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Date : 20131008


Dossier : IMM-11625-12

 

Référence : 2013 CF 1017

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Calgary (Alberta), le 8 octobre 2013

En présence de madame la juge Mactavish

 

ENTRE :

FAITH AYANRU

 

demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Faith Ayanru sollicite le contrôle judiciaire du rejet de sa demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, alléguant principalement que les motifs donnés par l’agent d’immigration pour justifier le rejet de cette demande étaient insuffisants.

 

[2]               Comme il sera expliqué ci‑dessous, je suis d’avis que les motifs de l’agent eu égard aux motifs d’ordre humanitaire respectent le critère établi par la jurisprudence récente en matière d’appel, et que la décision de l’agent était raisonnable. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire de Mme Ayanru sera rejetée.

 

Analyse

[3]               Mme Ayanru s’appuie sur la décision Adu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 565, 139 A.C.W.S. (3d) 164, que j’ai rendue, pour étayer son affirmation selon laquelle les motifs fournis par l’agent étaient insuffisants. La décision Adu se distingue de la présente espèce dans une certaine mesure pour ce qui concerne les faits, étant donné que, dans cette affaire, les facteurs favorables à l’octroi d’une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire avaient été pris en considération, puis la demande avait été rejetée sans explication des motifs. Dans la décision Adu, le demandeur ne pouvait pas comprendre pourquoi sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire avait été refusée. En l’espèce, l’agent a présenté et examiné à la fois les facteurs favorables et les facteurs défavorables avant de conclure qu’aucune dispense pour des motifs d’ordre humanitaire ne devait être accordée.

 

[4]               Il importe également de souligner qu’en ce qui concerne le caractère suffisant des motifs des décisions des tribunaux administratifs, le droit applicable a grandement évolué depuis l’époque où la décision Adu a été rendue, tant pour ce qui est du niveau de détail de l’analyse sur laquelle devraient reposer les décisions reposant sur des faits et les décisions discrétionnaires, comme celle qui nous intéresse en l’espèce, que pour ce qui est du caractère suffisant des motifs en tant que raison justifiant à elle seule le contrôle judiciaire.

 

[5]               Dans l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 S.C.R. 190, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’aux fins du contrôle d’une décision où s’applique la norme de la décision raisonnable, il convient de tenir compte de la justification, de la transparence et de l’intelligibilité du processus décisionnel, et de la question de savoir si la décision appartient aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit : voir l’arrêt Dunsmuir, au paragraphe 47.

 

[6]               De surcroît, le tribunal d’examen doit faire preuve d’une « attention respectueuse aux motifs donnés ou qui pourraient être donnés à l’appui d’une décision » : Alliance de la fonction publique du Canada c. Société Canadienne des postes et Commission canadienne des droits de la personne, 2010 CAF 56, [2011] 2 A.C.F. 221, au paragraphe 164. [Souligné dans l’original.]

 

[7]               Dans l’arrêt Newfoundland and Labrador Nurses Union c. Terre‑Neuve‑et-Labrador (Conseil du Trésor), 2011 CSC 62, [2011] 3 R.C.S. 708, la Cour suprême a déclaré que l’insuffisance des motifs ne permet pas à elle seule de casser une décision. Plutôt, les motifs doivent être examinés en corrélation avec le résultat en vue de déterminer si ce dernier fait partie des issues possibles : au paragraphe 14.

 

[8]               Dans l’arrêt Construction Labour Relations c. Driver Iron Inc., 2012 CSC 65, [2012] 3 R.C.S. 405, la Cour suprême répète qu’un tribunal administratif « n’a pas l’obligation d’examiner et de commenter dans ses motifs chaque argument soulevé par les parties », même sur des questions en apparence fondamentales, pourvu que la décision, « considérée dans son ensemble, à la lumière du dossier, [soit] raisonnable » : au paragraphe 3.

 

[9]               Lorsque le décideur examine une affaire qui soulève des questions de fait et des questions discrétionnaires ayant un aspect juridique négligeable, l’éventail des issues possibles acceptables dont il dispose pourrait être très vaste. Par conséquent, dans ce genre d’affaire, il sera relativement difficile pour le demandeur d’établir que la décision n’appartient pas aux issues possibles acceptables : Procureur général du Canada c. Lawrence Abraham et al., 2012 CAF 266, 440 N.R. 201, au paragraphe 44.

