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Date : 20130725

Dossier: IMM-9193-12

Référence : 2013 CF 818

Ottawa (Ontario), le 25 juillet 2013

En présence de monsieur le juge Boivin 

 

ENTRE :

 

TAJINDER SINGH

 

 

Partie demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

 

Partie défenderesse

 

 

 

 

 

         MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l’article 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi] d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada (le tribunal) en date du 23 août 2012 (rendue oralement, les motifs écrits étant datés du 23 octobre 2012). Le tribunal a prononcé un désistement en vertu de la Règle 58 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2002-228 [les Règles], en vigueur au moment de la décision, et du paragraphe 168(1) de la Loi.

Faits

[2]               Monsieur Tajinder Singh (le demandeur) est citoyen de l’Inde. Il a habité aux États-Unis de 1991 à 2009 (Dossier du tribunal, p 27), est arrivé au Canada en décembre 2009 et a demandé l’asile le 11 août 2010. Le demandeur a complété son Formulaire de renseignements personnels (FRP) le 12 octobre 2010 (Dossier du tribunal, pp 38-50), qu’il a envoyé au tribunal le 14 octobre 2010 (Dossier du demandeur, Affidavit de Tajinder Singh, p 12). Ce document ne contenait pas de déclaration de l’interprète, alors que le demandeur a eu besoin d’un interprète pour en comprendre le contenu.

 

[3]               Une première date d’audience devant le tribunal a été fixée pour le 20 juillet 2012. Le demandeur était absent lors de cette audience pour cause de maladie, tel que confirmé par une note médicale qui fut déposée au dossier (Dossier du tribunal, p 286). Lors de cette audience, le membre audiencier a avisé le représentant du demandeur que le FRP était incomplet, puisqu’en vertu de la Règle 5(3) la déclaration de l’interprète est nécessaire lorsqu’un demandeur a recours à un interprète pour remplir son FRP comme c’est le cas en l’espèce. Le membre audiencier a avisé le représentant du demandeur qu’il lui incombait de s’assurer que cette déclaration soit complétée pour la prochaine audience, soit en faisant interpréter de nouveau le formulaire par un interprète différent, soit en obtenant un affidavit de l’interprète original.  

 

[4]               Un avis de convocation daté du 25 juillet 2012 fut envoyé au demandeur, à son représentant et à celui du Ministre (Dossier du tribunal, pp 290-91), enjoignant le demandeur de se présenter pour une nouvelle audience le 23 août 2012. Les instructions indiquaient que le demandeur devait être prêt à expliquer pourquoi on ne devrait pas prononcer un désistement de sa demande. Les instructions mentionnaient que le tribunal pouvait prononcer un désistement, faisant en sorte que le demandeur perde le droit de faire entendre sa demande. Les instructions indiquaient également que si le tribunal ne prononçait pas de désistement, le demandeur devrait être prêt à procéder.

 

[5]               Pendant la période du 20 juillet 2012 au 23 août 2012, l’avocat du demandeur aurait téléphoné et écrit à ce dernier à plusieurs reprises pour qu’il se présente à son bureau, ce qu’il n’a jamais fait (Dossier du tribunal, pp 301-03). Le demandeur s’est donc présenté un mois plus tard à l’audience du 23 août 2012 sans que son FRP ne soit complet.

 

Décision contestée

[6]               Le tribunal a résumé les faits et a rappelé qu’un avis avait été envoyé au demandeur, indiquant qu’il devait être prêt à procéder dans l’éventualité où un désistement n’était pas prononcé. Le tribunal a rappelé qu’un des facteurs à considérer, énoncé à la Règle 58(3), est le fait que le demandeur soit prêt à commencer ou poursuivre l’affaire. Le tribunal a également souligné la Règle 58(4), qui indique que si le tribunal ne prononce pas le désistement, il doit commencer ou poursuivre l’affaire sans délai.

 

[7]               Le tribunal a conclu que le FRP du demandeur était clairement incomplet étant donné l’absence de la déclaration de l’interprète. Le tribunal a rappelé que le représentant du demandeur avait été avisé de ce défaut du document lors de l’audience précédente, le 20 juillet 2012. Le tribunal a conclu que le demandeur ne pouvait procéder sans un FRP qui soit adéquatement interprété, et que la Règle 58(4) indique que l’affaire doit procéder sans délai si un désistement n’est pas prononcé – or, le tribunal a estimé qu’il ne pouvait pas procéder sans délai puisqu’il serait nécessaire de fixer une nouvelle date d’audience.

