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Date : 20131016


Dossier :

T-1335-12

 

Référence : 2013 CF 1044

Ottawa (Ontario), le 16 octobre 2013

En présence de madame la juge Mactavish

 

ENTRE :

ALIREZA GOMRAVI

 

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

(LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL) ET

PASSEPORT CANADA

 

défendeurs

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1]               Alireza Gomravi sollicite le contrôle judiciaire de la décision de Passeport Canada de lui révoquer son passeport et de lui refuser l’accès aux services de passeport pendant cinq ans. Passeport Canada a découvert que M. Gomravi avait utilisé son passeport canadien alors qu’il agissait à titre d’accompagnateur aidant une personne non identifiée qui utilisait le passeport d’un certain Ebrahim Latifi, au moment où elle se préparait à prendre un vol à destination du Canada.

 

[2]               Monsieur Gomravi soutient que la décision de Passeport Canada est déraisonnable et qu’il a été traité de façon inéquitable parce que des éléments de preuve importants ne lui ont pas été communiqués durant le processus d’arbitrage.

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’il y a eu manquement au principe de l’équité procédurale envers M. Gomravi lors du processus d’arbitrage. En conséquence, sa demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

Contexte

[4]               Les faits donnant lieu à la révocation du passeport de M. Gomravi sont compliqués et tortueux. Puisque j’estime que la question de l’équité procédurale permet de trancher le litige, je n’examinerai pas de manière exhaustive toutes les allégations et diverses explications de M. Gomravi concernant ce qui s’est passé à l’aéroport d’Istanbul le 23 décembre 2010.

 

[5]               Je me contenterai de dire que M. Gomravi est un citoyen canadien d’origine iranienne qui détenait un passeport délivré le 12 mars 2010. Il est une connaissance d’Ebrahim Latifi, un autre citoyen canadien. D’ailleurs, M. Gomravi a agi à titre de répondant pour la demande de passeport canadien produite par M. Latifi le 6 mai 2006.

 

[6]               Le 23 décembre 2010, M. Gomravi se trouvait à l’aéroport d’Istanbul, où il s’apprêtait à prendre un vol à destination de Toronto. Monsieur Gomravi a été arrêté par les autorités de la sécurité aéroportuaire turque, qui a déterminé qu’il voyageait en compagnie d’un imposteur muni du passeport canadien de M. Latifi.

 

[7]               M. Gomravi a d’abord déclaré que lui et l’imposteur étaient amis. Cependant, après qu’il fut devenu manifeste que les autorités turques doutaient de l’identité de l’autre personne, M. Gomravi a modifié sa version et nié connaître la personne en question.

 

[8]               Les autorités de la sécurité aéroportuaire turque ont par la suite découvert que la veille, M. Gomravi et l’imposteur avaient modifié leur affectation de siège afin de pouvoir faire ensemble le vol Istanbul‑Toronto. Elles en sont arrivées à la conclusion que M. Gomravi avait facilité l’obtention des documents de voyage irréguliers de l’imposteur et en ont informé les autorités canadiennes. Les autorités turques ont aussi fourni aux autorités canadiennes une photo de la personne qui utilisait le passeport de M. Latifi ainsi qu’une copie du passeport lui-même.

 

[9]               Passeport Canada a mené une enquête au sujet de MM. Gomravi et Latifi. Le même enquêteur a été chargé d’effectuer les deux enquêtes, et il y avait de nombreux recoupements dans les éléments de preuve des deux dossiers en ce qui a trait aux événements du 23 décembre 2010.

 

[10]           Le 26 mai 2011, Passeport Canada a envoyé à M. Gomravi une lettre de proposition l’informant qu’il faisait l’objet d’une enquête pour avoir été impliqué dans une tentative d’accompagner au Canada une personne munie de documents irréguliers. Une lettre semblable a été envoyée à M. Latifi le même jour.

