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Date : 20130709

Dossier : IMM-8347-12

Référence : 2013 CF 766

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

SEYEDMEHDI HOSSEINI

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la Protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (la Loi) en vue d’obtenir le contrôle judiciaire de la décision du 26 juin 2012 (la décision) par laquelle un agent des visas (l’agent) de l’ambassade du Canada à Ankara, en Turquie, a refusé la demande de résidence permanente au Canada présentée par le demandeur dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral).

 

 

CONTEXTE

 

[2]               Âgé de 32 ans, le demandeur est un citoyen de l’Iran. Il a soumis une demande de résidence permanente dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) le 15 mars 2010 dans la catégorie d’emploi de directeurs de la construction (CNP 0711) de la Classification nationale des professions.

 

[3]               L’énoncé principal établi pour le code CNP 0711 décrit comme suit les fonctions principales des directeurs de la construction :

Les directeurs de la construction planifient, organisent, dirigent, contrôlent et évaluent les activités des entreprises de construction ou des divisions opérationnelles de ces compagnies, sous la direction d’un directeur général ou d’un autre cadre supérieur. Ils travaillent pour des entreprises de construction domiciliaire, commerciale et industrielle ou dans des divisions opérationnelles d’entreprises à l’extérieur de l’industrie de la construction.

 

 

[4]               Le CNP 0711 explique que les directeurs de la construction exercent une partie ou l’ensemble des fonctions suivantes :

         planifier, organiser, diriger, contrôler et évaluer les projets de construction du début à la fin conformément au calendrier d’exécution des travaux, au cahier des charges et au budget prévu;

         préparer et soumettre les prévisions budgétaires concernant le projet de construction;

         planifier et préparer les calendriers d’exécution et les étapes à suivre, et vérifier les progrès en regard de ces données;

         préparer les contrats et négocier les révisions, les changements et les ajouts aux ententes contractuelles avec les architectes, les experts-conseils, les clients, les fournisseurs et les sous-traitants;

         élaborer et mettre en œuvre les programmes de contrôle de la qualité;

         représenter l’entreprise sur des questions, telles que les services professionnels et la négociation des conventions collectives;

         préparer des rapports sur l’avancement des travaux et fournir aux clients le programme de construction;

         diriger l’achat de tous les matériaux de construction et l’acquisition des terrains;

         embaucher le personnel et superviser le travail des sous-traitants et des employés subalternes.

 

[5]               Le demandeur a joint à sa demande une lettre datée du 1er septembre 2010 de Kerman Farnam Construction Co. La lettre indiquait que le demandeur avait travaillé à temps partiel pour cette société comme directeur de la construction d’un pipeline pour une période de 19 mois à compter du 6 septembre 2003. Dans le cadre de ces fonctions, le demandeur surveillait l’état d’avancement des travaux et supervisait les ouvriers. Le demandeur a également soumis un autre contrat de travail à temps plein de la même société pour 30 mois (dossier du demandeur, page 49). Ce contrat, qui portait la date du 6 novembre 2004, précisait que les fonctions du demandeur consistaient à [traduction] « prévoir et estimer les coûts et l’échéancier du projet et évaluer l’état d’avancement des travaux ».

 

[6]               Par lettre datée du 26 juin 2012, l’agent a informé le demandeur qu’il n’avait pas présenté des éléments de preuve satisfaisants démontrant qu’il possédait l’expérience de travail requise pour la profession CNP 0711, de sorte que sa demande n’était pas admissible à un examen.

 

DÉCISION À L’EXAMEN

 

[7]               La décision consiste, dans le cas qui nous occupe, en la lettre du 26 juin 2012 (la lettre de refus) ainsi qu’en des notes prises par l’agent dans le système mondial de gestion des cas (SMGC).

 

[8]               L’agent a examiné la demande et a conclu qu’elle n’était pas admissible parce que le demandeur n’avait pas soumis suffisamment d’éléments de preuve démontrant qu’il satisfaisait aux exigences en matière d’expérience de travail prescrites par les instructions ministérielles. Les lettres d’emploi soumises par le demandeur ne décrivaient que vaguement ses attributions et l’agent n’était par conséquent pas convaincu que le demandeur avait accompli les fonctions décrites dans le CNP 0711.

 

[9]               Dans ses notes du SMGC du 14 juin 2012, l’agent précise qu’il n’était pas convaincu que les descriptions d’emploi fournies par le demandeur dans ses lettres d’emploi démontraient que ce dernier avait effectivement exercé les fonctions décrites dans l’énoncé principal du CNP 0711. La lettre d’emploi produite par le demandeur affirmait qu’il avait [traduction] « planifié, conçu et organisé des projets de traitement des eaux usées et des projets de pipeline; surveillé l’état d’avancement des travaux et les mesures prises pour s’adapter au plan préliminaire; surveillé l’exécution du travail par le personnel (à temps partiel); et, dans le cadre de son affectation la plus récente, prévu et estimé les coûts et l’échéancier du projet et évalué l’état d’avancement du chantier ». L’agent n’était pas convaincu qu’on pouvait en conclure que le demandeur avait accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession CNP 0711.

