                        Expérience                                          21                                21

                        Emploi réservé                                                0                                  10

                        Connaissance des langues officielles  9                                  24

                        Capacité d’adaptation                         4                                  10

                        TOTAL                                               66                                100                                                                 

[7]               L’agente a accordé 22 points pour les études que la demanderesse a faites parce qu’elle a conclu que le diplôme en médecine et le diplôme en spécialisation étaient tous les deux au niveau du baccalauréat.

 

[8]               L’agente a également conclu que le diplôme en médecine et le diplôme en spécialisation de l’époux de la demanderesse étaient aussi tous les deux au niveau du baccalauréat. Par conséquent, l’agente a déclaré qu’elle accorderait 4 points pour les études de l’époux de la demanderesse sous le facteur capacité d’adaptation.

 

[9]               L’agente a conclu que la demanderesse n’avait pas obtenu suffisamment de points pour être admissible à la résidence permanente au Canada, puisqu’il faut au moins 67 points. L’agente a donc refusé la demande.

 

II.        Questions à trancher

[10]           La demanderesse a soulevé les questions suivantes :

A.    L’agente a‑t‑elle commis une erreur quand elle a conclu que les diplômes en médecine de la demanderesse et de son époux étaient au niveau du baccalauréat?

B.     L’agente a‑t‑elle manqué à l’obligation d’équité procédurale quand elle a refusé à la demanderesse la possibilité de soulever ses préoccupations?

 

III.       Norme de contrôle

[11]           L’exercice par l’agent des visas de son pouvoir discrétionnaire quant à l’évaluation d’une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés est une question mixte de fait et de droit et est susceptible de contrôle pour ce qui est de la norme de la décision raisonnable (Malik c. Canada (Ministre de la citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283 au para 22; Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), 2011 CF 571 au para 18 [Patel]). Par conséquent, la Cour examinera « l’existence d’une justification de la décision, la transparence et l’intelligibilité du processus décisionnel » et « l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47).

 

[12]           La demanderesse affirme qu’elle soulève une question d’équité procédurale lorsqu’elle prétend que l’agente a commis une erreur quand elle a omis de vérifier la manière dont l’autorité locale chargée des établissements d’enseignement reconnaît les compétences. Dans Lak c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 350 au para 6 [Lak], le juge Simon Noël a déclaré que la question visant à déterminer si les motifs d’un agent étaient adéquats en était une d’équité procédurale à examiner selon la norme de la décision correcte. Cependant, dans Newfoundland and Labrador Nurses' Union c. Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62 au para 14, la Cour suprême du Canada a formulé la déclaration suivante : « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles » et elle a ajouté qu’elle n’était pas d’avis que l’insuffisance des motifs permet à elle seule de casser une décision. Par conséquent, en l’espèce, j’estime que l’insuffisance des motifs de l’agente doit être analysée à la lumière du caractère raisonnable de la décision dans son ensemble.

 

[13]           La question visant à déterminer si l’agente a manqué à l’obligation d’équité procédurale est assujettie à la norme de la décision correcte (Khosa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CSC 12 au para 43; Patel, supra, au para 19).

 

IV.       Analyse

[14]            Je souscris à l’opinion du défendeur, dans un premier temps, selon lequel la demanderesse ne peut présenter de nouveaux éléments de preuve à l’appui d’une demande de contrôle judiciaire et tenter de contester la décision d’un agent en se fondant sur ces nouveaux éléments de preuve (Tabanag c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1293 au para 14).

 

[15]           Il incombait à la demanderesse de bien présenter son dossier, c’est‑à‑dire de produire suffisamment d’éléments de preuve au moment où elle a fait sa demande de visa pour établir qu’elle avait satisfait aux exigences législatives (Silva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 733 au para 20 et Kaur c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 442 au para 9).

 

[16]           De plus, l’agent des visas n’est nullement tenu de clarifier une demande incomplète (Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), 2009 CF 786 au para 8; Pan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 838 au para 28). Je souscris donc à l’opinion du défendeur selon laquelle les lettres du Conseil médical de l’Iran et la lettre de l’Université Chiraz des sciences médicales ne sont pas admissibles.

 

A.        L’agente a‑t‑elle commis une erreur quand elle a conclu que les diplômes de médecine de la demanderesse et de son époux étaient au niveau du baccalauréat?

[17]           L’agente a évalué les études de la demanderesse d’après les éléments de preuve dont elle disposait :

[traduction]

Dans ce cas, vous avez reçu un seul diplôme de l’Université Chiraz des sciences médicales qui vous a permis de pratiquer la médecine. Rien n’indique qu’un diplôme de baccalauréat ou de maîtrise a été délivré avant ce diplôme ou que le diplôme a été délivré par suite d’un programme de premier cycle. Après avoir terminé votre seul diplôme, vous avez fait une spécialisation en médecine sociale, comme le montre le certificat en spécialisation médicale versé au dossier. Vous avez donc obtenu 22 points pour au moins deux diplômes universitaires au niveau du baccalauréat et au moins 15 ans d’études à temps plein ou l’équivalent.

