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Date : 20130425


Dossier : IMM‑6550‑12

Référence : 2013 CF 403

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 25 avril 2013

En présence de monsieur le juge Roy

ENTRE :

Maritza Rocio PERILLA‑GIBNEY

 

demanderesse

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l’article 72 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi), de la décision par laquelle un agent des visas au haut‑commissariat du Canada à Londres, au Royaume‑Uni, a rejeté la demande de résidence permanente au Canada au titre de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) déposée par Mme Maritza Rocio Perilla‑Gibney (la demanderesse).

 

Faits

[2]               La demanderesse, citoyenne de la Colombie et aussi de l’Irlande, a présenté une demande de résidence permanente au Canada le 23 octobre 2009. Dans le mémoire des arguments déposé pour son compte, la demanderesse est désignée comme citoyenne de l’Angleterre, mais il semble qu’elle soit simplement résidente du Royaume‑Uni. Cette première demande a été rejetée. Le 29 mars 2010, une deuxième demande de résidence permanente au Canada a été présentée, accompagnée d’une lettre de recommandation de l’employeur. Le présent contrôle judiciaire vise le rejet de cette deuxième demande.

 

[3]               La seule question en l’espèce est celle de savoir si la demanderesse répond aux exigences du code 4131 de la Classification nationale des professions – Enseignants/enseignantes au niveau collégial et autres instructeurs/instructrices de programmes de perfectionnement [le code 4131 de la CNP]. La demande a été rejetée le 2 mai 2012 par un agent des visas (le décideur).

 

Arguments

[4]               La demanderesse affirme que les documents nécessaires ont été fournis et qu’elle répond aux critères du code de la CNP en question. La demanderesse blâme l’agent pour ne pas avoir indiqué [traduction] « très clairement le genre d’éléments de preuve qu’il cherchait, si ceux qui avaient été soumis ne correspondaient pas à ce qu’il attendait » (paragraphe 23 des observations écrites).

 

[5]               La demanderesse énumère ensuite les tâches qu’elle devait accomplir à titre de directrice adjointe de la Santé et de la Sécurité au St. George’s Healthcare NHS, d’août 2007 à juin 2009.

 

[6]               Le défendeur adopte le point de vue diamétralement opposé et soutient que la décision de l’agent était raisonnable, compte tenu de la preuve qui lui avait été présentée.

 

Analyse

[7]               L’étranger qui demande la résidence permanente au Canada doit d’abord obtenir un visa (paragraphe 11(1) de la Loi). En l’espèce, la demanderesse souhaite se qualifier au titre de la catégorie de l’immigration économique. Le paragraphe 12(2) de la Loi est ainsi libellé :

  12. (2) La sélection des étrangers de la catégorie « immigration économique » se fait en fonction de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada.

 

  12. (2) A foreign national may be selected as a member of the economic class on the basis of their ability to become economically established in Canada.

 

 

[8]               C’est le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227, (le Règlement) qui régit l’évaluation des demandes de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). L’article 75 du Règlement prévoit ce qui suit :

  75. (1) Pour l’application du paragraphe 12(2) de la Loi, la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) est une catégorie réglementaire de personnes qui peuvent devenir résidents permanents du fait de leur capacité à réussir leur établissement économique au Canada, qui sont des travailleurs qualifiés et qui cherchent à s’établir dans une province autre que le Québec.

 

  (2) Est un travailleur qualifié l’étranger qui satisfait aux exigences suivantes :

 

a) il a accumulé au moins une année continue d’expérience de travail à temps plein au sens du paragraphe 80(7), ou l’équivalent s’il travaille à temps partiel de façon continue, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande de visa de résident permanent, dans au moins une des professions appartenant aux genre de compétence 0 Gestion ou niveaux de compétences A ou B de la matrice de la Classification nationale des professions — exception faite des professions d’accès limité;

 

b) pendant cette période d’emploi, il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions des professions de cette classification;

 

c) pendant cette période d’emploi, il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

 

 

  (3) Si l’étranger ne satisfait pas aux exigences prévues au paragraphe (2), l’agent met fin à l’examen de la demande de visa de résident permanent et la refuse.

 

  75. (1) For the purposes of section 12(2) of the Act, the federal skilled worker class is hereby prescribed as a class of persons who are skilled workers and who may become permanent residents on the basis of their ability to become economically established in Canada and who intend to reside in a province other than the Province of Quebec.