 

[10]           L’agent a conclu que comme le demandeur n’avait pas fourni des éléments de preuve satisfaisants démontrant qu’il possédait l’expérience de travail requise dans l’occupation prévue, sa demande n’était pas admissible à un examen.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[11]           Le demandeur soulève les questions suivantes dans la présente demande :

a.                   la décision de l’agent est-elle déraisonnable et a‑t‑elle été rendue sans tenir compte de la preuve?

b.                  L’agent a‑t‑il commis une erreur en n’accordant pas au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations, même après que le demandeur eut satisfait à première vue aux exigences de la demande?

 

NORME DE CONTRÔLE

 

[12]           Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, la Cour suprême du Canada explique qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à une analyse de la norme de contrôle. En fait, lorsque la norme de contrôle applicable à la question dont elle est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’examen des quatre facteurs formant l’analyse relative à la norme de contrôle.

[13]           La première question nous amène à examiner la conclusion de l’agent suivant laquelle le demandeur n’était pas admissible dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral). Il est de jurisprudence constante qu’une telle conclusion est assujettie à la norme de contrôle de la décision raisonnable (Zhong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 980, au paragraphe 11; Malik c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1283, au paragraphe 22).

 

[14]           Lorsque la Cour effectue le contrôle de la décision selon la norme de la décision raisonnable, son analyse tient « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, au paragraphe 59). Autrement dit, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[15]           Dans ses arguments, le demandeur affirme que l’agent n’a pas motivé suffisamment sa décision. Il soutient qu’il s’agit d’une question d’équité procédurale. Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses’ Union c Terre-Neuve-et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, la Cour suprême du Canada a estimé, au paragraphe 14, que l’« insuffisance » des motifs ne permettait pas à elle seule de casser une décision, en expliquant que « les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat et ils doivent permettre de savoir si ce dernier fait partie des issues possibles ». La question de savoir si la décision est suffisamment motivée doit donc être analysée en corrélation avec celle du caractère raisonnable de la décision dans son ensemble.

 

[16]           La deuxième question, qui porte sur le fait que le demandeur n’a pas eu l’occasion de répondre aux préoccupations de l’agent, est une question d’équité procédurale (Kuhathasan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 457 [Kuhathasan], au paragraphe 18). Comme la Cour suprême du Canada l’explique dans l’arrêt S.C.F.P. c Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100 : « Il appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale. » La norme de contrôle qui s’applique à la deuxième question en litige est donc celle de la décision correcte.

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

 

[17]           Les dispositions suivantes de la Loi s’appliquent en l’espèce :

Visa et documents

 

 

*                               11. (1) L’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l’agent les visa et autres documents requis par règlement. L’agent peut les délivrer sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

 

 

 

[…]

 

 

*        (1) Le présent article s’applique aux demandes de visa et autres documents visés au paragraphe 11(1) — sauf à celle faite par la personne visée au paragraphe 99(2) —, aux demandes de parrainage faites par une personne visée au paragraphe 13(1), aux demandes de statut de résident permanent visées au paragraphe 21(1) ou de résident temporaire visées au paragraphe 22(1) faites par un étranger se trouvant au Canada, aux demandes de permis de travail ou d’études ainsi qu’aux demandes prévues au paragraphe 25(1) faites par un étranger se trouvant hors du Canada.

*        

(2) Le traitement des demandes se fait de la manière qui, selon le ministre, est la plus susceptible d’aider l’atteinte des objectifs fixés pour l’immigration par le gouvernement fédéral.

 

 

(3) Pour l’application du paragraphe (2), le ministre peut donner des instructions sur le traitement des demandes, notamment des instructions :

 

a) prévoyant les groupes de demandes à l’égard desquels s’appliquent les instructions;

a.1) prévoyant des conditions, notamment par groupe, à remplir en vue du traitement des demandes ou lors de celui-ci;

 

b) prévoyant l’ordre de traitement des demandes, notamment par groupe;

 

 

c) précisant le nombre de demandes à traiter par an, notamment par groupe;

 

 

d) régissant la disposition des demandes dont celles faites de nouveau.

 

 

 

(3.1) Les instructions peuvent, lorsqu’elles le prévoient, s’appliquer à l’égard des demandes pendantes faites avant la date où elles prennent effet.

 

(3.2) Il est entendu que les instructions données en vertu de l’alinéa (3)c) peuvent préciser que le nombre de demandes à traiter par an, notamment par groupe, est de zéro.

 

(4) L’agent — ou la personne habilitée à exercer les pouvoirs du ministre prévus à l’article 25 — est tenu de se conformer aux instructions avant et pendant le traitement de la demande; s’il ne procède pas au traitement de la demande, il peut, conformément aux instructions du ministre, la retenir, la retourner ou en disposer.

 

Application before entering Canada

 

11. (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document may be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[…]

 

 

 (1) This section applies to applications for visas or other documents made under subsection 11(1), other than those made by persons referred to in subsection 99(2), to sponsorship applications made by persons referred to in subsection 13(1), to applications for permanent resident status under subsection 21(1) or temporary resident status under subsection 22(1) made by foreign nationals in Canada, to applications for work or study permits and to requests under subsection 25(1) made by foreign nationals outside Canada.

 

 

(2) The processing of applications and requests is to be conducted in a manner that, in the opinion of the Minister, will best support the attainment of the immigration goals established by the Government of Canada.

 

(3) For the purposes of subsection (2), the Minister may give instructions with respect to the processing of applications and requests, including instructions

 

(a) establishing categories of applications or requests to which the instructions apply;

(a.1) establishing conditions, by category or otherwise, that must be met before or during the processing of an application or request;

 

(b) establishing an order, by category or otherwise, for the processing of applications or requests;

 

(c) setting the number of applications or requests, by category or otherwise, to be processed in any year; and

 

(d) providing for the disposition of applications and requests, including those made subsequent to the first application or request.

