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Cour fédérale

 

Federal Court

                                                                                                                           

 


Date : 20130809

Dossier : IMM-6791-12

Référence : 2013 CF 850

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 9 août 2013

En présence de monsieur le juge Russell

 

 

ENTRE :

 

ANESU BUWU

 

 

 

demanderesse

 

et

 

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la Loi) à l’égard de la décision datée du 24 mai 2012 (la décision) par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié datée du 24 mai 2012 (la décision) rejetait la demande de la demanderesse en vue qu’on lui accorde la qualité de réfugiée au sens de la Convention ou la qualité de personne à protéger au titre des articles 96 et 97 de la Loi.

LE CONTEXTE

[2]               La demanderesse est une citoyenne du Zimbabwe âgée de 23 ans qui demandait l’asile en raison de son orientation sexuelle. La demanderesse craint de subir un préjudice aux mains de son père et d’autres membres de sa famille. Son père fait partie d’une secte de l’Église anglicane qui est fortement opposée aux liaisons homosexuelles.

[3]               La demanderesse s’était pour la première fois rendue compte qu’elle était lesbienne lorsqu’elle était à l’école secondaire. Elle y avait eu sa première et seule liaison avec une femme, qui se prénommait Ruth. La demanderesse et Ruth avaient gardé cette liaison secrète; elle avait pris fin lorsque la famille de la demanderesse l’avait, pour des motifs liés à son instruction, envoyée en Afrique du Sud pour qu’elle y termine l’école secondaire. La demanderesse avait révélé à un ami proche qu’elle avait rencontré lorsqu’elle était en Afrique du Sud qu’elle était lesbienne. Cet ami avait transmis cette information à d’autres personnes et la demanderesse avait été victime d’intimidation. Elle avait convaincu son père de l’envoyer continuer son instruction ailleurs; sa candidature avait été acceptée par une université en Malaisie. Une fois là‑bas, la demanderesse avait remarqué l’intolérance envers certains étudiants gais à l’université, qui se faisaient souvent sermonner et agresser verbalement en public. Elle avait aussi remarqué que les Malaisiens semblaient mal à l’aise avec les non-musulmans. Il s’ensuit que la demanderesse avait présenté une demande d’admission au Stouffville College au Canada, et sa demande fut acceptée. La demanderesse s’était vu accorder un visa d’étudiant au Canada, qui était valide du 31 décembre 2010 au 30 mars 2012.

[4]               À la fin du mois de novembre 2011, la demanderesse avait quitté le Canada en direction du Zimbabwe pour les vacances de Noël. Son père lui avait alors dit qu’on s’attendait à ce qu’elle se marie bientôt et qu’il avait trouvé un homme qu’il voulait qu’elle épouse. À ce stade‑là, la demanderesse, craignant d’être contrainte de faire quelque chose avec laquelle elle était en désaccord, jugeait qu’elle devait révéler son orientation sexuelle. Cet exercice s’avéra périlleux : dès qu’elle eut divulgué son orientation sexuelle, son frère, son père et sa mère l’avaient tous les trois agressée. Elle avait réussi à se soustraire à l’agression lorsque son oncle avait repoussé ses parents et son frère. La demanderesse avait fui son domicile et elle s’était dirigée chez un ami. Son père criait derrière elle qu’il la tuerait s’il la retrouvait.

[5]               La demanderesse, dont le visa canadien était toujours valide, avait quitté le Zimbabwe le 4 décembre 2011 et elle était arrivée au Canada le lendemain. Elle a présenté une demande d’asile depuis le Canada deux semaines après son arrivée, à Toronto.

[6]               L’audition de la demande d’asile de la demanderesse a eu lieu le 24 mai 2012. La demanderesse a déposé 21 pièces en preuve, y compris des lettres du 519 Church Street Community Centre, du révérend Hawkes de la Metropolitan Community Church de Toronto (MCC Toronto), d’un refuge d’accueil pour femmes où la demanderesse faisait du bénévolat, ainsi que du Comité sur le sida de la région de Durham; des photos montrant la demanderesse avec plusieurs personnes apparemment homosexuelles et dans des endroits fréquentés par des homosexuels; des documents du collège ainsi que des éléments de preuve documentaire au sujet de la manière dont sont traités les homosexuels en Malaisie et au Zimbabwe.

[7]               La SPR a rejeté la demande d’asile de la demanderesse le 6 juin 2012.

