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Date : 20130411

Dossier : T‑577‑12

Référence : 2013 CF 363

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 11 avril 2013

En présence de monsieur le juge Rennie

 

 

ENTRE :

INSTANCE PAR REPRÉSENTATION

 

 

GRAEME MALCOLM, pour son propre compte ET AU NOM DE TOUTES LES ENTREPRISES TITULAIRES DE PERMIS DE PÊCHE COMMERCIALE DU FLÉTAN DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS, REPRÉSENTÉ PAR LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU Canada, B.C. WILDLIFE FEDERATION et SPORT FISHING INSTITUTE

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur et les entreprises qu’il représente sont des pêcheurs commerciaux. Leur moyen de subsistance est la pêche du flétan au large de la Colombie‑Britannique. Ils ont présenté une demande de contrôle judiciaire en vue de faire annuler la décision datée du 17 février 2012 par laquelle le ministre des Pêches et des Océans a modifié le total autorisé des captures (TAC) – récolte maximale en livres – pour la pêche du flétan du Pacifique. Dans cette décision, le ministre a fait passer la part du TAC du demandeur de 88 p. cent à 85 p. cent. Son contingent individuel transférable (CIT) a par conséquent été réduit de façon correspondante, ce qui a nui à sa capacité de gagner sa vie grâce à la pêche. La présente demande est rejetée pour les motifs qui suivent.

 

Contexte

 

[2]               La pêche du flétan du Pacifique est d’une grande importance pour les pêcheurs commerciaux et récréatifs. Il existe encore environ 435 permis de pêche commerciale du flétan, dont bénéficient environ 180 pêcheurs actifs titulaires de permis. Plusieurs des entreprises représentées par le demandeur exercent la pêche à temps plein, et le flétan constitue une grande partie de leurs prises. Le demandeur est un pêcheur de troisième génération et il exerce cette activité à temps plein depuis 11 ans. Comme le CIT du demandeur a diminué, une moins grande quantité de flétan a pu être débarquée et vendue par lui et d’autres pêcheurs commerciaux.

 

[3]               Avant 1991, le secteur commercial de la pêche du flétan (le secteur commercial) fonctionnait comme un tournoi où les pêcheurs se livraient concurrence jusqu’à la fin de la saison. Le nombre de bateaux autorisés à pêcher était limité, mais il n’y avait aucune limite pour les captures. Cette façon de faire a été modifiée en 1991 pour un système de CIT : un quota était attribué à chaque titulaire de permis en fonction de ses activités de pêche antérieures et son niveau d’investissement dans ces activités. Ce nouveau système a éliminé la course à la pêche au flétan, ce qui a permis d’allonger les saisons de pêche et d’accroître la qualité des prises. Les CIT rattachés à des permis inactifs pouvaient être transférés aux titulaires de permis actifs de la même catégorie de permis. Les CIT en sont venus à avoir une grande valeur marchande en soi, et les pêcheurs commerciaux se les louent ou se les vendent entre eux. Le ministre défendeur approuve et facilite le transfert, la vente ou la location des CIT.

 

[4]               Le système de gestion de la ressource des CIT s’est révélé une grande réussite. Selon la preuve du demandeur, les CIT ont amélioré la conservation de la ressource. L’avocat du demandeur fait aussi remarquer ce qui suit :

[traduction]

Ils ont aussi accru la capacité du ministère des Pêches et des Océans (MPO) d’améliorer la rentabilité de l’exploitation de la ressource parce qu’il était moins avantageux pour les pêcheurs d’investir dans de l’équipement permettant de récolter de plus grandes quantités de poissons en un plus court laps de temps que de tirer parti d’un système qui récompense une pêche rentable maximisant la valeur du poisson débarqué. Comme les contingents sont transférables, le revenu est maximisé en les louant ou en les vendant aux pêcheurs les plus profitables. Les CIT instaurent une souplesse, une certitude, une stabilité dans l’industrie de la pêche et un accès équitable à la ressource parce que les quotas peuvent être transférés d’un pêcheur à l’autre selon leurs besoins particuliers, et les pêcheurs commerciaux, dont ceux des Premières Nations, peuvent investir dans les contingents puisqu’il s’agit de possibilités de pêche intéressantes qui demeureront inchangées d’une année à l’autre.

 

[5]               Bien entendu, les flétans ne respectent pas les frontières internationales. Leurs aires d’alimentation, leurs lieux de reproduction et leurs mouvements migratoires les mènent de part et d’autre de la frontière canado‑américaine. Voilà pourquoi la répartition de la pêche du flétan dans son ensemble est déterminée par la Commission internationale du flétan du Pacifique (la Commission) établie en vertu de la Convention entre le Canada et les États‑Unis d’Amérique pour la conservation des pêcheries de flétan du Pacifique Nord et de la mer de Béring. Ce traité oblige tant le Canada que les États‑Unis à gérer leurs pêches sans dépasser le TAC qui leur est attribué par la Commission.

 

[6]               Pendant très longtemps, le secteur récréatif a joué un rôle limité dans la pêche du flétan, mais il a fortement progressé depuis les années 1990. On compte à l’heure actuelle environ 250 000 titulaires de permis de pêche dans les eaux de marée. Dans le secteur récréatif, tant les pêcheurs que les organisateurs de sorties de pêche peuvent pêcher du flétan et d’autres espèces de poissons, quoiqu’il soit entendu que seul un faible pourcentage des titulaires d’un permis de pêche récréative pêche du flétan.

 

[7]               Traditionnellement, le secteur récréatif n’avait pas à se conformer au TAC, ce qui signifiait que les pêcheurs récréatifs n’avaient pas à respecter les limites propres à assurer la conservation des stocks. Toutefois, comme cette industrie prenait de l’ampleur, il est devenu nécessaire de l’assujettir aux limites de captures dont le secteur commercial faisait déjà l’objet depuis longtemps.

 

[8]               En 2000, le ministère des Pêches et des Océans a retenu les services de M. Edwin Blewett, Ph. D., ancien économiste au Ministère, pour faciliter une consultation visant à établir la répartition initiale du TAC entre les secteurs commercial et récréatif. Tenant pour acquis que les intérêts fondamentaux des deux industries pouvaient être préservés, M. Blewett a conclu qu’elles ont convenu que le [traduction] « transfert des quotas de pêche serait axé sur marché ». En d’autres termes, pour augmenter leur part du TAC et accroître leur activité, les pêcheurs récréatifs devraient acheter des quotas aux titulaires de quotas existants, c’est‑à‑dire aux pêcheurs commerciaux.

 

[9]               Il y avait, selon M. Blewett, deux intérêts fondamentaux : éviter la fermeture de la pêche récréative pendant la saison de pêche et adopter des contingents de pêche adéquats visant à assurer la viabilité du secteur commercial. M. Blewett a également conclu que la répartition initiale devrait être effectuée par un tiers indépendant, étant donné que les industries ne sont pas arrivées à une entente. De fait, les deux parties avaient des opinions opposées. Le secteur récréatif a proposé de se faire attribuer 20 p. cent du TAC, tandis que le secteur commercial était d’avis qu’une part de 5 p. cent était suffisante.