 

(3.1) An instruction may, if it so provides, apply in respect of pending applications or requests that are made before the day on which the instruction takes effect.

 

(3.2) For greater certainty, an instruction given under paragraph (3)(c) may provide that the number of applications or requests, by category or otherwise, to be processed in any year be set at zero.

 

(4) Officers and persons authorized to exercise the powers of the Minister under section 25 shall comply with any instructions before processing an application or request or when processing one. If an application or request is not processed, it may be retained, returned or otherwise disposed of in accordance with the instructions of the Minister.

 

 

[18]           Les dispositions suivantes du Règlement s’appliquent en l’espèce :

    Expérience (21 points)

*                               80. (1) Un maximum de 21 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié en fonction du nombre d’années d’expérience de travail à temps plein, ou l’équivalent temps plein du nombre d’années d’expérience de travail à temps partiel, au cours des dix années qui ont précédé la date de présentation de la demande, selon la grille suivante :

 

[...]

[

 

Expérience professionnelle

 

(3) Pour l’application du paragraphe (1), le travailleur qualifié, indépendamment du fait qu’il satisfait ou non aux conditions d’accès établies à l’égard d’une profession ou d’un métier figurant dans les descriptions des professions de la Classification nationale des professions, est considéré comme ayant acquis de l’expérience dans la profession ou le métier :

 

a) s’il a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession ou le métier dans les descriptions des professions de cette classification;

 

b) s’il a exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession ou du métier figurant dans les descriptions des professions de cette classification, notamment toutes les fonctions essentielles.

 

Experience (21 points)

*       80. (1) Up to a maximum of 21 points shall be awarded to a skilled worker for full-time work experience, or the full-time equivalent for part-time work experience, within the 10 years preceding the date of their application, as follows:

 

 

 

 

 

[…]

 

 

Occupational experience

 

(3) For the purposes of subsection (1), a skilled worker is considered to have experience in an occupation, regardless of whether they meet the employment requirements of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, if they performed

 

 

 

(a) the actions described in the lead statement for the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification; and

 

(b) at least a substantial number of the main duties of the occupation as set out in the occupational descriptions of the National Occupational Classification, including all the essential duties.

 

 

 

 

 

ARGUMENTS

Le demandeur

            Le caractère raisonnable de la décision

 

[19]           Dans le jugement Shinde c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1056, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

17      Il n’est pas nécessaire que la demanderesse exerce toutes les fonctions énumérées au chapitre 6431.0 de la CNP puisqu’il est indiqué que les conseillers en voyages « remplissent une partie ou l’ensemble des fonctions suivantes ». La Cour a déjà statué que l’obligation, pour un demandeur, de remplir « une partie ou l’ensemble des fonctions suivantes » signifie qu’il doit avoir exercé un nombre substantiel des fonctions principales énumérées dans la CNP, dont les fonctions essentielles (voir Rudani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1922 (C.F. 1re inst.)).

 

[20]           Il n’est pas nécessaire que le demandeur ait exercé toutes les fonctions principales énumérées dans le code 0711 de la CNP mais simplement qu’il ait exercé au moins une des fonctions principales. Ainsi que la Cour l’a expliqué dans le jugement Tabañag  c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 1293 :

18     L’alinéa 80(3)b) du Règlement oblige l’agent à se demander si le demandeur a exercé ou non une partie appréciable des fonctions décrites dans la CNP. D’après l’interprétation jurisprudentielle de cette disposition, l’agent doit être convaincu que le demandeur a exercé au moins une des fonctions principales : A’Bed c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1027, au paragraphe 12; Noman c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1169, au paragraphe 28; Dahyalal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 666, au paragraphe 4.

 

[21]           Dans le cas qui nous occupe, le demandeur a expliqué qu’il avait exécuté au moins quatre des fonctions énumérées, y compris l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal. Il s’était occupé de l’estimation des coûts des projets et des échéanciers prévus, ainsi que de la planification, de la conception et de l’organisation des chantiers de construction. Le demandeur a également produit sa carte professionnelle qui confirmait que la société réalisait de grands chantiers de construction. Le demandeur affirme qu’il était déraisonnable de la part de l’agent de conclure qu’il n’avait pas exercé un nombre suffisant de tâches.

 

[22]           De plus, l’agent a estimé que le demandeur ne répondait pas à toutes les exigences pour être considéré comme un directeur de travaux de construction. Le demandeur avait fourni des preuves démontrant qu’il avait obtenu un diplôme en génie civil et qu’il possédait plusieurs années d’expérience dans l’industrie de la construction. Il avait également obtenu une maîtrise en administration des affaires (MBA) ce qui renforçait ses références en tant que directeur des travaux de construction.

 

[23]           Le demandeur affirme également que la décision de l’agent était insuffisamment motivée. La lettre de refus déclarait simplement que les tâches décrites dans ses documents d’emploi étaient vagues et les notes inscrites au SMGC ne nous éclairent pas davantage sur le raisonnement suivi par l’agent : elles résument simplement les fonctions énumérées dans la lettre d’emploi et indiquent que l’agent n’est pas convaincu que le demandeur a accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession 0711 de la CNP.