 

[11]           La lettre à M. Gomravi l’informait qu’au vu des renseignements qu’elle avait recueillis au cours de son enquête, la Direction des enquêtes de Passeport Canada recommanderait à un arbitre de révoquer son passeport, en application de l’alinéa 10(2)b) du Décret sur les passeports canadiens, TR/81-86 (copie jointe aux présents motifs), et de lui interdire l’accès aux services de passeport pendant cinq ans à compter du 23 décembre 2010.

 

[12]           Monsieur Gomravi a ensuite été invité à fournir à Passeport Canada des renseignements [traduction] « contredisant ou invalidant » ceux qui avaient été exposés dans la lettre de proposition du 26 mai 2011, avant qu’un arbitre ne rende une décision définitive.

 

[13]           De juillet à octobre 2011, M. Gomravi et Passeport Canada ont correspondu au sujet des allégations. Dans cette correspondance, M. Gomravi a fait un certain nombre de déclarations incohérentes et confuses. Après avoir examiné les observations de M. Gomravi, la Direction des enquêtes de Passeport Canada a renvoyé son dossier à un arbitre le 21 octobre 2011.

 

[14]           Les dossiers de MM. Gomravi et Latifi ont été confiés au même arbitre. Dans les deux cas, l’arbitre a conclu qu’il y avait eu utilisation irrégulière du passeport de M. Latifi et que M. Gomravi avait facilité les déplacements d’une personne munie de documents irréguliers et qui voyageait avec le passeport canadien de M. Latifi. Messieurs Gomravi et Latifi se sont vu infliger la même sanction, soit la révocation de leur passeport et la suspension de l’accès aux services de passeport pendant cinq ans.

 

Analyse

[15]           Monsieur Gomravi nie catégoriquement avoir facilité les déplacements d’un imposteur lors de son passage à l’aéroport d’Istanbul. En fait, M. Gomravi nie l’existence d’un tel imposteur. Bien que le témoignage de M. Gomravi sur ce point ait varié au fil du temps, il insiste maintenant pour dire que c’est M. Latifi lui-même qui voyageait avec son propre passeport canadien le 23 décembre 2010, et qu’il était déraisonnable pour l’arbitre d’avoir tiré une autre conclusion. Vu ma conclusion sur la question de l’équité procédurale, je ne vois pas l’utilité de me prononcer sur cet argument.

 

[16]           Monsieur Gomravi affirme avoir été traité de façon inéquitable parce que des renseignements et des faits essentiels ne lui ont pas été communiqués durant les processus d’enquête et d’arbitrage.

 

[17]           Monsieur Gomravi mentionne notamment un courriel que l’agent de l’Agence des services frontaliers du Canada à l’ambassade canadienne à Ankara a envoyé à l’enquêteur le 27 juin 2011, dans lequel il est écrit que les policiers turcs [traduction] « n’ont pu conclure que [l’individu qui utilisait le passeport de M. Latifi] était un imposteur ». L’auteur du courriel affirme ensuite qu’en conséquence, la personne a été autorisée à retourner en Allemagne (son point de départ) à bord du premier vol de retour disponible. Il ajoute que la police turque a informé la police allemande que la personne en question était en route pour l’Allemagne. Selon M. Gomravi, ce courriel est une preuve disculpatoire, étant donné qu’il remet en question l’existence même de l’imposteur.

 

[18]           Monsieur Gomravi mentionne aussi le rapport d’« analyse de comparaison faciale » du 11 juillet 2011, analyse qui compare la photo de la personne interceptée munie du passeport de M. Latifi le 23 décembre 2010 à la photo de M. Latifi qui figure dans son passeport canadien. Le rapport conclut que ces photos représentent deux personnes différentes.

 

[19]           Ni l’un ni l’autre de ces documents n’a été fourni à M. Gomravi avant que la décision ne soit prise de révoquer son passeport. Monsieur Gomravi n’a appris l’existence de ces documents qu’au moment où il a obtenu la copie du dossier certifié du tribunal déposé à l’occasion de la demande de contrôle judiciaire concernant la révocation du passeport de M. Latifi.