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU CONTRÔLE

[8]               La SPR a conclu que la demande d’asile de la demanderesse était dépourvue d’un minimum de fondement et elle a tiré les conclusions suivantes :

  « il [était] invraisemblable [que la demanderesse] n’ait pu se souvenir du pays ou des noms de ces personnes, qu’elle avait fréquentées et avec lesquelles elle avait passé du temps [en Malaisie] »;

 

  « [...] la culture malaisienne. Même si cet élément n’a pas été produit en preuve [...] il est bien connu que les Malaisiens tolèrent les gais et les lesbiennes. [...] Cette information se trouve dans les documents sur le pays ou elle est simplement un fait généralement admis »;

 

  « [...] elle fréquentait le bar Cruze (sic) and Tango. Toutefois, le tribunal sait que ce bar en particulier est fréquenté principalement par des hommes gais et pas autant par des lesbiennes. Je suis au courant de cela parce que cette information [...] a été répétée très souvent [au triubnal] dans le cadre de nombreuses demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle dont [il a ] été saisi. La demandeure d’asile n’a pas pu me donner le nom ni le lieu d’un seul bar, café ou restaurant fréquenté par des lesbiennes qui est facile d’accès dans ce qu’elle a appelé le village gai »;

 

  « La demandeure d’asile n’a pas été en mesure de présenter des lettres ou des affidavits d’anciennes partenaires. Lorsque la question lui a été posée, elle a répondu qu’elle ne croyait pas avoir besoin de ces documents et qu’elle avait perdu contact avec ces personnes »;

 

  « [ La lettre provenant du 519 Church Street Community Centre] n’indique pas clairement son orientation sexuelle »;

 

  « [...] l’orientation sexuelle de la demandeure d’asile [n’est] pas mentionnée [dans la lettre du révérend Hawkes]. La lettre indique seulement que la demandeure d’asile est devenue un membre actif dans le but d’appuyer sa demande d’asile »;

 

[9]               La SPR n’était pas convaincue que la demanderesse vivait comme lesbienne au Canada et elle a conclu que la demanderesse n’avait pas produit la documentation qu’elle aurait pu trouver assez facilement pour étayer sa demande. Étant donné que les allégations et les témoignages de la demanderesse n’ont pas été jugés crédibles, sa demande d’asile a été rejetée aux termes de l’article 96 et de l’article 97 de la Loi.

LES DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[10]           Voici les dispositions applicables de la Loi dans la présente instance :

Définition de « réfugié »

 

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa  nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

[...]

 

Personne à protéger

 

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au  sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérentes à celles-ci ou  occasionnées par elles,

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquate.

 

[...]

Preuve

107 (2) Si elle estime, en cas de rejet, qu’il n’a été présenté aucun élément de preuve crédible ou digne de foi sur lequel elle aurait pu fonder une décision favorable, la section doit faire état dans sa décision de l’absence de minimum de fondement de la demande.

Convention refugee

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political

opinion,

 

 

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

[...]

 

Person in Need of Protection

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning ­ of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) the risk is not inherent or  incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care

 

 

[...]

No credible basis

107 (2) If the Refugee Protection Division is of the opinion, in rejecting a claim, that there was no credible or trustworthy evidence on which it could have made a favourable decision, it shall state in its reasons for the decision that there is no credible basis for the claim.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[11]           Dans sa demande, la demanderesse soulève la question suivante :

a.                   La SPR a‑t‑elle commis une erreur lorsqu’elle a conclu que la demanderesse n’était pas crédible et que la demande d’asile était dépourvue d’un minimum de fondement : (i) en se fondant sur les conclusions de fait qui allaient à l’encontre de la preuve; (ii) en tirant des conclusions déraisonnables quant à la vraisemblance, et (iii) en ne lui donnant pas la possibilité de présenter des observations en réponse à ses préoccupations, contrevenant ainsi à la justice naturelle?

 

LA NORME DE CONTRÔLE APPLICABLE

[12]           La Cour suprême du Canada a statué, dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9 qu’il n’est pas toujours nécessaire de se livrer à l’analyse de la norme de contrôle et a expliqué que, lorsque la norme de contrôle applicable à la question précise dont la Cour est saisie est bien établie par la jurisprudence, la cour de révision peut adopter cette norme de contrôle. Ce n’est que lorsque cette démarche se révèle infructueuse que la cour de révision doit entreprendre l’analyse des quatre facteurs qui permettent d’arrêter la norme de contrôle applicable.