 

[10]           Le ministre a alors demandé conseil à M. Stephen Kelleher, c.r., un avocat de la Colombie‑Britannique, au sujet de la répartition initiale. En 2002, M. Kelleher a recommandé que le secteur récréatif se voie attribuer 9 p. cent du TAC et que le Ministère mette au point un mécanisme visant à faciliter les futurs transferts de quotas entre les deux secteurs. Le secteur récréatif s’est opposé à tout mécanisme axé sur le marché. Selon M. Kelleher, si le secteur récréatif ne respectait pas la limite de 9 p. cent propre à assurer la conservation des stocks, le Ministère devrait imposer certaines mesures de gestion. Il a recommandé ce qui suit :

[traduction]

Pêches et Océans Canada devrait envisager d’adopter de nouvelles mesures de gestion, comme la fermeture des zones aux pêcheurs récréatifs et l’abaissement de leurs limites quotidiennes et de leurs limites de possession, l’imposition de limites annuelles et des restrictions quant aux périodes et aux zones de pêche.

 

Il serait aussi possible d’interdire la pêche récréative du flétan à partir du milieu de la saison de pêche, ce que le Conseil consultatif sur la pêche sportive considère comme l’option la moins souhaitable. J’abonde tout à fait dans le même sens.

 

[11]           Le 27 octobre 2003, le ministre a mis en place un cadre de répartition des prises (le cadre de répartition de 2003). Selon ce cadre de répartition :

[traduction]

(1)               la part du secteur récréatif du TAC serait « plafonnée » à 12 p. cent; il s’agirait d’une augmentation visant à permettre à l’industrie de croître;

(2)               la répartition serait maintenue jusqu’à ce que les deux industries établissent un mécanisme d’ajustement acceptable selon lequel le secteur récréatif pourrait se procurer des quotas supplémentaires auprès du secteur commercial (connu sous le nom de « mécanisme axé sur le marché »).

 

[12]           Dans un communiqué de presse parallèle, le ministre a affirmé que les engagements énoncés dans le cadre de répartition feraient également en sorte que la pêche récréative ne serait jamais fermée pendant la saison de pêche.

 

[13]           Tous les ans, de 2005 à 2011, le secteur récréatif a dépassé le plafond de 12 p. cent. Les prises de cette industrie ont représenté respectivement 18 p. cent et 17 p. cent du TAC en 2006 et 2008, et 15 p. cent en 2010 et 2011. Ces dépassements se sont produits en dépit des mesures de gestion restrictives accrues qui étaient imposées à cette industrie.

 

[14]           Le fait que le secteur récréatif ne respectait pas sa part du TAC est devenu rapidement une source de préoccupation tant sur le plan de la conservation de la ressource que sur celui de l’obligation internationale du Ministère de gérer les pêches dans le respect du TAC. La chute marquée des stocks de flétans du Pacifique à la même période a exacerbé ces préoccupations. Le TAC du Canada en 2004 était de 13,8 millions de livres mais, en 2010, il avait été abaissé à 7,5 millions de livres. Le Ministère a fermé la pêche récréative tôt en 2008, 2010 et 2011 et l’a ouvert tard en 2008, 2009 et 2011. Le Ministère a aussi imposé des limites de captures plus restrictives.

 

[15]           Durant cette période, les différents ministres des Pêches et des Océans et le Ministère n’ont cessé de réaffirmer l’engagement énoncé dans le cadre de répartition de 2003 quant à l’établissement d’un mécanisme axé sur le marché pour faciliter l’augmentation de la part du TAC du secteur récréatif. À titre d’exemple, dans une lettre publiée dans le numéro d’octobre 2007 du magazine Fisherman Life, le ministre a écrit que [traduction] « [le Ministère] s’engage à mettre en œuvre le cadre de répartition des prises de flétan dans son intégralité, dont le ratio 88 %/12 % et le mécanisme axé sur le marché, pour permettre le transfert de quotas de pêche entre les industries ».

 

[16]           En 2004 et 2005, des mécanismes axés sur le marché ont servi à changer la répartition des prises. Ces mêmes années, pour accroître sa part du TAC, le secteur commercial a loué des quotas inutilisés par le secteur récréatif. Les pêcheurs commerciaux ont soumissionné pour des blocs de quotas de 9 000 et 10 000 livres, et les fonds ainsi obtenus ont été placés dans un compte en fiducie dont le secteur récréatif pourrait se servir s’il dépassait un jour sa part du TAC de 12 p. cent. Puis, en 2008, 2009 et 2010, le secteur récréatif a acheté des quotas du secteur commercial au moyen des fonds détenus en fiducie.

 

[17]           En 2007, les industries se sont entendues pour proposer au Ministère de fournir un fonds de démarrage initial de 25 millions de dollars pour faciliter le transfert de quotas de flétan par l’entremise d’un tiers. Le Ministère a rejeté cette proposition pour des raisons d’ordre financier et juridique. En particulier, il s’est inquiété du précédent qui pourrait être créé pour la pêche d’autres poissons partout au pays, car le Ministère n’avait jamais fourni de fonds pour le transfert de quotas entre les industries de la pêche commerciale et de la pêche récréative.

 

[18]           En 2011, le Ministère a adopté un permis expérimental permettant au secteur récréatif de louer des quotas des pêcheurs commerciaux selon leur valeur marchande. Les pêcheurs commerciaux ont soutenu ce mécanisme axé sur le marché, mais le secteur récréatif s’y est opposé et l’a en grande partie boycotté. Il a expliqué ce refus par le fait que, comme la pêche est une ressource publique commune, le secteur récréatif ne devrait pas avoir à acheter sa part du quota. Il a aussi fait remarquer que le secteur commercial n’avait rien versé pour le CIT accordé initialement en 1991.

 

[19]           En 2011, les industries se sont retrouvées dans une impasse. Le ministre a ordonné à M. Randy Kamp, député de Dewdney‑Allouette (C.‑B.) et secrétaire parlementaire du ministre des Pêches et des Océans, d’évaluer quelles étaient les options. Selon le mandat donné à M. Kamp, ces options devaient viser la conservation de la ressource, fournir un accès prévisible à la ressource et établir des mécanismes de transfert efficaces entre les industries. Après avoir tenu un certain nombre de consultations avec des représentants des industries de la pêche commerciale et de la pêche récréative, M. Kamp a formulé ses recommandations au ministre.

 

[20]           Le contexte était hautement politique et les intérêts économiques en jeu, tant acquis que potentiels, étaient importants. Les CIT possédaient une grande valeur pécuniaire, la valeur de bon nombre d’entre eux étant supérieure à un million de dollars, laquelle aurait été diminuée si la part du TAC du secteur commercial était réduite. Les deux industries ont alors amorcé des campagnes épistolaires, le secteur commercial soutenant le cadre de répartition de 2003 et le secteur récréatif se prononçant en faveur de son annulation.