 

[20]           Monsieur Gomravi affirme que ces deux documents étaient pertinents pour les questions dont l’arbitre était saisi, et qu’on l’a privé de toute possibilité d’y répondre. À l’appui de son argument voulant qu’il s’agisse là d’un déni d’équité procédurale, M. Gomravi invoque le jugement rendu Abdi c. Canada (Procureur général), 2012 CF 642, [2012] A.C.F. no 945, dans lequel le juge Gleason a statué que Passeport Canada avait manqué aux principes d’équité procédurale envers la demanderesse en omettant de communiquer des renseignements qui étaient importants pour l’enquête.

 

[21]           Le ministre affirme que dans la lettre du 26 mai 2011 que Passeport Canada a envoyée à M. Gomravi, les allégations le visant sont clairement énoncées. De plus, la correspondance subséquente entre M. Gomravi et Passeport Canada démontre que M. Gomravi s’est vu offrir une occasion valable de contester ces allégations.

 

[22]           De plus, le ministre fait observer que ni le courriel ni le rapport d’analyse de comparaison faciale ne figurent au dossier certifié du tribunal dans l’Affaire concernant M. Gomravi. Selon le ministre, l’absence de ces documents prouve que l’arbitre ne les avait pas à sa disposition lorsqu’il a rendu la décision faisant l’objet du présent contrôle, ce que confirme d’ailleurs le fait que l’arbitre ne renvoie à aucun de ces documents dans sa décision. Le ministre fait aussi observer que ces documents sont tous deux postérieurs à la date de la lettre de la Direction des enquêtes, soit le 26 mai 2011.

 

[23]           Par conséquent, le ministre affirme que Passeport Canada n’était tenu de communiquer ni l’un ni l’autre de ces documents à M. Gomravi, et il n’y a pas eu déni d’équité procédurale en l’espèce.

 

[24]           Je ne puis accepter l’argument du ministre.

 

[25]           Si les dossiers de MM. Latifi et Gomravi sont en principe deux affaires distinctes, en réalité, ils ont des liens très étroits et cette distinction entre les deux dossiers est en fait quelque peu artificielle. Les mêmes personnes et les mêmes événements sont visés dans les deux affaires. Les deux personnes ont fait l’objet d’enquêtes menées en même temps par le même enquêteur, et bon nombre des éléments de preuve des deux affaires se recoupent.

 

[26]           S’ajoute à cette relation le fait que le même arbitre a été affecté aux deux dossiers. Fait significatif, au moment de rendre sa décision dans le dossier de M. Gomravi, l’arbitre avait déjà tiré des conclusions très précises et accablantes contre M. Gomravi dans le contexte du dossier de M. Latifi au vu du dossier dont il était saisi dans cette affaire, laquelle comportait aussi le courriel de l’ASFC du 27 juin 2011 et le rapport d’analyse de comparaison faciale.

 

[27]           Or, il est clairement indiqué dans la décision du juge Manson dans l’affaire Latifi c. Procureur général du Canada et autres, 2013 CF 939, [2013] A.C.F. no 975 (QL), que la décision de l’arbitre dans le dossier de M. Latifi a été prononcée le 22 septembre 2011 et qu’elle a été réexaminée et rendue une deuxième fois le 17 octobre 2011 : au paragraphe 8. La décision dans le dossier de M. Gomravi a été rendue le 12 juin 2012.

[28]           Compte tenu de la preuve versée au dossier de M. Latifi, l’arbitre a conclu que celui-ci avait permis à un imposteur d’utiliser son passeport pour se rendre à Toronto à partir d’Istanbul. Fait encore plus important, l’arbitre a aussi conclu que M. Gomravi avait aidé M. Latifi à commettre son imposture : voir la décision du juge Manson, au paragraphe 11.

 

[29]           Il importe de souligner que si cette conclusion de l’arbitre avait pu susciter d’autres questions, M. Gomravi a limité ses arguments à la question de la non-communication.

