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Date : 20130515

Dossier : T‑2186‑10

Référence : 2013 CF 599

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 15 mai 2013

En présence de madame la juge Gleason

 

ENTRE :

ANTHONY MOODIE

 

demandeur

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La présente ordonnance et les motifs qui l’accompagnent font suite à celle que j’ai rendue le 15 mars 2013 et dans laquelle j’ai fait droit à la requête en ajournement du demandeur et rendu d’autres ordonnances qui seront évoquées plus en détail ci‑après.

 

[2]               Le présent dossier concerne une demande relativement complexe de contrôle judiciaire visant une décision du Chef d’état‑major de la Défense dont le demandeur prétend qu’elle a nui à sa carrière militaire. La demande a été soumise à la gestion de l’instance et deux autres requêtes, présentées avant celle‑ci et touchant à la divulgation préalable à l’audience et à la constitution du dossier, ont été contestées.

 

[3]               Le 12 août 2012, celui qui représentait alors le demandeur a déposé une demande d’audience conformément à l’article 314 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles]. Le 6 novembre 2012, l’avocat du défendeur a soumis à la Cour, avec le consentement de l’ancien avocat du demandeur, une lettre précisant les dates de leur disponibilité en vue d’une audience, et parmi ces dates il y avait celle du 21 mars 2013. Le 20 novembre 2012, l’administrateur judiciaire a donc rendu une ordonnance, sur instruction expresse du juge en chef et suivant le cours normal des instances, pour que l’audience d’un jour relative à la demande de contrôle judiciaire du demandeur ait lieu le 21 mars 2013.

 

[4]               Le 13 février 2013, le demandeur a déposé un Avis d’intention d’agir en son propre nom, suivant les conseils de son ancien avocat (tel qu’il appert des documents déposés relativement à la requête en ajournement de l’audience intéressant la demande de contrôle judiciaire, soumise le 5 mars 2013 et évoquée ci‑dessous).

 

[5]               Le 5 mars 2013, le demandeur a présenté une requête écrite fondée sur l’article 369 des Règles, pour obtenir un ajournement de l’audience relative à sa demande prévue le 21 mars 2013, parce qu’il se sentait incapable de se représenter lui‑même, qu’il n’avait pas pu payer intégralement son ancien avocat ni lui avancer des honoraires pour couvrir les frais susceptibles d’être associés à l’audience d’un jour. Depuis son départ de l’armée, le demandeur travaille comme enseignant suppléant, et son flux de revenu a été interrompu à cause de la grève des enseignants en 2012.

 

[6]               S’agissant de sa requête en ajournement, le demandeur a déposé des documents indiquant qu’il avait déjà versé plus de 10 000 $ à son avocat et que ce dernier lui avait conseillé de déposer un Avis d’intention d’agir en son propre nom et de demander un ajournement. Il a également produit des courriels échangés entre eux et dans lesquels son ancien avocat déclarait :

[traduction] Mon assistante m’a fait savoir qu’après examen de votre dossier, vous souhaitez toujours retenir mes services pour que je vous représente, mais que vous n’aurez pas les moyens financiers de préparer votre audience du 21 mars et d’y assister, et que vous avez donc l’intention de demander un ajournement de manière à vous procurer les fonds nécessaires pour me réengager. Si tel est le cas, vous devez d’abord préparer, signifier et déposer un Avis d’intention d’agir en votre propre nom (formulaire 124C), pour pouvoir présenter une requête en ajournement. Vous devez le faire le plus tôt possible attendu que la Cour sera mieux disposée à votre égard si vous déposez la demande avant la date d’audience. En effet, la Cour a réservé un jour entier d’audience pour votre dossier et n’appréciera pas de le gaspiller si vous comparaissez cette journée‑là pour l’informer que vous n’êtes pas prêt à poursuivre.

 

Veuillez me confirmer que j’ai bien saisi votre situation et que vous signifierez et déposerez un avis de comparution en personne.

