Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 


Date : 20130618

Dossier : IMM-6968-12

Référence : 2013 CF 682

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 juin 2013

En présence de monsieur le juge Zinn

 

 

ENTRE :

 

MOHAMMAD NAEEM AHRAIROODI

 

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente de Citoyenneté et Immigration Canada par laquelle celle-ci a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur dans la « catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) ».

 

[2]               Le demandeur est un médecin originaire de l’Iran. Il s’agit strictement de savoir, dans la présente demande, si l’appréciation faite par l’agente du demandeur, et notamment sa décision d’accorder au demandeur 22 points sur un total possible de 25 points pour avoir obtenu un diplôme en médecine et un diplôme de spécialisation. Pour les motifs qui suivent, la présente demande est rejetée.

 

[3]               Le 23 avril 2012, l’agente a évalué la demande de résidence permanente présentée par le demandeur. Le nombre de points qu’elle a accordés au demandeur pour son âge, son expérience, son emploi réservé, sa connaissance des langues officielles et sa capacité d’adaptation n’a pas été contesté. Le critère des études était la seule question qu’il restait à régler et valait un maximum de 25 points, et devait être attribué en fonction du paragraphe 78(2) du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [le Règlement], qui était alors en vigueur, et dont les dispositions pertinentes sont ainsi libellées :

78. (2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante :

[…]

e) 22 points, si, selon le cas :

(i) il a obtenu un diplôme postsecondaire — autre qu’un diplôme universitaire — nécessitant trois années d’études et a accumulé un total de quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein,

(ii) il a obtenu au moins deux diplômes universitaires de premier cycle et a accumulé un total d’au moins quinze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;

 

f) 25 points, s’il a obtenu un diplôme universitaire de deuxième ou de troisième cycle et a accumulé un total d’au moins dix-sept années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein.

 

78. (2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows:

 

(e) 22 points for

     (i) a three-year post-secondary educational credential, other than a university educational credential, and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies, or 

 

     (ii) two or more university educational credentials at the bachelor’s level and a total of at least 15 years of completed full-time or full-time equivalent studies; and

 

 

(f) 25 points for a university educational credential at the master’s or doctoral level and a total of at least 17 years of completed full-time or full-time equivalent studies.

 

[4]               Dans sa demande de résidence permanente, datée du 9 novembre 2010, sous la rubrique « Niveau de scolarité le plus élevé », le demandeur a coché la case indiquant qu’il était titulaire d’un doctorat. Sur la lettre d’accompagnement soumise par un consultant en immigration, pour le compte du demandeur, il était également mentionné que le demandeur [traduction] « a obtenu son doctorat dans le domaine de la physiatrie de l’Université des sciences médicales de Shahid Behesti en août 2002 et a obtenu son diplôme de médecine de l’Université des sciences médicales de Kerman en février 1997 », et on a donc fait valoir que le demandeur devrait se voir attribuer le maximum de 25 points pour ses études. 

 

[5]               Toutefois, dans les documents justificatifs soumis par le demandeur avec sa demande, le certificat ou diplôme émanant de l’Université Shahid Behesti ne faisait que mentionner que le demandeur avait obtenu un [traduction] « diplôme de spécialisation », à savoir la [traduction] « physiatrie et la réadaptation ».

 

[6]               Les notes de l’agente, datées du 23 avril 2012, figurant dans le Système mondial de gestion des cas [SMGC], indiquent qu’elle a attribué au demandeur 22 points pour ses études :

[traduction]

 

ÉTUDES : 22 Compte tenu de tous les renseignements/documents au dossier, l’intéressé détient un diplôme en médecine avec spécialisation en physiatrie et en réadaptation. Diplôme et traductions examinés. Toutefois, le demandeur a indiqué que son niveau de scolarité le plus élevé était le doctorat. Je suis convaincue que les deux sont des diplômes de premier cycle – aucune indication qu’un diplôme de baccalauréat a été décerné avant. Par conséquent, j’attribue 22 points pour 2 baccalauréats ou plus et au moins 15 ans d’études. Cela correspond également au guide OP6 qui mentionne que : « [u]n diplôme de médecine correspond généralement à un diplôme universitaire de premier cycle, au même titre qu'un baccalauréat en droit ou un baccalauréat en pharmacie, même s'il s'agit d'un diplôme "professionnel", et devrait donner 20 points ». La demande est donc refusée. ECP: veuillez rédiger une lettre de refus et ajouter ce qui suit : Vos diplômes en médecine, bien qu’il s’agisse de diplômes professionnels, selon la LIPR je suis convaincue qu’il ne s’agit que de diplômes de premier cycle, équivalant à un baccalauréat. Par conséquent, j’ai attribué 22 points.”

