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Date : 20130715

Dossier : IMM-8700-12

Référence : 2013 CF 788

[traduction française certifiée, non révisée]

Ottawa (Ontario), le 15 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Simon Noël

 

Entre :

 

HORVATH, GABOR

RACZ, GABRIELLA ROZA

HORVATH, DZSENIFER GABRIELLA

 

 

 

demandeurs

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

           MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande, présentée en application du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], de contrôle judiciaire de la décision du 13 août 2012 par laquelle la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a rejeté la demande d’asile des demandeurs.

 

I.          Les faits

[2]               Les demandeurs, une famille de Budapest, sont d’origine ethnique rom. La demanderesse a souffert de racisme depuis sa naissance et en sixième année, elle a été victime de discrimination de la part des élèves de sa classe. Ces élèves l’ont dénigrée et ont proféré des remarques menaçantes à son endroit et l’une d’entre elles lui a même écrasé de la crème glacée sur la tête. Ses parents l’ont retirée de l’école et ont déménagé dans une région où vivait un plus grand nombre de Roms. En 1999, des skinheads l’ont attaquée, ont déchiré son chandail et pris son sac à main. Le demandeur, qui est également un Rom, lui est venu en aide. Il a été attaqué par des skinheads à maintes reprises.

 

[3]               Au moment où leur fille a atteint l’âge de six ans, elle ne voulait plus aller à la garderie parce que les autres enfants l’affublaient de qualificatifs racistes. Lorsque la fille des demandeurs a commencé l’école en 2009, elle a fait l’objet de railleries racistes.

 

[4]               Lors d’une fin de semaine, les demandeurs tentaient de vendre des semences et des skinheads ont commencé à les battre et d’autres personnes leur lançaient des commentaires racistes. Bien que les demandeurs se soient adressés aux policiers, ceux‑ci les ont ignorés. Les demandeurs étaient traités avec suspicion dans les magasins. Des membres de la Garde hongroise ont commis des actes de violence. Les demandeurs s’étaient absentés une nuit et lorsqu’ils sont revenus à la maison, leur porte avait été ouverte à coups de pied, les fenêtres étaient cassées et leurs biens détruits. Ils sont venus au Canada le 6 octobre 2009 et ont présenté une demande d’asile quelques jours plus tard.

 

II.        Décision faisant l’objet du contrôle

[5]               La SPR a conclu que les demandeurs n’avaient pas établi l’existence d’une possibilité sérieuse d’être persécutés pour l’un des motifs prévus dans la Convention ni qu’ils ne seraient exposés personnellement, selon la prépondérance des probabilités, au risque d’être soumis à la torture ou à une menace à leur vie ou au risque de traitements ou peines inhabituels et inusités s’ils retournaient dans leur pays.

 

[6]               La SPR a tout d’abord conclu que plusieurs contradictions dans la preuve des demandeurs ressortaient de la comparaison entre leurs témoignages et leurs formulaires de renseignements personnels [FRP]. La demanderesse a déclaré que ses parents s’étaient plaints au directeur de l’école à propos de l’incident mettant en cause d’autres enfants et que le directeur n’avait rien fait. Toutefois, le fait que les parents de la demanderesse se sont plaints aux autorités scolaires et qu’ils ont été ignorés n’était pas mentionné dans son FRP. La SPR n’était pas satisfaite de l’explication selon laquelle la demanderesse ne savait pas pourquoi cet incident n’avait pas été inclus, alors que le FRP indique clairement que les demandeurs doivent mentionner toutes les tentatives faites en vue d’obtenir de la protection.

 

[7]               En outre, la demanderesse n’a pas signalé à la police l’incident de 1999 concernant les skinheads et a déclaré que des parents s’étaient rendus à la police à d’autres occasions et qu’ils n’avaient pas reçu d’aide. La SPR a conclu que la demanderesse manquait de crédibilité parce qu’elle n’avait pas relaté ce dernier fait dans son FRP et, encore une fois, la SPR a estimé insatisfaisante l’explication portant qu’elle ne savait pas pourquoi il n’avait pas été inclus.

 

[8]               La SPR a conclu que les documents d’immigration remplis par la demanderesse ne renvoyaient qu’à de la violence en général et non à de la violence dont elle avait personnellement fait l’objet. La SPR a donc conclu que cela minait sa crédibilité.