 

 

  (2) A foreign national is a skilled worker if

 

 

(a) within the 10 years preceding the date of their application for a permanent resident visa, they have at least one year of continuous full‑time employment experience, as described in subsection 80(7), or the equivalent in continuous part‑time employment in one or more occupations, other than a restricted occupation, that are listed in Skill Type 0 Management Occupations or Skill Level A or B of the National Occupational Classification matrix;

 

 

(b) during that period of employment they performed the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

 

(c) during that period of employment they performed a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all of the essential duties.

 

  (3) If the foreign national fails to meet the requirements of subsection (2), the application for a permanent resident visa shall be refused and no further assessment is required.

 

 

[9]               Le fait que la demanderesse satisfait aux exigences en ce qui concerne l’expérience continue de travail à temps plein n’est pas contesté. Ce sont plutôt les exigences relatives à l’énoncé principal établi pour la profession et à l’exercice d’une partie appréciable des fonctions principales qui ne sont pas satisfaites, de l’avis de l’agent des visas.

 

[10]           Il semblerait que la demanderesse soulève deux arguments. Elle affirme d’abord que l’agent des visas aurait dû indiquer plus clairement les éléments de preuve qu’elle devait présenter pour satisfaire aux critères. Le deuxième argument concerne le bien‑fondé de la décision qui a été rendue.

 

[11]           En ce qui concerne le premier argument, la Cour a maintes fois répété que l’agent des visas n’est pas tenu de souligner les problèmes ayant trait au caractère adéquat d’une demande.

 

[12]           Une question d’équité procédurale peut être soulevée quand le décideur omet d’informer le demandeur de ses préoccupations à l’égard de la crédibilité ou de l’authenticité des renseignements présentés à l’appui d’une demande. Or, ce n’est pas le cas en l’espèce. Comme le juge Richard Mosley l’a dit, dans Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, [2007] 3 RCF 501 :

[23] […] L’agent des visas n’est pas tenu d’informer le demandeur des questions qui découlent directement des exigences de l’ancienne Loi et de son règlement d’application […]

 

 

Voir également Pan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 838, et Kaur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 442. La demanderesse ne peut obtenir gain de cause en se fondant sur son premier argument parce qu’il concerne la suffisance de la preuve. L’agent des visas n’est pas tenu d’aviser le demandeur de l’insuffisance des renseignements présentés.

 

[13]           En ce qui a trait au bien‑fondé du refus de délivrer le visa, la décision est sans équivoque : [traduction] « les fonctions principales que vous avez énumérées n’indiquent pas que vous avez accompli l’ensemble des tâches essentielles et une partie appréciable des fonctions principales établies dans les descriptions des professions de la CNP ». L’agent des visas n’était pas convaincu que les renseignements présentés étaient suffisants. Selon l’appréciation des renseignements fournis par la demanderesse, la demande était irrecevable.

 

[14]           Lorsque la question en litige concerne le caractère suffisant de la preuve, la norme de contrôle applicable péremptoirement est celle de la décision raisonnable : Hoang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 545; Khan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 302; Hanif c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 68; Obeta c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1542. Il suffira que la décision appartienne « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 RCS 190, au paragraphe 47).

 

[15]           En l’espèce, la question se résume à une comparaison entre le code 4131 de la CNP et les renseignements que la demanderesse a présentés pour établir qu’elle satisfaisait aux exigences de l’article 75 du Règlement. Selon ces exigences, la demanderesse devait avoir accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession et exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession. Était‑il raisonnable pour le décideur de conclure que ce n’était pas le cas?

 

[16]           Au moment où la demande a été présentée, la description du code 4131 de la CNP était la suivante :

CNP 4131 : Enseignants/enseignantes au niveau collégial et autres instructeurs/instructrices de programmes de perfectionnement

 

Les enseignants au niveau collégial et les autres instructeurs de programmes de perfectionnement de ce groupe enseignent les matières scolaires, les arts appliqués, les matières de formation professionnelle et les techniques dans des cégeps, des collèges communautaires, des collèges d’agriculture, des instituts techniques et professionnels, des écoles de langue et d’autres établissements de niveau collégial. Ce groupe de base comprend aussi les formateurs qui travaillent au sein d’établissements d’enseignement privés, d’entreprises, d’organismes communautaires et des gouvernements pour donner des cours internes de formation ou de perfectionnement. Les enseignants au niveau collégial qui sont chefs de département sont compris dans ce groupe.