 

[Non souligné dans l’original]

 

 

[18]           De façon similaire, l’agente a souligné les points suivants dans son analyse des études de l’époux de la demanderesse :

[traduction]

Dans ce cas, votre époux a reçu un seul diplôme de l’Université Chiraz des sciences médicales qui lui a permis de pratiquer la médecine. Rien n’indique qu’un diplôme de baccalauréat ou de maîtrise a été délivré avant ce diplôme ou que le diplôme a été délivré par suite d’un programme de premier cycle […]

 

[Non souligné dans l’original]

 

 

[19]           Dans Nekooei c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-5704-10, 4 mai 2011 [Nekooei], un radiologiste iranien instruit soutenait qu’il aurait dû obtenir 25 points pour ses études dans le cadre de sa demande dans la catégorie des travailleurs qualifiés parce que ses études postsecondaires consistaient en un diplôme en médecine délivré par une université en Iran et en une formation de deuxième cycle, y compris un programme de trois ans en radiologie. La demanderesse a produit une lettre du président de son université selon laquelle le diplôme en médecine de la demanderesse était équivalent à un diplôme de maîtrise de deuxième cycle. L’agente a conclu que cette lettre ne prouvait pas que le diplôme en médecine serait considéré comme un diplôme de maîtrise par les autorités locales, et Madame la juge Judith Snider a conclu que cette conclusion « n’était pas déraisonnable ».

 

[20]           De même, en l’espèce, même s’il était indiqué dans les diplômes de la demanderesse et de son époux qu’il s’agissait de « programme de doctorat professionnel » et que la demanderesse avait réussi les examens de son « programme de résidence » en médecine sociale, il n’y avait pas d’élément de preuve au dossier selon lesquels les « autorités locales » responsables des institutions médicales reconnaîtraient ces titres de compétence comme étant au niveau des études de deuxième cycle.

 

B.        L’agente a‑t‑elle manqué au devoir d’équité procédurale quand elle a refusé à la demanderesse la possibilité de soulever ses préoccupations?

[21]           L’agent des visas n’est pas tenu d’informer le demandeur de ses préoccupations si ces dernières découlent directement de la Loi ou du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227. Comme le juge Donald Rennie l’a déclaré dans Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1279 au para 22 :

La question de savoir si un demandeur donné a l’expérience, la formation ou les études pertinentes et les diplômes requis, comme l’exige le Règlement et donc s’il est habilité à exercer la profession ou le métier à l’égard duquel il revendique le statut de travailleur qualifié « […] est fondée directement sur les exigences de la loi et des règlements » et s’inscrit tout à fait dans le raisonnement tenu par le juge Mosley dans la décision Hassani. Il appartenait donc au demandeur, sur cette question, de soumettre les éléments de preuve voulus, et l’agent des visas n’était pas tenu de l’informer de ses réserves ou de chercher à obtenir des renseignements plus précis pour résoudre l’ambiguïté latente : Kaur, aux paragraphes 9 à 12. Les agents des visas ne sont pas censés engager un dialogue avec le demandeur sur le respect du Règlement.

 

 

[22]           De façon similaire, selon moi, il incombait à la demanderesse, en l’espèce, de produire suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que ses diplômes en médecine et ceux de son époux étaient au niveau des études de deuxième cycle, et l’agente n’était pas tenue de l’informer de ses préoccupations.


 

[23]           Comme l’a soutenu le juge Michel Beaudry dans Rabiee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 824 au para 29 :

La décision de l’agente appartient aux issues raisonnables (Dunsmuir, para 47). L’agente a justifié sa décision que le diplôme en spécialisation de la demanderesse ne constituait pas un diplôme de même cycle que la maîtrise ou le doctorat. Étant donné qu’il n’y avait pas d’élément de preuve démontrant que la spécialisation en question équivalait à des études de deuxième cycle, la décision était soumise au pouvoir discrétionnaire de l’agent et la Cour n’est pas convaincue que cette conclusion était déraisonnable. Il ne revient pas à la Cour de réévaluer la preuve (Yu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1263).

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est rejetée.

 

Traduction certifiée conforme

Anne Corriveau

Traductrice-conseil par intérim

« Michael D. Manson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5441-12

 

INTITULÉ :                                      Mahouri c. MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             6 mars 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE MANSON

 

DATE DES MOTIFS :                     7 mars 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mary Akhbabi

 

POUR LA DEMANDERESSE

Ian Hicks

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. Mary Akhbari

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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