 

[24]           Dans le jugement Ogunfowora c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 471, la Cour a déclaré ce qui suit :

60     Certes, les notes versées au système STIDI peuvent constituer des motifs suffisants, mais uniquement si elles renferment assez de détails pour que l’intéressé puisse savoir pourquoi sa demande a été refusée. Or, suivant les critères susmentionnés, il semblerait que les notes versées au système STIDI par l’agent en l’espèce ne satisfont pas aux conditions nécessaires. En effet, bien qu’elles mentionnent la raison de la décision, les notes en question ne contiennent pas une analyse suffisamment approfondie des raisons pour lesquelles l’agent a estimé que les demandeurs ne retourneraient pas au Nigéria au terme de leur période de séjour autorisé. Cette constatation est renforcée par le fait que l’agent a jugé nécessaire d’expliquer plus en détail dans l’affidavit qu’il a déposé devant la Cour les raisons pour lesquelles il avait rendu cette décision. Il aurait dû exposer ce raisonnement dès le début.

 

[25]           Dans le jugement I.V.S. c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1009, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit au sujet de l’obligation de motiver suffisamment les décisions :

19     Il est devenu monnaie courante de lire des décisions CH et des décisions d’ERAR dans lesquelles les motifs exposés se limitent à la formule suivante : « Les demandeurs allèguent X; cependant, je ne relève pas suffisamment d’éléments de preuve objectifs pour établir X. » Ce genre de formule type est contraire à la raison d’être des motifs de décisions, puisqu’elle obscurcit plutôt que ne révèle la justification de la décision de l’agent. Les motifs devraient être rédigés pour permettre au demandeur de comprendre pourquoi une décision a été rendue et non pour mettre la décision à l’abri d’un contrôle judiciaire […]

 

[26]           Tout comme dans les décisions précitées, le demandeur affirme que les motifs de l’agent ne sont pas suffisamment détaillés pour lui permettre de savoir comment l’agent en est arrivé à sa décision. L’agent a simplement écarté les éléments de preuve du demandeur sans expliquer la raison pour laquelle les fonctions énumérées qui correspondent à la description du code 0711 de la CNP n’étaient pas suffisantes pour démontrer que le demandeur avait exercé les fonctions énumérées dans l’énoncé principal et une partie appréciable des fonctions décrites dans la CNP.

 

L’équité procédurale

 

[27]           Dans Liao c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1926, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

15     L’agent des visas est tenu de donner à l’immigrant la possibilité de répondre à la preuve précise qui est présentée à son encontre. Cette obligation d’équité peut obliger l’agent des visas à informer le demandeur des préoccupations ou des impressions défavorables qu’il a au sujet de la demande et à donner à celui-ci la possibilité de le détromper.

 

16     L’obligation d’équité qui incombe à l’agent des visas a été expliquée comme suit dans la décision Fong c. Canada (MEI) [1990], 11 Imm. L.R. (2d) 205, à la page 215, où la Cour a adopté le raisonnement qui avait été fait dans le jugement Re. K.(H.) (Infant), [1967] 1 All E.R. 226 :

 

                        [traduction]

 

[...] même si un agent d’immigration n’agit pas à titre judiciaire ou quasi-judiciaire, il doit quand même accorder au requérant l’occasion de le convaincre de l’existence des éléments mentionnés au paragraphe et, à cette fin, faire connaître sa première impression à l’immigrant pour que ce dernier puisse le détromper.

 

17     Toutefois, l’agent des visas s’acquitte de cette obligation d’informer le demandeur s’il oriente comme il se doit ses questions ou s’il demande des renseignements raisonnables qui donnent au demandeur la possibilité de répondre à ses préoccupations […]

 

 

[28]           Dans le jugement Rukmangatham c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 284, la Cour a jugé, au paragraphe 22, que l’obligation d’accorder au demandeur la chance d’« apaiser » les préoccupations de l’agent s’applique « même lorsque ces préoccupations découlent de la preuve qu’ils ont soumise » (voir également le jugement Talpur c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 25, au paragraphe 21).

 

[29]           Cette obligation vaut même dans les cas où un agent des visas procède à une première évaluation de l’affaire. Dans l’affaire Kumar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 1072, le demandeur avait présenté une demande de contrôle judiciaire du refus de sa demande pour non-conformité aux instructions ministérielles. Même à cette étape initiale, la Cour a déclaré, au paragraphe 29 que « lorsqu’une demande satisfait à première vue à toutes les exigences applicables, un agent d’immigration est tenu d’informer le demandeur de toute autre question ou préoccupation avant de la rejeter ».

 

[30]           Le demandeur n’a pas été informé des préoccupations de l’agent. S’il en avait été informé, il aurait été en mesure d’y répondre et de fournir des renseignements supplémentaires au sujet des fonctions de son emploi. Le demandeur a démontré à première vue qu’il travaillait comme directeur de la construction et il a produit tous les documents nécessaires. Le demandeur affirme que le défaut de l’agent de lui accorder la possibilité de répondre à ses préoccupations constituait un manquement à l’équité procédurale.

 

Le défendeur

            Le caractère raisonnable de la décision

 

[31]           Il incombe entièrement au demandeur de convaincre l’agent de tous les éléments nécessaires pour accueillir une demande (Prasad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1996] ACF no 453 (C.F. 1re inst.)). Il n’existe pas de droit absolu d’exiger l’examen préalable et le traitement d’une demande présentée dans la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral), et il n’existe aucun droit d’obtenir un visa permettant d’être admis au Canada (Bellido c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 452, au paragraphe 35).