 

[7]               Une lettre de refus n’a toutefois pas été envoyée immédiatement. Au contraire, l’agente et le consultant en immigration ont eu des échanges entre le 23 avril 2012 et le 10 mai 2012. Le consultant en immigration a envoyé par messagerie et par courriel la lettre suivante :

[traduction]

 

Le 10 mai 2012

 

[…]

 

Madame, monsieur,

 

Je représente le Dr Ahrairoodi relativement à sa demande de résidence permanente au Canada.

 

Veillez trouver ci-jointe une confirmation que le diplôme de spécialisation du Dr Ahrairoodi est un diplôme distinct de son diplôme en médecine.

 

J’espère que ces précisions vous seront utiles et qu’elles vous permettront de poursuivre le traitement de la présente demande.

 

 

[8]               La « confirmation » jointe, à savoir une lettre émanant de l’Université Shahid Behesti, ne mentionnait pas que le demandeur avait obtenu un doctorat, mais mentionnait plutôt ce qui suit : [traduction] « La présente atteste que […] [le demandeur] a entrepris le programme médical en “physiatrie et réhabilitation” au Centre médical Shohada le 20/11/1999, et après 3 ans d’études, a obtenu un diplôme de spécialisation le 20/11/2002 » [Non souligné dans l’original.].

 

[9]               Le 11 mai 2012, une lettre de refus a été envoyée au demandeur, conformément à la directive susmentionnée de l’agente, et elle comportait les brefs motifs suivants relativement aux points qui lui avaient été attribués pour ses études : [traduction] « Vos diplômes (médecine générale avec spécialité en psychiatrie [sic]), bien qu’il s’agisse de diplômes professionnels, je suis convaincue qu’il ne s’agit que de diplômes de premier cycle, équivalant à un baccalauréat. Par conséquent, j’ai attribué 22 points ».

 

[10]           Le dossier indique également que l’agente a répondu au courriel du 10 mai 2012 du consultant en immigration. La réponse fut la suivante :

[traduction]

 

Veuillez prendre note que le demandeur a en fait obtenu 22 points au titre de son diplôme en spécialisation clinique.

 

Bien qu’un baccalauréat puisse être un prérequis au diplôme en spécialisation clinique, le diplôme en spécialisation clinique ne se situe pas au niveau de la maîtrise. Il existe un programme d’études en Iran qui est d’un niveau plus élevé que le programme de spécialisation clinique. Ceci concorde avec le Guide opérationnel OP6l, qui mentionne ce qui suit : « Si le baccalauréat est un prérequis, mais que le diplôme en soi est considéré comme un diplôme de premier cycle, 22 points seront accordés ».

 

La décision d’accorder 22 points pour le diplôme de spécialisation est valide.

 

[11]           Il convient de répondre aux deux questions suivantes .

1.                  L’agente a-t-elle commis une erreur dans la manière dont elle a interprété et appliqué le Règlement relativement aux diplômes d’études du demandeur?

2.                  L’agente a-t-elle commis une erreur en ne donnant pas au demandeur l’occasion de répondre à ses préoccupations après que le demandeur eut à première vue satisfait aux exigences de la demande?

 

[12]           Une troisième question a été soulevée relativement au fait que chacune des parties s’est opposée à la preuve par affidavit déposée par l’autre partie. Le demandeur a déposé des renseignements concernant son niveau d’études en Iran, mais l’agente n’en a pas été saisie. Je conviens que cela est inadmissible. Le défendeur a déposé un affidavit souscrit par l’agente. Le demandeur s’oppose aux paragraphes 8 et 9 au motif que l’agente tente d’étoffer les motifs invoqués à l’appui de sa décision. Je suis d’accord avec le demandeur et ces paragraphes sont également radiés du dossier.

 

Appréciation du niveau d’études

[13]           Le demandeur prétend essentiellement que l’agente a commis une erreur en ne mentionnant pas comment les [traduction] « autorités locales » ont reconnu ses diplômes. Il renvoie à deux documents figurant dans son dossier de demande qui, selon lui, démontrent comment les autorités locales en Iran reconnaissent ses diplômes et, donc, jettent le doute sur la décision de l’agente. Le premier document a été jugé inadmissible, car il n’a pas été soumis par le demandeur dans sa demande, il n’a pas été examiné par l’agente, et ne figure pas dans le dossier certifié du tribunal. Le deuxième document est [traduction] « une lettre soumise par le demandeur avec sa demande de résidence permanente [qui] indiquait qu’il est arrivé premier parmi ses camarades de classe à l’Université des sciences médicales de Kerman et était signée par le "registraire et directeur général des études de cycles supérieurs"». [Non souligné dans l’original.]