 

[9]               La SPR a tiré une inférence défavorable du fait que le demandeur n’a pu présenter de rapports liés aux traitements médicaux qu’il aurait reçus à la suite des incidents où il avait été battu parce qu’il aurait été tenu de faire une demande en personne. Dans d’autres cas, des demandeurs d’asile provenant de la Hongrie avaient été en mesure de fournir de tels documents.

 

[10]           Dans son témoignage, le demandeur a indiqué qu’il avait signalé à la police entre cinq et huit incidents où il avait été battu, mais qu’à chaque occasion, il avait reçu une réponse insatisfaisante. Cependant, son FRP ne contient aucune mention de ce fait. La SPR a rejeté son explication selon laquelle il n’a pas inclus ces renseignements parce qu’il n’avait pas de preuve de leur survenance.

 

[11]           La SPR a alors conclu que les demandeurs n’avaient pas réfuté la présomption de protection de l’État. Elle a jugé que la Hongrie était un pays démocratique et que même si la discrimination existait, le gouvernement hongrois faisait des efforts pour lutter contre elle et que cela avait permis de réaliser certains progrès. La SPR a reconnu que les policiers utilisaient une force excessive contre les Roms et que la discrimination à l’égard des Roms persistait dans les domaines de l’éducation, du logement et de l’accès aux services sociaux. Toutefois, la SPR a conclu qu’il existait en Hongrie des organismes gouvernementaux chargés des plaintes contre les représentants de l’État qui utilisaient une force excessive et que ces crimes faisaient l’objet d’enquêtes. Elle a également examiné plusieurs affaires dans lesquelles des représentants de l’État avaient été reconnus coupables.

 

III.       Observations des demandeurs

[12]           Selon les demandeurs, la SPR n’a pas respecté un principe de justice naturelle en tirant une conclusion quant à la crédibilité fondée sur des divergences entre les exposés circonstanciés de leurs FRP et leurs témoignages à l’audience, malgré le fait les exposés circonstanciés n’avaient pas été présentés à la SPR. L’absence des FRP constitue un obstacle insurmontable faisant en sorte que la Cour n’est pas en mesure d’examiner les conclusions quant à la crédibilité. En effet, la jurisprudence a établi que la cour doit se prononcer sur la question de savoir si le dossier dont elle dispose lui permet de statuer convenablement sur la demande de contrôle judiciaire.

 

[13]           Les demandeurs soutiennent également que la conclusion tirée par la Commission au sujet de la protection de l’État était déraisonnable. En premier lieu, la SPR a conclu que les efforts de la Hongrie visant à protéger les Roms avaient connu des succès partiels et que la violence extrémiste envers les Roms augmentait. Compte tenu de cet élément de preuve, il était déraisonnable de conclure que la Hongrie offrait aux Roms une protection de l’État satisfaisante. Bien que les efforts de l’État soient en effet pertinents pour évaluer la protection de l’État, ils ne sont ni déterminants ni suffisants, car les efforts doivent se traduire en une protection de l’État suffisante sur le terrain. Le fait que la SPR a reconnu que la violence a augmenté démontre que l’État hongrois n’est pas disposé à protéger le peuple rom ou qu’il n’est pas en mesure de le faire.

 

IV.       Observations du défendeur

[14]           Le défendeur fait valoir que le dossier n’étaye pas un manquement à la justice naturelle. Les demandeurs se sont appuyés sur une preuve selon laquelle la SPR avait égaré leur dossier pour soutenir que la décision avait été prise sans tenir compte de la preuve, même si aucun élément de preuve n’indique que la SPR ne disposait pas de leurs FRP pour prendre sa décision. Le fait que la SPR renvoie avec précision aux renseignements qui figuraient et ne figuraient pas dans les exposés circonstanciés montre qu’elle disposait bien des FRP pour se prononcer sur la demande d’asile des demandeurs et tirer des inférences quant à leur crédibilité.

 

[15]           De plus, à l’audience, le commissaire de la SPR a indiqué qu’il avait lu les FRP. La SPR a examiné en détail à l’audience chacune des contradictions entre les FRP des demandeurs et leurs témoignages, permettant à la fois aux demandeurs et à la Cour de bien comprendre le fondement des conclusions de la SPR concernant les contradictions que contenait la preuve des demandeurs.

 

[16]           Le défendeur soutient en outre que la question à laquelle il faut répondre est celle de savoir si un examen valable, et non parfait, de la décision de la SPR peut avoir lieu.