 

[8]               Le tribunal a noté la raison pour laquelle le FRP est toujours incomplet : malgré les tentatives de son représentant pendant les cinq (5) semaines précédant la deuxième audience du 23 août 2012, il ne s’est pas présenté au bureau de ce dernier. Le tribunal a conclu que le demandeur n’était pas prêt à procéder avec l’audience et qu’il n’avait pas fait preuve de diligence dans le traitement de sa demande. Le tribunal a donc prononcé le désistement.

 

[9]               Avant de conclure, le tribunal a remarqué la présence de l’épouse et des enfants du demandeur dans la salle d’audience. Le tribunal a observé que ces personnes n’étaient pas mentionnées au FRP du demandeur, ce qui démontrait davantage que le FRP était incomplet.

 

Question en litige

[10]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève la question suivante : La décision du tribunal de prononcer un désistement dans ce dossier était-elle raisonnable ?

 

Dispositions législatives

[11]           La disposition suivante de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés est pertinente en l’espèce :

PARTIE 4

 

COMMISSION DE L’IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

 

[...]

 

Attributions communes

 

[...]

 

Désistement

 

168. (1) Chacune des sections peut prononcer le désistement dans l’affaire dont elle est saisie si elle estime que l’intéressé omet de poursuivre l’affaire, notamment par défaut de comparution, de fournir les renseignements qu’elle peut requérir ou de donner suite à ses demandes de communication.

PART 4

 

IMMIGRATION AND REFUGEE BOARD

 

...

 

 

Provisions that Apply to All Divisions

...

 

Abandonment of proceeding

 

168. (1) A Division may determine that a proceeding before it has been abandoned if the Division is of the opinion that the applicant is in default in the proceedings, including by failing to appear for a hearing, to provide information required by the Division or to communicate with the Division on being requested to do so.

 

[12]           Les dispositions suivantes des Règles de la Section de la protection des réfugiés, en vigueur au moment de la décision, sont pertinentes à la présente demande de contrôle judiciaire :

Formulaire sur les renseignements personnels

 

Formulaire sur les renseignements personnels

 

5. (1) Le demandeur d’asile remplit le formulaire sur les renseignements personnels et signe et date la déclaration figurant sur le formulaire portant :

 

a) que les renseignements qu’il fournit sont complets, vrais et exacts;

 

b) qu’il sait que la déclaration a la même force et le même effet que si elle était faite sous serment.

 

Formulaire rempli sans interprète

 

(2) Le demandeur d’asile qui remplit le formulaire sur les renseignements personnels sans l’aide d’un interprète signe et date la déclaration figurant sur le formulaire portant qu’il peut lire la langue du formulaire et qu’il comprend les renseignements demandés.

 

Déclaration de l’interprète

 

(3) Si le demandeur d’asile remplit le formulaire sur les renseignements personnels avec l’aide d’un interprète, ce dernier signe et date la déclaration y apparaissant attestant :

 

a) qu’il maîtrise les langues ou dialectes utilisés et qu’il a pu communiquer parfaitement avec le demandeur d’asile;

 

 

b) qu’il a interprété pour le demandeur d’asile le formulaire rempli et tout document joint à celui-ci;

 

c) que le demandeur d’asile lui a assuré qu’il avait bien compris ce qui avait été interprété pour lui.

 

[...]

 

DÉSISTEMENT

 

Désistement sans audition du demandeur d’asile

 

58. (1) La Section peut prononcer le désistement d’une demande d’asile sans donner au demandeur d’asile la possibilité d’expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé si, à la fois :

 

a) elle n’a reçu ni les coordonnées, ni le formulaire sur les renseignements personnels du demandeur d’asile dans les vingt-huit jours suivant la date à laquelle ce dernier a reçu le formulaire;

 

b) ni le ministre, ni le conseil du demandeur d’asile, le cas échéant, ne connaissent ces coordonnées.

 

Possibilité de s’expliquer

 

(2) Dans tout autre cas, la Section donne au demandeur d’asile la possibilité d’expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé. Elle lui donne cette possibilité :

 

 

a) sur-le-champ, dans le cas où il est présent à l’audience et où la Section juge qu’il est équitable de le faire;

 

b) dans le cas contraire, au cours d’une audience spéciale dont la Section l’a avisé par écrit.

 

Éléments à considérer

 

(3) Pour décider si elle prononce le désistement, la Section prend en considération les explications données par le demandeur d’asile à l’audience et tout autre élément pertinent, notamment le fait que le demandeur d’asile est prêt à commencer ou à poursuivre l’affaire.

