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Date : 20130812

Dossier : T-36-13

Référence : 2013 CF 861

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 12 août 2013

En présence de monsieur le juge Martineau

 

 

ENTRE :

PATRICK DANIEL FISCHER

 

demandeur

 

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire concernant une décision de troisième palier (la décision contestée) que la sous-commissaire principale (la SCP) a rendue le 24 août 2012 au sujet d’un grief portant le numéro U80A00033079.

 

[2]               Le demandeur, qui se représente lui-même, est incarcéré dans un pénitencier fédéral à sécurité moyenne, l’Établissement Mountain, qu’administre le Service correctionnel du Canada (le SCC) dans la ville d’Agassiz, district de Kent (Colombie-Britannique), et où il purge actuellement une peine à perpétuité pour meurtre au premier degré. Le grief du demandeur a été confirmé en partie, mais rejeté en rapport avec, d’une part, sa demande en vue d’obtenir une copie du résumé de l’affaire avant le prononcé de la décision et, d’autre part, sa demande de [traduction] « corrections au dossier ». La SCP a jugé que cette question avait déjà été traitée et ensuite rejetée lors d’un grief au troisième palier antérieur, que le demandeur avait déposé en 2006 (réponse au grief au troisième palier V80A00015682).

 

[3]               J’ouvre ici une parenthèse pour mentionner que la procédure de règlement par voie de grief des plaintes des détenus contre une action ou une décision de membres du personnel du SCC est établie à l’article 90 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, paragraphes 24(1) et (2) (la LSCMLC). Les articles 74 à 82 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620 (le Règlement) décrivent les quatre étapes que comporte cette procédure, laquelle vise à traiter d’une manière efficace et équitable les doléances des détenus. La première de ces quatre étapes comporte le dépôt d’une plainte initiale; la deuxième est ce que l’on appelle le « grief au premier palier », que l’on présente par voie écrite au directeur de l’établissement en question; la troisième est le « grief au deuxième palier », et celui-ci se compose d’un appel auprès du responsable de la région; quant à la quatrième, il s’agit du « grief au troisième palier », c’est-à-dire l’appel suivant et final que l’on fait soumet au commissaire. Enfin, une fois que le grief au troisième palier a été réglé et que l’on a ainsi épuisé le processus interne, il est possible de déposer une demande de contrôle judiciaire.

 

[4]               Le fondement de la contestation que formule aujourd’hui le demandeur à l’encontre de cette décision rendue en 2012 s’articule autour des renseignements contenus dans ses dossiers correctionnels qui, soutient-il, sont inexacts, périmés, non étayés par des éléments de preuve et, en fin de compte, contraires aux paragraphes 24(1) et 27(2) de la LSCMLC. Il semble que les renseignements censément inexacts remontent aussi loin qu’en 2004. Un autre volet de la contestation du demandeur est un manquement présumé à l’équité dans le cadre du processus de règlement de griefs qui, en pratique, est trop long, lourd et inefficace. En fait, il s’est écoulé trois ans entre le dépôt du grief en 2009 et le prononcé de la décision contestée en 2012.

 

[5]               Pour les motifs énoncés ci-après, la présente demande doit être rejetée.

 

LE CADRE JURIDIQUE APPLICABLE

[6]               Les articles 23, 24 et 27 de la LSCMLC portent sur la collecte et la communication des renseignements pertinents :

23. (1) Le Service doit, dans les meilleurs délais après la condamnation ou le transfèrement d’une personne au pénitencier, prendre toutes mesures possibles pour obtenir :

 

a) les renseignements pertinents concernant l’infraction en cause;

 

b) les renseignements personnels pertinents, notamment les antécédents sociaux, économiques et criminels, y compris comme jeune contrevenant;

 

c) les motifs donnés par le tribunal ayant prononcé la condamnation, infligé la peine ou ordonné la détention — ou par le tribunal d’appel — en ce qui touche la peine ou la détention, ainsi que les recommandations afférentes en l’espèce;

 

 

 

 

d) les rapports remis au tribunal concernant la condamnation, la peine ou l’incarcération;

 

 

 

e) tous autres renseignements concernant l’exécution de la peine ou de la détention, notamment les renseignements obtenus de la victime, la déclaration de la victime quant aux conséquences de l’infraction et la transcription des observations du juge qui a prononcé la peine relativement à l’admissibilité à la libération conditionnelle.

 

(2) Le délinquant qui demande par écrit que les renseignements visés au paragraphe (1) lui soient communiqués a accès, conformément au règlement, aux renseignements qui, en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et de la Loi sur l’accès à l’information, lui seraient communiqués.

 

(3) Aucune disposition de la Loi sur la protection des renseignements personnels ou de la Loi sur l’accès à l’information n’a pour effet d’empêcher ou de limiter l’obtention par le Service des renseignements visés aux alinéas (1)a) à e).

 

24. (1) Le Service est tenu de veiller, dans la mesure du possible, à ce que les renseignements qu’il utilise concernant les délinquants soient à jour, exacts et complets.

 

(2) Le délinquant qui croit que les renseignements auxquels il a eu accès en vertu du paragraphe 23(2) sont erronés ou incomplets peut demander que le Service en effectue la correction; lorsque la demande est refusée, le Service doit faire mention des corrections qui ont été demandées, mais non effectuées.

 

 

 

 

 

 

 

 

27. (1) Sous réserve du paragraphe (3), la personne ou l’organisme chargé de rendre, au nom du Service, une décision au sujet d’un délinquant doit, lorsque celui-ci a le droit en vertu de la présente partie ou des règlements de présenter des observations, lui communiquer, dans un délai raisonnable avant la prise de décision, tous les renseignements entrant en ligne de compte dans celle-ci, ou un sommaire de ceux-ci.

