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Date : 20130827

Dossier : T-1127-12

Référence : 2013 CF 905

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Ottawa (Ontario), le 27 août 2013

En présence de monsieur le juge Annis

 

 

ENTRE :

 

WILLIAM A. JOHNSON

 

 

 

demandeur

 

et

 

 

 

LE PRÉSIDENT INDÉPENDANT, TRIBUNAL DISCIPLINAIRE DE L’ÉTABLISSEMENT DE WARKWORTH

 

 

 

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Le demandeur sollicite, en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7, le contrôle de la décision disciplinaire du défendeur qui lui a imposé une amende de 20 $, avec un sursis de 21 jours, après l’avoir déclaré coupable de l’infraction disciplinaire d’avoir désobéi à un ordre.


Les faits

[2]               Il n’est pas contesté que le demandeur avait dit aux agents d’instruction qu’ils [traduction] « [pouvaient] aller se faire foutre » après que de nombreux agents correctionnels lui ont ordonné, à de multiples reprises, d’aller au Bureau des visites et de la correspondance (le Bureau) pour prendre livraison de documents juridiques qui lui avaient été signifiés. On l’a accusé d’avoir désobéi à un ordre, en violation de l’article 40 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, LC 1992, c 20 («  Est coupable d’une infraction disciplinaire le détenu qui : (a) désobéi à l’ordre légitime d’un agent [...] »), mais cela a été réduit à une inculpation mineure aux termes du paragraphe 30(3) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, DORS/92-620.

 

Les questions en litige

[3]               Le demandeur a soulevé deux questions : 1) existe‑t‑il une distinction quant à savoir si on a « donné instruction » [« directed » en anglais] ou « ordonné » [« ordered » en anglais] au demandeur de se présenter au Bureau? 2) l’instruction ou l’ordre était‑il justifié, étant donné son droit présumé de se soustraire à la signification de documents juridiques?

 

La norme de contrôle

[4]               La norme de contrôle pour les deux questions est la raisonnabilité. Voir Sweet c Canada (Procureur général), 2005 CAF 51, au paragraphe 14 :

Pour déterminer la norme de contrôle qui s’applique aux décisions relatives aux griefs des prisonniers, la juge des demandes a adopté l’analyse décrite par le juge Lemieux dans Tehrankari c. Service correctionnel du Canada (2000), 188 F.T.R. 206 (1re inst.), au paragraphe 44. Après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, le juge Lemieux a conclu dans cette affaire que c’est la norme de la décision correcte qui s’applique si la question porte sur la bonne interprétation de la loi et celle de la décision raisonnable simpliciter si la question porte sur l’application des principes juridiques appropriés aux faits. La norme de la décision manifestement déraisonnable s’applique quant à elle aux pures questions de fait.

 

Analyse

[5]               La question de déterminer ce qu’on a dit au demandeur et si les mots employés constituaient un « ordre » au sens de l’article 40 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en est une de droit et de fait.

 

[6]               Le défendeur avait déposé en preuve des définitions de dictionnaires pour les verbes « order » [« ordonner » en français] et « direct » [« donner instruction » en français], qui indiquaient qu’il s’agissait de synonymes. On ne peut trouver le fondement sur lequel reposerait la tentative du demandeur de distinguer ces termes courants, en particulier dans le contexte de l’administration quotidienne d’un établissement correctionnel.

 

[7]               Le défendeur a examiné la preuve et a conclu que le demandeur était coupable hors de tout doute raisonnable d’avoir désobéi à un ordre. On demande à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve. Cela ne constitue pas un motif approprié de contrôle judiciaire. Voir Brar c Canada (MEI), [1986] ACF no 346 (QL) (CAF).

 

[8]               En ce qui concerne l’allégation du demandeur selon laquelle il a le droit de se soustraire à la signification de documents juridiques, il s’est mépris sur l’objet de la signification de documents juridiques. L’exigence de signifier les actes introductifs d’instance ainsi que les documents ultérieurs dans le cadre d’une instance judiciaire sert à faire respecter le droit d’une personne d’être avisée des actions introduites contre elle sur l’ordre d’une autre partie. Cela permet à la personne en question de connaître les raisons pour lesquelles elle est visée dans l’instance judiciaire, afin d’être en mesure de se défendre. En outre, toute personne cherchant à se soustraire à la signification reconnaîtrait implicitement la légitimité de la procédure intentée contre elle et tenterait, de ce fait, de contrecarrer l’administration et la bonne marche de la justice.

 

[9]               Comme le demandeur est un détenu incarcéré dans un pénitencier, le défendeur est tenu, tant dans le but de protéger le droit du détenu à l’équité procédurale que pour contribuer à la promotion de l’administration de la justice, de permettre et de faciliter la signification de documents aux détenus lorsque des personnes engagées dans une instance judiciaire le lui demandent.

 

[10]           Par conséquent, une personne détenue dans un établissement n’a pas le droit de se soustraire à la signification de documents juridiques, et, donc, rien ne la justifie de désobéir à un ordre des autorités de l’établissement de se présenter à cette fin.

 

Conclusion

[11]           La demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

 


JUGEMENT

LA COUR STATUE que la demande est rejetée.

 

 

« Peter Annis »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

C. Laroche



COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 


DoSSIER :

                                                            T-1127-12

 

INTITULÉ :

WILLIAM A. JOHNSON c LE PRÉSIDENT INDÉPENDANT, TRIBUNAL DISCIPLINAIRE DE L’ÉTABLISSEMENT DE WARKWORTH

 

 

CONTRÔLE JUDICIAIRE PAR VIDÉOCONFÉRENCE TENUE LES 9 ET 16 JUILLET 2013 À TORONTO (ONTARIO) ET DANS LE CANTON DE BRIGHTON (ONTARIO).

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :

                                                            LE JUGE ANNIS

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :

                                                            LE 27 AOÛT 2013

COMPARUTIONS :

William A. Johnson

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

Andrew Law

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

William A. Johnson

Canton de Brighton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

 

William F. Pentney

Sous‑procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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