 

Poursuite de l’affaire

 

 

(4) Si la Section décide de ne pas prononcer le désistement, elle commence ou poursuit l’affaire sans délai.

Personal Information Form

 

 

Personal Information Form

 

 

5. (1) The claimant must complete the Personal Information Form and sign and date the included declaration that states that

 

 

(a) the information given by the claimant is complete, true and correct; and

 

(b) the claimant knows that the declaration is of the same force and effect as if made under oath.

 

Form completed without interpreter

 

(2) If the claimant completes the Personal Information Form without an interpreter, the claimant must also sign and date the included declaration that states that the claimant can read the language of the form and understands what information is requested.

 

Interpreter’s declaration

 

(3) If the claimant completes the Personal Information Form with an interpreter, the interpreter must sign and date the included declaration that states

 

(a) the interpreter is proficient in the languages or dialects used, and was able to communicate fully with the claimant;

 

(b) the completed form and all attached documents were interpreted to the claimant; and

 

 

(c) the claimant assured the interpreter that the claimant understood what was interpreted.

 

...

 

ABANDONMENT

 

Abandonment without hearing the claimant

 

58. (1) A claim may be declared abandoned, without giving the claimant an opportunity to explain why the claim should not be declared abandoned, if

 

 

 

(a) the Division has not received the claimant’s contact information and their Personal Information Form within 28 days after the claimant received the form; and

 

 

(b) the Minister and the claimant’s counsel, if any, do not have the claimant’s contact information.

 

Opportunity to explain

 

(2) In every other case, the Division must give the claimant an opportunity to explain why the claim should not be declared abandoned. The Division must give this opportunity

 

(a) immediately, if the claimant is present at the hearing and the Division considers that it is fair to do so; or

 

(b) in any other case, by way of a special hearing after notifying the claimant in writing.

 

 

Factors to consider

 

(3) The Division must consider, in deciding if the claim should be declared abandoned, the explanations given by the claimant at the hearing and any other relevant information, including the fact that the claimant is ready to start or continue the proceedings.

 

 

Decision to start or continue the proceedings

 

(4) If the Division decides not to declare the claim abandoned, it must start or continue the proceedings without delay.

 

[13]           La Règle 58 en vigueur au moment de l’audience est maintenant la Règle 65 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, DORS/2012-256.

 

Norme de contrôle

[14]           La norme de contrôle à appliquer à une décision du tribunal se prononçant sur le désistement est celle de la décision raisonnable (Gonzales c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CF 1248 aux para 14-15, [2009] ACF no 1600 (QL); Csikos c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 632 au para 23, [2013] ACF no 680 (QL) [Csikos]). Afin de déterminer si la décision du tribunal est raisonnable, la Cour examinera « la justification de la décision, [...] la transparence et [...] l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi [que] l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 au para 47, [2008] 1 RCS 190 [Dunsmuir]).

 

 

Analyse

[15]           La question fondamentale à trancher est celle de savoir si le comportement du demandeur exprime une intention de poursuivre sa demande d’asile avec diligence et un intérêt face à sa revendication (Csikos, précité au para 25; Ahamad c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 3 CF 109, au para 32, [2000] ACF no 289 (QL); Peredo c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 390, au para 30, 363 FTR 300; Mayilvahanam c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2013 CF 136, au para 9, [2013] ACF no 116 (QL)).

 

[16]           Dans la présente affaire, deux (2) éléments ont porté le tribunal à déclencher la procédure de désistement : (i) le fait que le demandeur ne se soit pas présenté à l’audience du 20 juillet 2012 et, (ii) le fait que le FRP soit demeuré toujours été incomplet lors de l’audience du 23 août 2012.

 

[17]           Le demandeur allègue que le tribunal, lors de l’audience du 23 août 2012, a en fait levé le désistement au début de l’audience de façon permanente en lui demandant s’il était prêt à procéder, et en disant ce qui suit :

All right. On that basis then I determine that cause has been shown why the claim should not be declared abandoned. We will therefore proceed with the hearing on the merits.

 

(Procès-verbal de l’audience; Dossier du tribunal, p 300.)

 

 

[18]           Selon le demandeur, à partir de ce moment, il y avait chose jugée et le désistement était levé de façon permanente. Le tribunal ne pouvait, quelques minutes plus tard, rendre une deuxième décision prononçant le désistement et sabotant lui-même sa décision initiale par laquelle il avait levé le désistement. Selon le demandeur, le tribunal était functus officio

 

[19]           Or, l’argument du demandeur ne peut être retenu par cette Cour. D’une part, la question du désistement peut être soulevée plus d’une fois selon les circonstances. D’autre part, en l’espèce, les deux (2) décisions en cause relèvent de situations factuelles distinctes. La première décision n’a donc pas d’incidence sur la conclusion subséquente du tribunal en vertu de laquelle le demandeur n’était pas prêt à procéder parce que son FRP était toujours non-conforme.

