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Date : 20130516

Dossier : IMM-10030-12

Référence : 2013 CF 485

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

ENTRE :

 

B027

B028

B029

B030

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS PUBLICS DE L’ORDONNANCE

(Motifs confidentiels de l’ordonnance rendus le 8 mai 2013)

[1]               Les quatre membres d’une famille tamoule du Nord du Sri Lanka, un homme, son épouse et leurs deux enfants désignés dans l’instance par B027, B028, B029 et B030, faisaient partie des passagers du MV Sun Sea. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision par laquelle leur demande d’asile a été rejetée.

 

[2]               Je conclus que cette décision est déraisonnable. La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie, et l’affaire sera renvoyée à un autre commissaire de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada pour qu’il rende une nouvelle décision à la lumière des présents motifs. Je m’appuie cependant, pour des motifs très restreints, sur la situation particulière de B027 et de B028. Je conviens avec le commissaire qui a tranché l’affaire que les demandeurs ne sont pas des réfugiés sur place. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

[3]               B027 a été blessé en 2001 par des éclats d’obus, affirme‑t‑il. Cette blessure a affecté sa mobilité. Il a travaillé à [expurgé] dans le Nord. Alors que la guerre civile tirait à sa fin, son épouse a été blessée [expurgé]. La question de savoir si elle a été traitée d’abord dans une unité médicale appartenant aux rebelles reste confuse. Quoi qu’il en soit, elle a reçu par la suite un traitement médical plus intensif dans un hôpital gouvernemental.

 

[4]               À l’instar de nombreux civils du Nord du pays, ils ont dû fuir les hostilités encore et encore pour se retrouver dans des camps. Ils ont tous deux été interrogés par la division des enquêtes criminelles du gouvernement sri-lankais, qui les soupçonnait d’appartenir aux Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET), ou d’en être des partisans ou des sympathisants.

 

[5]               Les demandeurs ont fini par recevoir des cartes d’identité et ont été autorisés à quitter leur dernier camp. Ils ont embarqué à bord du Sun Sea, qui a fait route vers le Canada.

 

[6]               Les deux époux ont été longuement interrogés au Canada. L’homme est resté en détention beaucoup plus longtemps que le temps nécessaire pour établir son identité. Ses interrogateurs affirmaient disposer d’une preuve médicale montrant qu’il n’avait pas été blessé par des éclats d’obus, mais plutôt par une balle. Bien entendu, les interrogateurs n’étaient pas tenus de dire la vérité. Si les autorités canadiennes soupçonnaient le demandeur d’être affilié aux TLET, les autorités sri‑lankaises auraient-elles entretenu le même soupçon? Une blessure par balle pouvait très bien indiquer plus que de simples dommages collatéraux et donner à penser que B027 participait activement aux hostilités.

 

[7]               En définitive, B027 a été mis en liberté par les autorités canadiennes, qui n’ont pas donné suite à la procédure d’interdiction de territoire.

 

[8]               Selon le raisonnement du commissaire, étant donné que les membres de la famille avaient reçu des cartes d’identité et avaient été libérés du camp, les autorités devaient être convaincues qu’ils n’avaient aucun lien avec les TLET. Comme l’a souligné monsieur le juge Barnes dans Rayappu c Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, IMM-8712-11, une conclusion selon laquelle la mise en liberté d’une personne signifie que cette personne ne présente pas d’intérêt pour les autorités sri‑lankaises est trop simpliste.

 

[9]               Suivant un raisonnement similaire, le commissaire a également conclu que les autorités canadiennes étaient elles aussi convaincues que B027 n’était pas un partisan des TLET, puisqu’elles avaient fini par relâcher B027. Cette conclusion est également trop simpliste. Les autorités pouvaient très bien avoir des soupçons, mais être incapables d’en faire la preuve sous le régime de notre système de droit. Les autorités sri‑lankaises ne seraient pas tenues de respecter ces règles.

 

[10]           B027 était constamment accusé de mentir quand il niait avoir des liens avec les TLET. Par exemple, il s’est fait dire : [traduction] « [...] vous me regardez dans les yeux et me mentez effrontément. Dites-moi, pourquoi le Canada vous aiderait‑il? [...] Vous vous comportez comme un enfant. Les enfants continuent de mentir, même quand tous s’en rendent compte. Les adultes disent la vérité quand ils s’aperçoivent qu’ils n’ont plus de raison de mentir. Voulez-vous agir en homme et cesser de faire l’enfant? »

 

[11]           Le commissaire a reconnu que les personnes soupçonnées d’appartenir aux TLET ou d’avoir des liens avec les TLET étaient exposées à une possibilité sérieuse de persécution. Toutefois, en traitant le Sri Lanka et le Canada comme des entités cloisonnées, le commissaire a omis d’apprécier le risque auquel la famille était exposée. Dans cette mesure, la décision était déraisonnable. Le commissaire n’a pas non plus analysé les circonstances cumulativement. Il se pourrait bien qu’étant donné l’origine ethnique de B027, la nature de sa blessure, le fait qu’il travaillait [expurgé] dans la région contrôlée du Nord du Sri Lanka, que son épouse était [expurgé] et qu’ils étaient passagers à bord du Sun Sea, ils soient exposés à un risque sérieux de persécution s’ils retournaient au Sri Lanka.

 

[12]           Je conviens avec le commissaire que les demandeurs ne sont pas des réfugiés sur place. Les décisions par lesquelles la SPR a conclu que les passagers tamouls à bord du Sun Sea formaient un groupe social particulier aux termes de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés ont été jugées incorrectes (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c B472, 2013 CF 151, [2013] ACF no 192 (QL), et Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c B323, 2013 CF 190, [2013] ACF no 193 (QL)), ou déraisonnables (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c B380, 2012 CF 1334, [2012], ACF no 1657 (QL)). Il existe d’autres affaires dans lesquelles les décisions accueillant une demande d’asile ont été maintenues sur le fondement de motifs mixtes, c’est‑à‑dire d’autres motifs prévus par la Convention.

 

 

 

« Sean Harrington »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 16 mai 2013

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-10030-12

 

INTITULÉ :                                      B027 ET AUTRES c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 1er mai 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS
CONFIDENTIELS

DE L’ORDONNANCE :                 Le 8 mai 2013

 

motifs publics

de l’ordonnance :                 Le 16 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Laura Best

 

POUR LES DEMANDEURS

Hilla Aharon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Embarkation Law Group

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LES DEMANDEURS

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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