 

Contenu du cadre de répartition de 2003

 

[21]           Les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si le cadre de répartition de 2003 comptait deux ou trois volets, en particulier si le troisième volet, à savoir que le ministère évitera la fermeture de la pêche récréative pendant la saison de pêche, faisait partie de l’engagement. Les défendeurs insistent sur ce point car, selon eux, comme ce « volet essentiel » du cadre de répartition de 2003 a été violé dès 2008 et continuellement par la suite, le demandeur ne peut raisonnablement s’attendre à ce que se maintienne la part de 88 p. cent prévue dans le cadre de répartition de 2003.

 

[22]           Je suis d’avis que l’engagement à l’égard de la fermeture de la pêche récréative pendant la saison de pêche ne faisait pas partie du cadre de répartition de 2003, et ce, pour trois raisons. Tout d’abord, le ministre a réitéré son engagement à l’égard du cadre de répartition jusqu’à la fin de 2011, en dépit du fait que la saison de pêche a été ouverte tard ou fermée tôt tous les ans entre 2008 et 2011. En d’autres termes, le ministre et le Ministère n’ont cessé de se fonder sur le cadre de répartition de 2003 malgré les fermetures de la saison. Cet argument est donc incompatible avec l’engagement répété des défendeurs à l’égard du cadre de répartition.

 

[23]           Ensuite, à part le communiqué de presse qui accompagnait le cadre de répartition de 2003, aucun document provenant soit du ministre soit du Ministère n’indique que le cadre de répartition de 2003 comporte trois volets.

 

[24]           Enfin, conclure que le Ministère a pris l’engagement de ne pas fermer la pêche pendant la saison serait, là aussi, incompatible avec la propre position juridique du ministre. Le ministre soutient qu’il a l’obligation primordiale et légale de gérer l’ensemble des pêches et d’imposer des limites propres à assurer la conservation des stocks en fermant au besoin la pêche durant la saison de pêche.

 

Décision faisant l’objet du contrôle

 

[25]           Le 12 février 2012, le ministre a décidé d’accorder une part de 85 p. cent du TAC au secteur commercial et de 15 p. cent au secteur récréatif, sans compenser le secteur commercial et sans proposer de mécanisme axé sur le marché pour effectuer le transfert. Le ministre a aussi décidé de poursuivre le programme de permis expérimental même si ce dernier était boycotté par le secteur récréatif.

 

[26]           Dans le communiqué de presse accompagnant la décision, le ministre a souligné son engagement à « offrir plus de certitude à long terme en ce qui a trait à la pêche au flétan du Pacifique pour les pêcheurs des Premières Nations, commerciaux et récréatifs. Mieux encore, pour encourager l’emploi et la croissance économique en Colombie‑Britannique ». Il a en outre insisté sur l’importance de la « conservation, [de l]’intendance et de [la] pêche consciencieuse des ressources ». Le changement est décrit dans le site Web du Ministère comme [traduction] « une modification ponctuelle permanente de la répartition du quota de flétan du Pacifique ».

 

[27]           Le communiqué de presse mène à trois observations : une au sujet du mandat du ministre, une autre à propos des grands principes juridiques régissant la politique en matière de pêche et une dernière à l’égard des avantages économiques découlant de la répartition.

 

[28]           Premièrement, pour ce qui est du mandat, le demandeur fait remarquer que le ministre, en utilisant les mots « mieux encore », accordait plus d’importance à l’emploi et à la croissance économique qu’à la viabilité à long terme de la pêche. Selon elle, il s’agit là d’une preuve que le ministre a mal interprété son mandat. Deuxièmement, l’énoncé voulant que ce soit une [traduction] « modification ponctuelle » du cadre de répartition de 2003 est, là aussi, incompatible avec la position juridique du ministre selon laquelle il n’est pas lié par ses choix politiques antérieurs. Troisièmement, le demandeur souligne que les défendeurs ont avisé la Cour, dans la phase préalable à l’instruction, de leur intention de présenter des preuves d’experts en appui aux avantages économiques de la décision, mais ces preuves n’ont pas été présentées, et la Cour devrait en déduire que ces preuves n’existent pas. Je reviendrai à ces questions plus tard.

 

[29]           Avant de prendre sa décision, le ministre s’est fait conseiller par le sous‑ministre. Ces conseils ont été donnés dans trois mémoires remis au ministre dans une période de huit jours précédant la décision. Ces mémoires et les conseils qu’ils contiennent sont au cœur de l’argument du demandeur et nécessitent un examen minutieux.

 

[30]           Dans son mémoire au ministre du 6 février 2012, le sous‑ministre a présenté quatre options :

[traduction]

Le Ministère vous présente quatre options au sujet de la répartition. Une de ces options scinderait officiellement le secteur récréatif en deux : les pêcheurs récréatifs et les commerces de pêche récréative (p. ex. organisateurs de sorties de pêche). Toutes les options maintiennent le programme de permis expérimental et comprennent un processus visant à inciter le secteur récréatif à agir au sujet des principales mesures de gestion de la ressource liées à leurs activités de pêche.

 

Voici les quatre options : ajuster immédiatement la répartition à 85 %/15 % et engager le processus ensuite; adopter la répartition de 85 %/15 % uniquement après que le processus a été mené à terme avec succès; créer une nouvelle catégorie de permis pour les commerces de pêche récréative; maintenir la répartition actuelle de 88 %/12 % et annoncer le processus.

 

[31]           Le Ministère a recommandé l’option 4, à savoir de maintenir la répartition actuelle. Les avantages et les inconvénients de cette option étaient présentés comme suit :

[traduction]

Avantages

         Cette option est dans le droit fil des objectifs stratégiques et des priorités actuelles du gouvernement en matière de stabilité et de prévisibilité.

         Elle lance un message fort et cohérent aux intervenants et aux observateurs sur la manière dont se prend le MPO pour moderniser la gestion de la pêche.

         Elle permet de maintenir le permis expérimental et d’éventuellement le transformer durablement en un mécanisme axé sur le marché.

         .........................................................................

         Le secteur commercial des poissons de fond du Pacifique continuerait de souscrire aux changements énoncés dans la priorité sur la modernisation de la pêche.

Inconvénients

         Cette option devrait engendrer une forte réaction négative du secteur récréatif, car ce dernier n’y verra pas une solution aux changements attendus.

         Compte tenu de la diminution du TAC, le MPO et les conseillers en matière de pêche récréative pourraient se voir contraints d’envisager l’adoption de mesures draconiennes de gestion durant la saison de pêche, dont le raccourcissement possible de cette dernière.

         S’il perçoit qu’il n’y gagne que peu, le secteur récréatif risque de choisir de ne pas accepter les mesures incitatives, de continuer de boycotter le programme de permis expérimental et le processus, et plutôt de continuer ou d’intensifier ses activités politiques.

 

 

[32]           Le ministre a rejeté cette recommandation, sans donner de motif.

 

[33]           Deux jours plus tard, le 8 février 2012, une version révisée du mémoire a été remise au ministre. Le résumé figurant au début du mémoire était libellé comme suit :

[traduction]

                Par suite de votre directive d’ajuster la répartition du quota de flétan du Pacifique à 85 %/15 %, une stratégie de mise en œuvre a été élaborée.