 

[20]           Plus précisément, il convient de rappeler que, lors de l’audience du 23 août 2012, le demandeur devait expliquer la raison pour laquelle il a fait défaut de se présenter lors de l’audience du 20 juillet 2012 et convaincre le tribunal qu’il ne devrait pas y avoir désistement. Lors de cette audience, le demandeur a présenté une note médicale justifiant l’absence du demandeur pour l’audience du 20 juillet 2012. Cette explication a satisfait le tribunal et ce dernier a levé le désistement en lien avec le 20 juillet 2012. (Dossier du tribunal, p 300).

 

[21]           Une fois le désistement levé relativement au défaut du demandeur de se présenter le 20 juillet 2012, le tribunal a poursuivi afin de procéder sur le fond. Le tribunal a toutefois rapidement constaté que le demandeur n’était toujours pas prêt à procéder, car son FRP demeurait incomplet, et ce, malgré la directive du tribunal le 20 juillet 2012. Un examen du procès-verbal de l’audience du 23 août 2012 révèle le passage suivant, indiquant que malgré les prétentions du demandeur selon lesquelles il était prêt à procéder, dans les faits, il n’était pas prêt, étant donné l’absence d’un FRP complet :

MEMBER: So it would seem to me then we’re not ready to proceed this morning are we?

 

COUNSEL FOR CLAIMANT: (Inaudible).

 

MEMBER: What do you mean?

 

COUNSEL FOR CLAIMANT: We are (inaudible).

 

MEMBER: I’m sorry?

 

COUNSEL FOR CLAIMANT: We are not – not ready.

 

MEMBER: Thank you.

Any submissions? I’m going to revisit the issue of abandonment now.

You’re saying you’re not ready to proceed.

 

(Dossier du tribunal, p 302)

 

[22]           En vertu de la Règle 58(2), le tribunal devait donner la chance au demandeur d’expliquer pourquoi le désistement ne devrait pas être prononcé. Plus précisément, l’alinéa 58(2)a) indique que le tribunal peut demander à l’individu de s’expliquer sur le champ si le demandeur est présent et s’il est équitable de le faire ; sinon, l’alinéa 58(2)b) indique qu’il faut demander au demandeur de s’expliquer au cours d’une audience spéciale dont il aura été avisé par écrit. En l’espèce, le demandeur était présent lors de l’audience du 23 août 2012, et il est important de noter que son représentant avait déjà été averti des lacunes du FRP le 20 juillet 2012. Il était donc raisonnable que le tribunal demande au demandeur de s’expliquer sur le champ quant à savoir pourquoi le FRP était toujours incomplet :

MEMBER: ... Why not? Why is the declaration not completed? Moreover, why did you not obtain an interpreter’s declaration in preparation for today’s hearing as I instructed?

 

COUNSEL FOR CLAIMANT: It was no show by Mr. Singh –

 

MEMBER: I instructed you, sir, last time, to get this dealt with.

 

COUNSEL FOR CLAIMANT: Yeah, but Mr. Singh didn’t show until – for that (inaudible) this morning.

 

MEMBER: So you’re saying you’re not ready to proceed with the hearing because of your oversight?

 

COUNSEL FOR CLAIMANT: It was for me, he didn’t show up, not even once to – at our office or for consultation, for preparation at all. Even day before yesterday a request was made and he did not go.

 

This is the first time we are seeing him since that – he never came, not even once. We made so many request (sic) to join us in the sittings for the preparation. He never –

 

...

 

MEMBER: ... Anything else?

 

COUNSEL FOR CLAIMANT: He never came out (inaudible) when he came to our office because even the request were made day before yesterday to do the preparations he didn’t turn up.

 

MEMBER: Anything else?

 

COUNSEL FOR CLAIMANT: That’s it.

 

...

 

MEMBER: ... May I ask you, to the Claimant, Mr. Tajinder Singh, how do you respond to what counsel just told me? Do you have any response?

 

INTERPRETER: He says, “I went to his office two, three times and I met him”.

 

COUNSEL FOR CLAIMANT: That was prior to our hearing, not after this – not after July 22nd (sic), it was (inaudible).