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), cette personne ou cet organisme doit, dès que sa décision est rendue, faire connaître au délinquant qui y a droit au titre de la présente partie ou des règlements les renseignements pris en compte dans la décision, ou un sommaire de ceux-ci.

 

 

 

 

(3) Sauf dans le cas des infractions disciplinaires, le commissaire peut autoriser, dans la mesure jugée strictement nécessaire toutefois, le refus de communiquer des renseignements au délinquant s’il a des motifs raisonnables de croire que cette communication mettrait en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d’une enquête licite.

 

[...]

 

23. (1) When a person is sentenced, committed or transferred to penitentiary, the Service shall take all reasonable steps to obtain, as soon as is practicable,

 

 

(a) relevant information about the offence;

 

 

(b) relevant information about the person’s personal history, including the person’s social, economic, criminal and young-offender history;

 

 

(c) any reasons and recommendations relating to the sentencing or committal that are given or made by

 

(i) the court that convicts, sentences or commits the person, and

 

(ii) any court that hears an appeal from the conviction, sentence or committal;

 

(d) any reports relevant to the conviction, sentence or committal that are submitted to a court mentioned in subparagraph (c)(i) or (ii); and

 

 

(e) any other information relevant to administering the sentence or committal, including existing information from the victim, the victim impact statement and the transcript of any comments made by the sentencing judge regarding parole eligibility.

 

 

 

 

(2) Where access to the information obtained by the Service pursuant to subsection (1) is requested by the offender in writing, the offender shall be provided with access in the prescribed manner to such information as would be disclosed under the Privacy Act and the Access to Information Act.

 

 

(3) No provision in the Privacy Act or the Access to Information Act shall operate so as to limit or prevent the Service from obtaining any information referred to in paragraphs (1)(a) to (e).

 

 

 

24. (1) The Service shall take all reasonable steps to ensure that any information about an offender that it uses is as accurate, up to date and complete as possible.

 

 

(2) Where an offender who has been given access to information by the Service pursuant to subsection 23(2) believes that there is an error or omission therein,

 

(a) the offender may request the Service to correct that information; and

 

(b) where the request is refused, the Service shall attach to the information a notation indicating that the offender has requested a correction and setting out the correction requested.

 

27. (1) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to make representations in relation to a decision to be taken by the Service about the offender, the person or body that is to take the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, a reasonable period before the decision is to be taken, all the information to be considered in the taking of the decision or a summary of that information.

 

(2) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to be given reasons for a decision taken by the Service about the offender, the person or body that takes the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, forthwith after the decision is taken, all the information that was considered in the taking of the decision or a summary of that information.

 

(3) Except in relation to decisions on disciplinary offences, where the Commissioner has reasonable grounds to believe that disclosure of information under subsection (1) or (2) would jeopardize

 

(a) the safety of any person,

 

(b) the security of a penitentiary, or

 

(c) the conduct of any lawful investigation,

 

the Commissioner may authorize the withholding from the offender of as much information as is strictly necessary in order to protect the interest identified in paragraph (a), (b) or (c).

 

...

 

 

[7]               L’article 90 de la LSCMLC traite de l’établissement d’une procédure permettant de régler d’une manière juste et expéditive les griefs des délinquants :

90. Est établie, conformément aux règlements d’application de l’alinéa 96u), une procédure de règlement juste et expéditif des griefs des délinquants sur des questions relevant du commissaire.

 

90. There shall be a procedure for fairly and expeditiously resolving offenders’ grievances on matters within the jurisdiction of the Commissioner, and the procedure shall operate in accordance with the regulations made under paragraph 96(u).

 

 

[8]               Plus particulièrement, d’un point de vue pratique, les articles 74 à 82 du Règlement établissent les mécanismes et les processus qu’il y a lieu de suivre pour la formulation des plaintes et des griefs des délinquants ainsi que pour leur règlement :

74. (1) Lorsqu’il est insatisfait d’une action ou d’une décision de l’agent, le délinquant peut présenter une plainte au supérieur de cet agent, par écrit et de préférence sur une formule fournie par le Service.

 

 

(2) Les agents et le délinquant qui a présenté une plainte conformément au paragraphe (1) doivent prendre toutes les mesures utiles pour régler la question de façon informelle.

 

 

(3) Sous réserve des paragraphes (4) et (5), le supérieur doit examiner la plainte et fournir copie de sa décision au délinquant aussitôt que possible après que celui-ci a présenté sa plainte.

 

 

(4) Le supérieur peut refuser d’examiner une plainte présentée conformément au paragraphe (1) si, à son avis, la plainte est futile ou vexatoire ou n’est pas faite de bonne foi.

 

 

(5) Lorsque, conformément au paragraphe (4), le supérieur refuse d’examiner une plainte, il doit fournir au délinquant une copie de sa décision motivée aussitôt que possible après que celui-ci a présenté sa plainte.

 

 

 

75. Lorsque, conformément au paragraphe 74(4), le supérieur refuse d’examiner la plainte ou que la décision visée au paragraphe 74(3) ne satisfait pas le délinquant, celui-ci peut présenter un grief, par écrit et de préférence sur une formule fournie par le Service :

 

 

a) soit au directeur du pénitencier ou au directeur de district des libérations conditionnelles, selon le cas;

 

b) soit, si c’est le directeur du pénitencier ou le directeur de district des libérations conditionnelles qui est mis en cause, au responsable de la région.

 

76. (1) Le directeur du pénitencier, le directeur de district des libérations conditionnelles ou le responsable de la région, selon le cas, doit examiner le grief afin de déterminer s’il relève de la compétence du Service.

 

(2) Lorsque le grief porte sur un sujet qui ne relève pas de la compétence du Service, la personne qui a examiné le grief conformément au paragraphe (1) doit en informer le délinquant par écrit et lui indiquer les autres recours possibles.

 

 

77. (1) Dans le cas d’un grief présenté par le détenu, lorsqu’il existe un comité d’examen des griefs des détenus dans le pénitencier, le directeur du pénitencier peut transmettre le grief à ce comité.

