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Date : 20130702

Dossier : T-21-13

Référence : 2013 CF 732

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 2 juillet 2013

En présence de monsieur le juge O’Reilly

 

 

ENTRE :

 

MAHTIS MOSHIRZADEH MOAYEDI

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

I.          Aperçu

 

[1]               Mme Mahtis Moayedi, une citoyenne de l’Iran, a demandé la citoyenneté canadienne en avril 2010. Selon le droit canadien, l’auteur d’une demande doit résider au Canada pendant au moins trois ans dans les quatre ans qui ont précédé la demande (Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, c C‑29 (la Loi), alinéa 5(1)c) – voir dispositions citées à l’Annexe). Un juge de la citoyenneté a conclu que Mme Moayedi ne répondait pas à cette exigence. La demanderesse allègue que le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit en appliquant le mauvais critère en ce qui a trait à la résidence et qu’il a rendu une décision déraisonnable, qu’elle me demande d’annuler.

 

[2]               Je suis d’avis que la décision du juge de la citoyenneté n’était pas déraisonnable. Le juge a appliqué le bon critère et il a tenu compte de tous les faits et critères pertinents. Par conséquent, je ne peux pas annuler la décision du juge.

 

[3]               Deux questions se posent en l’espèce :

 

            1.         Le juge de la citoyenneté a‑t‑il appliqué le bon critère?

            2.         Le juge de la citoyenneté a‑t‑il rendu une décision déraisonnable?

 

II.        La décision du juge de la citoyenneté

 

[4]               Le juge a résumé les faits pertinents. Parmi les plus pertinents, notons ceux-ci :

•           Mme Moayedi était arrivée au Canada en 2001 et elle avait fréquenté l’Université de Calgary jusqu’à ce qu’elle obtienne son diplôme en juin 2006;

            •           Elle avait acquis le statut de résidente permanente le 17 avril 2008;

            •           Elle avait épousé un citoyen canadien le 17 septembre 2006; ils avaient vécu en Alberta dans un logement, puis dans un condo qu’ils avaient acheté ensemble;

            •           Elle a demandé la citoyenneté le 23 avril 2010, ce qui fait en sorte que la période pertinente de résidence était celle comprise entre le 23 avril 2006 et le 23 avril 2010;

•           Chaque jour de résidence au Canada du 23 avril 2006 au 17 avril 2008, soit la date à laquelle elle avait acquis le statut de résidence permanente, comptait seulement pour un demi-jour de résidence, conformément au sous‑alinéa 5(1)c)(i) de la Loi;

            •           Peu après avoir acquis le statut de résidence permanente, Mme Moayedi avait quitté le Canada pour aller vivre avec son époux au Texas – elle y était demeurée du 13 mai 2008 jusqu’au 14 juin 2009;

            •           Mme Moayedi avait quitté le Canada une fois de plus en juillet 2010 pour aller travailler aux États-Unis;

            •           Elle était retournée au Canada par avion pour quelques jours en septembre 2012 pour l’audition de sa demande de citoyenneté;

            •           Son époux travaille toujours aux États-Unis;

            •           Il manquait 407 jours à Mme Moayedi pour atteindre les 1 095 jours de résidence requis.

 

[5]               Le juge a appliqué le critère de Re Koo, [1993] 1 CF 286 (CF 1e inst), qui comporte l’appréciation de six facteurs :

 

            (1)        La personne était-elle physiquement présente au Canada durant une période prolongée avant de s’absenter juste avant la date de sa demande de citoyenneté?

 

[6]               Le juge a conclu que Mme Moayedi avait été physiquement présente au Canada pendant plusieurs années avant la période pertinente, à l’exception d’une seule courte absence d’une durée de 23 jours.

 

            (2)        Où résident la famille proche et les personnes à charge de la requérante?

 

[7]               Mme Moayedi avait vécu avec son époux au Canada pendant environ dix‑huit mois après leur mariage en septembre 2006 avant que celui‑ci ne déménage aux États-Unis. Il était revenu au Canada en juin 2009, mais il était retourné aux États-Unis en novembre 2009 et il y réside toujours. Ses parents et son frère vivent en Iran. Sa sœur, ainsi que les parents et le frère de son époux, sont des citoyens canadiens et ils vivent au Canada.

 

            (3)        La forme de présence physique de la personne au Canada dénote-t-elle que cette dernière revient dans son pays ou, alors, qu’elle n’est qu’en visite?

 

[8]               Le juge a conclu que les voyages au Canada de Mme Moayedi dénotaient largement que cette dernière revenait dans son pays, sauf lorsqu’elle vivait effectivement aux États-Unis de 2008 à 2009. Elle était revenue au Canada en juin 2009.

 

            (4)        Quelle est l’étendue des absences physiques (lorsqu’il ne manque à un requérant que quelques jours pour atteindre le nombre total de 1 095 jours, il est plus facile de conclure à une résidence réputée que lorsque les absences en question sont considérables)?

 

[9]               Le juge a conclu que le déficit de 407 jours de Mme Moayedi était considérable.

 

            (5)        L’absence physique est-elle imputable à une situation manifestement temporaire (par exemple, avoir quitté le Canada pour travailler comme missionnaire, suivre des études, exécuter un emploi temporaire ou accompagner son conjoint, qui a accepté un emploi temporaire à l’étranger)?