 

[30]           Le rapport d’« analyse de comparaison faciale » du 11 juillet 2011 était un élément de preuve potentiellement très accablant pour M. Gomravi. Bien que dans le dossier de M. Gomravi l’arbitre n’ait pas renvoyé au rapport dans sa décision, rien dans cette décision ne permet de croire que l’arbitre a fait abstraction des éléments de preuve qu’il avait examinés dans le dossier de M. Latifi.

 

[31]           À mon sens, le fait que le courriel de l’ASFC et le rapport d’« analyse de comparaison faciale » aient tous deux été rédigés après la lettre du 26 mai 2011 que Passeport Canada avait transmise à M. Gomravi, lettre dans laquelle il est visé par les allégations, ne libérait pas Passeport Canada de son obligation de communiquer ces éléments de preuve à M. Gomravi.

 

[32]           Notre Cour a statué que le devoir d’agir équitablement dans les affaires de révocation de passeport exige que tous les faits importants découverts par Passeport Canada dans son enquête soient communiqués aux parties concernées : Abdi, précitée, au paragraphe 21. Cela comprend autant les renseignements inculpatoires que disculpatoires.

 

[33]           Le fait que les policiers turcs [traduction] « n’ont pu conclure que [l’individu qui utilisait le passeport de M. Latifi] était un imposteur » est sans contredit un fait important pertinent quant à la preuve qui pèse contre M. Gomravi. Il s’agit incontestablement d’une preuve disculpatoire du fait qu’elle pourrait remettre en question l’existence de l’imposteur, existence qui jouait un rôle fondamental dans la preuve retenue contre M. Gomravi.

 

[34]           Certes, il aurait été loisible à l’arbitre de décider de l’importance à accorder à cette preuve, à la lumière des autres éléments dont il disposait pour corroborer l’existence de l’imposteur. Toutefois, l’équité exigeait que M. Gomravi se voie offrir au moins l’occasion d’aborder cette question avant qu’une décision de révocation de son passeport ne soit rendue contre lui.

 

Réparation

[35]           Le ministre prétend que même s’il y a eu manquement au principe d’équité procédurale dans la présente affaire, il ne servirait à rien d’annuler la décision de Passeport Canada et de renvoyer l’affaire afin qu’une nouvelle décision soit rendue. Le ministre fait valoir qu’un renvoi se traduirait inévitablement par le même résultat, compte tenu du manque flagrant de crédibilité de M. Gomravi et des modifications qu’il apportait sans cesse à sa version des faits.

 

[36]           En règle générale, un manquement à l’équité procédurale a pour effet de rendre nulles l’instruction et la décision qui en résulte : voir l’arrêt Cardinal c. Directeur de l’Établissement Kent, [1985] 2 R.C.S. 643, 24 D.L.R. (4th) 44. La Cour suprême fait observer dans l’arrêt Cardinal qu’il faut considérer le droit à une audition équitable « comme un droit distinct et absolu qui trouve sa justification essentielle dans le sens de la justice en matière de procédure à laquelle toute personne touchée par une décision administrative a droit » : au paragraphe 23. La Cour a ensuite fait les observations suivantes plus loin dans le même paragraphe : « Il n’appartient pas aux tribunaux de refuser ce droit et ce sens de la justice en fonction d’hypothèses sur ce qu’aurait pu être le résultat de l’audition. »

 

[37]           Il existe une exception restreinte à cette règle : la cour de révision peut faire abstraction d’un manquement à l’équité procédurale « lorsque le fondement de la demande est à ce point faible que la cause est de toute façon sans espoir » : Mobil Oil Canada Ltd. et autres c. Office Canada–Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, [1994] A.C.S. no 14 (QL), au paragraphe 53. Voir aussi l’arrêt Yassine c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1994), 172 N.R. 308, au paragraphe 9 (C.A.F.), 27 Imm. L.R. (2d) 135. Cela peut être le cas lorsque, par exemple, les circonstances de l’affaire comportent une question de droit pour laquelle il existe une réponse inéluctable : Mobil Oil, au paragraphe 52. Dans cet arrêt cependant, le juge Iacobucci souligne ensuite le « caractère exceptionnel » de cette exception, et son désir « de ne pas l’appliquer de manière générale » : au paragraphe 54.