 

[17]           La LIPR et les Règles de la Cour contiennent des dispositions qui visent précisément l’examen d’une demande d’autorisation en l’absence d’un dossier complet devant la Cour et la production d’un dossier certifié du tribunal [DCT] uniquement après que la demande est autorisée. Il incombait aux demandeurs de produire les exposés circonstanciés des FPR dans le cadre de la demande d’autorisation s’ils estimaient que ces éléments de preuve étaient importants pour leur demande. De plus, le fait que les demandeurs n’ont pas de copie de ces documents ne rend pas inéquitable le fait que la SPR s’est appuyée sur eux. Il incombait aux demandeurs de présenter ces éléments de preuve ou à tout le moins une preuve par affidavit montrant les erreurs que la SPR avait, à leur avis, commises relativement au contenu de leurs FRP. S’il en était autrement, les demandeurs pourraient obtenir une autorisation simplement en retenant des éléments de preuve.

 

[18]           Le défendeur fait de plus valoir qu’il incombe aux demandeurs de réfuter la présomption de protection de l’État au moyen d’une preuve claire et convaincante selon laquelle leur État ne pouvait leur assurer une protection suffisante. Les demandeurs ont tenté d’attaquer l’analyse de la SPR en soutenant qu’elle était déraisonnable et ont renvoyé à des éléments de preuve indiquant que le racisme et la violence contre les Roms persistaient en Hongrie. Ces éléments de preuve visent cependant la mauvaise question étant donné que la SPR n’a pas à se prononcer sur la question de savoir si la Hongrie a été en mesure de régler le problème du racisme d’une manière générale. Le critère n’est pas le critère de la protection parfaite. Il est impossible pour un État de garantir en tout temps la sécurité de ses citoyens. Le critère vise donc le caractère suffisant de la protection et non son efficacité.

 

[19]           De plus, la preuve d’une situation de violence ou de criminalité qui perdure n’est pas suffisante pour réfuter la présomption de la protection de l’État, car une telle preuve n’indique pas ce que l’État peut faire ou fera si une personne lui demande la protection. En l’espèce, la preuve étayait raisonnablement la conclusion selon laquelle l’État intervient activement pour assurer une protection aux Roms.

 

[20]           En l’espèce, la SPR a fourni une analyse détaillée du caractère suffisant des efforts entrepris par le gouvernement hongrois sur le terrain en vue d’assurer une protection de l’État suffisante aux Roms, bien qu’il continue d’être exposé à d’importantes difficultés en ce qui a trait à la protection des Roms.

 

[21]           Les demandeurs ont présenté des éléments de preuve pour indiquer que les Roms font l’objet d’attaques racistes, de mauvais traitements et de discrimination de la part des policiers et la SPR a bien reconnu cette preuve. Il est toutefois loisible à la SPR de soupeser ces éléments de preuve par rapport aux efforts entrepris par le gouvernement hongrois pour assurer la protection.

 

[22]           Enfin, la preuve indique que les Roms disposent de plusieurs moyens pour exercer et faire valoir leurs droits, bien que les demandeurs n’aient pas recouru à ces moyens. La SPR a conclu que la preuve des demandeurs ne montrait pas que la protection ne serait pas raisonnablement assurée.

 

[23]           À l’audience, le défendeur a indiqué que puisque la preuve documentaire montrait que le gouvernement hongrois offrait une protection de l’État suffisante, il n’était pas nécessaire que la Cour évalue le caractère raisonnable des conclusions en matière de crédibilité. En conséquence, indépendamment des conclusions de la SPR concernant la crainte de persécution des demandeurs, ces derniers ne pouvaient obtenir l’asile pour la seule raison que la preuve documentaire établissait clairement que leur pays d’origine était en mesure d’offrir une protection suffisante.

 

V.        Réponse des demandeurs

[24]           Le fait que la SPR a demandé au conseil des demandeurs une copie du dossier à deux reprises montre qu’elle n’en disposait pas. De plus, en réponse à l’observation du défendeur portant qu’en ne produisant pas les FRP manquants, les demandeurs n’ont pas présenté une preuve adéquate, les demandeurs indiquent qu’ils ne peuvent produire un document que personne ne semble avoir. La demande de contrôle judiciaire est fondée sur l’absence des exposés circonstanciés. La SPR ne pouvait trouver ses copies, le bureau du conseil des demandeurs ne pouvait trouver sa copie et le demandeur principal a déclaré dans un affidavit que sa famille et lui n’avaient jamais reçu de copies de leurs FRP.