 

 

[7]               Le défendeur a contesté la requête en ajournement du demandeur, et fait valoir qu’elle devrait être rejetée ou, subsidiairement, être assortie des conditions suivantes :

a)                  qu’un délai de quatre mois soit accordé pour le dépôt d’une nouvelle demande d’audience; si ce délai n’est pas respecté, le désistement de l’instance relative à la demande de contrôle judiciaire sera prononcé;

b)                  qu’il soit interdit au demandeur de déposer de nouveaux éléments de preuve;

c)                  qu’une ordonnance préventive fixant la nouvelle date d’audience pour que toute nouvelle tentative d’ajournement de la part du demandeur entraîne le rejet de la demande;

d)                 qu’il soit ordonné au demandeur de verser sur‑le‑champ 250 $ et les dépens, faute de quoi la demande sera rejetée.

 

[8]               Le 15 mars 2013, j’ai rendu une ordonnance dans laquelle je faisais droit à la demande d’ajournement et invitais les parties, ainsi que l’ancien avocat du demandeur, à comparaitre devant moi dès que possible pour déterminer si je devais annuler l’Avis d’intention d’agir en son propre nom présenté par le demandeur, renommer son ancien conseil comme avocat au dossier, rendre une ordonnance fondée sur l’article 404 des Règles pour ce qui est du paiement des dépens par ce dernier, et fixer les conditions pour la suite des procédures.

 

[9]               À cause de conflits d’horaires pour l’ancien avocat comme pour la Cour, l’affaire n’a été instruite que le 14 mai 2013; le demandeur a donc bénéficié dans les faits d’un ajournement de près de huit semaines.

 

[10]           À la demande de l’ancien avocat du demandeur, j’ai formulé, au début de l’audience des directives concernant son déroulement et ai décidé, sur la foi des documents que le demandeur avait déposés, que ce dernier avait renoncé au secret professionnel qui lie l’avocat à son client pour ce qui est des circonstances l’ayant amené à déposer l’Avis d’intention d’agir en son propre nom et à demander un ajournement. J’ai donc conclu que son ancien avocat était libre de relater, pour sa défense, ce qui s’était passé entre le demandeur et lui à ce chapitre. J’ai également décidé que ce dernier commencerait par me soumettre des observations, mais que j’ajournerais l’audience pour lui permettre de préparer un affidavit s’il devenait évident qu’il devait témoigner. Cela n’a pas été nécessaire puisque les faits antérieurs n’ont pas été contestés et que le défendeur n’a pas pris parti quant aux questions concernant le caractère convenable de la conduite de l’avocat.

 

[11]           Comme je l’ai indiqué à l’issue de l’audience, j’ai décidé de faire droit à la demande d’ajournement du demandeur, quoiqu’à certaines conditions. L’une d’elles est que les procédures reprennent à la première date disponible après le 4 octobre 2013 (de manière à composer avec les pratiques religieuses de l’avocat et à donner au demandeur plus de temps pour retenir les services d’un autre avocat ou parvenir à un arrangement financier convenable avec son premier représentant). L’audience sera péremptoire pour le demandeur en ce qu’il ne pourra pas demander un autre ajournement dans le présent dossier pour d’autres raisons qu’une maladie grave le frappant lui ou son avocat, s’il doit en engager un. Cette maladie devra être attestée par un médecin qualifié.

 

[12]           Dans les circonstances, je ne rendrai pas d’ordonnance quant aux dépens et j’estime que les frais de justice liés à l’ajournement doivent suivre l’issue de la cause. Je ne pense pas qu’il faille imposer les autres conditions demandées par le défendeur en vue de limiter le dépôt de nouveaux éléments de preuve, compte tenu de la position des parties en matière de divulgation dans la présente affaire.