 

                Le présent mémoire présente brièvement les principales considérations à prendre en compte à l’égard de cette stratégie. Une fois que cette dernière sera approuvée, le Ministère prendra les mesures nécessaires pour la mettre en œuvre.

 

[34]           Le mémoire se poursuivait ainsi :

[traduction]

           Pour appliquer la décision, les représentants du Ministère proposent l’approche suivante comptant trois éléments :

1.    le rajustement immédiat, mais de façon intérimaire, la répartition à 85 %/15 % pour la saison de pêche de 2012; le maintien de cette nouvelle répartition après 2012 est conditionnel à la prise en compte par le secteur récréatif des principaux sujets de préoccupation liés à ce type de pêche (précisés ci‑après).

 

[35]           Voici comment ont été expliqués les principaux sujets de préoccupation du secteur récréatif :

[traduction]

                Entente sur un mécanisme efficace de transfert des quotas qui ne nécessite pas l’intervention continuelle du gouvernement et qui permet aux secteurs de s’ajuster selon leurs besoins futurs [par la force des choses, le secteur commercial pourrait avoir un rôle à jouer];

o        le programme existant de permis expérimental se poursuivra à titre intérimaire jusqu’à ce qu’il soit possible de trouver une solution permanente;

                Adoption de meilleures mesures de contrôle des prises dans le secteur récréatif;

                Mise au point de mesures de gestion viable qui pourraient être utilisées pour que le secteur récréatif respecte sa part du TAC tout en permettant le maximum de souplesse et une saison d’une durée optimale;

                Règles qui détermineraient les futures mesures de gestion si la branche commerciale du secteur récréatif (p. ex. organisateurs de sorties de pêche) continue de prendre de l’expansion par rapport aux autres branches de ce secteur.

 

 

[36]           Encore une fois, le ministre a rejeté la recommandation.

 

[37]           Le 14 février 2012, un troisième mémoire a été remis au ministre. Le Ministère y donnait les mêmes conseils qu’avant et maintenait sa recommandation selon laquelle il fallait maintenir le statu quo. Sur les quatre options, il n’en restait que deux, c’est‑à‑dire de maintenir le statu quo ou de rajuster le ratio à 85 %/15 %. Les avantages et les inconvénients de la répartition de 85 %/15 % ont de nouveau été présentés :

[traduction]

Avantages

           Le secteur récréatif verra vraisemblablement la hausse d’un assez bon œil et comme un signe de reconnaissance de son importance.

           Une hausse permettra de gérer la saison de pêche avec peut‑être moins de mesures restrictives.

 

 

Inconvénients

           Un changement de la répartition serait perçu par les pêcheurs commerciaux de la Colombie‑Britannique et de l’ensemble du pays comme un affaiblissement du message du ministre en matière de stabilité et de prévisibilité au cœur des objectifs de modernisation des pêches.

           Malgré quelque affirmation que ce soit sur le fait qu’il s’agit d’un rajustement « ponctuel » ou « définitif » de cet ajustement, de nombreux intervenants et observateurs l’interpréteront comme un autre exemple du fait que les pressions politiques peuvent porter fruit, ce qui pourrait se traduire à l’avenir par un lobby accru auprès du gouvernement et du Ministère de la part de cette industrie dans cette province et le reste du Canada.

           L’application immédiate d’un transfert pourrait causer des difficultés à certains pêcheurs commerciaux qui ont déjà signé des contrats de vente pour la prochaine saison.

           Les Premières Nations ont affirmé verbalement et par écrit dans les dernières années que les consultations tenues jusqu’à maintenant, dont la plus récente réunion du 10 février 2012 entre le secrétaire parlementaire et les cinq plaignantes dans l’affaire Ahousaht, n’ont pas été adéquates s’il est prévu qu’un changement soit apporté à la répartition.

           Il n’y a pas de mesures incitatives visant à améliorer le contrôle et la gestion de la ressource dans le secteur récréatif.

 

 

[38]           Le Ministère a laissé tomber sa recommandation selon laquelle le rajustement devait être conditionnel au respect des mesures de conservation par le secteur récréatif.

 

[39]           Le ministre a signé en affirmant qu’il ne souscrivait pas à la recommandation et a écrit [traduction] : « Prière de donner suite à la recommandation no 2 ».

 

[40]           Le demandeur fait remarquer à juste titre que le Ministère n’a jamais fait de recommandation no 2, qu’il s’agissait plutôt d’une option. Les conseils du Ministère demeuraient les mêmes d’une fois à l’autre, à savoir le respect du cadre de répartition de 2003, l’établissement d’un mécanisme axé sur le marché et une solution aux problèmes de conservation de la ressource dans le secteur récréatif. Le Ministère a recommandé que le nouveau ratio du contingent soit temporaire et conditionnel au respect des questions de conservation par le secteur récréatif parce qu’il craignait qu’un rajustement permanent ne lui fasse perdre toute influence sur ce secteur. Le mémoire est clair sur ce point et souligne dans la liste d’inconvénients qu’il n’y aurait [traduction] « pas de mesures incitatives visant à améliorer le contrôle et la gestion de la ressource dans le secteur récréatif ».

 

[41]           Le demandeur insiste sur les mémoires. Elle fait remarquer que la décision du ministre va à l’encontre des conseils des représentants du Ministère et que les avantages du maintien du statu quo dépassent largement les inconvénients. La hausse du quota du secteur récréatif repose sur des fondements fragiles. Le Ministère souligne que la nouvelle répartition sera « vue d’un assez bon œil » par le secteur récréatif. Ce n’est guère surprenant. Par ailleurs, les mesures incitatives visant la conservation de la ressource disparaîtront à court terme, le quota plus élevé permettant au secteur récréatif de poursuivre sa surpêche. Comme il est souligné,  la capacité du Ministère de faire changer les comportements dans le secteur récréatif en est ainsi réduite. Mais surtout, le demandeur insiste sur la préoccupation constante du Ministère pour ce qui est de hausser la part du TAC du secteur récréatif en dépit des manquements de ce dernier.

 

[42]           Le demandeur fait remarquer que le sous‑ministre a particulièrement souligné l’importance d’établir un mécanisme axé sur le marché qui permet aux secteurs de s’ajuster selon leurs besoins. M. Kamp a aussi fait part de l’importance de ce mécanisme au ministre, dans un document daté du 15 novembre 2011 intitulé « Pacific Halibut Allocation Options: Draft for discussion purpose only » :

[traduction]

Toutes les options mentionnées ci‑dessous pourraient ou devraient être jumelées à l’un ou l’ensemble des mécanismes de transfert présentés dans la prochaine section.

 

[43]           Les défendeurs n’ont pas présenté de « prochaine section » au cours de la procédure.

 

[44]           Le 10 janvier 2012, M. Kamp a soumis un autre mémoire où étaient présentés les avantages et les inconvénients de trois options. Le maintien du cadre de répartition de 2003 assurerait la « stabilité, la prévisibilité, la transparence et la confiance ». Par ailleurs, maintenir le cadre de répartition « montrerait que les pressions politiques sont sans effet » et, si la répartition est changée à 85 %/15 %, on peut s’attendre à des poursuites des acteurs du secteur commercial.