 

[10]           Le juge a relevé que l’absence du Canada de Mme Moayedi en 2008 et en 2009 pour être avec son époux aux États-Unis semblait être temporaire. Elle et son époux étaient revenus au Canada en 2009. Cependant, étant donné que son époux est retourné aux États‑Unis en novembre 2009 et qu’il y soit resté donne à penser que son absence du Canada n’est pas une situation manifestement temporaire. Elle était retournée aux États-Unis en 2010 pour être à ses côtés.

            (6)        Quelle est la qualité des attaches de la requérante avec le Canada : sont-elles plus importantes que celles qui existent avec un autre pays?

 

[11]           Le juge a constaté les attaches tangibles de Mme Moayedi avec le Canada – ses attaches familiales, ses biens, son emploi, ses comptes en banque canadiens et ses investissements.

 

[12]           En revanche, Mme Moayedi avait des attaches importantes avec les États-Unis au cours du temps qu’elle y avait passé. Elle avait quitté son emploi au Canada, elle avait offert son condo en location, elle avait acquis un permis de conduire américain et elle avait travaillé pour une société non canadienne. De plus, son conjoint était retourné aux États-Unis lors de l’automne 2009, ce qui réduisait ses attaches avec le Canada.

 

[13]           En somme, le juge a conclu que Mme Moayedi ne satisfaisait pas à l’exigence de résidence, parce qu’elle n’avait pas centralisé son mode d’existence au Canada pendant la période pertinente. Il a aussi fait remarquer que Mme Moayedi n’avait pas satisfait à l’obligation de résidence de trois ans. Par conséquent, le juge a rejeté la demande de citoyenneté présentée par Mme Moayedi.

 

III.       La première question – Le juge de la citoyenneté a-t-il appliqué le bon critère?

 

[14]           Mme Moayedi allègue que le juge a fusionné le critère de trois ans de résidence avec les facteurs de Koo. Après avoir fait mention du critère de la décision Koo, le juge a déclaré ceci : [traduction] « Il s’ensuit que si le Canada n’est pas le pays de résidence principale de la demanderesse pendant au moins trois ans au cours de la période de quatre ans qui précède la date de la demande, la demande ne devrait pas être accueillie ».

 

[15]           Je suis d’avis que le juge a manifestement compris le critère de Koo. La décision expose le critère en détail et elle passe en revue la preuve pertinente à l’égard de chaque facteur. L’énoncé reproduit ci‑dessus ne correspond tout simplement pas au critère que le juge a appliqué. En l’espèce, je ne peux conclure que l’énoncé du juge traduit une mauvaise compréhension du critère ou une mauvaise application de celui-ci.

 

IV.       La deuxième question – Le juge de la citoyenneté a-t-il rendu une décision déraisonnable?

 

[16]           Mme Moayedi prétend que le juge a rendu une décision déraisonnable en relevant que trois des six facteurs de la décision Koo étaient défavorables à sa cause, après avoir conclu que les trois premiers étaient en sa faveur.

 

[17]           Plus particulièrement, Mme Moayedi soutient que son déficit de 407 jours n’était pas « considérable ». De plus, le juge a accordé une trop grande importance à son absence d’un an du Canada lorsqu’il a conclu que son absence n’était pas temporaire et que ses attaches étaient partagées entre le Canada et les États-Unis.

 

[18]           À mon avis, les conclusions du juge n’étaient pas déraisonnables.

 

[19]           Il ne fait aucun doute que Mme Moayedi était loin de satisfaire à l’exigence d’avoir résidé au Canada pendant trois ans au cours des quatre ans qui ont précédé sa demande. Le juge a raisonnablement conclu que ce déficit était « considérable ».

 

[20]           De plus, l’absence du Canada de Mme Moayedi en vue d’accompagner son époux aux États-Unis n’était manifestement pas une situation temporaire. Elle avait obtenu un emploi aux États-Unis au sein d’une société non canadienne au cours de cette période. Qui plus est, son époux est retourné aux États-Unis et il y travaille toujours, tout comme Mme Moayedi.

 

[21]           Le juge a en outre conclu que Mme Moayedi avait centralisé son mode d’existence aux États-Unis pendant qu’elle y travaillait. Dans la même veine, le fait que son époux était retourné aux États-Unis pour y travailler et que, une fois de plus, elle l’ait accompagné, était un fait pertinent. Le juge avait le droit de tenir compte du comportement de Mme Moayedi après qu’elle eut déposé sa demande de citoyenneté, ainsi que son comportement au cours de la période pertinente (Sotade c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 301, au paragraphe 15).

 

V.        Conclusion et décision

 

[22]           Le juge de la citoyenneté a appliqué le bon critère et il a tiré une conclusion qui, au vu de la preuve, est justifiable au regard des faits et du droit. Par conséquent, rien ne me permet d’annuler la décision du juge. Il s’ensuit que je dois rejeter cet appel, avec dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

1.         L’appel est rejeté avec dépens.

 

 

« James W. O’Reilly »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


Annexe

 

Loi sur la citoyenneté, LRC 1985, h C-29

 

Attribution de la citoyenneté

 

  5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

 

 

c) est un résident permanent au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante :

 

 

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

 

 

Citizenship Act, RSC 1985, c C-29

 

Grant of Citizenship

 

  5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

 

[…]

 

(c) is a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his or her application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

 

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence,

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-21-13

 

INTITULÉ :                                      MAHTIS MOSHIRZADEH MOAYEDI

                                                            c

                                                            MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 17 juin 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE O’REILLY

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 2 juillet 2013

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffery

 

POUR LA DEMANDERESSE

Christopher Ezrin

POUR LE DÉFENDEUR

 

SOLICITORS OF RECORD:

 

Matthew Jeffery

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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