 

[14]           Je suis d’accord avec le défendeur pour affirmer que ce document ne démontre pas que la décision de l’agente était déraisonnable. Il importe peu que l’auteur de la lettre soit un responsable des « études de cycles supérieurs ». Faute de preuve que l’institution n’offre aucun programme d’études de cycles supérieurs qui ne débouchent pas sur un diplôme de maîtrise ou sur un doctorat, et il n’en n’existe aucune, cette lettre ne contient rien qui n’est pas déjà connu, à savoir que le demandeur a suivi des cours.

 

[15]           Fait important, il n’existe aucune preuve dans la demande de résidence permanente du demandeur ou dans le dossier certifier du tribunal qui établit que celui-ci est titulaire d’un doctorat, que son diplôme en médecine équivaut à une maîtrise, ou que le diplôme de spécialisation équivaut à un doctorat.

 

[16]           La présente affaire se distingue de Nikoueian c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 514, une décision invoquée par le demandeur à l’appui de l’argument voulant qu’un agent doive tenir compte de la manière selon laquelle les autorités locales reconnaissent les diplômes d’études d’un demandeur (un point admis par le défendeur et énoncé dans le guide OP-6). C’est que, dans Nikoueian, le diplôme universitaire de la demanderesse mentionnait expressément qu’elle avait obtenu un « doctorat »; en l’espèce, le diplôme du demandeur mentionnait seulement qu’il avait obtenu un « diplôme ». En d’autres mots, la différence, en l’espèce, tient à ce que les documents soumis par M. Ahrairoodi ne donnaient pas à penser que, en Iran, son diplôme en médecine est considéré comme étant un diplôme de maîtrise ou que son diplôme de spécialisation est considéré comme étant un doctorat.    

 

L’équité procédurale

[17]           Le demandeur prétend que l’agente a commis une erreur, car elle aurait dû lui faire part de ses préoccupations et lui donner l’occasion d’y répondre.

 

[18]           Le droit applicable dans ce contexte en matière d’équité procédurale a été bien résumé par le juge Mosley dans Hassani c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1283, au paragraphe 24 :

[…] Il ressort clairement de l'examen du contexte factuel des décisions mentionnées ci-dessus que, lorsque les réserves découlent directement des exigences de la loi ou d'un règlement connexe, l'agent des visas n'a pas l'obligation de donner au demandeur la possibilité d'y répondre. Lorsque, par contre, des réserves surgissent dans un autre contexte, une telle obligation peut exister. C’est souvent le cas lorsque l’agent des visas a des doutes sur la crédibilité, l’exactitude ou l’authenticité de renseignements fournis par le demandeur au soutien de sa demande […]

 

 

[19]           La présente affaire est nettement visée par le premier cas décrit par le juge Mosley car l’obligation d’établir le niveau d’études découle directement du Règlement. Le demandeur a tout simplement omis de soumettre, dans sa demande de résidence permanente, des éléments de preuve visant à établir que son diplôme en médecine et son diplôme de spécialisation sont considérés, en Iran, comme étant, respectivement, une maîtrise et un doctorat. 

 

[20]           De plus, le demandeur a bel et bien soumis des éléments de preuve additionnels à l’agente concernant ses études à peu près au moment où la décision était en voie d’être rendue et l’agente a examiné ces éléments de preuve et les a rejetés à titre de preuve confirmant qu’il était titulaire d’une maîtrise ou d’un doctorat. Dans les circonstances, l’obligation d’équité procédurale n’exigeait pas que l’agente donne cette occasion supplémentaire. La plainte du demandeur selon laquelle il a été privé d’un traitement équitable n’est pas fondée.

 

[21]           Il n’y a aucune question à certifier.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande est rejetée et qu’aucune question n’est certifiée.

 

« Russel W. Zinn »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6968-12

 

 

INTITULÉ :                                      MOHAMMAD NAEEM AHRAIROODI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :             Le 17 juin 2013

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE ZINN

 

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 18 juin 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov

 

 

                    POUR LE DEMANDEUR

Balqees Mihirig  

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman et Associés

Avocats

Toronto (Ontario)

 

                   POUR LE DEMANDEUR

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                         POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.