 

[32]           En clair, la demande a été refusée parce que le demandeur n’avait pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’il avait exercé les fonctions principales décrites dans la CNP 0711. L’agent a clairement indiqué que c’était la raison pour laquelle il refusait sa demande. Le demandeur s’est lui-même qualifié à plusieurs reprises de directeur de la construction dans sa demande et, à cet égard, l’agent a tenu compte de la CNP et a conclu que ce poste n’était pas inscrit dans la CNP et que les documents d’emploi soumis ne le convainquaient pas que les fonctions exécutées par le demandeur se rapportaient aux descriptions des professions de la CNP. Malgré leur brièveté, les notes de l’agent ne donnent pas ouverture à un contrôle judiciaire.

 

[33]           À première vue, il semble, lorsqu’on prend connaissance des lettres qu’il a soumises, que le demandeur n’a pas exécuté un grand nombre des fonctions énumérées dans le code 0711 du CNP; en effet, les tâches énumérées dans les lettres d’emploi ne correspondent pas à celles prévues dans la CNP. L’agent a nettement relevé ce problème. Le demandeur cite la décision Tabañag, précitée, pour affirmer qu’il lui suffisait de démontrer qu’il avait accomplie une seule fonction, mais la Cour a poursuivi en déclarant, au paragraphe 22, que les demandeurs doivent « fournir la preuve qu’ils ont réellement exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession ».

 

[34]           Le demandeur se fonde également sur ses diplômes et sur sa carte professionnelle pour démontrer qu’il a exercé les fonctions de son emploi. Les études du demandeur constituent un facteur neutre lorsqu’il s’agit de déterminer si les exigences de la CNP ont été satisfaites (Tabañag, au paragraphe 22). Le demandeur demande à la Cour de tirer une inférence en se contentant de reformuler dans sa demande certaines des principales fonctions énumérées dans la CNP sans fournir d’autres détails. Ce type d’inférence a été rejeté par la Cour dans le jugement Ismaili c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 351 [Ismaili].

 

[35]           L’agent n’a pas à conjecturer sur l’expérience accumulée par le demandeur dans une profession déterminée (Wankhede c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 968). Il y a lieu de présumer que l’agent a tenu compte de l’ensemble de la preuve documentaire (Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 598). Or, le demandeur n’a pas démontré que l’agent a ignoré des éléments de preuve ou qu’il a commis une erreur. Le défendeur affirme que la décision était raisonnable et qu’il convient de faire preuve de déférence à son égard. Le défendeur affirme que l’examen du dossier certifié du tribunal confirme le caractère raisonnable de la décision.

 

L’équité procédurale

 

[36]           Le défendeur affirme qu’il incombe au demandeur de convaincre l’agent (Prasad, précité). Les agents n’ont aucune obligation générale de pousser leurs investigations plus loin ou de demander des éclaircissements au demandeur si la demande est ambiguë ou ne comporte pas de pièces à l’appui (Lam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1239).

 

[37]           Qui plus est, l’obligation d’équité à laquelle le demandeur a droit se situe à l’extrémité inférieure du registre. Ainsi que la Cour l’a déclaré dans le jugement Pan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 838 [Pan] :

[26]           S’agissant des demandeurs de visas, le niveau minimal d’équité procédurale auquel ils ont droit se situe à l’extrémité inférieure du registre (Chiau c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] 2 C.F. 297, au paragraphe 41 (C.A.); Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CAF 345, [2002] 2 C.F. 413, aux paragraphes 30 à 32; Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 55, 23 Imm. L.R. (3d) 161, au paragraphe 10).

 

[27]           En général, c’est au demandeur de visa qu’il incombe de faire accepter sa demande en produisant tous les justificatifs requis, ainsi qu’une preuve suffisante et digne de foi au soutien de sa demande. Ce fardeau n’est pas transféré à l’agent des visas, et le demandeur de visa n’a pas droit à une entrevue personnelle si sa demande est ambiguë ou si elle n’est pas accompagnée des justificatifs requis (Silva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 733, au paragraphe 20).

 

[28]           L’agent des visas n’a pas non plus l’obligation légale de tenter d’éclaircir une demande déficiente (Sharma c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 786, au paragraphe 8; Fernandez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. n° 994, au paragraphe 13; Dhillon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. n° 574, au paragraphe 4), ni l’obligation d’aider un demandeur à établir le bien-fondé de sa demande (Mazumder c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 444, au paragraphe 14), ni l’obligation de faire connaître au demandeur ses doutes se rapportant aux conditions énoncées dans la loi (Ayyalasomayajula c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 248, au paragraphe 18), ni encore l’obligation de dire au demandeur ce qu’est le résultat de sa demande à chaque étape du processus (Covrig c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. n° 1413, au paragraphe 21). Imposer de telles contraintes à l’agent des visas reviendrait à lui demander de donner avis préalable d’une décision défavorable, obligation qui a été explicitement écartée (Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. n° 940 (QL); Sharma, précité).