 

Exemples d’appellations d’emploi

– agent/agente de formation – compagnie

– chef de département – cégep

– directeur/directrice de département au niveau collégial

– enseignant/enseignante de cégep

– formateur/formatrice – institut professionnel

– formateur/formatrice – institut technologique

– formateur/formatrice en dessin commercial

– formateur/formatrice en entreprise

– formateur/formatrice en informatique

– formateur/formatrice en lutte contre l’incendie

– professeur/professeure au niveau collégial

– professeur/professeure au programme d’assistance juridique

– professeur/professeure d’institut professionnel

– professeur/professeure d’institut technologique

– professeur/professeure de collège communautaire

– professeur/professeure de langues – école de langues

 

 

Fonctions principales

 

Les enseignants au niveau collégial et autres instructeurs de programmes de perfectionnement exercent une partie ou l’ensemble des fonctions suivantes :

– enseigner en suivant une démarche systématique faisant intervenir des exposés, des démonstrations, des discussions en groupe, des travaux en laboratoire, des ateliers, des séminaires, des études de cas, des travaux sur le terrain et des projets individuels ou en groupe;

– préparer le programme ainsi que les plans de cours et le matériel d’enseignement;

– préparer, administrer et noter les examens et les travaux afin d’évaluer les progrès des étudiants;

– renseigner les étudiants sur les programmes d’études et les choix de carrière;

– donner un enseignement individualisé, de type tutoriel ou correctif aux étudiants qui en ont besoin;

– superviser les projets individuels ou de groupes, les stages de formation pratique, les travaux pratiques et la formation en cours d’emploi;

– superviser les auxiliaires d’enseignement;

– fournir, s’il y a lieu, des services de consultation aux organismes gouvernementaux, aux entreprises ou autres;

– faire partie, s’il y a lieu, de comités traitant de questions telles que les budgets, la révision des programmes, les exigences des cours et les conditions d’obtention des diplômes.

Les enseignants au niveau collégial et autres instructeurs de programmes de perfectionnement sont spécialisés en particulier comme les arts visuels, l’hygiène dentaire, la soudure, les techniques de génie, les techniques policières, l’informatique, la gestion et les techniques d’éducation de la petite enfance.

 

 

[17]           Les motifs qui expliquent le refus sont loin d’être parfaits. Ils respectent à peine le critère établi dans Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre‑Neuve‑et‑Labrador (Conseil du Trésor), [2011] 3 RCS 708. Ils sont toutefois suffisants pour établir que la décision est raisonnable du point de vue du résultat.

 

[18]           Il était raisonnable pour le décideur de conclure que le code 4131 de la CNP visait avant tout l’exercice de la profession d’enseignant ou d’instructeur, tandis que les documents fournis à l’appui de la demande mentionnaient la formation comme une activité secondaire. Il était possible de considérer que la formation faisait figure d’activité secondaire dans les documents, compte tenu de toutes les autres activités qui étaient énumérées. Il était certainement loisible au décideur de tirer cette conclusion, qui appartenait aux issues acceptables. Ce n’était peut‑être pas la seule conclusion possible, mais, comme il est énoncé dans Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, « certaines questions soumises aux tribunaux administratifs n’appellent pas une seule solution précise, mais peuvent plutôt donner lieu à un certain nombre de conclusions raisonnables ». La norme de contrôle déférente s’applique donc aux affaires de ce genre.

 

[19]           À première vue, le titre du poste indiqué sur la description de travail est celui de directrice de la Santé et de la Sécurité, et la description semble bien correspondre à ce titre. La formation figure comme une activité secondaire, tandis que le code 4131 de la CNP révèle clairement que le Canada est à la recherche d’enseignants ou d’instructeurs. C’était l’avis de l’agent des visas, qui a souligné ceci, dans les notes consignées dans le Système de soutien des opérations des bureaux locaux : [traduction] « Elle a peut‑être donné un peu de formation, mais il ne s’agissait pas de sa tâche principale. » La preuve présentée au décideur étayait amplement cette conclusion.

 

[20]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Les parties n’ont pas demandé la certification d’une question au titre de l’article 74 de la Loi, et l’affaire n’en soulevait aucune.

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire de la décision rendue le 2 mai 2012 par un agent des visas du haut‑commissariat du Canada à Londres, au Royaume‑Uni, est rejetée.

 

 

« Yvan Roy »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑6550‑12

 

INTITULÉ :                                                  MARITZA ROCIO PERILLA‑GIBNEY c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 18 mars 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                        LE JUGE ROY

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 25 avril 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Catherine Haccoun

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Sonia Bédard

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Catherine Haccoun

Montréal (Québec)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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