 

[45]           Le demandeur fait remarquer que le Ministère lui‑même a reconnu que le changement apporté à la répartition était contraire à l’engagement énoncé dans le cadre de répartition de 2003, et réitère l’objectif établi de la prévisibilité de la saison de pêche. La décision du ministre de changer la répartition malgré ces conseils prouve le caractère déraisonnable de cette décision.

 

[46]           Je reviendrai sur ces mémoires plus tard, mais avant, je vais traiter de la norme de contrôle.

 

Analyse

 

            Portée du contrôle

 

[47]           Le demandeur et les défendeurs sont d’accord pour dire que la décision est susceptible de contrôle judiciaire et que la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable. Ils divergent toutefois d’opinion sur le résultat qu’on obtient lorsqu’on applique cette norme à la décision. Pour cette raison, il est essentiel de bien comprendre ce qu’on entend par « raisonnable » dans le contexte d’une décision comme celle qui est visée en l’espèce.

 

[48]           L’article 4 de la Loi sur le ministère des Pêches et des Océans, LRC, 1985, c F‑15, et la Loi sur les pêches, LRC, 1985, c F‑14, définissent le mandat du ministre:

4. (1) Les pouvoirs et fonctions du ministre s’étendent d’une façon générale à tous les domaines de compétence du Parlement non attribués de droit à d’autres ministères ou organismes fédéraux et liés :

 

 

a) à la pêche côtière et à la pêche dans les eaux internes;

 

b) aux ports de pêche et de plaisance;

 

c) à l’hydrographie et aux sciences de la mer;

 

d) à la coordination des plans et programmes du gouvernement fédéral touchant aux océans.

 

4. (1) The powers, duties and functions of the Minister extend to and include all matters over which Parliament has jurisdiction, not by law assigned to any other department, board or agency of the Government of Canada, relating to

 

(a) sea coast and inland fisheries;

 

 

(b) fishing and recreational harbours;

 

(c) hydrography and marine sciences; and

 

(d) the coordination of the policies and programs of the Government of Canada respecting oceans.

 

 

[49]           À l’article 4, le législateur a conféré au ministre « la plus grande marge possible de manœuvre » lorsqu’il exerce son pouvoir discrétionnaire en matière de gestion des pêches (Carpenter Fishing Corp c Canada, [1998] 2 CF 548, (CAF), au paragraphe 37). À cet égard, les décisions qui sont prises en matière de politique des pêches et qui concernent la répartition des ressources halieutiques dans leur ensemble entre des secteurs concurrentiels sont des décisions qui tiennent de la mesure législative générale. Dans le cours normal des choses, ces décisions appellent une mise en balance d’intérêts divergents sur le plan économique, environnemental et politique ainsi que la prise en compte des intérêts autochtones, notamment sur le plan constitutionnel, et de toute obligation applicable découlant de traités. La première préoccupation dans le cadre de cette analyse est la pérennité de la ressource.

 

[50]           La décision qui a été prise en l’espèce au sujet de la répartition de la ressource présente certaines de ces caractéristiques. Elle définit la politique générale concernant la répartition de cette ressource publique en fonction de deux secteurs de la pêche comptant chacun des centaines de titulaires de permis, ce qui est se distingue d’une décision administrative consistant à allouer un quota à un titulaire de permis individuel.

 

[51]           Les critères relatifs à la norme de contrôle qui ont été formulés dans l’arrêt Maple Lodge Farms c Gouvernement du Canada, [1982] 2 RCS 2 et dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190, ne s’excluent pas l’un l’autre et ne sont pas distincts; ils relèvent tous les deux de la norme de la décision raisonnable que l’on doit appliquer ou moduler selon l’endroit où se situe la décision sur le spectre, qui va de la décision purement législative à la décision  purement administrative. Les décisions ministérielles peuvent se situer n’importe où sur ce spectre, en partant d’une décision purement administrative ne visant qu’un seul individu jusqu’à une décision de principe entièrement politique qui ne peut pas faire l’objet d’un recours devant les tribunaux. Ainsi que le juge en chef du Canada l’a fait observer dans l’arrêt Catalyst Paper Corp. c North Cowichan (District), 2012 CSC 2, [2012] 1 RCS 5, aux paragraphes 23 et 24 :

Comme je l’ai déjà mentionné, Dunsmuir affirme que la norme de la décision raisonnable est une norme de déférence souple qui varie selon le contexte et la nature de la mesure administrative contestée. Ainsi, Dunsmuir déclare expressément que les approches de révision judiciaire élaborées précédemment par les tribunaux dans des contextes particuliers demeurent pertinentes (Dunsmuir, par. 54 et 57). En l’espèce, le contexte est celui de l’adoption de règlements municipaux. Les causes relatives à la révision de tels règlements que le juge de première instance a invoquées et qui ont été analysées ci‑dessus restent donc pertinentes et applicables. Bref, ces causes indiquent ce qui est raisonnable dans le contexte particulier de règlements adoptés par des conseils municipaux élus démocratiquement.

 

Il est donc clair que les tribunaux appelés à réviser le caractère raisonnable de règlements municipaux doivent le faire au regard de la grande variété de facteurs dont les conseillers municipaux élus peuvent légitimement tenir compte lorsqu’ils adoptent des règlements. Le critère applicable est le suivant : le règlement ne sera annulé que s’il s’agit d’un règlement qui n’aurait pu être adopté par un organisme raisonnable tenant compte de ces facteurs. Le fait qu’il faille faire preuve d’une grande retenue envers les conseils municipaux ne signifie pas qu’ils ont carte blanche.

 

 

[52]           Ces principes s’appliquent, par analogie, à la présente affaire. Il existe plusieurs caractéristiques contextuelles qui militent toutes en faveur de l’application d’une norme de contrôle qui commande la déférence. Parmi celles‑ci, mentionnons la nature de la décision et l’identité du décideur, le contexte législatif et factuel et la nature et l’ampleur des considérations en cause.

 

[53]           Ce n’est pas parce qu’une décision de cette nature a droit à une certaine déférence qu’elle échappe à tout contrôle. La primauté du droit veut que tout exercice de l’autorité publique procède de la loi. Les cours de justice doivent s’assurer que les gouvernements agissent dans les limites fixées par la loi habilitante, la common law, le droit civil ou la Constitution (Dunsmuir, au paragraphe 28). Ce rôle revient toujours aux tribunaux, même s’il peut être limité. Par exemple, dans l’arrêt Public Mobile c Canada (Procureur général), 2011 CAF 194, la Cour d’appel fédérale a procédé au contrôle d’une décision prise par le gouverneur en conseil sous le régime de la Loi sur les télécommunications, LC 1993, c 38, en appliquant la norme de la décision raisonnable.