[13]           La question en litige de la présente demande porte essentiellement sur l’appréciation de la crédibilité de la demanderesse par la SPR. Dans l’arrêt Aguebor c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 732 (CAF), la Cour fédérale a conclu que la norme de contrôle applicable à l’égard d’une conclusion relative à la crédibilité est celle de la raisonnabilité. De plus, dans la décision Elmi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 773, au paragraphe 21, le juge Max Teitelbaum a statué que les conclusions relatives à la crédibilité sont au cœur de la conclusion de fait de la SPR, de sorte qu’elles doivent être appréciées eu égard à la norme de contrôle de la raisonnabilité. En dernier lieu, dans la décision Aguilar Zacarias c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 1155, la juge Mary Gleason a statué, au paragraphe 9, que la norme de contrôle applicable à une conclusion en matière de crédibilité est raisonnabilité.

[14]           Lorsque la Cour effectue le contrôle d’une décision selon la norme de la raisonnabilité, son analyse tiendra « à la justification de la décision, à la transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel, ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Voir Dunsmuir, précité, au paragraphe 47, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Khosa 2009 CSC 12, au paragraphe 59. En d’autres termes, la Cour ne devrait intervenir que si la décision est déraisonnable en ce sens qu’elle n’appartient pas aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ».

[15]           La capacité de la demanderesse à pleinement présenter ses arguments constitue une question d’équité procédurale (Kamara c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2011 CF 243, au paragraphe 34). Dans l’arrêt Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, la Cour suprême du Canada a énoncé ce qui suit, au paragraphe 100 : « Il appartient aux tribunaux judiciaires et non au ministre de donner une réponse juridique aux questions d’équité procédurale ». De plus, la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Sketchley c Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, a conclu au paragraphe 53 que « [l]a question de l’équité procédurale est une question de droit. Aucune déférence n’est nécessaire. Soit le décideur a respecté l’obligation d’équité dans les circonstances propres à l’affaire, soit il a manqué à cette obligation. »

LES ARGUMENTS

La demanderesse

            L’expérience vécue par la demanderesse en Malaisie

 

[16]           La demanderesse prétend que la conclusion de la SPR selon laquelle il est « invraisemblable qu’elle n’ait pu se souvenir du pays ou des noms de ces personnes [les étudiants gais en Malaisie], qu’elle avait fréquentées et avec lesquelles elle avait passé du temps » est abusive.

[17]           La demanderesse souligne que les autres étudiants étrangers étaient accessoires à sa demande et qu’elle n’a jamais prétendu avoir passé du temps avec eux. La demanderesse a donné des détails suivants quant à cette question dans son témoignage :

[traduction]

Demanderesse :  Et il y avait certains autres étudiants étrangers à l’école dont je me souviens et qui étaient arrivés tout juste après moi. Ils étaient homosexuels et cela paraissait, c’était vraiment évident dans la manière avec laquelle ils s’habillaient et parlaient; de plus, ils étaient souvent rejetés par les autres étudiants, qui leur faisaient des commentaires. Ils n’étaient même pas restés longtemps à l’université, et, à ce stade‑là, j’ai commencé à ne vraiment pas me sentir la bienvenue [...]

[...]

Demanderesse :  J’ai bel et bien interagi avec eux [les autres étudiants étrangers gais].

SPR :                  Bien. D’où étaient originaires les autres étudiants étrangers homosexuels? Savez‑vous d’où ils étaient originaires?

Demanderesse :  Je ne connais pas leur pays d’origine précis.

SPR :                  Oh, je suis simplement curieux, le savez-vous?

Demanderesse :  C’est – je ne – je le sais que c’est en Europe, mais je ne suis pas certaine de quel pays il s’agissait. Ce n’était pas un pays anglophone.

SPR :                  De ce que je connais de la Malaisie, les habitants sont tolérants à l’égard de l’orientation sexuelle. J’étais donc simplement curieux.

 

[18]           Qui plus est, la SPR n’a jamais demandé à la demanderesse si elle connaissait le nom de ces étudiants, mais elle a conclu que la demanderesse n’était pas crédible parce qu’elle ne connaissait pas leur nom. L’omission de répondre à une question qui n’a jamais été posée ne constitue pas un fondement rationnel pour conclure qu’un demandeur n’est pas crédible (Aden c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] ACF no 416 (CA) (Aden)). La demanderesse savait d’où étaient originaires les autres étudiants. Elle a relaté dans son témoignage qu’ils étaient originaires de l’Europe, mais elle ne savait tout simplement pas de quel pays.