 

[38]           L’équité procédurale doit être évaluée en fonction des circonstances de chaque espèce. Dans le jugement Chadha c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 105, la Cour a déclaré ce qui suit aux paragraphes 48 à 51 :

48           La teneur de l’équité procédurale varie et est de nature contextuelle. Les tribunaux judiciaires, lorsqu’ils sont appelés à déterminer en quoi consiste l’obligation d’agir équitablement eu égard aux demandeurs de visa, ont pris soin de concilier les exigences de l’équité avec les nécessités du processus administratif de l’immigration dont il est question. Voir Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 21; Patel, précité, au paragraphe 10; Khan, précité, aux paragraphes 22, 30 à 32.

49           Le devoir d’agir équitablement dans la présente affaire, qui concernait un décideur administratif, est moins étendu que dans une affaire concernant un tribunal quasi judiciaire, où l’obligation de soumettre les préoccupations au demandeur peut être plus stricte. Voir Khan, précité, aux paragraphes 31 et 32. La Cour fédérale a conclu que l’agent n’a pas l’obligation de fournir un compte rendu au demandeur quant aux lacunes de sa demande. Voir Kamchibekov, précitée, au paragraphe 25; Thandal c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 489, au paragraphe 9; Nabin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 200, aux paragraphes 7 à 10.

50           La question de savoir si le demandeur a l’expérience pertinente requise pour la profession à l’égard de laquelle il allègue être un travailleur qualifié est directement fondée sur les exigences de la Loi et du Règlement. Voir Chen, précitée, aux paragraphes 20 à 22. Par conséquent, l’agent n’avait pas l’obligation de fournir au demandeur une occasion de présenter une réponse à ses préoccupations, au même titre que le demandeur n’avait pas droit à une entrevue pour corriger ses propres lacunes. Voir Kamchibekov, précitée, au paragraphe 26, et Kaur, précitée.

51           Il ne s’agissait pas, comme l’allègue le demandeur, d’une affaire concernant la crédibilité ou l’exactitude des renseignements qu’il avait fournis. Le demandeur n’a tout simplement pas présenté une demande conforme aux instructions pertinentes, et l’agent a, à juste titre, suivi le BO 120.

 

[39]           Qui plus est, compte tenu de la nature de la décision et des éléments de preuve qui ont été soumis, la décision était suffisamment motivée en l’espèce. Les notes de l’agent étaient brèves, mais les raisons pour lesquelles la demande présentée par le demandeur était rejetée étaient claires. Compte tenu de ce qui précède, le défendeur affirme que l’obligation d’équité a été respectée en l’espèce.

 

La réplique du demandeur

 

[40]           Le défendeur affirme que le demandeur n’a pas démontré qu’il avait exercé les fonctions principales décrites dans la CNP 0711, mais le demandeur maintient que les éléments qu’il a soumis démontrent qu’il a exécuté au moins quatre des principales fonctions prévues, y compris celles énumérées dans l’énoncé principal, ainsi qu’il le précise au paragraphe 22 de son mémoire des faits et du droit. La décision n’est pas suffisamment motivée parce que l’agent n’explique pas les raisons pour lesquelles il a estimé que les quatre fonctions en question n’étaient pas suffisantes pour démontrer que le demandeur répondait aux exigences de la CNP 0711.

 

[41]           Le demandeur souligne que le défendeur n’a pas abordé la jurisprudence soumise par le demandeur dans laquelle il est précisé qu’il suffit que l’agent soit convaincu que le demandeur a exercé au moins une des principales tâches. Le défendeur invoque le jugement Ismaili, précité, mais, dans cette affaire, le demandeur n’avait soumis qu’une lettre d’emploi qui confirmait son titre d’emploi, tandis qu’en l’espèce, le demandeur a produit une lettre d’emploi qui confirmait qu’il avait exécuté quatre des principales fonctions de la profession CNP 0711.

 

[42]           Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas réfuté la présomption suivant laquelle l’agent a tenu compte de l’ensemble de la preuve, mais le demandeur soutient qu’il a présenté les éléments de preuve en question et que rien ne permet de penser que l’agent en a tenu compte, de sorte que le demandeur a effectivement réfuté la présomption en question.

 

[43]           Le défendeur invoque également le jugement Pan, précité. Toutefois, dans cette affaire, la demanderesse avait été mise au courant des lacunes de sa demande, invitée à présenter d’autres observations et convoquée à une entrevue. Le demandeur ne s’est vu offrir aucune de ces garanties procédurales en l’espèce.

 

[44]           Dans le jugement Gay c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 1280 [Gay], le juge Michel Shore a souligné ce qui suit :

32     Mme la juge Dolores Hansen de la Cour fédérale a précisé dans la décision Alimard c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1223 (QL), que si un agent n’est pas convaincu par la preuve présentée et qu’il est établi que cette preuve est incomplète, alors il faut donner au demandeur la possibilité de fournir d’autres éléments de preuve :

 

[15]      Dans de telles situations, la jurisprudence prévoit clairement que dans les cas où l’agent des visas a l’impression que la preuve produite fait défaut, l’équité exige que l’agent des visas donne au demandeur l’occasion de le détromper (Muliadi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1986] 2 A.C.F. 205).

 

[16]      Comme la conclusion de l’agente des visas que le demandeur ne disposait pas de fonds suffisants constituait un facteur clé de son appréciation de la capacité de ce dernier d’établir avec succès une entreprise au Canada, elle aurait dû lui donner l’occasion de traiter de ses réserves. Il aurait peut-être été en mesure de lui fournir de la preuve établissant le bien-fondé de l’évaluation ou encore de produire une nouvelle évaluation.