 

[54]           Bien qu’il soit antérieur à l’arrêt Dunsmuir, il convient de citer l’arrêt Carpenter Fishing Corp c Canada, [1998] 2 CF 548 (CAF), une autre affaire portant sur la pêche au flétan du Pacifique, dans lequel la Cour a défini la portée du contrôle judiciaire de la répartition sectorielle de la pêche :

 

La mise en œuvre d’une politique en matière de quotas (par opposition à la délivrance d’un permis particulier) est une décision discrétionnaire qui tient de la mesure législative ou stratégique [...] Ces lignes directrices discrétionnaires ne sont pas susceptibles de contrôle judiciaire, à moins qu’elles ne soient entachées de l’un des trois vices mentionnés par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Maple Lodge Farms Ltd. c. Gouvernement du Canada, à savoir la mauvaise foi, le non‑respect des principes de justice naturelle et la prise en compte de considérations inappropriées ou étrangères à l’objet de la loi.

 

[...]

 

C’est uniquement lorsque le Ministère prend des mesures, par ailleurs autorisées par la Loi sur les pêches, qui outrepassent manifestement les buts généraux autorisés par la Loi que les tribunaux devraient intervenir.

 

 

[55]           Cette conception du contrôle judiciaire des décisions en matière de gestion des pêches a été constamment réaffirmée par la Cour d’appel fédérale (Mainville c Canada (Procureur général), 2009 CAF 196, et Canada (Procureur général) c Arsenault, 2009 CAF 300). Dans l’arrêt Mainville, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’un tribunal ne peut modifier un plan de pêche établi par le ministre à moins que celui‑ci ait agi de façon arbitraire, de mauvaise foi ou qu’il se soit fondé sur des considérations non pertinentes.

 

[56]           Ces décisions s’accordent également avec la norme de contrôle de la décision raisonnable. En toute logique, le non‑respect de l’un quelconque des critères énoncés dans l’arrêt Maple Lodge Farms rendrait en soi une décision déraisonnable. Une décision entachée de mauvaise foi ou fondée sur des considérations non pertinentes est, par définition, déraisonnable.

 

[57]           La Cour d’appel a, toujours dans le contexte des politiques en matière de pêche, analysé des décisions ministérielles portant sur des intérêts opposés dans l’optique du caractère raisonnable. Dans l’arrêt Doug Kimoto c Canada (Procureur général), 2011 CAF 291, la Cour a déclaré, au paragraphe 13 :

La ministre a la tâche colossale de gérer, de développer et de conserver les pêches, lesquelles constituent une ressource qui appartient à l’ensemble de la population canadienne. Les décisions relatives à la conservation et à la gestion de la ressource doivent nécessairement viser à trouver un équilibre entre des intérêts divergents. En l’espèce, la ministre s’est informée des options qui s’offraient à elle ― et elles étaient nombreuses ― en menant des consultations poussées auprès des divers intervenants. Elle a finalement décidé d’affecter l’essentiel du Fonds américain à un programme de retrait volontaire permanent de permis. Il s’agissait d’une décision hautement discrétionnaire axée sur les faits et sur des considérations de principe. À notre avis, les motifs de la décision de la ministre étaient suffisamment transparents et intelligibles et la décision elle‑même appartenait aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, par. 47).

 

 

[58]           En somme, la norme dans la décision raisonnable est une norme souple qui doit être appliquée en fonction du contexte. La norme du caractère raisonnable est appliquée en fonction de la jurisprudence antérieure régissant la portée du contrôle des décisions de cette nature.

 

Absence d’erreur susceptible de révision

 

[59]           Le demandeur affirme que les critères de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité de l’arrêt Dunsmuir n’ont pas été respectés. Le ministre a très peu motivé sa décision. La décision accorde une importance prioritaire à la croissance de la pêche récréative, malgré les risques de retombées négatives pour la pêche commerciale et la conservation de la ressource. De plus, la décision du ministre contredit les assurances qu’il avait antérieurement données aux pêcheurs commerciaux. La décision du ministre est contraire à l’avis réfléchi de son ministère et à l’avis que lui avait donné son secrétaire parlementaire. Le ministre et le Ministère ont affirmé à plusieurs reprises que l’allocation ne serait pas modifiée sans que l’on suive un processus axé sur le marché.

 

[60]           Force est de reconnaître que, lorsqu’on l’applique en contexte, la norme de contrôle de la décision raisonnable reconnaît implicitement que le ministre a toute la latitude voulue pour faire des choix politiques. Les décisions politiques ne sont pas nécessairement transparentes. Le demandeur soutient en fait qu’il y a beaucoup à dire au sujet de l’absence de justification de la décision, notamment son manque de cohérence compte tenu des engagements de longue date et récemment réaffirmés du ministre, et de l’absence de toute preuve permettant de penser que cette décision favorisera la croissance économique. Au bout du compte, toutefois, compte tenu du contexte, cette décision appartient à la gamme des décisions possibles que le ministre pouvait prendre.

 

[61]           Comme nous l’avons déjà signalé, le ministre cite la croissance économique et les emplois comme étant les facteurs les plus importants. Il ressort toutefois des motifs de sa décision, lorsqu’on les considère dans leur ensemble, que le ministre a insisté en particulier sur trois facteurs : la certitude à long terme, la croissance économique et la conservation. Ce sont là toutes des considérations légitimes. Lorsqu’on le situe dans le contexte des consultations qui ont été menées, l’objectif visé était d’assurer la stabilité de l’industrie. La fermeture de la pêche pendant la saison de pêche nuisait considérablement à la pêche sportive. Le demandeur rétorque que la réduction arbitraire de la part du secteur commercial a entraîné beaucoup d’incertitude dans cette industrie, qui constitue de loin la plus importante.

 

[62]           Rien ne permet de penser que la décision était entachée de mauvaise foi ou qu’elle reposait sur des considérations non pertinentes. Le ministre peut tenir compte de plusieurs objectifs lorsqu’il prend des décisions dans le cadre de la Loi sur les pêches, notamment de « la conservation, la protection et l’exploitation des ressources, soit simplement en les alliant à la poursuite d’objectifs et à la mise en application de politiques de nature sociale, culturelle ou économique » (Gulf Trollers Association c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), [1987] 2 CF 93 (CAF), à la page 106).

 

[63]           Il est indéniable que le ministre n’a pas respecté son engagement de longue date de maintenir le cadre de répartition de 2003 sur lequel le demandeur et ceux qu’il représentait se sont fiés de bonne foi pour structurer leur entreprise individuelle et prendre leur décision en matière d’investissements. Les réparations qu’ils peuvent obtenir pour ce changement de position ne sont pas judiciaires. En conclusion, rien n’empêche le ministre de favoriser un groupe de pêcheurs aux dépens d’un autre (Carpenter, au paragraphe 39).

 

[64]           La jurisprudence indique clairement que le ministre n’est pas lié par ses décisions politiques antérieures. Dans l’arrêt Arsenault, la Cour d’appel fédérale a conclu que le ministre peut changer en tout temps ses politiques en matière de pêche. Tout comme les plans de gestion à l’examen dans l’affaire Arsenault, le cadre de répartition de 2003 n’était qu’une déclaration d’intention expliquant les paramètres de ce que le ministre avait l’intention d’appliquer dans le cadre de son mandat en matière de gestion des pêches. Le cadre de répartition de 2003 ne liait pas le ministre. Les assurances ultérieures données par le ministre ne pouvaient également pas le lier.