 

[38]           J’ai examiné soigneusement l’argument du ministre. Bien que le témoignage de M. Gomravi présente indubitablement de graves problèmes de crédibilité, j’estime qu’à la lumière de l’ensemble du dossier, Passeport Canada sera mieux à même d’examiner ces questions une fois que M. Gomravi aura eu la possibilité de prendre connaissance des éléments de preuve qui n’ont pas encore été communiqués.

 

[39]           Monsieur Gomravi a également présenté des observations sur la question de la réparation. Il soutient que si j’accueille sa demande, je devrais annuler la décision de révoquer son passeport de même que la suspension de l’accès aux services de passeport, et que je ne devrais pas renvoyer l’affaire pour réexamen. Monsieur Gomravi fait observer que son accès aux services de passeport a déjà été suspendu depuis près de trois ans et que le délai associé au réexamen de son dossier donnerait à l’affaire un caractère théorique.

 

[40]           Je ne suis pas disposée à accorder à M. Gomravi la réparation qu’il demande. Je rappelle que la retenue envers le processus instauré par le législateur exige que ce soit Passeport Canada qui se prononce sur le bien-fondé des arguments avancés contre M. Gomravi. Bien que je sois sensible aux inquiétudes de M. Gomravi concernant les retards qui pourraient être associés au processus de réexamen, il est possible d’y répondre par la fourniture de directives régissant ce processus.

Conclusion

[41]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de M. Gomravi est accueillie, et la décision de l’arbitre de Passeport Canada, datée du 12 juin 2012, est annulée.

 

[42]           La question de la révocation du passeport de M. Gomravi et l’imposition d’une interdiction pour celui-ci de recevoir des services de passeport sont renvoyées à Passeport Canada pour qu’un autre arbitre, différent de celui qui a rendu la décision du 12 juin 2012, statue à nouveau sur l’affaire, dans la mesure où un employé de Passeport Canada peut agir en qualité d’arbitre dans la présente affaire.

 

[43]           Si aucun autre employé ne peut agir en qualité d’arbitre, l’affaire pourra être renvoyée au même arbitre, qui tiendra une nouvelle audience sans prendre en considération, de quelque façon que ce soit, les propos contenus dans la décision annulée.

 

[44]           Monsieur Gomravi dispose de 30 jours pour présenter toutes les observations additionnelles qu’il juge souhaitables en fonction des nouveaux documents provenant du dossier certifié du tribunal dans le dossier de M. Latifi, et Passeport Canada devra rendre une décision dans le dossier de M. Gomravi dans les 60 jours suivant ce délai.

 

[45]           Ces délais pourront être modifiés si les parties s’entendent.

 

[46]           Monsieur Gomravi sollicite des dépens qu’il estime à 5 000 $, au motif que Passeport Canada a eu, selon lui, une conduite manifestement inéquitable. Les défendeurs sollicitent eux aussi des dépens de 5 000 $, au motif que M. Gomravi aurait eu une conduite répréhensible en tentant d’aider un individu à entrer illégalement au Canada.

 

[47]           Je reconnais que M. Gomravi devrait se voir attribuer des dépens en lien avec la présente demande, compte tenu de l’iniquité du processus, mais je ne suis pas disposée pour autant à lui accorder le montant demandé.

 

[48]           Lors de l’audience, l’avocat de M. Gomravi a formulé des allégations de racisme de la part des autorités canadiennes. L’avocat a fait observer que les droits fondamentaux de M. Gomravi inhérents à la citoyenneté avaient été bafoués par Passeport Canada, et a laissé entendre qu’une personne d’origine britannique n’aurait peut-être pas reçu le même traitement. L’avocat a concédé toutefois qu’il n’y avait aucune preuve au dossier indiquant que le racisme ait joué un rôle quelconque dans cette affaire.