[19]           La demanderesse prétend aussi que les commentaires faits par la SPR dans la décision au sujet de l’attitude des Malaisiens à l’égard des gais et lesbiennes sont sans fondement et abusifs. La SPR a conclu au paragraphe 10 de la décision que « [m]ême si cet élément n’a pas été produit en preuve [...] il est bien connu que les Malaisiens tolèrent les gais et les lesbiennes ». La demanderesse prétend que, même en l’absence d’éléments de preuve au sujet de la Malaisie, cette conclusion est abusive puisqu’elle était fondée sur les opinions personnelles du commissaire de la SPR et non sur la preuve (Sadeghi-Pari c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 282).

[20]           Plus important encore, la demanderesse a bel et bien effectivement présenté en preuve cinq pièces documentaires à propos de la manière dont les gais et lesbiennes sont traitées en Russie. Ce document se trouve aux pages 162 à 171 du dossier certifié du tribunal (le DCT). Ces documents donnent une image tout à fait différente de la conclusion tirée par la SPR et ils confèrent à la décision un caractère abusif et déraisonnable. Le témoignage de la demanderesse à propos de ses expériences en Malaisie n’avait rien d’invraisemblable, et la demanderesse soutient que la SPR a commis une erreur en tirant une inférence défavorable à cet égard (Liu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2010 CF 135).

 

La familiarité de la demanderesse avec les établissements lesbiens

[21]           La SPR a conclu, au paragraphe 11 de la décision, que la demanderesse n’était pas capable d’expliquer en quoi elle vivait ouvertement en tant que lesbienne au Canada. La SPR était préoccupée du fait que la demanderesse ne connaissait pas les noms de quelques bars ou cafés lesbiens. Encore là, cette question n’avait jamais été posée à la demanderesse. Il était donc déraisonnable de la part de la SPR de se fonder sur ce fait (Aden, précitée).

[22]           On a demandé à la demanderesse quels endroits elle fréquente pour socialiser : elle a répondu qu’elle fréquente un bar nommé « Crews and Tangos » (sic) et un autre nommé « Play ». Elle soutient que la SPR n’avait jamais soulevé sa préoccupation lors de l’audience quant au fait que le Crews and Tangos était principalement fréquenté par des gais et non par des lesbiennes. Non seulement cela va‑t‑il à l’encontre de l’équité procédurale parce que la demanderesse n’avait jamais pu anticiper cette préoccupation (Malala c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 94), mais la connaissance personnelle du commissaire de la SPR était tout simplement erronée. La demanderesse a produit en preuve, dans le contexte de la présente demande, un imprimé tiré du site Web du bar, qui mentionne ceci :

[traduction]

Situé au cœur du village gai de Toronto, le Tango partage une terrasse avec le bar du complexe Crews. Le bar tend à attirer une clientèle composée principalement de lesbiennes, mais tous y sont bienvenus. [...] Le Tango est un bar lesbien ouvert à tous. [...] Le Tango est le seul bar pour femmes dans le ghetto gai; il s’agit aussi du plus grand bar du quartier et, avec la fermeture du Rose en 1997, il représente le plus ancien bar [pour femmes] de la ville.

 

 

[23]           La demanderesse soutient que la conclusion défavorable en matière de crédibilité tirée par la SPR quant à cette question était dénuée de tout fondement.

Les lettres provenant des anciennes conjointes de la demanderesse

[24]           La SPR a aussi conclu que la demanderesse n’était pas crédible parce qu’elle n’avait pas produit en preuve des lettres ou des affidavits provenant de femmes qu’elle avait fréquentées auparavant. La demanderesse a expliqué dans son FRP et elle a relaté dans son témoignage qu’elle n’avait eu qu’une seule liaison : au Zimbabwe, avec Ruth, en 2006. Elle n’a pas pu obtenir une lettre de Ruth parce, comme elle l’a expliquée lors de l’audience, elle avait perdu tout contact avec elle depuis environ six ans. La demanderesse a aussi expliqué qu’elle avait des amies au Canada, mais qu’elle ne les considérait pas comme des personnes avec qui elle était en relation et qu’elle ne croyait pas qu’il était approprié de soumettre en preuve des affidavits souscrits par ces femmes.