 

[65]           Dans les mémoires qu’il a soumis au ministre, le Ministère expliquait qu’un changement de la répartition [traduction] « serait perçu par les pêcheurs commerciaux de la Colombie‑Britannique et de l’ensemble du pays comme un affaiblissement du message du ministre en matière de stabilité et de prévisibilité au cœur des objectifs de modernisation des pêches ».

 

[66]           Notre Cour ne peut réévaluer l’importance de ce facteur et conclure que le ministre aurait dû considérer celui‑ci comme déterminant, au risque de franchir la ligne de démarcation entre le domaine judiciaire et le domaine politique. Le ministre a le droit de prendre des décisions politiques de cette nature à son entière discrétion, sous réserve uniquement des critères formulés dans l’arrêt Maple Lodge Farms.

 

[67]           Le Ministère a également évoqué les [traduction] « difficultés [qui pourraient être causées] à certains pêcheurs commerciaux qui ont déjà signé des contrats de vente pour la prochaine saison ». Cette décision est susceptible d’avoir des répercussions économiques défavorables tant à court terme qu’à long terme pour le demandeur, mais le fait que la décision du ministre risque d’avoir des incidences financières négatives sur une industrie par rapport à une autre ne la rend pas déraisonnable en soi.

 

[68]           Le demandeur a présenté une preuve abondante pour faire ressortir ce point. Les pêcheurs commerciaux dépendent de la stabilité de l’industrie pour prendre des décisions éclairées en ce qui concerne leur entreprise et leurs investissements. Bon nombre d’entre eux s’endettent lourdement, confiants de pouvoir compter sur une répartition constante du TAC. Il n’y a aucun doute que le fait de réduire une partie du TAC sans méthode d’indemnisation axée sur le marché aura des effets négatifs sur le gagne‑pain de bon nombre de pêcheurs commerciaux. Cela dit, il appartient au ministre de décider de quelle manière il y a lieu de pondérer les intérêts de la pêche commerciale et de la pêche sportive.

 

[69]           Le demandeur a également exprimé ses préoccupations au sujet des répercussions de cette décision sur la conservation de la ressource. L’industrie de la pêche récréative a toujours excédé sa part du TAC malgré les mesures de contrôle du Ministère. À la différence du secteur commercial, dont la taille est beaucoup plus petite et qui est assujetti à des contrôles et à une réglementation stricts, il est difficile de contrôler et de surveiller le secteur récréatif. Les pêcheurs récréatifs se comptent par milliers, des pêcheurs ordinaires jusqu’aux organisateurs de sorties de pêche sophistiqués. Ces personnes et ces entreprises diverses ont jusqu’ici échappé à tout contrôle rigoureux.

 

[70]           Le demandeur souligne qu’à la lumière de ces faits, la décision d’encourager la croissance du secteur récréatif mine et contredit l’engagement légal du ministère envers la conservation. Il souligne qu’il y a peu de raisons de croire que le secteur récréatif respectera plus volontiers maintenant sa part de 15 p. cent alors qu’il ne s’y est pas conformé dans le passé. En 2006, les prises du secteur récréatif représentaient 18 p. cent du TAC. En 2008, elles correspondaient à 17 p. cent du TAC.

 

[71]           Le demandeur souligne par ailleurs que ces préoccupations étaient également partagées par M. Kelleher et par le Ministère. Le Ministère voulait retarder le changement de la répartition jusqu’à ce que l’on constate que les mécanismes avaient réussi à forcer le secteur récréatif à respecter sa part du TAC. Dans chacun de ses mémoires, le sous‑ministre mentionne la surpêche pratiquée par le secteur récréatif parmi ses sujets d’inquiétude. Un changement de la répartition serait perçu comme un exemple démontrant [traduction] « que les pressions politiques peuvent porter fruit, ce qui pourrait se traduire à l’avenir par un lobby accru auprès du gouvernement et du Ministère ». De plus, cette décision ne fournirait [traduction] « pas de mesures incitatives visant à améliorer le contrôle et la gestion de la ressource dans le secteur récréatif ».

 

[72]           Le demandeur souligne que, pour apprécier le caractère raisonnable de la décision, il n’y a pas grand‑chose, voire rien, qu’on puisse dire en faveur de la décision. Au contraire, un grand nombre de facteurs militent à son encontre. Rien ne permet de penser que cette décision procurera des avantages économiques plus grands ou favorisera une meilleure conservation. Qui plus est, aucuns droits ancestraux ou droits issus de traités ne sont en jeu, étant donné que le litige porte sur le partage d’un quota entre deux groupes concurrents.

 

[73]           Dans le cas de décisions de cette nature, le rôle de notre Cour ne consiste pas à réévaluer les facteurs en présence ou de tirer ses propres conclusions. Dès lors que la décision fait partie de celle que le ministre pouvait vraisemblablement prendre, la déférence commande qu’on la respecte.

 

[74]           Je ne vois aucune raison d’intervenir. Les secteurs commercial et récréatif sont en conflit depuis plus d’une dizaine d’années. Inévitablement, les gains que réalisera un secteur se feront aux dépens de l’autre. Il s’agit de décisions de principe qu’il revient au ministre de prendre. Le ministre n’est pas lié par les avis que lui donne le Ministère et sa décision de ne pas suivre les recommandations réfléchies et répétées du Ministère ne constitue pas une erreur susceptible de révision.

 

[75]           Pour conclure, il convient de signaler que le pouvoir discrétionnaire du ministre en matière de gestion des pêches n’est pas un pouvoir absolu. Il est assujetti à sa responsabilité primordiale de conserver la ressource. Le ministre a l’obligation de s’assurer que le Canada respecte le TAC et qu’il prenne des mesures de contrôle efficaces pour s’assurer que les limites sont respectées. À cet égard, du point de vue de la pêche au flétan, en tant que ressource, et compte tenu des obligations légales du ministre de conserver la pêche, il importe peu de savoir qui pêche le poisson; ce qui importe, c’est le TAC soit respecté.

 

La doctrine des attentes légitimes ne s’applique pas

 

[76]           Le demandeur souhaite que la Cour déclare que le ministre a violé ses attentes légitimes qu’un processus axé sur le marché serait suivi pour ajuster la répartition du TAC.

 

[77]           Le critère applicable en matière d’attentes légitimes consiste à se demander si le ministre a fait des affirmations « claires, nettes et explicites » au sujet du processus administratif qui serait suivi (Canada (Procureur général) c Mavi, 2011 CSC 30, au paragraphe 68). De plus, la doctrine des attentes légitimes ne s’applique qu’au processus que le ministre devait suivre et non au résultat de sa décision (Centre hospitalier Mont‑Sinaï c. Québec (Ministre de la Santé et des Services sociaux), 2001 CSC 41, au paragraphe 35.