 

(2) Le comité d’examen des griefs des détenus doit présenter au directeur ses recommandations au sujet du grief du détenu aussitôt que possible après en avoir été saisi.

 

(3) Le directeur du pénitencier doit remettre au détenu une copie de sa décision aussitôt que possible après avoir reçu les recommandations du comité d’examen des griefs des détenus.

 

78. La personne qui examine un grief selon l’article 75 doit remettre copie de sa décision au délinquant aussitôt que possible après que le détenu a présenté le grief.

 

 

79. (1) Lorsque le directeur du pénitencier rend une décision concernant le grief du détenu, celui-ci peut demander que le directeur transmette son grief à un comité externe d’examen des griefs, et le directeur doit accéder à cette demande.

 

 

 

(2) Le comité externe d’examen des griefs doit présenter au directeur du pénitencier ses recommandations au sujet du grief du détenu aussitôt que possible après en avoir été saisi.

 

(3) Le directeur du pénitencier doit remettre au détenu une copie de sa décision aussitôt que possible après avoir reçu les recommandations du comité externe d’examen des griefs.

 

80. (1) Lorsque le délinquant est insatisfait de la décision rendue au sujet de son grief par le directeur du pénitencier ou par le directeur de district des libérations conditionnelles, il peut en appeler au responsable de la région.

 

(2) Lorsque le délinquant est insatisfait de la décision rendue au sujet de son grief par le responsable de la région, il peut en appeler au commissaire.

 

 

 

(3) Le responsable de la région ou le commissaire, selon le cas, doit transmettre au délinquant copie de sa décision motivée aussitôt que possible après que le délinquant a interjeté appel.

 

 

 

 

81. (1) Lorsque le délinquant décide de prendre un recours judiciaire concernant sa plainte ou son grief, en plus de présenter une plainte ou un grief selon la procédure prévue dans le présent règlement, l’examen de la plainte ou du grief conformément au présent règlement est suspendu jusqu’à ce qu’une décision ait été rendue dans le recours judiciaire ou que le détenu s’en désiste.

 

(2) Lorsque l’examen de la plainte ou au grief est suspendu conformément au paragraphe (1), la personne chargée de cet examen doit en informer le délinquant par écrit.

 

 

 

82. Lors de l’examen de la plainte ou du grief, la personne chargée de cet examen doit tenir compte :

 

 

a) des mesures prises par les agents et le délinquant pour régler la question sur laquelle porte la plainte ou le grief et des recommandations en découlant;

 

b) des recommandations faites par le comité d’examen des griefs des détenus et par le comité externe d’examen des griefs;

 

c) de toute décision rendue dans le recours judiciaire visé au paragraphe 81(1).

 

74. (1) Where an offender is dissatisfied with an action or a decision by a staff member, the offender may submit a written complaint, preferably in the form provided by the Service, to the supervisor of that staff member.

 

(2) Where a complaint is submitted pursuant to subsection (1), every effort shall be made by staff members and the offender to resolve the matter informally through discussion.

 

(3) Subject to subsections (4) and (5), a supervisor shall review a complaint and give the offender a copy of the supervisor’s decision as soon as practicable after the offender submits the complaint.

 

(4) A supervisor may refuse to review a complaint submitted pursuant to subsection (1) where, in the opinion of the supervisor, the complaint is frivolous or vexatious or is not made in good faith.

 

(5) Where a supervisor refuses to review a complaint pursuant to subsection (4), the supervisor shall give the offender a copy of the supervisor’s decision, including the reasons for the decision, as soon as practicable after the offender submits the complaint.

 

75. Where a supervisor refuses to review a complaint pursuant to subsection 74(4) or where an offender is not satisfied with the decision of a supervisor referred to in subsection 74(3), the offender may submit a written grievance, preferably in the form provided by the Service,

 

(a) to the institutional head or to the director of the parole district, as the case may be; or

 

 

(b) where the institutional head or director is the subject of the grievance, to the head of the region.

 

 

 

76. (1) The institutional head, director of the parole district or head of the region, as the case may be, shall review a grievance to determine whether the subject-matter of the grievance falls within the jurisdiction of the Service.

 

(2) Where the subject-matter of a grievance does not fall within the jurisdiction of the Service, the person who is reviewing the grievance pursuant to subsection (1) shall advise the offender in writing and inform the offender of any other means of redress available.

 

77. (1) In the case of an inmate’s grievance, where there is an inmate grievance committee in the penitentiary, the institutional head may refer the grievance to that committee.

 

 

(2) An inmate grievance committee shall submit its recommendations respecting an inmate’s grievance to the institutional head as soon as practicable after the grievance is referred to the committee.

 

(3) The institutional head shall give the inmate a copy of the institutional head’s decision as soon as practicable after receiving the recommendations of the inmate grievance committee.

 

78. The person who is reviewing a grievance pursuant to section 75 shall give the offender a copy of the person’s decision as soon as practicable after the offender submits the grievance.

 

79. (1) Where the institutional head makes a decision respecting an inmate’s grievance, the inmate may request that the institutional head refer the inmate’s grievance to an outside review board, and the institutional head shall refer the grievance to an outside review board.

 

(2) The outside review board shall submit its recommendations to the institutional head as soon as practicable after the grievance is referred to the board.

 

 

 

(3) The institutional head shall give the inmate a copy of the institutional head’s decision as soon as practicable after receiving the recommendations of the outside review board.

 

80. (1) Where an offender is not satisfied with a decision of the institutional head or director of the parole district respecting the offender’s grievance, the offender may appeal the decision to the head of the region.

 

(2) Where an offender is not satisfied with the decision of the head of the region respecting the offender’s grievance, the offender may appeal the decision to the Commissioner.