 

[17]      Le défendeur a soutenu que c’est l’omission du demandeur de produire des évaluations concernant l’ensemble de ses propriétés qui a empêché l’agente des visas d’apprécier convenablement ses aptitudes financières. Comme il a été expliqué dans la décision Muliadi, précitée, cela « ne décharge pas l’agent des visas de son obligation d’agir de manière équitable ».

 

33     Dans la décision Negriy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 710 (QL), Mme la juge Eleanor R. Dawson de la Cour fédérale a exprimé l’avis selon lequel l’obligation de l’agent des visas consiste à obtenir des éclaircissements si un doute est soulevé à l’égard de l’authenticité de la preuve fournie :

 

[23]      Une fois que l’agente des visas eût reçu les renseignements selon lesquels les études de la demanderesse étaient conformes à celles qu’elle avait initialement indiquées, une fois que ces renseignements eurent été acceptés et pris en considération dans l’appréciation du dossier, et après réception d’une lettre portant apparemment le sceau du Sanatorium Arcadia censée confirmer l’emploi de la demanderesse, j’estime qu’il n’était pas raisonnable que l’agente des visas rejette la demande présentée par la demanderesse.

 

[24]      […] qu’on aurait au moins dû procéder à d’autres enquêtes afin d’établir l’authenticité de la lettre portant le sceau du Sanatorium Arcadia avant de la rejeter.

 

[45]           Dans l’affaire Gay, l’agent avait des réserves au sujet des éléments de preuve présentés par le demandeur pour démontrer sa capacité financière de s’établir au Canada. Le juge Shore a conclu que l’agent avait commis une erreur en n’accordant pas au demandeur la possibilité de répondre à ces réserves :

 

38     Toutefois, le défendeur soutenait que, dans la présente affaire, l’agente a agi d’une façon équitable et compatible avec le Guide OP6 – parce qu’elle a envoyé au demandeur une « lettre requise par l’équité » datée du 22 mars 2006 qui informait le demandeur qu’il devrait fournir une preuve de la disponibilité de ses fonds d’établissement avant que son dossier puisse être complet; par conséquent, on a informé le demandeur que les renseignements qu’il avait fournis dans sa demande à l’égard de ses fonds d’établissement étaient insuffisants. (Dossier du demandeur, page 13, onglet 3, pièce B; affidavit de Herick Gay, paragraphes 4 à 6.)

 

39        Toutefois, l’agente aurait dû informer M. Gay de ses préoccupations à l’égard des documents fournis au soutien de sa capacité financière de s’établir sur le plan économique au Canada. Ainsi, l’agente aurait dû lui donner la possibilité de répondre à ses préoccupations se rapportant à un aspect important de sa demande

 

[46]           Comme c’était le cas dans la jurisprudence examinée dans l’affaire Gay, compte tenu du fait qu’en l’espèce le demandeur avait démontré à première vue qu’il avait travaillé comme directeur de la construction, l’agent aurait dû lui accorder la possibilité de répondre à ses préoccupations.

 

ANALYSE

 

[47]           À mon avis, les motifs de la décision sont simples et ressortent aisément des notes consignées au SMGC. L’agent affirme que selon la description d’emploi soumis par le demandeur, il n’est pas [traduction] « convaincu que l’intéressée a effectivement exercé une partie importante des fonctions prévues pour la profession 0711 de la CNP » et il « n’est pas convaincu que [le demandeur a] accompli l’ensemble des tâches figurant dans l’énoncé principal établi pour la profession 0711 de la CNP ».

 

[48]           Ainsi que le demandeur le souligne dans ses arguments, la jurisprudence de la Cour n’exige pas qu’il ait accompli toutes les principales fonctions énumérées dans l’énoncé principal établi pour la profession 0711 de la CNP (voir Tabañag, précité, au paragraphe 18). Il suffisait que le demandeur démontre qu’il avait exercé « une partie appréciable des fonctions principales décrites dans la CNP applicable, notamment toutes les fonctions essentielles » (voir Shinde, précité, au paragraphe 17).

 

[49]           Il ressort à l’évidence de ses motifs que c’est bien ce que l’agent a compris, parce que sa décision reposait sur le fait que, compte tenu des éléments soumis par le demandeur, l’agent ne croyait pas que le demandeur [traduction] « a effectivement exercé une partie appréciable des fonctions principales décrites dans la CNP 0711 ».

 

[50]           La principale question qui se pose dans le cas qui nous occupe est celle de savoir si la décision de l’agent était raisonnable sur ce point.

 

[51]           Le demandeur affirme que les pièces qu’il a présentées démontraient qu’il avait exécuté au moins quatre des fonctions énumérées dans le code 0711 de la CNP, y compris les fonctions décrites dans l’énoncé principal :

a.                   Il a expliqué qu’il avait planifié, conçu et organisé des chantiers de construction, y compris des projets de pipeline et de traitement des eaux usées qui correspondent à la première fonction énumérée;

b.                  Il a expliqué qu’il avait prévu et estimé les coûts des projets et prévu les échéanciers;

c.                   Il a expliqué qu’il avait surveillé l’état d’avancement des travaux selon les horaires préétablis;

d.                  Il a expliqué qu’il supervisait le personnel et les ouvriers.

 

[52]           Le défendeur n’est pas du même avis et affirme que les documents soumis ne confirment pas que le demandeur a exécuté les principales fonctions énumérées pour la profession 0711 de la CNP (directeurs de la construction).