 

MEMBER: Mr. Tajinder Singh, anything further?

 

...

 

INTERPRETER: He says that “I felt sick and I just couldn’t contact him”. 

 

                                                            (Dossier du tribunal, p 301, 303)

[23]           Le tribunal a rejeté cette explication du demandeur puisque la note médicale ne fait uniquement référence à une journée – le 20 juillet 2012 – alors qu’il s’est déroulé plus d’un mois entre la première audience et la deuxième devant le tribunal. Le tribunal a d’ailleurs fait remarquer au demandeur qu’il a eu trente-quatre (34) jours pour remédier à son FRP incomplet à partir du 20 juillet 2012. Dans ces circonstances, la Cour est d’avis que ce comportement peut raisonnablement être considéré comme marquant une absence d’intention de poursuivre sa demande d’asile avec diligence. Il était donc raisonnable de rejeter cette explication du demandeur.  

 

[24]           La Règle 58(3) énonce clairement les éléments à prendre en compte pour prononcer un désistement : 1) les explications données par le demandeur d’asile à l’audience, et 2) tout autre élément pertinent, notamment le fait que le demandeur d’asile soit prêt à commencer ou à poursuivre l’affaire. En l’espèce, le tribunal a considéré ces éléments. Le demandeur n’a fourni aucune explication acceptable, aucune justification, quant à savoir pourquoi le FRP n’était toujours pas complet, outre le fait qu’il ne se soit simplement pas présenté au bureau de son représentant quand ce dernier le lui a demandé. De plus, malgré ses prétentions lors de l’audience devant le tribunal, le demandeur n’était pas prêt à procéder puisqu’il n’était pas en possession d’un FRP complet. Dans ces circonstances, il était raisonnable que le tribunal prononce le désistement dans ce dossier.

 

[25]           Cela étant, bien que le FRP ait été incomplet, le représentant du tribunal a tout de même tenté de remédier à la situation en demandant, de sa propre initiative, si le FRP pouvait être traduit à l’audience, moyennant une pause de trente (30) minutes. L’adjoint du représentant du demandeur, M. Mohamed, a indiqué ne pas pouvoir faire l’interprétation du FRP :

MEMBER: How long do you think you’ll need to translate this document? Can Mr. Kereshi do it?

Can you translate this to the Claimant? If I give you 30 minutes?

 

MR. MOHAMED: No, sir, because (inaudible).

 

(Dossier du tribunal, p 303)

 

[26]           Lors de l’audience devant cette Cour, le demandeur a allégué qu’à la suite du refus de l’adjoint du représentant du demandeur (M. Mohamed) de traduire le FRP du demandeur, le tribunal n’aurait pas dû en rester là et aurait dû demander à l’interprète présent dans la salle d’audience de traduire le FRP du demandeur. Le demandeur est d’avis que ce manquement constitue une erreur.

 

[27]           Or, la Cour ne peut retenir l’argument du demandeur pour les raisons suivantes. D’une part, le fardeau qui consiste à être prêt à procéder lors d’une audience repose sur les épaules du demandeur et non sur les épaules du tribunal. Exiger une obligation de la part du tribunal de s’assurer que le FRP du demandeur soit complet revient en quelque sorte à transférer le fardeau du demandeur au tribunal. La Cour est d’avis que le tribunal n’avait pas l’obligation de demander à l’interprète présent dans la salle d’audience de traduire le FRP du demandeur afin de pallier à son manquement, comme l’a suggéré le demandeur. Il incombait au demandeur de préparer son dossier de revendication, et non au tribunal de remédier à ses lacunes.

 

[28]           Pour toutes ces raisons, l’intervention de la Cour dans ce dossier n’est pas justifiée. La décision du tribunal de prononcer le désistement était certes une des issues possibles au regard des faits et des exigences des Règles, faisant d’elle une décision raisonnable.

 

[29]           Lors de l’audience devant cette Cour, la procureure du demandeur a indiqué qu’elle soumettrait une question à faire certifier. Or, le 18 juillet 2013, la procureure du demandeur informait cette Cour qu’aucune question ne serait certifiée. En réponse, le 19 juillet 2013, le procureur du défendeur a confirmé sa position à l’effet qu’il n’avait aucune question à faire certifier. 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que cette demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question à être certifiée.

 

 

« Richard Boivin »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-9193-12

 

INTITULÉ :                                      Tajinder Singh c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 17 juillet 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE BOIVIN

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 25 juillet 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Claudette Menghile

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Me Pavol Janura

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

La firme de Me Claudette Menghile

Montréal (Québec)

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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