 

[25]           En ce qui a trait à la protection de l’État, les demandeurs soutiennent que si la violence contre les Roms augmente, la SPR devait alors expliquer la façon dont l’engagement du gouvernement envers la protection du peuple rom se traduit en une protection suffisante sur le terrain, alors qu’il n’arrive pas à offrir une telle protection.

 

[26]           Les demandeurs rejettent l’observation du défendeur portant qu’ils ont soutenu que le critère applicable était le critère de la protection parfaite de l’État. Les demandeurs affirment que le critère vise une protection suffisante sur le terrain et ce critère n’est pas satisfait dans les circonstances en raison de l’absence de protection concrète contre la discrimination et la violence à l’endroit des Roms.

 

VI.       Questions en litige

1.    La Cour peut-elle statuer convenablement sur la présente demande de contrôle judiciaire en l’absence des FRP du DCT?

 

2.         Les conclusions de la SPR relatives à la protection de l’État sont‑elles raisonnables?

 

VII.     Norme de contrôle applicable

[27]           La norme de la décision correcte s’applique à la première question puisque celle-ci soulève une question d’équité procédurale (SCFP c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 RCS 539). La norme de la raisonnabilité s’applique aux conclusions relatives à la protection de l’État (Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 RCS 190).

 

VIII.    Analyse

A.   La Cour peut-elle statuer convenablement sur la demande de contrôle judiciaire en l’absence des FRP du DCT?

 

[28]           Le DCT ne contient pas les FRP des demandeurs, pas plus qu’il ne mentionne d’appels téléphoniques de l’agent préposé au dossier et du commissaire coordonnateur pour se renseigner au sujet des FRP parce que la SPR les avait perdus. Il est également utile de souligner que dans sa décision, la SPR n’a pas indiqué qu’avant de rendre sa décision, quinze (15) mois après l’audience, elle ne disposait pas d’une copie des FRP des demandeurs. Selon la transcription, les FRP étaient disponibles au moment de l’audience.

 

[29]           En l’espèce, l’absence des FRP du DCT justifie d’accueillir la demande de contrôle judiciaire.

 

[30]           La Cour n’est pas en mesure d’évaluer le caractère raisonnable des conclusions de la SPR quant à la crédibilité en raison de l’absence des FRP du DCT. Dans la plupart des cas, les conclusions en matière de crédibilité sont déterminantes. Il est important, pour la cour de révision, qu’elle dispose de la preuve documentaire utilisée pour tirer de telles conclusions. Au cours de l’audience, la SPR a bien indiqué certaines contradictions entre les FRP et les témoignages. La Cour ne dispose pas des documents essentiels pour évaluer convenablement les conclusions tirées en matière de crédibilité. Dans un tel cas, la transcription ne peut pas remplacer une preuve aussi importante.

 

[31]           Dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 301 c Montréal (Ville), [1997] 1 RCS 793, 144 DLR (4th) 577, au paragraphe 80 [Syndicat canadien de la fonction publique], la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

80        À mon avis, les arrêts Kandiah et Hayes, précités, fournissent un excellent énoncé des principes de justice naturelle applicables à l’enregistrement des délibérations d’un tribunal administratif. Dans le cas où l’enregistrement est incomplet, le déni de justice découlerait de l’insuffisance de l’information sur laquelle la cour siégeant en révision peut fonder sa décision. Par conséquent, l’appelant peut se voir nier ses moyens d’appel ou de révision. Les règles énoncées dans ces arrêts empêchent que ce résultat malheureux ne se produise. Elles écartent aussi le fardeau inutile des délibérations administratives et de la répétition superflue d’un examen des faits qui serait entrepris longtemps après que les événements en question sont survenus.

 

La Cour de révision en l’espèce fait face à la même situation. Il se peut que les demandeurs se voient nier un motif de contrôle si elle ne dispose pas de ces documents essentiels.

 

[32]           De même, dans Gokpinar c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1065, 44 Imm LR (3d) 80, au paragraphe 10, la Cour a statué que dans les cas où la décision se fondait sur l’absence de crédibilité du demandeur, l’absence de transcription de son témoignage s’avérait « un obstacle insurmontable qui empêchait la Cour de statuer convenablement sur la demande de révision ». Une transcription existe en l’espèce, mais la preuve qui constitue le fondement des conclusions quant à la crédibilité est absente. La Cour de révision en l’espèce ne peut s’acquitter de ses obligations judiciaires dans de telles circonstances.