 

[78]           Dans le cas qui nous occupe, le premier critère n’a pas été respecté. Pendant près d’une décennie, le ministre et les hauts fonctionnaires du Ministère à Ottawa et à Vancouver ont confirmé l’engagement de 2003 en ce qui concerne les transferts axés sur le marché devant avoir lieu entre les deux industries. Un an avant la décision en question, le 15 février 2011, le ministre a confirmé en des termes catégoriques que la répartition ne serait modifiée qu’au moyen d’un mécanisme axé sur le marché.

 

[79]           Toutefois, les attentes relatives au processus à suivre se rattacheraient aux consultations ayant mené à la décision. Or, le demandeur ne s’est jamais dit insatisfait du processus qui a été suivi. En fait, suivant le dossier, des consultations poussées ont été menées. En l’espèce, le demandeur souhaite un certain résultat. L’expression « processus axé sur le marché » ne vise pas le processus aux termes duquel la décision est prise; il vise plutôt un résultat précis, en l’occurrence, une indemnisation versée aux pêcheurs commerciaux pour toute augmentation accordée aux pêcheurs récréatifs.

 

[80]           Par ailleurs, pour être « légitime », une attente ne doit pas être incompatible avec une obligation imposée par la loi au ministre (SCFP c Ontario (Ministre du Travail), 2003 SCC 29, [2003] 1 RCS 539, au paragraphe 131). Obliger le ministre à imposer un mécanisme d’ajustement axé sur le marché entraverait son pouvoir discrétionnaire, ce qui porterait atteinte aux vastes pouvoirs que le législateur lui a conférés.

 

[81]           La doctrine des attentes légitimes ne s’applique donc pas à la présente décision.

 

La doctrine de la préclusion promissoire

 

[82]           Les conditions d’ouverture au moyen de défense fondé sur la préclusion promissoire ne sont pas réunies en l’espèce.

 

[83]           Le demandeur doit démontrer que le ministre a, par ses paroles ou par ses gestes, fait une promesse ou donné une assurance destinée à modifier leurs rapports juridiques et à l’inciter à accomplir certains actes. Le demandeur doit démontrer qu’il a agi sur la foi de ces déclarations (Maracle c Travellers Indemnity Co of Canada, [1991] 2 RCS 50, au paragraphe 13).

 

[84]           J’admets que les pêcheurs commerciaux se sont fiés aux assurances du ministre. Le dossier renferme de nombreux éléments de preuve, sous forme d’affidavits souscrits par d’autres pêcheurs commerciaux, démontrant que le ministre était au courant que les pêcheurs se fieraient au cadre de répartition de 2003 et aux assurances qui ont été données par la suite. Le sous‑ministre adjoint, le sous‑ministre et le ministre ont réaffirmé leur engagement au sujet du cadre de répartition de 2003. Les éléments de preuve suivant lesquels les pêcheurs commerciaux, sur la foi de ces engagements, ont pris des décisions importantes en matière d’investissement, en acquérant notamment des quotas et des bâtiments et de l’équipement de pêche avec des coûts prévus se chiffrant dans les centaines de milliers de dollars sont également non contredits. Le ministre a répété son engagement à maintenir le pourcentage et les mécanismes axés sur le marché jusqu’en 2011 et l’a répété au cours des consultations. Le ministre cherche depuis longtemps à promouvoir la stabilité de l’industrie.

 

[85]           Malgré cela, dans l’arrêt Centre hospitalier Mont‑Sinaï Mount, la Cour suprême a précisé que le tribunal ne devait pas, en raison de la préclusion promissoire, empêcher le ministre de faire ce qu’il considère être son devoir lorsque le ministre est mandaté en termes larges par la loi pour agir dans l’intérêt public. Au paragraphe 47, la Cour déclare : « La loi est suprême. Des circonstances qui pourraient par ailleurs donner lieu à la préclusion peuvent devoir céder le pas à un intérêt public prépondérant exprimé dans le texte législatif ».

 

[86]           Le demandeur affirme que la loi ne peut contraindre le ministre à rajuster la répartition et qu’aucun objectif de conservation n’est favorisé et, qu’en fait, on risque de nuire aux objectifs de conservation de la ressource. Le demandeur ne conteste pas que, si l’exercice du pouvoir discrétionnaire du ministre allait dans le sens de cet objectif, comme dans le cas où la pêche est fermée pendant la saison de pêche, on ne pourrait pas s’y opposer. En l’espèce toutefois, le ministre a simplement décidé de favoriser les intérêts d’un groupe de pêcheurs au détriment de ceux d’un autre.

 

[87]           On ne peut compartimenter aussi aisément le pouvoir discrétionnaire du ministre. Sous réserve des critères énoncés dans l’arrêt Maple Lodge Farms au sujet du caractère raisonnable, le ministre a toute latitude pour changer ses orientations en matière de politique. Ainsi, le ministre a décidé d’augmenter la part du secteur récréatif sans indemniser les pêcheurs commerciaux. L’empêcher de changer ses choix politiques constituerait une violation de son obligation.

 

[88]           En annonçant le changement sur son site Web, le Ministère a déclaré qu’il s’agissait d’« une modification ponctuelle permanente » des quotas. Cette déclaration contredit la position juridique du ministre et va, en fait, directement à l’encontre d’une longue série de décisions sur lesquelles s’est fondé le ministre. Ces décisions confirment que, sous réserve de l’obligation primordiale de conserver la ressource publique, le ministre a toute latitude pour modifier la répartition. Comme nous l’avons déjà signalé, son mandat exige qu’il dispose de cette latitude. Or, le ministre a agi de façon irrégulière en déclarant le contraire, d’autant plus que sa déclaration contredisait la position qu’il a lui‑même défendue devant notre Cour.

 

[89]           En somme, rien ne justifie la Cour de modifier la décision du ministre.

 

 


JUGEMENT

 

LA COUR REJETTE la demande de contrôle judiciaire. Les parties peuvent présenter leurs observations au sujet des dépens dans les vingt jours de la date de présente décision.

 

 

« Donald J. Rennie »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑577‑12

 

 

INTITULÉ :                                                  GRAEME MALCOLM, pour son propre compte ET AU NOM DE TOUTES LES ENTREPRISES TITULAIRES DE PERMIS DE PÊCHE COMMERCIALE DU FLÉTAN DE LA COLOMBIE‑BRITANNIQUE c.
BC WILDLIFE FEDERATION ET
SPORT FISHING INSTITUTE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 24 octobre 2012

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                       LE JUGE RENNIE

 

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 11 avril 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Sean Hern

Alison Latimer

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Tim Timberg

Hugh MacAulay

 

POUR LE DÉFENDEUR,

LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

 

Christopher Harvey, c.r.

David K. Georgetti

 

POUR LE DÉFENDEUR,

BC WILDLIFE FEDERATION ET SPORT FISHING INSTITUTE

 

 


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Farris, Vaughan, Wills & Murphy LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

William F. Pentney,

Sous‑procureur général du Canada

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR,

REPRÉSENTÉ PAR LE MINISTRE DES PÊCHES ET DES OCÉANS

 

MacKenzie Fujisawa LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR,

BC WILDLIFE FEDERATION ET SPORT FISHING INSTITUTE

 

 

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