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Date : 20130429

Dossier : IMM-2987-13

Référence : 2013 CF 440

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 29 avril 2013

En présence de monsieur le juge Shore

 

ENTRE :

 

MANUEL ANTONIO MARTINEZ DIAZ

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

ET

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

 

défendeurs

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Le demandeur, un citoyen du Honduras, demande un sursis à la mesure de renvoi prévue pour demain le 30 avril 2013, à 6 h.

 

[2]               Le demandeur n’a pas tenu compte des lois canadiennes en matière d’immigration en demandant qu’il soit sursis à son renvoi pour permettre qu’une demande de permis de séjour temporaire soit examinée.

 

[3]               Une demande de permis de séjour temporaire a été faite par une personne qui n’avait pas d’autre statut au Canada que des sursis qui lui avaient été accordés, à la suite du rejet d’une demande d’asile présentée en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR], pour former et préparer d’autres personnes à poursuivre une entreprise commerciale qui avait été établie au Canada.

 

[4]               Le paragraphe 24(4) de la LIPR mentionne clairement que « [l]’étranger dont la Section de la protection des réfugiés ou la Section d’appel des réfugiés a rejeté la demande d’asile […] ne peut demander de permis de séjour temporaire que si douze mois se sont écoulés depuis le dernier rejet de la demande d’asile […]

 

[5]               Après avoir résidé illégalement pendant plus de trois ans aux États-Unis et après que l’asile lui fut refusé le 5 novembre 2012 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, le demandeur a présenté,  le 13 février 2013, une première demande de report de renvoi, laquelle fut rejetée. Le demandeur n’a même pas, à cette occasion, fait mention d’un permis de séjour temporaire.

 

[6]               Le 28 février 2013, le demandeur a déposé une demande de permis de séjour temporaire et n’a demandé que le 18 avril 2013 un report de renvoi.

 

[7]               Le jour suivant, le 19 avril 2013, un refus de la demande de report de renvoi a été transmis au demandeur; le demandeur a toutefois attendu pendant une semaine, jusqu’à la fin de la semaine, c’est-à-dire jusqu’au vendredi 26 avril 2013, en après-midi, avant de faire signifier aux défendeurs une demande de sursis à mesure de renvoi.

 

[8]               Le retard à agir en ce qui concerne ce dernier sursis au renvoi témoigne d’un très grand manque de respect envers les lois canadiennes en matière d’immigration, envers ses représentants au service de l’immigration du Canada et envers la Cour :

[19]      Le manque de diligence du demandeur témoigne de son manque de respect pour l’administration efficace de la justice en matière d’immigration.

 

[20]      Les propos tenus par le juge Yvon Pinard dans Matadeen c. MCI, IMM‑3164-00, sont particulièrement opportuns en l’espèce :

 

[traduction]

[…] À vrai dire, les requêtes « de dernière minute » pour surseoir à l’exécution d’une mesure obligent le défendeur à répondre sans y être adéquatement préparé, elles ne facilitent pas le travail de la Cour et ne font pas en sorte que justice soit faite; un sursis est une mesure extraordinaire qui mérite un examen approfondi.

 

 

[21]      Pour cette seule raison, la Cour pourrait se contenter de rejeter la requête en sursis sur-le-champ.

 

(Tsiavos c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2011 CF 747).

 

[9]               Les agents de renvoi ont le pouvoir de reporter des renvois dans des cas bien précis comme il est précisé dans Baron c Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2009 CAF 81, [2010] 2 RCF 311 :

[49]      Il est de jurisprudence constante que le pouvoir discrétionnaire dont disposent les agents d’exécution en matière de report d’une mesure de renvoi est limité. J'ai exprimé cet avis dans la décision Simoes c. Canada, [2000] A.C.F. no 936 (C.F. 1re inst.) (QL), au paragraphe 12.

 

[12]      À mon avis, le pouvoir discrétionnaire que l'agent chargé du renvoi peut exercer est fort restreint et, de toute façon, il porte uniquement sur le moment où une mesure de renvoi doit être exécutée [...]

 

[50]      J’ai également exprimé l’avis que la simple existence d’une demande CH n’empêchait pas l’exécution d’une mesure de renvoi valide. Au sujet de la présence d’enfants nés au Canada, j’ai adopté le point de vue que l’agent chargé du renvoi n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi.

 

[51]      À la suite de ma décision dans l’affaire Simoes, précitée, mon collègue le juge Pelletier, alors juge à la Section de première instance de la Cour fédérale, a eu l’occasion, dans la décision Wang c. Canada (M.C.I.), [2001] 3 C.F. 682 (C.F.), dans le contexte d’une requête en sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi, d’aborder la question du pouvoir discrétionnaire de l’agent d’exécution de reporter le renvoi. Après avoir examiné attentivement et à fond les dispositions législatives applicables et la jurisprudence s’y rapportant, le juge Pelletier a circonscrit la portée du pouvoir discrétionnaire d’un agent d’exécution en matière de report de renvoi. Dans des motifs que je ne puis améliorer, il a expliqué ce qui suit

 

–Il existe divers facteurs qui peuvent avoir une influence sur le moment du renvoi, même en donnant une interprétation très étroite à l’article 48. Il y a ceux qui ont trait aux arrangements de voyage, et ceux sur lesquels ces arrangements ont une incidence, notamment le calendrier scolaire des enfants et les incertitudes liées à la délivrance des documents de voyage ou les naissances ou décès imminents.

 

–La loi oblige le ministre à exécuter la mesure de renvoi valide et, par conséquent, toute ligne de conduite en matière de report doit respecter cet impératif de la Loi. Vu l’obligation qui est imposée par l’article 48, on devrait accorder une grande importance à l’existence d’une autre réparation, comme le droit de retour, puisqu’il s’agit d’une réparation autre que celle qui consiste à ne pas respecter une obligation imposée par la Loi. Dans les affaires où le demandeur a gain de cause dans sa demande CH, il peut obtenir réparation par sa réadmission au pays.

 

–Pour respecter l’économie de la Loi, qui impose une obligation positive au ministre tout en lui accordant une certaine latitude en ce qui concerne le choix du moment du renvoi, l’exercice du pouvoir discrétionnaire de différer le renvoi devrait être réservé aux affaires où le défaut de le faire exposerait le demandeur à un risque de mort, de sanctions excessives ou de traitement inhumain. Pour ce qui est des demandes CH, à moins qu’il n’existe des considérations spéciales, ces demandes ne justifient un report que si elles sont fondées sur une menace à la sécurité personnelle.

 

–Il est possible de remédier aux affaires où les difficultés causées à la famille sont le seul préjudice subi par le demandeur en réadmettant celui-ci au pays par suite d’un gain de cause dans sa demande qui était en instance.

 

Je souscris entièrement à l’exposé du droit du juge Pelletier. Je ne sais pas quelle serait la durée de la période.

 

[10]           La Cour estime que le dépôt tardif d’une demande de sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi est une pratique qui doit être découragée, car elle dénote un manque de respect à l’égard des lois canadiennes en matière d’immigration et des représentants des trois paliers de gouvernement : ceux qui formulent les politiques, le législateur et les tribunaux.

 

[11]           Pour tous les motifs susmentionnés, la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2987-13

 

INTITULÉ :                                      MANUEL ANTONIO MARTINEZ DIAZ c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

REQUÊTE PRÉSENTÉE PAR ÉCRIT ET EXAMINÉE À OTTAWA (ONTARIO), CONFORMÉMENT À LA RÈGLE 369

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                Le 29 avril 2013

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Helen Tsakiris

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Lyne Prince

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Helen Tsakiris

Avocat

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 

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