 

[49]           C’est une affaire grave que d’alléguer que les fonctionnaires prennent des mesures motivées par le racisme, et de telles allégations ne devraient pas être formulées à la légère en l’absence de preuve à l’appui.    

 

[50]           Compte tenu de l’ensemble des circonstances et exerçant mon pouvoir discrétionnaire, j’accorde à M. Gomravi des dépens fixés à 1 500 $, y compris les débours.


JUGEMENT

 

LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de l’arbitre de Passeport Canada, datée du 12 juin 2012, est annulée.

 

2.                  Les questions de la révocation du passeport de M. Gomravi et de l’imposition à son égard d’une interdiction de recevoir des services de passeport sont renvoyées à Passeport Canada pour qu’un autre arbitre, différent de celui qui a rendu la décision du 12 juin 2012, statue à nouveau sur l’affaire, dans la mesure où un autre employé de Passeport Canada peut agir en qualité d’arbitre. Si aucun autre employé ne peut agir en qualité d’arbitre, l’affaire pourra être renvoyée au même arbitre, qui tiendra une nouvelle audience sans prendre en considération, de quelque façon que ce soit, les propos contenus dans la décision annulée.

 

3.                  Monsieur Gomravi dispose de 30 jours pour présenter des observations additionnelles, et Passeport Canada devra rendre une décision dans le dossier de M. Gomravi dans les 60 jours suivant ce délai. Ces délais pourront être modifiés si les parties s’entendent.

 

4.                   J’accorde à M. Gomravi des dépens fixés à 1 500 $, y compris les débours.

 

 

« Anne L. Mactavish »

Juge

 

Traduction certifiée conforme,

Linda Brisebois, LL.B.

 


Décret sur les passeports canadiens, SI/81-86

10. (1) Sans que soit limitée la généralité des paragraphes 4(3) et (4), il est entendu que le ministre peut révoquer un passeport pour les mêmes motifs que ceux qu’il invoque pour refuser d’en délivrer un.

(2) Il peut en outre révoquer le passeport de la personne qui :

[...]

 

 

b) utilise le passeport pour commettre un acte criminel au Canada, ou pour commettre, dans un pays ou État étranger, une infraction qui constituerait un acte criminel si elle était commise au Canada;

 

10.3 Dans le cas où un passeport aurait pu être révoqué pour l’un des motifs visés aux articles 10 et 10.1 — à l’exception du motif prévu à l’alinéa 9g) — s’il n’avait pas été expiré, le ministre peut imposer une période de refus de services de passeport pour le même motif si les faits qui auraient autrement pu mener à la révocation se sont produits avant la date d’expiration.

10. (1) Without limiting the generality of subsections 4(3) and (4) and for the greater certainty, the Minister may revoke a passport on the same grounds on which he or she may refuse to issue a passport.

(2) In addition, the Minister may revoke the passeport of a person who

[...]

 

(b) uses the passport to assist him in committing an indictable offence in Canada or any offence in a foreign country or state that would constitute an indictable offence if committed in Canada;

 

 

10.3 If a passport that is issued to a person has expired but could have been revoked under any of the grounds set out in sections 10 and 10.1 had it not expired, the Minister may impose a period of refusal of passport services on those same grounds, except for the grounds set out in paragraph 9(g), if the facts that could otherwise have led to the revocation of the passport occurred before its expiry date.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                                                                T-1335-12

 

INTITULÉ :

ALIREZA GOMRAVI c LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA (LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL) ET PASSEPORT CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

                                                                        Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

                                                                        lE 10 OCTOBRE 2013

 

                                                                                                                                          

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :               

                                                                        LA JUGE MACTAVISH

DATE DU JUGEMENT :

                                                                        le 16 octobre 2013

comparutions :

Bjorn Harsanyi et

Ram Sankaran

 

pour le demandeur

 

James Elford

 

pour les défendeurs

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsany

Barristers and Solicitors

Calgary (Alberta)

 

pour le demandeur

 

William F. Pentney

Sous-procureur général du Canada

Calgary (Alberta)

 

pour les défendeurs

 

 

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