 

 

(3) The head of the region or the Commissioner, as the case may be, shall give the offender a copy of the head of the region’s or Commissioner’s decision, including the reasons for the decision, as soon as practicable after the offender submits an appeal.

 

81. (1) Where an offender decides to pursue a legal remedy for the offender’s complaint or grievance in addition to the complaint and grievance procedure referred to in these Regulations, the review of the complaint or grievance pursuant to these Regulations shall be deferred until a decision on the alternate remedy is rendered or the offender decides to abandon the alternate remedy.

 

(2) Where the review of a complaint or grievance is deferred pursuant to subsection (1), the person who is reviewing the complaint or grievance shall give the offender written notice of the decision to defer the review.

 

 

82. In reviewing an offender’s complaint or grievance, the person reviewing the complaint or grievance shall take into consideration

 

(a) any efforts made by staff members and the offender to resolve the complaint or grievance, and any recommendations resulting therefrom;

 

(b) any recommendations made by an inmate grievance committee or outside review board; and

 

 

(c) any decision made respecting an alternate remedy referred to in subsection 81(1).

 

 

[9]               En gardant à l’esprit ce cadre juridique, voyons maintenant le contexte dans lequel s’inscrit la présente affaire.

 

LE CONTEXTE

[10]           Au moment de son incarcération, le demandeur a obtenu l’autorisation de posséder un ordinateur personnel en plus de divers logiciels. Tout d’abord incarcéré à l’Établissement de Kent, un pénitencier à sécurité maximale, le demandeur a été transféré à l’Établissement Mountain, un pénitencier à sécurité moyenne, en août 2004. En septembre 2004, on l’a informé que l’Établissement Mountain n’avait pas reçu son CD contenant le logiciel Windows 98. Comme il n’avait pas en main ce CD, il lui était impossible de prouver qu’il était propriétaire du logiciel d’exploitation Windows 98 installé dans son ordinateur personnel. À ce moment-là, le demandeur a déposé une plainte par l’intermédiaire du système de règlement des griefs des détenus, de même qu’une demande de remplacement d’un bien perdu ou endommagé dont le SCC était responsable au moment de la perte ou de l’endommagement allégué du CD contenant le logiciel Windows 98.

 

[11]           La procédure de traitement de la plainte a suivi son cours et, à un certain moment, une note de service a été délivrée, indiquant qu’il y avait dans l’ordinateur du demandeur deux logiciels inscrits comme non autorisés, en plus de plusieurs autres qui nécessitaient une preuve de propriété. En réponse, le demandeur a soutenu qu’au moins un des logiciels avait été considéré par erreur comme non autorisé et que l’autre logiciel mentionné dans la note de service n’était pas installé dans son ordinateur à ce moment-là. Le demandeur signale qu’il a également fourni une preuve de propriété d’autres logiciels, comme on le demandait dans la note de service. En fin de compte, le ou vers le 10 mai 2005, le demandeur a reçu l’ordinateur personnel qu’il pouvait conserver dans sa cellule et, le 6 octobre 2005, il a reçu une réponse à son grief au troisième palier au sujet de la perte ou de l’endommagement de logiciels et de biens. Le grief a été confirmé et le demandeur a obtenu un remboursement pécuniaire. De plus, plusieurs articles ont été remplacés, dont ses logiciels Windows 98 et Office 97.

 

[12]           Le 10 novembre 2005, l’ordinateur du demandeur a été saisi en vue d’une inspection et, le lendemain, soit le 11 novembre 2005, il a reçu du directeur une note de service concernant la présence de logiciels non autorisés dans son ordinateur. La note de service que Bruce Anderson avait écrite contenait au départ la mention suivante : [traduction] « La directrice intérimaire N. Wrenshall vous a accordé le bénéfice du doute selon lequel les logiciels non autorisés trouvés dans votre ordinateur y ont peut-être été installés par quelqu’un d’autre ». Le demandeur déclare maintenant que les preuves à l’appui de la présence de logiciels non autorisés comportaient plusieurs énoncés de fait fondés sur le problème survenu antérieurement, entre le mois de septembre 2004 et le 10 mai 2005. Le 8 décembre 2005, le demandeur a déposé la plainte no V80A00015682 en vue de contester les motifs invoqués pour saisir son ordinateur ainsi que la véracité des énoncés de fait formulés au sujet des mesures antérieures concernant son ordinateur. Le demandeur explique maintenant que les griefs au premier et au deuxième paliers dans cette affaire ont tous deux été rejetés, tout comme le grief au troisième palier. Il a reçu la réponse rejetant le grief au troisième palier le 21 novembre 2006. C’est à ce stade-là qu’un énoncé de fait additionnel concernant l’affaire antérieure liée à son ordinateur a été inclus dans cette réponse. La décision rendue au troisième palier indique, notamment : [traduction] « Votre ordinateur a été inspecté de nouveau en 2005 et on a découvert que vous ne respectiez pas la DC 090. L’ordinateur a été envoyé à une source externe en vue d’être reformaté à vos frais ».

 

[13]           Le demandeur a déposé un deuxième grief en 2009 (numéro du grief V80A00027276) pour contester la déclaration selon laquelle il y avait dans son ordinateur des éléments non autorisés entre son arrivée à l’Établissement Mountain en 2004 et le retour de son ordinateur en mai 2005 et que son ordinateur avait été envoyé à une source externe en vue d’être reformaté à ses frais. Il a fait valoir que ces deux énoncés étaient inexacts. Cette contestation a été transmise dans le cadre du processus de règlement de griefs des détenus sous le numéro de dossier V80A00027276. Le demandeur n’a pas eu gain de cause en rapport avec les logiciels non autorisés qui se trouvaient dans son ordinateur entre 2004 et 2005, car il a été décidé que cette question avait déjà été réglée dans le contexte du premier grief. Cependant, il a contesté avec succès le commentaire selon lequel son ordinateur avait été envoyé à une source externe en vue d’être reformaté. Il n’existait aucune preuve à l’appui de ce commentaire, et son dossier a été modifié en conséquence.