[25]           La SPR a mentionné qu’elle comprenait pourquoi la demanderesse ne pouvait pas obtenir de témoignage de Ruth, mais elle a ensuite jugé que la demanderesse n’était pas crédible parce qu’elle avait omis de fournir ce témoignage. La demanderesse soutient que la SPR a commis une erreur en n’acceptant pas ses explications quant à savoir pourquoi elle ne pouvait pas présenter de preuve relativement à sa liaison avec Ruth (Kalu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 400).

[26]           De toute manière, la preuve de liaisons n’est pas nécessaire pour établir l’orientation sexuelle d’une personne. Le fait que la demanderesse n’ait jamais eu de relations sérieuses avec une personne du même sexe ne devrait pas être interprété comme étant une preuve que cette personne « ne vit pas son homosexualité ». La demanderesse a relaté qu’elle n’est pas en relation sérieuse parce qu’il s’agit de la première fois qu’elle pouvait vivre ouvertement en tant que lesbienne et qu’elle est encore à faire la connaissance de gens. La SPR aurait dû accepter ce témoignage. Elle lui a plutôt demandé des éléments de preuve qu’elle ne pouvait pas produire (Ghebremichael c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2012 CF 873).

La participation de la demanderesse aux activités de la communauté lesbienne

[27]           La demanderesse a présenté des éléments de preuve portant qu’elle participe activement à la vie de la communauté des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres (LGBT) à Toronto. La SPR a rejeté cette preuve parce qu’elle ne disait pas réellement quelle était son orientation sexuelle. La demanderesse soutient que cette approche est abusive; la SPR ne peut pas tout simplement refuser d’attribuer de poids à sa participation aux activités de la communauté LGBT, tout en concluant qu’elle « ne vit pas son homosexualité ». Qui plus est, la SPR a fait fi des éléments de preuve à l’appui fournis par la demanderesse, comme une lettre du Comité sur le sida de la région de Durham et des photographies.

[28]           La Cour a examiné des éléments de preuve similaires dans la décision Leke c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 848, au paragraphe 33 :

La Cour est convaincue qu’il était manifestement déraisonnable pour la Commission de ne pas croire que le demandeur était membre du 519 Church Street Community Centre, une organisation qui offre des services aux membres de minorités comme lui, près du village gai de Toronto. La Commission a donc commis une erreur en ne prenant pas en considération toute la preuve dont elle disposait ou en l’interprétant erronément.

 

 

[29]           En l’absence de preuve établissant l’existence d’une liaison, tout ce que la demanderesse pouvait faire était de démontrer sa participation active aux activités de la communauté LGBT et de témoigner au sujet de son identité en tant que lesbienne. Ce qu’elle a fait en l’espèce, et ce, dans les deux cas. Dans le contexte de demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle, les demandeurs manquent souvent de preuve, parce que l’orientation sexuelle est un sujet extrêmement personnel et que la persécution fondée sur ce motif entraîne souvent la suppression de toute manifestation publique de cette orientation. La SPR n’a pas été sensible à ces problèmes dans la présente affaire.

La conclusion de la SPR quant à l’absence de minimum de fondement de la demande d’asile de la demanderesse

[30]           Non seulement la SPR a fait preuve d’un zèle intempestif et s’était fondée sur des opinions personnelles ainsi que sur une vision très étroite de ce que représente d’être lesbienne, elle a conclu que la demande d’asile de la demanderesse était dépourvue d’un minimum de fondement. Compte tendu du caractère grave d’une telle conclusion, celle‑ci doit être interprétée de manière restrictive (Kouril c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 728). Pour que la SPR rende cette conclusion, elle doit examiner s’il existait quelque élément de preuve crédible et expliquer les motifs pour lesquels elle a tiré une telle conclusion. Ce qu’elle a omis de faire en l’espèce.

[31]           La demanderesse soutient que sa demande d’asile était loin de répondre au critère de l’« absence de minimum de fondement » exposé au paragraphe 107(2) de la Loi. Il y avait effectivement suffisamment d’éléments de preuve crédibles et dignes de foi sur la base desquels la demande d’asile aurait pu être accueillie. La demanderesse prie la Cour d’accueillir sa demande de contrôle judiciaire et de rendre une ordonnance quant aux dépens.  