 

[53]           Lorsque j’examine la lettre d’emploi de Kerman Farnam Construction soumise par le demandeur, j’y relève les fonctions suivantes :

a.                   Le demandeur a [traduction] « collaboré » avec la compagnie [traduction] « à temps partiel » à titre de [traduction] « directeur de la construction d’un pipeline afin de planifier, concevoir et organiser des projets de pipeline et de traitement des eaux usées pendant 19 mois y compris une journée ouvrable (8 heures) et trois jours ouvrables (5 heures par semaine);

b.                  Il a également travaillé à temps partiel [traduction] « comme surveillant de chantier de construction chargé de surveiller l’état d’avancement des travaux et de mesures d’adaptation au plan préalable et de superviser la bonne exécution des travaux par le personnel et les ouvriers »;

c.                   Il a également [traduction] « continué à collaborer à temps plein [...] en tant que directeur de la construction chargé de prévoir et d’estimer les coûts et l’échéancier des projets et d’évaluer l’état d’avancement des travaux [...] ».

 

[54]           Lorsqu’on compare ces fonctions avec l’énoncé principal et les fonctions énumérées dans le code 0711 de la CNP, il est clair qu’il existe un chevauchement, mais la question de savoir si le demandeur a exercé une partie appréciable des fonctions principales décrites dans la CNP est très certainement une question d’appréciation personnelle. Selon le législateur, les agents des visas sont tenus de prendre cette décision discrétionnaire et, comme la jurisprudence le précise dans les termes plus nets, la Cour ne peut annuler une décision que si elle n’appartient pas aux issues acceptables au sens du paragraphe 47 de l’arrêt Dunsmuir.

 

[55]           Ainsi que le défendeur le souligne, notre Cour a déjà jugé que, même si le poste et la description de travail du demandeur sont semblables à ceux prévus par la CNP, il convient de faire preuve de déférence envers les agents et leurs décisions, lesquelles ne doivent être infirmées que si elles n’appartiennent pas aux issues acceptables compte tenu de la preuve portée à leur connaissance (voir Anabtawi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration),[2012] ACF no 923, au paragraphe 43).

 

[56]           En l’espèce, la question de savoir si le demandeur a effectivement exécuté une partie appréciable des fonctions principales décrites dans la CNP 0711 peut donner lieu à des désaccords, mais je ne puis affirmer que la conclusion de l’agent suivant laquelle le demandeur n’a pas démontré qu’il avait exercé une partie appréciable des fonctions prévues n’appartient aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[57]           Je conclus que les faits de la présente affaire ne soulèvent aucune question d’équité procédurale en ce qui concerne la possibilité de donner au demandeur l’occasion de présenter d’autres observations. L’agent des visas n’a aucune obligation d’informer le demandeur que ses observations et ses éléments de preuve ne satisfont pas aux exigences d’une profession de la CNP et de lui donner l’occasion de compléter sa demande (voir Chadha, précité, aux paragraphes 46 à 51 et Pan, précité, aux paragraphes 26 à 28).

 

[58]           Le demandeur affirme toutefois que l’agent devait aller plus loin dans ses motifs et expliquer pourquoi les fonctions qu’il avait exécutées n’étaient pas suffisamment importantes pour satisfaire aux exigences d’un énoncé principal et du code 0711 de la CNP et que la seule chose dont nous disposons est l’avis approximatif d’un agent suivant lequel les tâches accomplies par le demandeur n’étaient pas suffisantes.

 

[59]           En ce qui concerne la question de savoir si la décision était suffisamment motivée, les motifs qui ont été énoncés dans le cas qui nous occupe sont plutôt ténus lorsqu’on les compare à certaines autres décisions (voir, par exemple, Zhong c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 980), mais ces décisions portaient sur des demandes qui avaient été rejetées pour des motifs plus complexes que la simple insuffisance de la preuve. Le problème que soulève la présente affaire est le fait que le demandeur a soumis très peu d’éléments de preuve. Vu le dossier, j’estime qu’il n’est pas nécessaire d’en dire davantage sur cette question.

 

[60]           Ainsi que la jurisprudence de notre Cour le démontre, lorsqu’il s’agit de la question de savoir si la décision est suffisamment motivée, la réponse à cette question dépend en grande partie de la preuve et des arguments présentés par le demandeur et des motifs invoqués pour rejeter la demande. Je suis convaincu qu’en l’espèce les motifs sont, dans l’ensemble, suffisamment intelligibles, transparents et justifiés pour permettre au demandeur de savoir ce dont l’agent a tenu compte et de comprendre les conclusions auxquelles il en est venu en ce qui concerne les points litigieux pertinents.

 

[61]           Les avocats sont d’accord pour dire qu’il n’y a aucune question à certifier et la Cour est du même avis.


JUGEMENT

 

LA COUR :

 

1.                  REJETTE la demande;

2.                  DÉCLARE qu’il n’y a aucune question à certifier.

 

 

« James Russell »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-8347-12

 

INTITULÉ :                                      SEYEDMEHDI HOSSEINI

 

                                                            -   et   -

 

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 6 juin 2013

                                                           

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 9 juillet 2013

 

 

COMPARUTIONS :   

 

Clare Crummey                                                                       POUR LE DEMANDEUR

Jocelyn Espejo-Clarke                                                             POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :    

 

Waldman and Associates                                                        POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)                                                                               

 

William F. Pentney                                                                 POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

 

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