 

[14]           Ensuite, en 2010, le demandeur a déposé un autre nouveau grief en vue de contester l’exactitude des énoncés de fait qu’il conteste encore à l’heure actuelle. Cette nouvelle contestation a suivi de nouveau son cours jusqu’au troisième palier, et le demandeur dit avoir reçu la dernière décision finale le 24 septembre 2012 (numéro du grief U80A00033079). Durant ces procédures, le demandeur avait en outre demandé de recevoir le [traduction] « résumé » (la recommandation précédant la décision finale) du deuxième palier de la procédure de règlement de griefs ainsi que celui du troisième palier avant que soit rendue la décision correspondante.

 

LA DÉCISION FAISANT L’OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[15]           Pour rendre la décision au troisième palier, la SCP Anne Kelly a passé en revue les observations antérieures du demandeur, les réponses à ces observations, les politiques et les dispositions législatives applicables, de même que le dossier correctionnel du demandeur (aussi appelé « dossier du Système de gestion des délinquants » (le SGD)). Comme nous le verrons plus loin dans les présents motifs, le demandeur ne conteste pas l’intelligibilité ou la transparence de la décision contestée. Il insiste toutefois sur le fait que la décision, pour être raisonnable, doit reposer sur des renseignements exacts, étayés par les éléments de preuve figurant dans le dossier, ce qui, soutient-il, n’est pas le cas. Pour ce qui est de la procédure de règlement de griefs la plus récente, le défendeur soutient que le demandeur n’a déposé aucun élément d’information ou de preuve nouveau. Il insiste pour dire que celui-ci n’a fait que remettre sur la table des questions qui avaient déjà été analysées lors des griefs qu’il avait déposés antérieurement et pour lesquels des décisions finales avaient été rendues, sans interjeter appel.

 

[16]           En ce qui concerne l’argument du demandeur selon lequel on ne lui avait pas remis un exemplaire du résumé avant le prononcé de la décision et qu’il s’agissait là d’un manquement à l’obligation d’agir équitablement, la SCP a déclaré qu’elle était convaincue que ni la LSCMLC ni le Règlement n’exigeaient que, avant qu’une décision soit rendue, les délinquants examinent les recommandations d’un analyste (le résumé) et fassent des observations sur ces dernières. Quant à la référence faite par le demandeur à des [traduction] « décisions judiciaires récentes » dont la conclusion penchait censément en faveur de la production d’un résumé avant le prononcé d’une décision, la SCP a tenu pour acquis qu’il faisait référence à l’affaire Lewis c Canada (Service correctionnel), 2011 CF 1233 (Lewis). La SCP a fait ressortir l’obligation légale qu’a le SCC, conformément au Règlement, de remettre à un délinquant une copie de la décision relative au grief, y compris les motifs de cette décision, le plus tôt possible après que le délinquant a déposé son grief. La SCP a signalé de plus que le paragraphe 27(2) de la LSCMLC indique qu’il faut faire part de la justification d’une décision correctionnelle après que la décision a été rendue. La SCP a ensuite fait référence au paragraphe 27(1) de la LSCMLC en vue de conclure que cette disposition ne s’appliquait pas, car ni la LSCMLC ni le Règlement n’établissent l’existence d’un droit de faire des observations sur une décision que l’on propose de rendre à la suite d’un grief, avant que l’on y mette la dernière main. La SCP a donc rejeté cette partie‑là du grief du demandeur. La raisonnabilité de ces conclusions n’a pas été contestée, pas directement du moins, par le demandeur, qui n’a formulé aucune observation de vive voix sur ce dernier point au moment où la Cour l’a entendu. Cependant, il conteste de façon générale l’équité de l’ensemble de la procédure de règlement de griefs.

 

[17]           La SCP a ensuite traité de la question suivante du demandeur, relativement aux énoncés de fait contestés. En ce qui concerne l’argument de ce dernier selon lequel il était nécessaire de corriger son dossier correctionnel afin que celui-ci contienne des renseignements exacts, de même que pour se conformer aux normes énoncées au paragraphe 24(1) de la LSCMLC, la SCP a expliqué que l’agent de libération conditionnelle (l’ALC) du demandeur n’avait changé aucun renseignement, car il n’avait relevé aucune mention précise des questions soulevées par le demandeur en passant en revue les rapports de gestion de cas le concernant. Cependant, la SCP signale que, selon la Directive no 701 du commissaire, intitulée « Communications de renseignements », au paragraphe 13 : « [l]e membre du personnel doit s’assurer qu’il existe des documents fiables ou d’autres sources qui corroborent ou contredisent les renseignements dossier et/ou les corrections demandées ». Elle a conclu que, même s’il n’y avait eu aucun rapport de gestion de cas au sujet des questions évoquées par le demandeur dans sa plainte sur ce point, rien n’indiquait que l’ALC avait passé en revue la totalité des dossiers pour voir s’il existait des documents qui corroboraient ou contredisaient les allégations. De ce fait, la SCP a confirmé cette partie-là du grief du demandeur.

 

[18]           Cependant, la SCP a rejeté la partie du grief du demandeur qui avait trait à son affirmation selon laquelle on avait formulé des allégations erronées qui avaient eu sur lui un effet défavorable, relativement aux éléments non autorisés que l’on avait trouvés dans son ordinateur entre les années 2004 et 2006. Elle a fait valoir que le demandeur avait évoqué ces mêmes arguments antérieurement, dans son grief no V80A00015682 qui avait suivi son cours jusqu’au troisième palier et qui avait été rejeté au moment du prononcé de la décision finale, le 21 novembre 2006. Mais elle a également conclu que le responsable du palier antérieur, après avoir examiné le dossier correctionnel du demandeur et souligné les changements demandés, n’avait pas inclus dans sa décision la demande initiale de correction du dossier, la décision de rejeter la demande ou les motifs invoqués pour rejeter la demande. De ce fait, la SCP s’est prononcée en faveur de la position du demandeur pour cette partie-là de son grief.