 

[13]           J’estime qu’en l’espèce la conduite de l’ancien avocat du demandeur était inappropriée au regard des Règles. Cela étant dit, je ne me prononcerai pas sur la conformité de sa conduite avec ses obligations professionnelles, puisque cette question ne m’a pas été soumise et qu’il appartient en fait au Barreau du Haut‑Canada de le faire.

 

[14]           Aux termes des Règles, l’avocat qui souhaite se retirer du dossier et ne plus représenter une partie pour cause de non‑paiement d’honoraires (ou pour toute autre raison) est tenu de présenter une requête fondée sur l’article 125 pour que la Cour détermine s’il y a lieu d’autoriser son retrait. Cette requête peut très bien être refusée si elle est soumise à la veille d’une audience prévue de longue date et que l’autre partie s’oppose à un ajournement (voir p. ex. Staltari c Canada (Procureur général), 2002 CAF 108; Balog c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 11, au paragraphe 6, [2002] ACF no 11).

 

[15]           En l’espèce, la conduite de l’ancien avocat du demandeur a empêché la Cour de déterminer si son retrait devait être autorisé. Il revient à la Cour de rendre de telles décisions précisément pour éviter ce qui s’est produit en l’espèce : accorder l’ajournement demandé par le demandeur parce qu’il est injuste de l’obliger à poursuivre sans être représenté dans une affaire complexe d’une grande importance personnelle. Comme le juge Blais (maintenant juge en chef de la Cour d’appel fédérale) le notait dans Sogi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 613, au paragraphe 21, « [à] la révision de la jurisprudence disponible, il se dégage une constante; lorsqu’un avocat souhaite cesser d’occuper dans un dossier, il doit présenter des motifs pour ce faire, et ces motifs doivent être examinés par la Cour ». La conduite de l’ancien avocat du demandeur n’est donc pas conforme aux Règles, ni juste ou appropriée aux yeux de la Cour.

 

[16]           Malgré cela, j’ai jugé que je ne devais pas renommer l’ancien conseil du demandeur comme avocat au dossier puisque l’ajournement accordé devrait donner assez de temps au demandeur pour faire appel à un autre avocat ou parvenir à un arrangement convenable avec le précédent et le réengager, comme les documents déposés devant la Cour indiquent d’ailleurs qu’il en a l’intention.

 

 

LA COUR ORDONNE que :

1.   la présente affaire soit remise au rôle en vue d’une audience d’un jour à Toronto, à la première date disponible après le 4 octobre 2013, sans toutefois avoir préséance sur les autres demandes de contrôle judiciaire dont l’audition est déjà fixée ou en voie de l’être;

 

2.      le demandeur et l’avocat du défendeur transmettent sans tarder à l’administrateur judiciaire leurs disponibilités pour le reste de l’année 2013 et toute autre date en 2014 que ce dernier pourrait réserver;

 

3.      si le demandeur réengage son ancien avocat ou en engage un autre avant que la nouvelle date d’audience soit fixée, dès que possible après avoir reçu son avance sur honoraires, l’avocat du demandeur transmette ses disponibilités à l’administrateur judiciaire relativement aux dates mentionnées au paragraphe 2 de la présente ordonnance;

 

4.      une fois fixée, la date de l’audience relative à la demande qui nous occupe soit péremptoire pour le demandeur, et qu’aucun autre ajournement ne lui soit accordé sauf si son avocat ou lui sont malades au point de ne pouvoir être présents à la date d’audience prévue; cette maladie doit être attestée par un médecin qualifié;

 

5.      les dépens de la présente requête suivent l’issue de la cause.

 

 

« Mary J.L. Gleason »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑2186‑10

 

INTITULÉ :                                                  ANTHONY Moodie c
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                          Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                         Le 14 mai 2013

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                  LA JUGE GLEASON

 

DATE DES MOTIFS :                                 Le 15 mai 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Anthony Moodie

 

LE DEMANDEUR,

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Stewart Phillips

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

Yehuda Levinson

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Anthony Moodie

Pour son propre compte

 

LE DEMANDEUR,

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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