 

[33]           En conséquence, dans les cas où le dossier du tribunal est incomplet et la cour de révision n’est pas en mesure de statuer convenablement sur la demande de contrôle judiciaire de la décision attaquée en raison de cette situation, il y a manquement à la justice naturelle. De plus, comme le déclare l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique, précité, et par la suite Likele c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] ACF no 1693, 175 FTR 281, aux paragraphes 5 et 6, et comme je l’ai expliqué plus haut, l’impossibilité pour un demandeur d’asile de montrer que les conclusions de la SPR en matière de crédibilité sont déraisonnables entraîne également un manquement à la justice naturelle. En effet, les demandeurs ne sont pas en mesure de contester convenablement les conclusions de la SPR quant à la crédibilité puisqu’ils ne peuvent pas s’appuyer sur les passages pertinents de leurs FRP.

 

[34]           En l’espèce, il y a clairement eu manquement à la justice naturelle et par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire devrait être accordée et l’affaire renvoyée pour nouvelle décision.

 

[35]           Étant donné que les conclusions tirées quant à la crédibilité sont cruciales pour les questions soulevées et que la Cour ne peut les examiner pour les motifs mentionnés précédemment, je n’examinerai pas la deuxième question. Bien que le défendeur indique que la protection de l’État devrait être examinée isolément, puisque cette question est suffisante pour établir que les demandeurs ne peuvent obtenir l’asile, indépendamment de l’appréciation de leur crédibilité par la SPR, la jurisprudence établit que la protection de l’État ne peut pas « être déterminée isolément ». En effet, « [l]a volonté et la capacité des États de protéger leurs citoyens peuvent être liées à la nature de la persécution en question. En résumé, le contexte est important ». (Voir Avila Ortega c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1057 au paragraphe 24.)

 

[36]           Il a été reconnu que lorsqu’on recourt à une approche contextuelle pour déterminer si un demandeur d’asile a réfuté la présomption de la protection de l’État, de nombreux facteurs doivent être pris en considération, dont les suivants (voir Gonzalez Torres c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 FC 234, au paragraphe 37) :

 

1.    la nature de la violation des droits de la personne;

2.    le profil de l’auteur présumé des violations des droits de la personne;

3.    les efforts que la victime a faits pour obtenir une protection des autorités;

4.    la réaction des autorités aux demandes d’aide;

5.    la preuve documentaire disponible.

 

[37]           En l’espèce, les conclusions en matière de crédibilité que la Cour n’est pas en mesure d’examiner sont d’une grande importance et elles se rapportent à tous les facteurs mentionnés ci‑dessus, à l’exception du dernier. Par conséquent, la Cour n’est pas en mesure d’apprécier le caractère raisonnable de l’analyse relative à la protection de l’État puisqu’elle est étroitement liée aux conclusions que la SPR a tirées en matière de crédibilité. Pour conclure sur ce point, compte tenu du lien entre la conclusion relative à la protection de l’État et les conclusions quant à la crédibilité concernant la crainte des demandeurs d’être exposés à la persécution et leurs efforts pour obtenir une protection, la Cour n’est pas en mesure de tirer de conclusion quant au caractère raisonnable de l’analyse relative à la protection de l’État.

 

[38]           La présente affaire sera renvoyée à une formation différente de la SPR et l’on s’attend très vraisemblablement à ce que les demandeurs présentent des FRP modifiés afin qu’une décision appropriée soit rendue.

 

[39]           Les parties ont été invitées à soumettre une question aux fins de certification, mais aucune n’a été proposée.  

 


 

ORDONNANCE

 

LA COUR :

 

1.        ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire.

 

2.        ANNULE la décision de la SPR et RENVOIE l’affaire à la SPR pour nouvelle décision par une nouvelle formation.

 

3.        NE CERTIFIE aucune question.  

 

       « Simon Noël »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                        IMM-8700-12

 

Intitulé :                                      HORVATH, GABOR RACZ et autres

                                                            c LE MINISTRE DE LA CIOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

Lieu de l’audience :              Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 9 juillet 2013

 

 

Motifs de l’ordonnance

et ordonnance :                      le juge NOËL

 

Date des motifs :                     Le 15 juillet 2013

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mordechai Wasserman

POUR LES DEMANDEURS

 

Julie Waldman

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mordechai Wasserman

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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