 

[19]           La SCP a conclu sa décision en résumant que le grief du demandeur avait été confirmé en partie et elle a ensuite exposé la mesure corrective qui serait prise en vue de remédier aux parties du grief du demandeur qui avaient été confirmées. Plus précisément, elle a écrit à la page 4 de la décision contestée :

[traduction]

 

À titre de mesure corrective, le directeur de l’Établissement Kent rappellera aux membres du personnel l’importance de passer en revue les dossiers des délinquants en vue de déterminer s’il existe ou non des documents qui corroborent ou contredisent les renseignements contestés, comme il est indiqué au paragraphe 13 de la DC 701. De plus, le directeur ordonnera aux membres du personnel compétents de consigner votre demande initiale de correction de dossier, la décision de rejeter votre demande et les motifs du rejet dans le MTF, en date du 2011‑07‑25, conformément aux paragraphes 20 à 23 de l’annexe B de la DC 701.

 

 

[20]           Cependant, le demandeur, toujours insatisfait du fait qu’aucune mesure corrective directe n’a été prise en rapport avec les énoncés de fait contestés, demande à la Cour de contrôler l’affaire et de faire droit à la présente demande.

 

LA PRÉSENTE DEMANDE

[21]           À mon avis, la présente demande soulève deux questions différentes :

1)      Le SCC était-il tenu de reconsidérer l’exactitude des énoncés de fait contestés, en rapport avec l’absence présumée d’éléments de preuve, bien que leur exactitude ait déjà été confirmée à la dernière étape de procédure de règlement de griefs antérieure?

 

2)      Le processus que le SCC a suivi pour régler son dernier grief était-il inéquitable?

 

 

[22]           Dans le contexte du contrôle judiciaire de décisions rendues lors du processus de règlement de griefs des détenus du SCC, les questions d’équité procédurale, de même que les questions relatives à l’interprétation de dispositions législatives, sont généralement soumises à la norme de contrôle de la décision correcte : Kim c Canada (PG), 2012 CF 870, au paragraphe 32 (Kim); Sweet c Canada (PG), 2005 CAF 51, au paragraphe 16; Khosa c Canada (MCI), 2009 CSC 12, au paragraphe 43; Tehrankari c Canada (PG), 2011 CF 628, au paragraphe 24 (Tehrankari). Cependant, les conclusions de fait et les conclusions mixtes de fait et de droit que l’on tire au cours du processus de règlement de griefs des détenus du SCC ainsi qu’au titre de la LSCMLC sont susceptibles de contrôle selon la norme de la raisonnabilité : Yu c Canada (PG), 2012 CF 970, au paragraphe 15 (Yu); Kim, au paragraphe 33; Bonamy c Canada (PG), 2010 CF 153, aux paragraphes 46 et 47; Crawshaw c Canada (PG), 2011 CF 133, aux paragraphes 24 à 27; Tehrankari, au paragraphe 24. Par ailleurs, la Cour se doit de faire preuve d’un degré de déférence élevé à l’égard du SCC, du fait de son expertise en matière de gestion de détenus et d’institutions : Kim, au paragraphe 59.

 

[23]           Dans son avis de demande, le demandeur a initialement dit vouloir qu’on annule la décision de la SCP et qu’on lui délivre une note de service, qui serait également versée dans son dossier correctionnel, en vue de corriger les renseignements qui y figurent de façon à le rendre exact. Cependant, le défendeur a soutenu que, si le demandeur obtenait gain de cause dans le cadre de la présente demande, le redressement approprié consisterait à annuler tout simplement la décision contestée et à la renvoyer en vue d’une nouvelle décision. À l’audience qui a eu lieu devant la Cour, le demandeur a confirmé qu’il ne sollicitait plus les autres mesures de redressement qu’il demandait au départ dans son avis de demande.

 

ANALYSE ET DÉCISION

[24]           Dans l’analyse et la décision qui suivent, j’ai tenu compte de tous les arguments que les parties ont invoqués dans leurs mémoires des faits et du droit, ainsi que de ce que le demandeur et l’avocate du défendeur ont expressément déclaré au sujet des questions pertinentes que la Cour devait trancher au moment de leur audition à Vancouver.

 

[25]           Le demandeur fait longuement valoir que la décision relative au grief de 2006 était fondée sur des renseignements inexacts et qu’elle était donc viciée et déraisonnable. De ce fait, soutient‑il, la décision contestée est viciée, elle aussi, car elle est fondée sur les renseignements qu’il affirme être inexacts et qui figurent dans la décision de 2006. Il justifie le fait de ne pas avoir présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre des décisions antérieures rendues dans son cas par le fait qu’à l’établissement Kent, la bibliothèque était peu garnie, qu’il n’avait pas eu la possibilité, à l’époque, de présenter une demande et que ce n’était que bien plus tard qu’il avait appris que l’on s’était servi de renseignements inexacts.

 

[26]           Dans son mémoire, l’appelant met en opposition l’actuel refus de la SCP d’examiner et de corriger le grief de 2006 et la décision relative au grief de 2009, dans lequel la SCP a passé en revue une partie du grief de 2006 et a décidé qu’il n’y avait aucune preuve à l’appui de la déclaration selon laquelle l’ordinateur du demandeur avait été envoyé à une source externe en vue d’être reformaté à ses frais. Ce dernier affirme ensuite qu’il était déraisonnable que l’on rejette les corrections qu’il demande actuellement au motif qu’une décision finale avait déjà été rendue – notamment au sujet de la non-conformité des logiciels présents dans son ordinateur au cours des années 2004 et 2005. Plus précisément, il explique que le SCC n’a fourni que des documents étayant l’inspection de l’ordinateur, qui a eu lieu le 10 novembre 2005.

