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Date : 20130417

Dossier : IMM-2910-12

Référence : 2013 CF 383

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 17 avril 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

QING QUAN LUO

HUI XIN LIANG

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.                   Aperçu

[1]               M. Qing Quan Luo et son épouse, Mme Hui Xin Liang, ont quitté la Chine en 2010 et ont demandé le droit d’asile au Canada en invoquant la crainte d’une persécution religieuse à titre de membres d’une église chrétienne clandestine à Guangzhou. Ils soutiennent que le Bureau de la sécurité publique (le BSP) de la Chine a effectué une descente dans leur église, qu’il a arrêté certains des membres de leur congrégation et qu’il cherche maintenant à les appréhender. Ils prétendent également qu’ils s’exposent à des sanctions pour avoir violé la politique chinoise de l’enfant unique.

 

[2]               Un tribunal de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a examiné les éléments de preuve présentés par les demandeurs et a conclu que leur crainte de persécution religieuse ne reposait pas sur une preuve crédible. Le tribunal a également conclu que la preuve documentaire ne justifiait pas qu’ils redoutent les fonctionnaires responsables de la planification familiale en Chine. La Commission a donc rejeté leur demande.

 

[3]               Les demandeurs soutiennent que l’appréciation de leur crédibilité était déraisonnable et que la Commission a fait abstraction d’importants éléments de preuve touchant l’application de la politique de l’enfant unique en Chine. Ils me demandent d’annuler sa décision et d’ordonner à un autre tribunal de la Commission de procéder à un nouvel examen de leur demande.

 

[4]               Je conviens que la Commission a apprécié de manière déraisonnable la crédibilité des allégations de persécution religieuse des demandeurs. J’accueillerai donc la présente demande de contrôle judiciaire pour ce motif. Il n’est pas nécessaire de se demander si la Commission a commis une erreur en ce qui concerne la crainte des fonctionnaires responsables de la planification familiale.

 

[5]               La seule question qui se pose est donc de savoir si l’appréciation de la Commission quant à la crédibilité était déraisonnable.

 

II.                Le traitement de la preuve par la Commission

[6]               La Commission a entamé son analyse par une déclaration générale voulant que la version des faits des demandeurs contredisait la preuve documentaire disponible. Elle s’est étendue sur ce sujet plus loin dans ses motifs.

 

[7]               De plus, la Commission a formulé un certain nombre de préoccupations spécifiques touchant l’allégation des demandeurs selon laquelle ils étaient recherchés par le BSP :

 

•           les demandeurs soutenaient que le BSP avait montré aux parents de M. Luo un mandat d’arrestation, mais la preuve documentaire donne à penser que le BSP n’utilise ce type de mandat que s’il existe des motifs de croire que les suspects ne répondront pas à une assignation. Le BSP n’avait pas de tels motifs en l’espèce;

 

•           normalement, l’assignation est remise aux membres de la famille; il est donc probable que le BSP en ait laissé une chez les parents de M. Luo avant de recourir à un mandat d’arrestation;

 

•           il est possible d’obtenir des copies des mandats ou des assignations émis par le BSP, mais les demandeurs ne l’ont pas fait;

 

•           les demandeurs ont déclaré que le BSP avait fouillé leur domicile, mais ils n’ont pas pu produire la copie du mandat de perquisition. Comme le BSP avait fourni un mandat d’arrestation, il est probable qu’il ait aussi délivré un mandat de perquisition.

 

[8]               Compte tenu de ces conclusions et de l’affirmation générale selon laquelle le récit des demandeurs concernant les faits qui se sont produits en Chine contredisait la preuve documentaire, la Commission a conclu que leurs allégations n’étaient ni crédibles ni vraisemblables. Elle a notamment conclu que « la prétendue descente dans la maison-église des demandeurs d’asile n’a pas eu lieu ».

 

III.             La Commission a-t-elle traité la preuve d’une manière déraisonnable?

[9]               Dans ses motifs, la Commission s’est proposé (à deux reprises) d’expliquer en quoi la persécution religieuse dans la province du Guangdong alléguée par les demandeurs était incompatible avec la preuve documentaire, mais sans jamais le faire. La Commission n’a donc aucunement analysé la preuve documentaire, dont certains éléments corroboraient clairement les allégations des demandeurs. Un rapport de 2009 de la China Aid Association faisait justement référence à une descente des autorités chinoises dans une maison-église de Guangzhou.

 

[10]           Quand bien même les inférences défavorables de la Commission énumérées plus haut étaient fondées, celle-ci était cependant tenue d’examiner la preuve documentaire invoquée par les demandeurs, et en particulier les extraits qui contredisaient sa conclusion finale. La Commission en était bien consciente, puisqu’elle a fait deux fois allusion dans ses motifs à l’analyse exigée. Or, cette analyse n’a jamais été effectuée.

 

[11]           Par conséquent, la conclusion de la Commission selon laquelle la version des faits des demandeurs n’était pas crédible était déraisonnable.

 

IV.             Conclusion et décision

[12]           Sans une analyse appropriée de la preuve documentaire, la conclusion de la Commission selon laquelle la preuve des demandeurs manquait de crédibilité et de vraisemblance n’appartient pas aux issues pouvant se justifier. Elle était déraisonnable. Je dois donc faire droit à la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal de la Commission différemment constitué. Aucune des parties ne m’a invité à certifier de question de portée générale, et la Cour n’en énonce pas.


JUGEMENT

LA COUR STATUE :

1.                                          La demande de contrôle judiciaire est accueillie et une nouvelle audience doit se tenir devant un tribunal de la Commission différemment constitué.

2.                                          Aucune question de portée générale n’est énoncée.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche. traducteur

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2910-12

 

INTITULÉ :                                      QING QUAN LUO, ET AL
c

                                                            MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 24 janvier 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 17 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hart A. Kaminker

 

POUR LES DEMANDEURS

Rachel Hepburn Craig

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hart A. Kaminker

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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