Le défendeur

            L’expérience vécue par la demanderesse en Malaisie

[32]           Le défendeur reconnaît que la SPR a commis des erreurs de fait dans la présente affaire, mais il prétend que ces erreurs n’avaient aucune incidence quant à l’issue de la décision (Nyathi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1119, aux paragraphes 18 et 24). La demanderesse ne demande pas l’asile en Malaisie et l’analyse qu’a fait la SPR quant à la situation de ce pays ne change rien au fait que la demanderesse n’a pas produit suffisamment de preuve pour établir qu’elle est lesbienne.

La familiarité de la demanderesse avec les établissements lesbiens

[33]           Dans ses arguments, la demanderesse a repris hors contexte les conclusions de la SPR à propos de son incapacité de dresser une liste des établissements lesbiens. La SPR a déclaré que « [la] demandeure d’asile a été incapable [d’expliquer] comment elle vit ouvertement ici ». Les préoccupations portaient sur l’incapacité de la demanderesse à démontrer une connaissance plus solide des quartiers gais dans la région de Toronto ainsi qu’à faire la preuve qu’elle vivait au quotidien en tant que lesbienne au Canada.

[34]           Comme il ressort clairement de la transcription de l’audience (pages 200 et 201 du DCT), la SPR ne voulait pas que la demanderesse [traduction] « dresse une liste » des établissements lesbiens; elle se renseignait à propos des établissements lesbiens que la demanderesse fréquente dans sa vie sociale, hormis le « Crews and Tango » et le « Play ». Le défendeur soutient qu’il n’était pas déraisonnable pour la SPR de conclure que le fait que la demanderesse connaissait ces deux établissements contribuait très peu à corroborer qu’elle est lesbienne.

[35]           Même si la SPR a commis une erreur de fait quant à la question de savoir si le « Crews and Tango » est un bar lesbien (ce que le défendeur n’a pas voulu admettre, puisque la crédibilité de la preuve que la demanderesse a présentée après l’audience et le poids qui y a été accordé n’ont pas été vérifiés), cela ne change rien au fait que la familiarité de la demanderesse avec ces établissements n’est pas suffisante pour démontrer qu’elle est lesbienne.

Les lettres provenant des anciennes conjointes de la demanderesse

[36]           Le défendeur souligne que la SPR n’a pas tiré une conclusion quant à la crédibilité en ce qui a trait au manque d’éléments de preuve provenant des anciennes conjointes. La SPR a conclu que la demanderesse n’avait pas été capable de produire une preuve suffisante pour corroborer sa demande d’asile, une distinction que le juge Russel Zinn a fait ressortir dans la décision Ferguson c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 1067, aux paragraphes 22 à 28 et 34.

La preuve concernant la participation de la demanderesse aux activités de la communauté LGBT

[37]           La demanderesse affirme que la SPR a omis de tenir compte des lettres faisant état de sa participation aux activités de la communauté LGBT et qu’elle a imposé une définition stricte de ce que signifie d’être une lesbienne. La SPR n’a pas l’obligation de renvoyer à chaque document dont elle dispose (Construction Labour Relations c Driver Iron Inc, 2012 CSC 65, au paragraphe 3), et même un examen superficiel des documents présentés par la demanderesse démontre qu’il était peu probable que ceux‑ci eurent convaincu la SPR qu’elle est lesbienne. Des photos de la demanderesse avec différentes personnes ainsi qu’une lettre du Comité sur le sida de la région de Durham ne contribuent pas beaucoup à démontrer l’orientation sexuelle de la demanderesse.

[38]           De plus, la décision de la SPR n’affirme pas la thèse selon laquelle la seule manière d’étayer une demande d’asile fondée sur l’orientation sexuelle est de présenter une preuve de liaison avec une personne du même sexe. La demanderesse n’a tout simplement pas produit des éléments de preuve auxquels elle aurait dû avoir accès assez facilement, tels que des lettres de gens qui savaient qu’elle était lesbienne, soit à Toronto ou ailleurs. La décision repose sur le fait que la demanderesse n’a pas produit une preuve suffisante pour établir le bien-fondé de sa demande d’asile.

 

Les dépens

[39]           La demanderesse, à l’exception du fait qu’elle n’est pas d’accord avec la conclusion selon laquelle sa demande d’asile « est dépourvue d’un minimum de fondement », n’a pas fait valoir l’existence de « raisons spéciales » justifiant l’adjudication de dépens. Par conséquent, le défendeur soutient que la Cour n’a aucune raison de déroger de la règle exposée à l’article 22 des Règles des Cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/2002‑232.