 

[27]           Pour ce qui est de la déclaration faite par la directrice intérimaire (dans le contexte du premier palier du grief de 2006), à savoir que le demandeur avait bénéficié du [traduction] « bénéfice du doute » selon lequel il se pouvait que des logiciels non autorisés aient été installés dans son ordinateur par quelqu’un d’autre, le demandeur soutient une fois de plus qu’il y a un manque de preuve à l’appui de cette déclaration. Il fait également référence à des éléments de preuve contredisant la déclaration de la directrice intérimaire en vue d’en démontrer l’inexactitude. Il soutient par ailleurs que, si le SCC avait bel et bien trouvé des logiciels non autorisés, il les aurait dans ce cas supprimés de son ordinateur de façon permanente et ne lui aurait pas permis de les éliminer lui-même.

 

[28]           Le demandeur soutient que les autorités n’ont pas agi d’une manière conforme à la politique du SCC et qu’elles ont contrevenu aux paragraphes 24(1) et 27(2) de la LSCMLC. Il soutient que la Directive no 701 du commissaire, au paragraphe 13, ainsi que le paragraphe 24(1) de la LSCMLC, obligent le SCC à s’assurer qu’il existe des éléments de preuve fiables qui corroborent ou qui contredisent les renseignements figurant dans le dossier d’un détenu. Il ajoute que le SCC n’a pas respecté ces exigences, car il a fait abstraction des éléments de preuve contredisant les déclarations qui ont été faites, tout en omettant de fournir une preuve à l’appui. En particulier, il déclare qu’il ignorait l’existence du registre des interventions de Lisa Saether avant qu’il le reçoive dans le dossier certifié du tribunal du défendeur. Il s’agit là, dit-il, d’un élément de preuve extrêmement important, car il étaye sa version des faits qui sont survenus en rapport avec son ordinateur. Il aurait dû avoir accès à ce document aux termes du paragraphe 27(2) de la LSCMLC, non seulement dans le cadre du grief au troisième palier de 2012, mais aussi en 2006.

 

[29]           De l’avis du défendeur, le demandeur tente simplement de miner la finalité d’une décision administrative datant de 2006 et qu’il n’a jamais contestée à l’époque par la voie d’un contrôle judiciaire. Le défendeur explique que, maintenant, plusieurs années plus tard, le demandeur porte indirectement en appel une décision finale au moyen d’une demande de correction de dossier. Pour illustrer cet argument, le défendeur se reporte aux passages importants du mémoire du demandeur qui contestent la légitimité de la décision relative au grief de 2006. Cela n’est tout simplement pas admissible (Apotex Inc c Canada (Santé), 2011 CF 1308, aux paragraphes 19 et 20). Quoi qu’il en soit, le paragraphe 24(2) ne traite que des renseignements auxquels un délinquant a eu accès en vertu des paragraphes 23(2) et 23(1), plutôt que de « n’importe quels renseignements concernant un délinquant qui peuvent faire l’objet de corrections [...] » (Tehrankari c Canada (Service correctionnel) (2001), 188 FTR 206, aux paragraphes 52 et 53 (Tehrankari (2001))). De plus, soutient également le défendeur, il ressort du dossier que les renseignements que le demandeur conteste n’ont pas servi à évaluer son risque et son comportement, car ils ne figurent pas dans les rapports de gestion de cas le concernant.

 

[30]           Par exemple, le défendeur fait référence à la correction que le demandeur voudrait que l’on apporte à la déclaration que la directrice intérimaire aurait faite au premier palier de la procédure de règlement de griefs en 2006 : [traduction] « La directrice intérimaire vous a accordé le bénéfice du doute selon lequel les logiciels non autorisés trouvés dans votre ordinateur y ont peut-être été installés par quelqu’un d’autre ». Le demandeur soutient qu’il n’existe aucune preuve corroborant la déclaration selon laquelle la directrice lui a accordé le [traduction] « bénéfice du doute », mais, explique le défendeur, il aurait fallu que le demandeur sollicite un redressement à ce moment-là en poursuivant son grief au palier suivant de la procédure de règlement de griefs et, à terme, en présentant une demande de contrôle judiciaire, plutôt que de demander maintenant une correction au titre du paragraphe 24(2) de la LSCMLC. Le défendeur soutient qu’étant donné que le demandeur ne l’a pas fait, il ne peut pas demander maintenant que cette décision administrative finale soit modifiée par l’application de l’article 24 de la LSCMLC ou par la voie du présent contrôle judiciaire. Le défendeur invoque le même argument en rapport avec toutes les autres déclarations pour lesquelles le demandeur sollicite une correction de dossier.

 

[31]           Les arguments du défendeur sont convaincants. Au départ, je souscris à son évaluation de la situation, en ce sens que le demandeur recourt à une attaque indirecte. S’il était en mesure de contester les déclarations de fait découlant de décisions finales antérieures, cela compromettrait dans ce cas la certitude d’une telle décision. Même si les décisions antérieures ayant mené aux déclarations de fait contestées qui figurent maintenant dans le dossier correctionnel du demandeur ne reposaient pas suffisamment sur des éléments de preuve vérifiables, il est raisonnable à première vue que l’auteur de la décision de 2012 n’ait pas reconsidéré les éléments de preuve sur lesquels étaient fondées les décisions rendues antérieurement, soit en 2006 et en 2009. Cela reviendrait à rouvrir des décisions finales que le demandeur n’a pas décidé à l’époque de porter en appel. Tout comme dans le contexte d’un délai de prescription expiré, que les revendications en litige soient fondées ou pas, le délai dans lequel le demandeur aurait pu porter en appel les décisions finales est écoulé.