 

[10]           Mme Ayanru a invoqué trois motifs d’ordre humanitaire à l’appui de sa demande, soit l’intérêt supérieur de ses quatre enfants au Nigeria, le risque que pose son ex‑mari pour sa sécurité dans ce pays, selon ce qu’elle allègue, et son établissement au Canada.

 

[11]           L’agent a accordé peu de poids à l’intérêt supérieur des enfants de Mme Ayanru, soulignant le peu d’information fournie à cet égard et le fait qu’il n’a pas été expliqué en quoi le fait de renvoyer Mme Ayanru auprès de ses enfants au Nigeria aurait une incidence sur les intérêts de ces derniers. Cette conclusion est raisonnable, et il importe également de souligner que les enfants étaient tous âgés de plus de 18 ans au moment où la décision relative à la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été rendue.

 

[12]           Eu égard au risque allégué que courrait Mme Ayanru au Nigeria, l’agent chargé de l’examen de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a souligné que la demande d’asile de Mme Ayanru avait été refusée pour des raisons de crédibilité et qu’aucun renseignement supplémentaire étayant le risque n’avait été présenté à l’appui de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. De plus, Mme Ayanru n’a pas démontré qu’elle ne pourrait pas vivre en toute sécurité dans différentes villes du Nigeria.

 

[13]           Une bonne partie de l’information fournie par Mme Ayanru à l’appui de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire concernait la question de l’établissement. L’agent a expressément souligné que ces éléments de preuve avaient été examinés, et il a convenu que Mme Ayanru avait atteint un degré d’établissement raisonnable au Canada. Bien qu’il considérait que le degré d’établissement était un facteur favorable, l’agent chargé de l’examen de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a néanmoins conclu que ce degré d’établissement n’était pas inhabituel pour quelqu’un se trouvant au Canada depuis quelque neuf années, et qu’il ne justifiait pas une dispense.

 

[14]           La raison pour laquelle la demande de Mme Ayanru fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a été refusée est donc claire. Mme Ayanru ne souscrit peut‑être pas à la décision, en particulier à la conclusion de l’agent eu égard à son degré d’établissement au Canada, mais il reste que la décision fait partie des issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit, à la lumière du dossier soumis à l’agent.

 

[15]           Il ne fait nul doute que Mme Ayanru est une personne vaillante et apte qui a travaillé d’arrache‑pied pour bien gagner sa vie au Canada. Ses efforts sont louables, mais il ne s’agit pas en l’espèce de déterminer si l’auteure de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire serait un bon élément pour le Canada.

 

[16]           Comme l’a affirmé le juge Pelletier dans la décision Irimie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 101 A.C.W.S. (3d) 995, 10 Imm. L.R. (3d) 206, si tel était le critère, « la procédure d’examen des demandes fondées sur des raisons d’ordre humanitaire deviendrait un mécanisme d’examen ex post facto l’emportant sur la procédure d’examen préalable prévue par la [loi] ». Cela encouragerait ainsi les personnes « à tenter leur chance et à revendiquer le statut de réfugié en croyant que s’ils peuvent rester au Canada suffisamment longtemps pour démontrer qu’ils sont le genre de gens que le Canada recherche, ils seront autorisés à rester » : au paragraphe 26.

 

[17]           Selon le juge Pelletier, le « degré d’attachement se rapporte à la question de savoir si la difficulté découlant du fait qu’une personne doit quitter le Canada est inhabituelle ou excessive. Il n’a pas pour effet de régler ces questions » : décision Irimie, au paragraphe 20. En l’espèce, l’agent chargé de l’examen de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a raisonnablement conclu que Mme Ayanru n’avait pas établi qu’elle subirait des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives en raison de son établissement au Canada si elle était obligée de présenter une demande de résidence permanente de l’étranger.

 

Conclusion

[18]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. Je conviens avec les parties qu’aucune question pour certification ne se pose en l’espèce.

 


JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Anne L. Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Geneviève Tremblay, trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DOSSIER :

IMM-11625-12

 

INTITULÉ :

FAITH AYANRU c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :              Calgary, Alberta

 

DATE DE L’AUDIENCE :             Le 7 octobre 2013

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                            La juge Mactavish

 

DATE DES MOTIFS :                     Le 8 octobre 2013

 

COMPARUTIONS :

Lori O’Reilly

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

Brad Hardstaff

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

O’Reilly Law Office

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 


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