ANALYSE

[40]           L’élément déterminant dans la présente affaire était la crédibilité. La SPR a conclu que la demanderesse n’était pas crédible en ce qui a trait à son identité en tant que lesbienne, et ce, en raison d’un éventail de facteurs. Le défendeur concède que la SPR a fait des erreurs, mais il prétend que celles‑ci n’ont aucune importance. Je ne suis pas d’accord avec lui.

[41]           La SPR a conclu qu’il était invraisemblable que la demanderesse n’ait pas connu les noms ou les pays d’origine des étudiants homosexuels « qu’elle avait [fréquentés] et avec [lesquels] elle avait passé du temps » en Malaisie. Il ressort clairement du DCT que la demanderesse n’avait jamais dit que ces étudiants étaient des gens qu’elle fréquentait et avec qui elle passait du temps. En fait, la SPR n’a jamais demandé à la demanderesse si elle connaissait les noms de ces étudiants.

[42]           La SPR, au paragraphe 10 de la décision, a tiré la conclusion inexplicable suivante :

De plus, je connais les Malaisiens et la culture malaisienne. Même si cet élément n’a pas été produit en preuve, et ce, parce que la Malaisie n’est pas le pays à l’égard duquel elle demande l’asile, il est bien connu que les Malaisiens tolèrent les gais et les lesbiennes. De plus, bien qu’ils comprennent 80 p. 100 de la population du pays, les musulmans sont très tolérants à l’égard des autres religions et ils n’agressent pas ni ne dérangent d’autres minorités. Cette information se trouve dans les documents sur le pays ou elle est simplement un fait généralement admis.

 

 

[43]           La SPR ne peut pas se fonder sur une soi‑disant connaissance personnelle qu’elle n’a jamais portée à la connaissance de la demanderesse, ni tirer des conclusions sur la foi de cette connaissance. Une telle chose est injuste d’un point de vue procédural. Qui plus est, la demanderesse a effectivement déposé de la documentation sur la Malaisie qui démontre qu’une intolérance grave règne à l’endroit des homosexuels dans ce pays. La SPR ne renvoie pas à cette documentation, mais elle se fonde sur ses opinions personnelles qu’elle n’a jamais portées à la connaissance de la demanderesse.

[44]           La SPR a fait quelque chose de semblable au paragraphe 11 de la décision :

La demandeure d’asile a été incapable de m’expliquer comment elle vit ouvertement ici depuis qu’elle est au Canada. Elle a mentionné qu’elle fréquentait le bar Cruze and Tango [sic]. Toutefois, le tribunal sait que ce bar en particulier est fréquenté principalement par des hommes gais et pas autant par des lesbiennes. Je suis au courant de cela parce que cette information m’a été répétée très souvent dans le cadre de nombreuses demandes d’asile fondées sur l’orientation sexuelle dont j’ai été saisi. La demandeure d’asile n’a pas pu me donner le nom ni le lieu d’un seul bar, café ou restaurant fréquenté par des lesbiennes qui est facile d’accès dans ce qu’elle a appelé le village gai.

 

 

[45]           La SPR s’était fondée une fois de plus sur une connaissance personnelle et extrinsèque qui n’avait jamais été portée à la connaissance de la demanderesse. Voici ce que révèle la preuve, tirée du site Web du Crews and Tango, que la demanderesse m’a soumise :

[traduction]

Situé au cœur du village gai de Toronto, le Tango partage une terrasse avec le bar du complexe Crews. Le bar tend à attirer une clientèle composée principalement de lesbiennes, mais tous y sont bienvenus. [...]

 

Le Tango est un bar lesbien ouvert à tous. [...] Le Tango est le seul bar pour femmes dans le ghetto gai; il s’agit aussi du plus grand bar du quartier et, avec la fermeture du Rose en 1997, il représente le plus ancien bar [pour femmes] de la ville.

 

Profil du Crews and Tango sur le site www.Toronto.com, pièce E, page 71

 

Dans ce qui peut être seulement décrit comme un complexe, le Crews/Tango combine spectacles de travestis, karaoké et disc‑jockeys sous un même toit, le même soir; attire hommes et femmes.

 

Profil du Crews and Tango dans le Xtra! Newspaper, pièce E, p. 72.

 

 

[46]           Comme le démontre le DCT, la SPR n’a jamais demandé à la demanderesse de dresser une liste des établissements lesbiens dont elle lui a reproché de ne pas connaître les noms pour étayer sa conclusion quant à l’absence de crédibilité.