 

[32]           Cette conclusion-là est un facteur déterminant dans la décision que j’ai prise de rejeter l’argument du demandeur selon lequel la décision contestée est déraisonnable et illégale. Si le demandeur voulait contester la légalité des décisions rendues en 2006 et en 2009, il lui incombait de présenter une demande de prorogation de délai et d’expliquer de manière raisonnable le long délai qui s’est écoulé en l’espèce. Soit dit en passant, je suis disposé à admettre qu’il peut y avoir des problèmes dans la façon dont le SCC a traité ce dossier, mais, tout compte fait, je ne considère pas qu’il s’agit là d’un facteur déterminant dans le cas présent. Pour ce qui est de la déclaration de fait particulière qui est attribuée à la directrice intérimaire – le [traduction] « bénéfice du doute » – il semble n’y avoir dans le présent dossier aucune preuve qui corrobore cette déclaration. Je suis toutefois disposé à accepter l’explication du défendeur selon laquelle il est normal qu’il semble qu’aucune preuve ne corrobore la déclaration en question, vu qu’une telle preuve se trouverait dans le dossier se rapportant à la décision rendue en 2006 et n’aurait pas été incluse dans le dossier certifié qui concerne la légalité de la décision de 2012.

 

[33]           Les déclarations de fait restantes que conteste le demandeur sont celles qui se rapportent à la présence de logiciels non autorisés dans son ordinateur, et je note que le dossier accessible contient un certain nombre d’éléments qui confirment la présence de ces logiciels dans l’ordinateur du demandeur au cours de la période pertinente. La première fois que l’ordinateur a été saisi, les diverses notes de service établies, de même que les communications internes, indiquaient clairement quels étaient les logiciels non autorisés qui avaient été repérés. De plus, après la seconde saisie de l’ordinateur, quand on a découvert que quelqu’un avait trafiqué les sceaux informatiques, il est clairement indiqué aussi quels sont les logiciels que l’on a considérés comme non autorisés. À l’audience qui s’est déroulée devant moi, l’avocate du défendeur a notamment fait référence aux deux notes de service de 2005 (voir les pages 62 et 67 du dossier du défendeur). Cela suffit pour étayer la décision.

 

[34]           Le demandeur ne m’a pas persuadé non plus qu’il y avait une lacune sérieuse dans le raisonnement de la SCP ou que cette dernière avait fait abstraction de dispositions légales applicables. Ses motifs sont clairement exposés et détaillés. La SCP reconnaît que, bien que l’on ait examiné au troisième palier les [traduction] « documents dans le dossier » et souligné comme il faut les changements que demandait le demandeur, on n’a pas [traduction] « commencé par mentionner la demande initiale [du demandeur] concernant une correction de dossier, la décision de rejeter la demande [du demandeur] ou les motifs du rejet ». La SCP fait de nouveau référence à la Directive no 701 du commissaire, et plus précisément aux paragraphes 20 à 23 de l’annexe B, pour signaler que l’omission commise au troisième palier ne concorde pas avec la Directive. Le grief du demandeur a donc été confirmé à cet égard, là aussi.

 

[35]           Pour ce qui est de l’équité du processus de règlement de griefs, j’ai également pris en compte la déclaration du demandeur selon laquelle il ignorait l’existence du registre des interventions de Lisa Saether avant qu’il en reçoive une copie par l’intermédiaire du dossier certifié du tribunal. Le demandeur soutient que cette preuve est [traduction] « un élément de preuve extrêmement important, car il étaye manifestement une partie de [sa] version des faits que le SCC conteste depuis 2006 ». Il déclare que ce document aurait dû lui être remis plus tôt, conformément au paragraphe 27(2) de la LSCMLC. Cependant, je ne conclus pas que l’accès à ce registre des interventions aurait été déterminant, puisque les arguments qu’invoque le demandeur sur ce point semblent avoir été confirmés par la SCP.

 

[36]           Je me permets d’ajouter que le même raisonnement s’applique aux arguments que le demandeur a invoqués à propos de la déclaration inexacte – celle concernant le [traduction] « bénéfice du doute » - que la directrice intérimaire a censément faite. Le registre des interventions de Lisa Saether indique, notamment : [traduction] « La directrice int. Wrenshall a conclu que les erreurs de documentation ont peut-être bien été commises, mais la seule façon dont elle acceptera que M. Fischer est propriétaire du logiciel Windows 98 est de faire comparer le numéro d’ID qui figure dans le manuel au numéro d’ID qui se trouve dans son ordinateur. » Comme l’affirme le demandeur, rien n’est dit à propos du fait que la directrice intérimaire a accordé au demandeur le [traduction] « bénéfice du doute ». Cependant, comme il a été mentionné plus tôt, la décision contestée semble concorder avec l’argument du demandeur quant à l’inexactitude de la déclaration relative au [traduction] « bénéfice du doute » qui figurait dans la décision relative au grief de 2006.

 

[37]           Quant à l’allégation générale selon laquelle le processus de règlement de griefs est inéquitable, dans le cas présent en particulier, elle n’est tout simplement pas étayée par la preuve, et il y a lieu de rejeter aussi ce dernier argument.

 

[38]           En conclusion, je ne suis pas convaincu que la décision contestée est déraisonnable, que le processus était inéquitable ou qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale en l’espèce. Il n’y a aucune raison d’intervenir dans le cas présent.

 

[39]           En dépit du fait qu’il y a lieu de rejeter la présente demande, en exerçant mon pouvoir discrétionnaire et en tenant compte de la totalité des facteurs pertinents, dont la situation particulière du demandeur et les présents motifs du jugement, je n’adjuge aucuns dépens.

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans frais.

 

« Luc Martineau »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche, traducteur


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-36-13

 

INTITULÉ :                                      PATRICK DANIEL FISCHER c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :             LE 31 JUILLET 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT :           LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                     LE 12 AOÛT 2013

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Patrick Fischer

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Liliane Bantourakis

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Patrick Fischer

Agassiz (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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