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     T-2004-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 10 OCTOBRE 1997.

EN PRÉSENCE DE : MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

ENTRE :


AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29


ET l"appel d"une décision d"un juge de la citoyenneté


ET


SEE HOK SAMUEL LAI,

     appelant.

     J U G E M E N T

L"appel est accueilli.


                                     juge

Traduction certifiée conforme                  ____________________

                                 Bernard Olivier, LL.B.

     T-2004-96

ENTRE :


AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté,

L.R.C. (1985), ch. C-29


ET l"appel d"une décision d"un juge de la citoyenneté


ET


SEE HOK SAMUEL LAI,

     appelant.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE DUBÉ

     L"appelant a satisfait à toutes les exigences en vue d"obtenir la citoyenneté prévues dans la Loi sur la citoyenneté1 (la Loi), sauf en ce qui concerne la résidence. Aux termes de l"alinéa 5(1)c ) de la Loi, le demandeur doit, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résider au Canada pendant au moins trois ans en tout.

     En l"espèce, l"appelant est arrivé au Canada en tant qu"étudiant étranger en août 1983. Il a complété des études secondaires et obtenu un baccalauréat en génie de l"Université McMaster de même qu"une maîtrise en administration des affaires de l"Université de Toronto. Pendant qu"il était aux études, l"appelant vivait avec ses deux soeurs qui sont maintenant citoyennes canadiennes. Après ses études, en 1991, il est rentré à Hong Kong, laissant au Canada tous ses effets personnels, dont ses vêtements et ses livres. Il est revenu au Canada accompagné de sa mère et de ses soeurs, en mai 1992, à titre de personne à charge. Sa mère avait acheté une maison à Mississauga (Ontario) en 1990. Les membres de la famille ont transféré tous leurs effets d"immigrants de Hong Kong à Mississauga, ils ont obtenu des numéros d"assurance sociale, cartes de santé et permis de conduire ontariens, ils ont ouvert des comptes bancaires et ils se sont généralement établis de façon permanente au pays.

     L"appelant a dû se rendre plusieurs fois à Hong Kong pour le compte de son employeur au Canada, Kei Lai (Canada) Ltd., une société ontarienne se spécialisant dans le commerce d"articles de mode pour femmes et pour hommes. À titre de directeur de la mise en marché, l"appelant était responsable de l"approvisionnement en produits et de l"établissement de liens avec les fabricants et fournisseurs, à Hong Kong.

     À l"époque, l"appelant avait postulé sans succès des emplois au Canada. Depuis, il a été embauché par un cabinet d"experts-comptables de Toronto pour lequel il prépare des déclarations de revenus.

     En juillet 1995, il a épousé une citoyenne canadienne qui travaillait pour la Banque Toronto-Dominion. Il l"avait connue alors qu"il étudiait à l"Université McMaster. Le jeune couple a acheté une maison à Markham (Ontario) en avril 1997. Ils vivaient auparavant chez la mère de l"appelant qui, à l"instar des deux soeurs de l"appelant déjà mentionnées et d"une autre soeur de celui-ci, est maintenant citoyenne canadienne.

     La présence physique à temps plein au Canada n"est pas une exigence essentielle en matière de résidence. Ce principe a été clairement établi par le juge Thurlow, alors juge chef adjoint de la Cour, dans l"arrêt notoire Papadogiorgakis2, où il a dit, à la p. 214 :

         Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d"y être résidente lorsqu"elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu"elle n"a pas cessé d"y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l"absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d"autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l"occasion se présente. Ainsi que l"a dit le juge Rand dans l"extrait que j"ai lu, cela dépend [TRADUCTION] " essentiellement du point jusqu"auquel une personne s"établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d"intérêts et de convenances, au lieu en question ".         

     Cet arrêt de principe s"applique depuis 18 ans et le Parlement n"a pas jugé bon de modifier la Loi pour en limiter les conséquences. Il convient donc de donner une interprétation libérale à la Loi de manière à refléter véritablement les valeurs familiales généreuses des citoyens canadiens.

     Comme l"a mentionné le juge en chef adjoint Thurlow dans l"arrêt Papadogirogakis , précité, une personne ayant son propre foyer établi au Canada ne cesse pas d"y être résidente lorsqu"elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, ou même pour poursuivre des études. Dans cet arrêt, le demandeur de la citoyenneté canadienne, un étudiant, se trouvait aux États-Unis pour poursuivre des études, tandis qu"en l"espèce, l"appelant s"absente souvent pour traiter des affaires.

     Comme j"ai eu l"occasion de l"indiquer dans Siu Chung Hung3, une affaire de citoyenneté très semblable à l"espèce, " [l]e lieu où réside une personne n'est pas celui où elle travaille, mais celui où elle retourne après avoir travaillé ". Lorsque le demandeur de la citoyenneté canadienne a clairement et définitivement établi son foyer au Canada avec l"intention évidente de s"y installer définitivement, il ne devrait pas être privé de la citoyenneté simplement parce qu"il doit gagner sa vie et faire vivre sa famille en faisant des affaires à l"étranger. Il y a des résidents canadiens qui travaillent à la maison, d"autres qui rentrent à la maison après le travail chaque jour, d"autres, chaque semaine, et d"autres encore, après de plus longs séjours à l"étranger. L"indice le plus révélateur de la résidence est l"établissement au pays d"une personne et des autres membres de sa famille avec l"intention manifeste d"y établir leur foyer pour de bon.


     En conséquence, l"appel est accueilli.

O T T A W A

Le 10 octobre 1997.


                                     juge

Traduction certifiée conforme                  ____________________

                                 Bernard Olivier, LL.B.     

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

    

NO DU GREFFE :              T-2004-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Loi sur la citoyenneté

                     - c. -

                     See Hok Samuel Lai
LIEU DE L"AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L"AUDIENCE :          le 24 septembre 1997

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE DUBÉ

EN DATE DU :              10 octobre 1997

ONT COMPARU :

Stephen W. Green                              POUR L"APPELANT

Peter K. Large                              L" AMICUS CURIAE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Green and Spiegel                              POUR L"APPELANT

avocats

Toronto (Ontario)

Peter K. Large                              L" AMICUS CURIAE

avocat

Toronto (Ontario)

__________________

1      L.R.C. (1985), ch. C-29.

2      [1978] 2 C.F. 208.

3      T-384-95, 26 janvier 1996, non publié.

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