[47]           La crédibilité de la demanderesse était aussi mise en doute en raison de son omission de déposer des lettres ou des affidavits provenant « d’anciennes partenaires », et ce, dans une situation où elle a relaté dans son témoignage qu’elle n’avait eu seulement une seule vraie liaison, soit lorsqu’elle était à l’école secondaire au Zimbabwe avant 2006, et que cette liaison était gardée secrète. Elle a relaté qu’elle avait perdu contact avec la personne en question. Lorsqu’elle a expliqué cette situation lors de l’audience, la SPR a dit qu’elle comprenait. Toutefois, pour une raison ou une autre, une explication qui était compréhensible à l’audience a été invoquée à l’appui d’une conclusion négative en matière de crédibilité dans les motifs.

[48]           La preuve que la demanderesse a fournie à l’égard de son orientation sexuelle a été examinée dans le contexte des conclusions défavorables en matière de crédibilité qui avaient été tirées précédemment. Peu de poids a été accordé à la preuve fournie par le 519 Church Street Community Centre et par le révérend Brent Hawkes, parce que ces éléments de preuve ne mentionnent pas directement quelle est l’orientation sexuelle de la demanderesse. Il s’agit manifestement d’une erreur, parce que la lettre datée du 18 avril 2012 rédigée par la MCC Toronto fait explicitement mention de l’orientation sexuelle de la demanderesse :

[traduction]

Lorsqu’elle s’est engagée à participer aux activités de divers programmes communautaires, comme le Groupe de soutien des réfugiés du MCCT, Anesu a aussi eu l’occasion de faire part de ses préoccupations à propos de la vie en tant que lesbienne au Zimbabwe. MCC Toronto joue un rôle actif en matière de sensibilisation à l’égard du préjudice et des comportements oppresseurs; permettre à Anesu de rester au Canada garantira sans doute sa sécurité et lui permettra de contribuer de manière productive au sein de notre collectivité.

 

Anesu a décrit les expériences d’homophobie qu’elle a vécues au Zimbabwe et elle a exprimé des craintes quant à un retour dans son pays, en raison de son orientation sexuelle.

 

Cet élément de preuve mentionne sans équivoque que la demanderesse est lesbienne. Globalement, la décision dans son ensemble est injuste, imprudente et déraisonnable; elle doit être renvoyée à un autre tribunal de la SPR pour nouvel examen.

 

[49]           La demanderesse a demandé qu’on lui accorde ses dépens dans la présente affaire. Elle estime que la décision est tellement indéfendable qu’il était abusif de la part du défendeur de la contraindre à présenter une demande de contrôle judiciaire. Je souscris à cet argument. La décision est manifestement injuste et déraisonnable. La SPR a adopté une attitude cavalière à l’égard des faits relatés par la demanderesse dans son témoignage et elle a fait preuve d’une absence totale de sensibilisation à l’égard des questions d’équité procédurales qui étaient en jeu. La décision dans son ensemble est embarrassante pour notre régime d’asile. Compte tenu des ressources et du personnel juridique dont dispose le défendeur, ce dernier devait savoir à quel point la décision était mauvaise. Il a tout de même contraint la demanderesse à s’adresser à la Cour. Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale au sous-alinéa 7(6)(v) de l’arrêt Ndungu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2011 FCA 208, [traduction] « [o]n peut conclure à l’existence de raisons spéciales justifiant l’adjudication de dépens à l’encontre du ministre lorsque :

[...]

(v) le ministre s’oppose, de manière déraisonnable, à une demande de contrôle judiciaire manifestement fondée. »

 

À mon avis, il s’agit d’une telle affaire.

 

[50]           Les parties conviennent qu’il n’y a pas de question à certifier et à la Cour est du même avis.

JUGEMENT

 

LA COUR STATUE QUE :

1.             La demande est accueillie. La décision est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre tribunal de la SPR pour nouvel examen.

2.             Le défendeur paiera à la demanderesse les dépens relatifs à la présente demande, lesquels seront calculés sur une base avocat-client.

 

 

« James Russell »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Maxime Deslippes, LL.B., B.A. Trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-6791-12

 

INTITULÉ :                                      ANESU BUWU c MCI

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Toronto

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 3 juillet 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            LE JUGE RUSSELL

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                     Le 9 août 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Leigh Salsberg

 

POUR LA DEMANDERESSE

Christopher Ezrin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Leigh Salsberg

Avocate

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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